Selon l’agence espagnole EFE, les deux chefs d’Etat ont jugé nécessaire de favoriser l’approfondissement des "liens fraternels"qui unissent les deux pays dont les relations ont été, ces dernières années, très affectées par l’épineux problème de flux migratoire haïtien en territoire voisin.
Après un tête-à-tête d’une demi-heure au bureau du premier mandataire dominicain, Préval et Fernàndez n’ont fait aucune déclaration à la presse, mais leurs propos ont été relayés par la diffusion d’un vidéo et des déclarations de leurs proches collaborateurs.
Qualifiant la rencontre "d’exceptionnelle", le Président dominicain a estimé qu’elle constituait "une grande opportunité pour le renforcement des liens fraternels qui doivent exister entre Haïti et la République Dominicaine". De son point de vue, "les deux pays sont destinés à être des frères malgré les différences du passé. Les conquêtes de l’avenir nous unissent davantage que les affrontements et les problèmes".
Dans le cadre d’un effort mutuel visant à surmonter les divergences, René Préval s’est, pour sa part, déclaré prêt à travailler à un rapprochement entre les citoyens des deux nations. "Nous allons regarder le monde d’une manière positive", a assuré le Président.
Les deux dirigeants ont visiblement évité d’aborder le thème migratoire à l’origine ces derniers mois d’une nouvelle fièvre nationaliste à la suite de la publication d’un rapport d’Amnesty International et de la sortie de plusieurs documentaires dénonçant les conditions proches de l’esclavage dans lesquelles vivent des haïtiens en République Dominicaine.
Leonel Fernàndez a préféré souligner que l’agenda de cette visite était dominé essentiellement par la célébration du centenaire de l’illustre homme de lettres et penseur politique haïtien Jacques Roumain (1907-1944). "La culture va nous unir", a laissé entendre le chef de l’Etat. Après un déjeûner offert au salon vert situé au troisième étage du Palais National (siège de la Présidence), il a assisté en compagnie de son homologue haïtien à une table ronde autour de l’œuvre littéraire et politique de Roumain. A l’auditorium Pedro Mir de l’Université Autonome de Santo Domingo (UASD), le chercheur franco-américain Léon François Hoffman a été le principal animateur des débats sur l’auteur des "Gouverneurs de la rosée", le plus célèbre roman de la littérature haïtienne, traduit en 32 langues, salué par la critique du monde entier et qui a fait l’objet d’adaptations cinématographiques.
Une projection spéciale du documentaire du cinéaste haïtien Arnold Antonin intitulé "Vie et œuvre de Jacques Roumain" était également au programme.
Le quotidien dominicain El Nuevo Diario précise que Leonel Fernàndez a établi un parallèle entre "Les gouverneurs de la rosée" et un roman de l’ancien Président dominicain Juan Bosch titré "La mañosa", en insistant sur la communauté thématique et idéologique des deux œuvres inscrites dans l’univers rural et dans la quête d’un projet national.
"En ce moment, nous célébrons le centenaire de Jacques Roumain et dans deux ans nous allons célébrer en République Dominicaine le centenaire de Juan Bosch (1909-2001). Je crois qu’une grande opportunité s’offre à nous pour le renforcement des liens fraternels qui doivent exister entre Haïti et la République Dominicaine à travers la culture et particulièrement à travers ces deux géants de la création et de la pensée qui, dans ces temps de globalisation, contribuent à la réaffirmation de l’identité culturelle nationale de nos peuples", a conclu M. Fernàndez considéré comme l’héritier politique de Bosch.
Pour sa part, le ministre haïtien de la culture, Daniel Elie, a affirmé en présence des deux chefs d’Etat que cette commémoration représentait une "réparation historique de l’Etat dominicain envers le poète haïtien".
Il a notamment rappelé que Roumain fut emprisonné à Paris en 1937 à la suite d’une plainte de l’ancien dictateur dominicain Rafael Leonidas Trujillo (1930-1961) contre l’écrivain qui dénonçait l’horreur du massacre des haïtiens -entre 20.000 et 50.000- ordonné par le maître de Santo Domingo.
"Nos deux pays doivent avancer dans leurs relations pour créer une amitié irréversible. Nous devons reconnaître nos erreurs pour ne pas les répéter et nous avons le devoir de le faire parce que si nous faisons le contraire l’histoire ne nous le pardonnera pas", a averti Daniel Elie.
Avant Santo Domingo, l’année Roumain avait donné lieu à des manifestations culturelles d’inégale importance notamment en Haïti, dans les Antilles françaises, en France métropolitaine, aux Etats-Unis et au Canada.
Après neuf heures passées dans la capitale dominicaine, la délégation haïtienne a regagné Port-au-Prince jeudi soir à bord d’un vol privé. spp/RK