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Jean-Robert Cadet a créé une fondation
pour venir en aide aux enfants "restavec". |
Jean-Robert Cadet n'a jamais eu d'enfance. De 4 à 15 ans, il a été l'esclave d'une famille en Haïti. Aujourd'hui âgé d'une cinquantaine d'années, il a créé une fondation et écrit un livre pour dénoncer le sort réservé à ces enfants appelés les "restavec". Ce jeudi, il sera à Cognac pour raconter son histoire aux jeunes Cognaçais.
Tout a commencé par une lettre envoyée par des élèves du lycée Beaulieu. "En cours d'anglais, on a étudié l'esclavagisme des enfants dans le monde et plus particulièrement le problème des "restavec"", explique Martine Granier, leur professeur d'anglais, "les élèves ont été très émus par le sort de ces enfants. Ils se sont cotisés pour envoyer un don à la fondation et un courrier de soutien à Monsieur Cadet".
Hollywood intéressé par son histoire
Ce dernier a naturellement proposé de venir à leur rencontre lors de son prochain passage en France. "Je viens voir des amis à Paris et Strasbourg, je vais faire un détour par Cognac. Leur lettre m'a touché", explique-t-il au téléphone depuis sa maison de Port-au-Prince en Haïti. Il animera en plus une conférence le soir à La Salamandre, gratuite et ouverte à tous (1).
Selon l'Unicef, entre 250.000 et 400.000 enfants sont toujours victimes d'esclavagisme en Haïti. Résidant aux états-Unis, Jean-Robert Cadet passe la moitié de son temps dans les rues de l'île pour leur venir en aide. "Ils sont faciles à repérer. Vers 7h30 le matin, ils sont dans la rue pour chercher de l'eau. Ils accompagnent souvent les enfants en habits d'école, alors qu'eux sont en haillons et pieds nus. Quelque fois je les suis chez eux et je propose à la famille de prendre en charge leur scolarité. Mais je ne peux pas les enlever à la famille". Souvent, les enfants sont donnés aux familles par des amis ou des relations. Lui est né d'un père blanc et riche et d'une mère noire et pauvre à la fin des années 1950. A 4 ans, après la mort de sa mère, il a été donné à une famille haïtienne comme esclave. Ménage, travail physique, brimades, sévices physiques et sexuels ont été son quotidien jusqu'à ses 15 ans.
La famille a ensuite déménagé aux États-Unis. Là, elle a réalisé qu'il était interdit d'avoir des esclaves. "Ils m'ont d'abord inscrit à l'école avec leurs propres enfants, mais c'était une honte pour eux. Ils m'ont mis à la porte. J'étais un enfant sans abris, je ne parlais pas anglais, je ne connaissais rien à la culture new-yorkaise". Il a frappé à la porte d'un lycée, où un professeur l'a aiguillé vers les services sociaux. Jean-Robert Cadet a pu étudier et décrocher une maîtrise de littérature et un diplôme en relations internationales.
Il a longtemps enfoui l'histoire de son enfance, jusqu'à ce que son fils de 6 ans lui demande où étaient ses parents. "Je n'ai pas su quoi répondre. Je n'ai pas réussi à dormir, je me suis mis à écrire mon histoire pour mon fils". En 2003, son livre est sorti en France. Trois ans plus tard, il créait sa fondation. Il travaille aujourd'hui à une adaptation au cinéma avec un réalisateur hollywoodien.
(1) À 20h30 jeudi, un don pourra être fait à la fondation. La soirée est organisée conjointement avec la Ville
http://www.jeanrcadet.org
http://www.charentelibre.fr/2013/06/03/un-ancien-enfant-esclave-haitien-temoigne-a-cognac,1838577.php