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vendredi 3 août 2007

Baie-de-Henne : la descente aux enfers

Un autre monde, c'est ce que l'on voit d'entrée de jeu lorsqu'on aborde la route qui mène à Baie-de-Henne. Les mornes arrogants et insultants dans leur nudité absolue annoncent la couleur sans ambages, sans coup de guidon. L'enfer, c'est bien ici, même s'il y a pas d'enseigne. La terre ne saigne plus. Elle ne saignera plus, elle est vidée. S'il est encore des pousses d'arachide dans des espaces dénudés, les arbres ont disparu. Même les cactus et les « bayawonn » sont en voie de disparition. Il est évident que Dieu ne passe plus par-là. Il a jeté l'éponge et la misère règne en maître.
Il n'y a rien à Baie-de-Henne ! Rien, absolument rien à défendre, sinon les hommes et les femmes qui ne veulent ou ne peuvent plus s'en aller. Ils ont choisi de mourir tranquillement chez eux. Une forme de suicide collectif comme dit Willot R. Joseph, l'un des responsables de Ayiti Gouvènans, l'organisation qui nous a invité à visiter la région du Bas Nord-Ouest, car il est difficile de comprendre que l'on puisse survivre dans un lieu aussi aride, aussi macabre.

Les visages sont blafards, les gens marchent au ralenti. Ils n'ont même plus envie de se plaindre. A quoi bon ? Cela fait si longtemps qu'on les a oubliés. De plus, pourquoi raconteraient-ils ce que tout le monde peut voir du premier coup d'oeil ?La misère, ici, a gagné ses lettres de noblesse. On la porte avec dignité et résignation. Des maisons crevées, en ruine, racontent que cela fait longtemps que cela dure, trop longtemps. On ne parle plus de Port-au-Prince, ni de Port-de-Paix. Baie de Henne est un monde à part qui vit replié sur lui-même, un monde qui essaie d'oublier qu'il existe et qu'il fait partie d'un pays.
Ici, on vit sans eau, sans électricité, sans soin de santé, sans autre ressource que le charbon que passent embarquer des camions tous les trois ou quatre jours. Des camions qui apportent la vie et qui cependant ne font que prolonger l'agonie d'une population moribonde et désespérée.

Patrice-Manuel Lerebours
patricemanuel@yahoo.com
plerebours@lenouvelliste.com

Source:

http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=46911&PubDate=2007-08-02

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Citation:
"Si vous voulez vraiment mourir, commencez par vous taire...." Franketienne: Ultravocal.

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