Agence France-Presse,Washington
Des détenus de la prison des Cayes, troisième ville d'Haïti, ont été tués par la police le 19 janvier, une semaine après le puissant tremblement de terre et un chef de gang en fuite a été à tort accusé des meurtres, selon une enquête du New York Times publiée dimanche.
Selon le quotidien, qui cite plusieurs anciens prisonniers, des familles des défunts, la police et un rapport confidentiel des Nations Unies sur le drame, tout a commencé le soir du 12 janvier, où la terre a tremblé aux Cayes - dans des proportions moindres qu'à Port-au-Prince mais provoquant la panique générale.
Les quelque 450 détenus de la prison ont été regroupés dans un nombre limité de cellules, tellement serrés les uns contre les autres qu'ils devaient se relayer pour dormir par terre, et les douches ont été supprimées. «La tension a commencé à monter (...) on a fait des projets d'évasion», explique au New York Times un ancien détenu sous couvert d'anonymat.
Au cours de cette tentative, un chef de gang, connu sous le nom de Ti Mousson «s'est échappé aux yeux de tous». La police haïtienne est entrée plusieurs heures plus tard dans la prison, après avoir lancé 30 grenades lacrymogènes qui ont neutralisé les prisonniers, selon le journal.
C'est alors que, selon la police, les forces de l'ordre «ont trouvé plusieurs corps gisant sur le sol tués par un chef de gang parce qu'ils refusaient de participer à l'évasion». Le nombre exact de morts n'est pas précisé mais le quotidien évoque «des dizaines» de corps.
Mais deux cuisinières présentes dans la prison au moment de l'émeute, ont assuré n'avoir vu aucun corps dans la cour de la prison.
«Ils ont tiré sur tout le monde, j'avais plein de sang sur moi (...) même quand les gens n'essayaient pas de s'échapper, ils étaient nerveux et ils tiraient», raconte un ancien prisonnier au quotidien, en parlant des policiers.
Un responsable humanitaire qui a enquêté sur la tragédie, Myrtil Yonel, a assuré au New York Times que non seulement la police avait tiré sur des détenus non armés mais qu'elle avait «ciblé ses tirs» notamment sur des chefs de gang.
Les corps ont été pour la plupart enterré dans les fosses communes qui ont fleuri après le séisme qui a fait 250.000 morts.
Juste après le drame, les Nations Unies ont dépêché une enquête sur place et les photos qui ont été prises sont «les seuls éléments matériels qui existent sur les faits». «Selon trois personnes qui les ont vues, elles montrent des corps dans la cour de la prison et dans les cellules, dont plusieurs sont transpercés de multiples balles», décrit le New York Times.
«Depuis quatre mois, les Américains et l'ONU n'ont pas commenté publiquement les meurtres dans la prison des Cayes, affirmant que c'était aux autorités haïtiennes de prendre l'enquête en charge», explique le quotidien. Il assure qu'une enquête a fini par être diligentée par le chef de mission de l'ONU en Haïti, Edmond Mulet.
http://www.cyberpresse.ca/international/amerique-latine/seisme-en-haiti/201005/23/01-4283213-haiti-la-police-a-tue-des-detenus-une-semaine-apres-le-seisme.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B13b_seisme-en-haiti_557239_section_POS1
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
lundi 24 mai 2010
LE GRAND LIVRE DU 12 JANVIER...EMMELIE PROPHETE
Ici, presque personne n'ose dire " tremblement de terre ". Comme si ne pas prononcer ces mots, n'évoquer le séisme qu'avec des euphémismes mettait du baume sur les douleurs ou ferait – pourquoi pas ? – fondre ces tonnes de décombres qui jonchent les rues et encombrent les têtes. La mémoire est tenace, prise entre ce présent coupé en deux, cette pause forcée entre la vie et la mort. Repenser. Refaire. Décaler. Les chantiers sont énormes. Tout est prioritaire.
Ces grands villages de tentes, ces femmes à la démarche lente et désespérée, ces enfants à béquilles qui ne pourront plus courir après le ballon ou le papillon attendent ce rêve qui devra être plus grand que leur souffrance, l'ouverture d'une porte sur un monde où les maisons résistent à la pluie, un monde dans lequel on lit et rêve, un monde où l'on vit en harmonie avec les éléments. En harmonie les uns avec les autres, peut-être… Apporter le livre avec la conviction qu'il peut réconforter, changer la vie, faciliter l'intégration. Le pari ne sera gagné que si nous arrivons à nous adapter à la nouvelle réalité. Au nouveau pays. Tout commencer ou recommencer avec un livre : le grand livre du 12 janvier.
Conserver et transmettre la mémoire de l'avant-12 janvier, contribuer à éviter qu'une catastrophe du même type ne nous trouve dans cette impréparation quasi totale en matière d'information sur les séismes alors que nous avions eu des séismes dans le passé et que la probabilité élevée d'un tremblement de terre était connue.
Un grand livre. Le grand livre du 12 janvier. Un ouvrage de compilation à plusieurs dimensions qui constituera une référence en matière d'information sur le tremblement de terre qui nous a frappés. Un livre qui vise à maintenir vivante la mémoire de cette tragédie. Un ouvrage à caractère informatif, didactique, préventif, esthétique et patrimonial.
Le grand livre du 12 janvier, pour prévenir les générations futures de l'ampleur d'un séisme et les aider à s'y préparer. Un monument imprimé qui témoigne du passage de cette grande catastrophe, rende hommage à la mémoire des victimes, serve de passerelle entre l'avant et l'après-12 janvier ; rende compte de ce que nous avions été et de ce que, désormais, nous refusons d'être… Nous le lisons déjà avec les enfants, les tout jeunes, les adolescents. Nous le lisons dans les baraques qui servent désormais de salles de classe, à proximité des campements pour donner un coup de pouce à la vie, au temps, pour que la transition se fasse entre cet avant et cet après condamné à être meilleur. Les mêmes solidarités sont là. Les solidarités qui portent. Les solidarités sincères, celles de l'intérieur. Cette solidarité qui a sorti des centaines de corps sous les décombres, loin des caméras, loin de la folie voyeuriste.
Chaque témoignage sur ces trente-cinq secondes qui ont changé notre vie est consigné. Nous les appelons les archives marginales du 12 janvier. Il y a autant d'histoires que de cadavres. Nous ne refusons rien de cet héritage. Tout est nôtre. Tout doit être partagé. Ce ne sera pas un livre. Ce sera un exercice utile pour refuser l'oubli et aborder l'après avec sérénité.
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Emmelie Prophète est poète. Elle vit à Port-au-Prince où elle est responsable de la Direction nationale du livre. Dernier récit paru : Le Testament des solitudes (Ed. Mémoire d'encrier, 2007).
Ces grands villages de tentes, ces femmes à la démarche lente et désespérée, ces enfants à béquilles qui ne pourront plus courir après le ballon ou le papillon attendent ce rêve qui devra être plus grand que leur souffrance, l'ouverture d'une porte sur un monde où les maisons résistent à la pluie, un monde dans lequel on lit et rêve, un monde où l'on vit en harmonie avec les éléments. En harmonie les uns avec les autres, peut-être… Apporter le livre avec la conviction qu'il peut réconforter, changer la vie, faciliter l'intégration. Le pari ne sera gagné que si nous arrivons à nous adapter à la nouvelle réalité. Au nouveau pays. Tout commencer ou recommencer avec un livre : le grand livre du 12 janvier.
Conserver et transmettre la mémoire de l'avant-12 janvier, contribuer à éviter qu'une catastrophe du même type ne nous trouve dans cette impréparation quasi totale en matière d'information sur les séismes alors que nous avions eu des séismes dans le passé et que la probabilité élevée d'un tremblement de terre était connue.
Un grand livre. Le grand livre du 12 janvier. Un ouvrage de compilation à plusieurs dimensions qui constituera une référence en matière d'information sur le tremblement de terre qui nous a frappés. Un livre qui vise à maintenir vivante la mémoire de cette tragédie. Un ouvrage à caractère informatif, didactique, préventif, esthétique et patrimonial.
Le grand livre du 12 janvier, pour prévenir les générations futures de l'ampleur d'un séisme et les aider à s'y préparer. Un monument imprimé qui témoigne du passage de cette grande catastrophe, rende hommage à la mémoire des victimes, serve de passerelle entre l'avant et l'après-12 janvier ; rende compte de ce que nous avions été et de ce que, désormais, nous refusons d'être… Nous le lisons déjà avec les enfants, les tout jeunes, les adolescents. Nous le lisons dans les baraques qui servent désormais de salles de classe, à proximité des campements pour donner un coup de pouce à la vie, au temps, pour que la transition se fasse entre cet avant et cet après condamné à être meilleur. Les mêmes solidarités sont là. Les solidarités qui portent. Les solidarités sincères, celles de l'intérieur. Cette solidarité qui a sorti des centaines de corps sous les décombres, loin des caméras, loin de la folie voyeuriste.
Chaque témoignage sur ces trente-cinq secondes qui ont changé notre vie est consigné. Nous les appelons les archives marginales du 12 janvier. Il y a autant d'histoires que de cadavres. Nous ne refusons rien de cet héritage. Tout est nôtre. Tout doit être partagé. Ce ne sera pas un livre. Ce sera un exercice utile pour refuser l'oubli et aborder l'après avec sérénité.
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Emmelie Prophète est poète. Elle vit à Port-au-Prince où elle est responsable de la Direction nationale du livre. Dernier récit paru : Le Testament des solitudes (Ed. Mémoire d'encrier, 2007).
REVES SOLAIRES....LOUIS-PHILIPPE D'ALEMBERT
Je fais souvent un rêve. Je vois le pays entier tapissé de panneaux solaires, se passant la lumière comme on se donne la main. De morne en morne, de plaine en vallée. Du morne La Selle à celui des Enfants perdus. Du pic Macaya au morne L'Enfer. De la vallée de l'Artibonite aux villes, comme Gonaïves, situées au-dessous du niveau de la mer. Il y en a partout. Tant et tant et tant. Il y en a tellement qu'ils font concurrence aux étoiles qui, le soir, éclairent nos pas. Tellement que nous n'avons plus besoin de déboiser pour cuire notre manger.
Tellement qu'il n'est plus nécessaire d'utiliser le gasoil pour faire fonctionner les groupes électrogènes et les générateurs qui ajoutent aux mille bruits des villes et polluent tout autant. Tellement que chacun en a pour ses besoins propres. Et il ne vient à l'esprit de personne d'acheter au marché noir des panneaux volés.
On peut boire sa bière bien fraîche, regarder son match de foot sans craindre de manquer un but de toute beauté et de première importance à cause d'une panne d'électricité. Se passionner tous les après-midi pour ses feuilletons préférés, qu'ils viennent du Mexique ou des Etats-Unis. Et nos morts, partout dans le pays, attendent bien au froid le retour des parents installés à l'étranger pour un dernier adieu. De nuit, le pays brille comme de jour, de cette énergie que nous avons à ne savoir qu'en faire.
Et tous, enfants et adultes, s'en vont dans la lumière, sans peur ni des loups-garous ni des zenglendo [les criminels]. Et voilà le pays catapulté sous tous les projecteurs du monde, non plus pour ses catastrophes politiques, non plus pour les calamités naturelles que nous n'avons pas su gérer, mais comme hier notre indépendance a pu servir de phare aux peuples épris de liberté.
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Louis-Philippe Dalembert est écrivain et poète. Il vit entre Haïti, Paris et Berlin. Il a reçu le prix Casa de las Americas pour Les dieux voyagent la nuit (Ed. du Rocher, 2006). Il a aussi publié un roman en créole, Epi oun jou konsa tèt Pastè Bab pati (Ed. des Presses nationales d'Haïti, 2008).
http://www.lemonde.fr/ameriques/article_interactif/2010/05/24/paroles-d-espoir-en-haiti_1361270_3222_6.html
Tellement qu'il n'est plus nécessaire d'utiliser le gasoil pour faire fonctionner les groupes électrogènes et les générateurs qui ajoutent aux mille bruits des villes et polluent tout autant. Tellement que chacun en a pour ses besoins propres. Et il ne vient à l'esprit de personne d'acheter au marché noir des panneaux volés.
On peut boire sa bière bien fraîche, regarder son match de foot sans craindre de manquer un but de toute beauté et de première importance à cause d'une panne d'électricité. Se passionner tous les après-midi pour ses feuilletons préférés, qu'ils viennent du Mexique ou des Etats-Unis. Et nos morts, partout dans le pays, attendent bien au froid le retour des parents installés à l'étranger pour un dernier adieu. De nuit, le pays brille comme de jour, de cette énergie que nous avons à ne savoir qu'en faire.
Et tous, enfants et adultes, s'en vont dans la lumière, sans peur ni des loups-garous ni des zenglendo [les criminels]. Et voilà le pays catapulté sous tous les projecteurs du monde, non plus pour ses catastrophes politiques, non plus pour les calamités naturelles que nous n'avons pas su gérer, mais comme hier notre indépendance a pu servir de phare aux peuples épris de liberté.
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Louis-Philippe Dalembert est écrivain et poète. Il vit entre Haïti, Paris et Berlin. Il a reçu le prix Casa de las Americas pour Les dieux voyagent la nuit (Ed. du Rocher, 2006). Il a aussi publié un roman en créole, Epi oun jou konsa tèt Pastè Bab pati (Ed. des Presses nationales d'Haïti, 2008).
http://www.lemonde.fr/ameriques/article_interactif/2010/05/24/paroles-d-espoir-en-haiti_1361270_3222_6.html
RECONSTRUIRE AVEC LES ARTISTES...DANY LAFERRIERE
Ce qui frappait en arrivant à Port-au-Prince, c'était une vibration dans l'air qui alertait immédiatement nos sens. Port-au-Prince était une vraie ville d'art, qui retenait le voyageur curieux. Cette ville est habituée à voir des œuvres partout. La population a un goût sûr, ce qui a fait dire à un Malraux ébahi : "Le seul peuple de peintres." L'artisanat est très vivant, créatif. La musique est à la fois grave si l'on écoute les paroles et entraînante si l'on veut danser. Il y a là une ébullition dont il faut tenir compte.
On va reconstruire Port-au-Prince suivant des normes précises, d'abord loger les gens avec une certaine sécurité. On accordera une attention particulière à l'hygiène publique – les égouts. Les maisons vont sûrement se ressembler. Des lotissements, peut-être. La ville perdra de son caractère anarchique mais gagnera en stabilité.
Il faut mettre les artistes dans le coup. Il faut faire appel à ces centaines de peintres de rue, dont les tableaux sont accrochés sur les murs de la ville, pour peindre les édifices publics. Les sculpteurs pour les parcs, les places. Des jardins autour des lotissements – c'est un art connu des marchandes de fleurs. Des salles de concerts en plein air pour les musiciens.
Il faut aussi aider les jeunes cinéastes apparus ces dernières années. On attend encore un film sur la révolte des esclaves qui a conduit à l'indépendance d'Haïti… Mettre une folle énergie sur l'art, le fabuleux trésor d'Haïti.
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Dany Laferrière, né à Port-au-Prince, a fui Haïti en 1976. Installé au Canada, il commence à écrire, retourne à Haïti en 1979, en repart. Il a reçu le prix Médicis pour L'Enigme du retour (Grasset, 2009). Il était à Haïti lors du séisme et en a tiré le récit Tout bouge autour de moi (Ed. Mémoire d'encrier, 2010).http://www.lemonde.fr/ameriques/article_interactif/2010/05/24/paroles-d-espoir-en-haiti_1361270_3222_5.html
On va reconstruire Port-au-Prince suivant des normes précises, d'abord loger les gens avec une certaine sécurité. On accordera une attention particulière à l'hygiène publique – les égouts. Les maisons vont sûrement se ressembler. Des lotissements, peut-être. La ville perdra de son caractère anarchique mais gagnera en stabilité.
Il faut mettre les artistes dans le coup. Il faut faire appel à ces centaines de peintres de rue, dont les tableaux sont accrochés sur les murs de la ville, pour peindre les édifices publics. Les sculpteurs pour les parcs, les places. Des jardins autour des lotissements – c'est un art connu des marchandes de fleurs. Des salles de concerts en plein air pour les musiciens.
Il faut aussi aider les jeunes cinéastes apparus ces dernières années. On attend encore un film sur la révolte des esclaves qui a conduit à l'indépendance d'Haïti… Mettre une folle énergie sur l'art, le fabuleux trésor d'Haïti.
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Dany Laferrière, né à Port-au-Prince, a fui Haïti en 1976. Installé au Canada, il commence à écrire, retourne à Haïti en 1979, en repart. Il a reçu le prix Médicis pour L'Enigme du retour (Grasset, 2009). Il était à Haïti lors du séisme et en a tiré le récit Tout bouge autour de moi (Ed. Mémoire d'encrier, 2010).http://www.lemonde.fr/ameriques/article_interactif/2010/05/24/paroles-d-espoir-en-haiti_1361270_3222_5.html
SE FILMER POUR DENOUER LES GORGES: YANOCK LAHENS
Mon utopie a les yeux de Nadia, de Makenson, de Feguens. Le sourire de Gaétan, d'Erncia, de Peter, d'Eslain. La vitalité de Lissa, de Samy, de Narcisse, de Dady.
Depuis deux ans, je travaille avec des jeunes de milieux sociaux différents dans le cadre de projets de documentaires. C'est un choix dans un pays où ceux d'en haut, ceux d'en bas et ceux du milieu s'ignorent les uns les autres. Je travaille avec peu de moyens. La taille de mes projets le permet, évidemment. Mais c'est aussi un choix dans un pays où la logique de l'aide peut pervertir aussi bien ceux qui la donnent que ceux qui la reçoivent.
Après le séisme, nous avons rapidement mis sur pied une équipe multidisciplinaire pour mener à bien un atelier. Elle est composée d'un psychologue, Ronald, d'une professeure de cinéma canadienne, Yolaine, d'un jeune cinéaste haïtien, André, qui a fait ses premières armes dans des projets sociaux dans le quartier populaire de Carrefour Feuilles, d'un jeune peintre et photographe, Philippe. Je me rends avec Yolaine pour la première fois à la mi-février dans le camp du Club de Pétionville, le plus grand et le plus peuplé de la zone métropolitaine. J'y rencontre le pasteur Saint-Cyr, qui ne se contente pas de s'occuper du rachat des âmes mais sert d'interface entre la population haïtienne et les dix-sept organisations qui interviennent dans le camp. Il me présente douze adolescents. Ils sont peu bavards, leurs yeux scrutent. Je connais cette méfiance instinctive, légitime, derrière laquelle pointent toujours malgré tout la curiosité et l'espoir.
Les jeunes arrivent le matin du 27 février, chaussés de sandales, les pieds blancs de poussière, les garçons vêtus de bermudas et de grands tee-shirts ; les filles, elles, n'ont pas renoncé à être belles. Même dans le camp, les clivages sont là : deux d'entre eux sont des francophones qui feraient pâlir des jeunes des meilleurs lycées de France, d'autres manient le français avec difficulté, d'autres sont des créolophones unilingues. On commence par une thérapie de groupe pour que les adolescents se délestent de leur trauma du 12 janvier. L'investissement émotionnel de ce matin-là est intense.
Certains ont perdu des parents, des amis, des camarades de classe, des voisins.
Les mots finiront par sortir des gorges nouées. Des larmes coulent le long des joues. L'équipe est émue, silencieuse jusqu'au recueillement. C'est la première fois que ces adolescents parlent de leur souffrance de manière aussi libre, aussi ouverte. La séance se terminera sur les paroles de Gaëtan, qui n'a perdu aucun parent ou ami mais se dit hanté jusque dans son sommeil par deux yeux qu'il a entrevus sous les décombres et par une voix qui sortait des gravats pour demander de l'aide : " Mon petit, je t'en supplie, sors-moi de là. " Il a tout fait, trois jours durant, pour sauver cette personne dont la voix faiblissait et dont les yeux s'éteignaient. Au matin du quatrième jour, il n'a plus entendu la voix et n'a vu qu'un front baissé. Depuis, il ne peut plus passer dans cette rue.
Les exercices pratiques du lendemain, comme les premiers visionnements de leur travail avec André (à peine plus âgé qu'eux), défont les nœuds. Les premières plaisanteries fusent, les rires aussi. Ils ne s'arrêteront plus. Le caractère ludique de l'activité les métamorphose dès le troisième jour. La seconde manche, c'est la préparation des scénarios puis du tournage. Trois jours de travail pendant lesquels on classe les idées, on les met en cohérence pour parvenir à un tout qui tient la route.
Nous avons su que ces deux manches étaient gagnées dès le premier jour de tournage. La pluie est tombée dru la nuit précédente et un crachin persiste. Malgré la boue, qui entrave la marche, et la pluie, nous sommes parvenus à boucler le programme. L'accueil dans le camp est bienveillant, enthousiaste même parce que ce sont des adolescents du lieu qui sont aux commandes. Deux documentaires de dix minutes chacun, N ap viv kan menm (" Nous vivons en dépit de tout ") et Jodi pa demen (" Les jours se suivent et ne se ressemblent pas "), ont donc été projetés le samedi 28 mars. Il a fallu, là aussi, improviser. La projection a eu lieu sous un arbre, dans l'espace qui sert d'église au pasteur Saint-Cyr. Les tout-petits investissent les premières rangées en s'asseyant sur des bidons vides. Des adultes arrivent avec leurs chaises, d'autres prennent place en rangs serrés autour de l'arbre. Les jeunes réalisateurs, en habits du dimanche, sont les vedettes de la soirée. Près d'un millier de spectateurs attendent fébrilement les premières images. Les commentaires fusent, les moments de silence sont palpables. Les spectateurs ne cachent pas leur bonheur de voir sur l'écran un monde qui est le leur, porté par des enfants du lieu. La soirée se terminera en apothéose avec la projection surprise de quelques images du making of sur fond de musique rap créole, reprise en chœur par tous.
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Yanick Lahens vit à Port-au-Prince, où elle développe des actions citoyennes et culturelles. Elle est notamment l'auteur des romans Dans la maison du père (Le Serpent à Plumes, 2000) et La Couleur de l'aube (Ed. Sabine Wespieser, 2008), et de l'essai L'Exil : entre l'ancrage et la fuite, l'écrivain haïtien (Ed. Deschamps, 1990).
http://www.lemonde.fr/ameriques/article_interactif/2010/05/24/paroles-d-espoir-en-haiti_1361270_3222_4.html
Depuis deux ans, je travaille avec des jeunes de milieux sociaux différents dans le cadre de projets de documentaires. C'est un choix dans un pays où ceux d'en haut, ceux d'en bas et ceux du milieu s'ignorent les uns les autres. Je travaille avec peu de moyens. La taille de mes projets le permet, évidemment. Mais c'est aussi un choix dans un pays où la logique de l'aide peut pervertir aussi bien ceux qui la donnent que ceux qui la reçoivent.
Après le séisme, nous avons rapidement mis sur pied une équipe multidisciplinaire pour mener à bien un atelier. Elle est composée d'un psychologue, Ronald, d'une professeure de cinéma canadienne, Yolaine, d'un jeune cinéaste haïtien, André, qui a fait ses premières armes dans des projets sociaux dans le quartier populaire de Carrefour Feuilles, d'un jeune peintre et photographe, Philippe. Je me rends avec Yolaine pour la première fois à la mi-février dans le camp du Club de Pétionville, le plus grand et le plus peuplé de la zone métropolitaine. J'y rencontre le pasteur Saint-Cyr, qui ne se contente pas de s'occuper du rachat des âmes mais sert d'interface entre la population haïtienne et les dix-sept organisations qui interviennent dans le camp. Il me présente douze adolescents. Ils sont peu bavards, leurs yeux scrutent. Je connais cette méfiance instinctive, légitime, derrière laquelle pointent toujours malgré tout la curiosité et l'espoir.
Les jeunes arrivent le matin du 27 février, chaussés de sandales, les pieds blancs de poussière, les garçons vêtus de bermudas et de grands tee-shirts ; les filles, elles, n'ont pas renoncé à être belles. Même dans le camp, les clivages sont là : deux d'entre eux sont des francophones qui feraient pâlir des jeunes des meilleurs lycées de France, d'autres manient le français avec difficulté, d'autres sont des créolophones unilingues. On commence par une thérapie de groupe pour que les adolescents se délestent de leur trauma du 12 janvier. L'investissement émotionnel de ce matin-là est intense.
Certains ont perdu des parents, des amis, des camarades de classe, des voisins.
Les mots finiront par sortir des gorges nouées. Des larmes coulent le long des joues. L'équipe est émue, silencieuse jusqu'au recueillement. C'est la première fois que ces adolescents parlent de leur souffrance de manière aussi libre, aussi ouverte. La séance se terminera sur les paroles de Gaëtan, qui n'a perdu aucun parent ou ami mais se dit hanté jusque dans son sommeil par deux yeux qu'il a entrevus sous les décombres et par une voix qui sortait des gravats pour demander de l'aide : " Mon petit, je t'en supplie, sors-moi de là. " Il a tout fait, trois jours durant, pour sauver cette personne dont la voix faiblissait et dont les yeux s'éteignaient. Au matin du quatrième jour, il n'a plus entendu la voix et n'a vu qu'un front baissé. Depuis, il ne peut plus passer dans cette rue.
Les exercices pratiques du lendemain, comme les premiers visionnements de leur travail avec André (à peine plus âgé qu'eux), défont les nœuds. Les premières plaisanteries fusent, les rires aussi. Ils ne s'arrêteront plus. Le caractère ludique de l'activité les métamorphose dès le troisième jour. La seconde manche, c'est la préparation des scénarios puis du tournage. Trois jours de travail pendant lesquels on classe les idées, on les met en cohérence pour parvenir à un tout qui tient la route.
Nous avons su que ces deux manches étaient gagnées dès le premier jour de tournage. La pluie est tombée dru la nuit précédente et un crachin persiste. Malgré la boue, qui entrave la marche, et la pluie, nous sommes parvenus à boucler le programme. L'accueil dans le camp est bienveillant, enthousiaste même parce que ce sont des adolescents du lieu qui sont aux commandes. Deux documentaires de dix minutes chacun, N ap viv kan menm (" Nous vivons en dépit de tout ") et Jodi pa demen (" Les jours se suivent et ne se ressemblent pas "), ont donc été projetés le samedi 28 mars. Il a fallu, là aussi, improviser. La projection a eu lieu sous un arbre, dans l'espace qui sert d'église au pasteur Saint-Cyr. Les tout-petits investissent les premières rangées en s'asseyant sur des bidons vides. Des adultes arrivent avec leurs chaises, d'autres prennent place en rangs serrés autour de l'arbre. Les jeunes réalisateurs, en habits du dimanche, sont les vedettes de la soirée. Près d'un millier de spectateurs attendent fébrilement les premières images. Les commentaires fusent, les moments de silence sont palpables. Les spectateurs ne cachent pas leur bonheur de voir sur l'écran un monde qui est le leur, porté par des enfants du lieu. La soirée se terminera en apothéose avec la projection surprise de quelques images du making of sur fond de musique rap créole, reprise en chœur par tous.
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Yanick Lahens vit à Port-au-Prince, où elle développe des actions citoyennes et culturelles. Elle est notamment l'auteur des romans Dans la maison du père (Le Serpent à Plumes, 2000) et La Couleur de l'aube (Ed. Sabine Wespieser, 2008), et de l'essai L'Exil : entre l'ancrage et la fuite, l'écrivain haïtien (Ed. Deschamps, 1990).
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UNE REPUBLIQUE FONDEE SUR L'EQUITE
La révolution haïtienne, qui aboutit à la création d'un Etat aujourd'hui en péril, pose aux élites haïtiennes et à l'Occident une question à laquelle ils n'ont pas encore su apporter une réponse positive. Seule rupture réussie avec la colonisation et l'esclavage modernes, conduite par les esclaves eux-mêmes, elle fut, en son temps, impensable pour les penseurs occidentaux les plus révolutionnaires. La première réponse de l'Occident consista donc à banaliser les faits de l'horreur coloniale et de la victoire indigène.
Négation, oubli. Les conséquences pratiques de cette attitude mentale furent des politiques d'ostracisme, de violence symbolique. Pendant longtemps, l'Occident se chargea d'interdire par tous les moyens ce pays à lui-même. Il fut en cela aidé par les élites haïtiennes elles-mêmes qui accaparèrent les bénéfices de la révolution à leur seul profit, au point qu'un intellectuel haïtien pouvait écrire – dans une formule osée et provocatrice sans être pour autant une boutade – qu'avant l'Indépendance, il existait à Saint-Domingue " les colons, les affranchis et les esclaves " et que depuis, il ne restait plus que " les colons et les esclaves ".
La catastrophe du 12 janvier a donné à voir ce qui était déjà visible : la pauvreté, la précarité, l'immense chantier des besoins à satisfaire, et offre un beau miroir truqué aux appels à la sainteté de l'humanitaire. Ce qui guide la "communauté internationale" semble être cette logique de l'humanitaire, combinée avec les poncifs de la bonne gouvernance, de l'intégration dans le monde des "normes" actuelles et des lois du marché. Le tremblement de terre du 12 janvier a "actualisé" aux yeux de bon nombre d'Haïtiens cette urgence vieille de deux cents ans : refonder la société haïtienne sur des bases plus égalitaires, structurer les rapports sociaux dans une logique républicaine assurant une sphère commune de citoyenneté.
Haïti a pour elle une grande histoire, une puissance inventive qui ne cesse d'étonner, le bel art de la rébellion, mais les rapports entre les individus et les groupes sociaux qui composent la société ne sont pas fondés sur l'équité. La tâche à accomplir de toute urgence n'a donc pas changé du point de vue haïtien. Il s'agit de l'accomplir en la doublant d'une autre nécessité : aider les victimes du tremblement de terre, et aider la société à se reconstruire.
L'écart risque dès lors de se creuser, et se creuse de fait, entre la vision de l'international – l'obsession des riches de " discipliner " les pauvres, gouvernance et lois du marché – et la vision haïtienne : fonder enfin la République sur l'équité. Les " experts ", " technocrates ", " spécialistes " apportent des " techniques " et des recettes qui ont plus ou moins bien marché ailleurs, sans que la question fondamentale ne les préoccupe : que faut-il changer dans l'organisation sociale ? Cette question, ce n'est pas à la " communauté internationale " d'en trouver la réponse, mais aux Haïtiens eux-mêmes.
Le problème, aujourd'hui, dans cette période d'urgence et de péril, c'est que l'Etat – représenté par un gouvernement faible et sous pilotage – ne peut porter la parole haïtienne. En avril, le parlement a adopté une loi sous la pression du président de la République et à la demande de " l'international ". Elle prolonge l'état d'urgence pour une période de dix-huit mois et confie l'orientation de la reconstruction à un comité coprésidé par Bill Clinton et le premier ministre haïtien, Jean-Max Bellerive. Ce comité est composé de représentants d'Etats étrangers et d'institutions internationales. Cela inaugure de manière officielle la mise hors-jeu de la société haïtienne dans des décisions qui la concernent. Ignorée par des instances politiques de plus en plus critiquées, la parole haïtienne est condamnée à se rassembler ailleurs, dans des espaces civils, et a dès lors du mal à se faire entendre.
Aujourd'hui, à Haïti, un sentiment de méfiance s'installe dans la population vis-à-vis des instances institutionnelles. Et l'idée que la société civile internationale, plus désireuse d'écouter et de comprendre, peut être la grande alliée de la cause haïtienne, se répand et constitue le véritable espoir.
Lyonel Trouillot, romancier, poète, militant, professeur de littérature à l'Institut français, n'a jamais voulu quitter Haïti. Auteur de nombreux romans publiés chez Actes Sud, il faisait partie du collectif NON, créé à la fin de l'année 2003 pour demander le départ du président Aristide. Son dernier livre, Yanvalou pour Charlie (Actes Sud, 2009), a reçu le prix Wepler de la Fondation La Poste.
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Evelyne Trouillot " reconstruire l'école haïtienne "
Tant d'enfants dans les rues de Port-au-Prince, dans les bidonvilles et sur les chemins des villes de province, sur les sentiers conduisant aux montagnes, tant d'enfants que le pays donne l'impression d'un immense jardin d'enfants, une école sans balises ni murs, sans maîtres ni programmes.
Et pourtant, jamais différences ne furent plus grandes et lourdes de conséquences entre ces enfants. Les origines sociales, la couleur de la peau, les conditions économiques, la langue parlée, le lieu de résidence, tous ces critères entrent en jeu pour déterminer l'avenir des enfants. Ils déterminent aussi leur existence même puisque l'absence de soins de santé et l'insalubrité vont jouer un rôle déterminant dans le taux de mortalité infantile.
L'école haïtienne contribue à maintenir et à creuser les différences entre les enfants. Les établissements scolaires, en majorité privés, reflètent les inégalités économiques et sociales du milieu. Leur aspect physique, le matériel utilisé, la formation des maîtres, les manuels employés diffèrent de manière frappante d'une catégorie d'écoles à l'autre. (…) Une reconstruction de l'école haïtienne demande l'augmentation considérable de l'offre scolaire pour que la majorité des enfants haïtiens, indépendamment de leur lieu de vie, de leur origine sociale, de leurs conditions économiques, ait accès à l'école.
L'élaboration de programmes tenant compte de la réalité haïtienne et des besoins de la population est nécessaire – des programmes qui mettraient en valeur les diverses composantes de la vie haïtienne pour casser les préjugés contre le monde rural, la religion vaudou, la langue créole, les métiers manuels, les milieux sociaux pauvres ou modestes.
La taxation des établissements scolaires qui suivent un cursus étranger pour refréner le nombre croissant d'écoles formant des jeunes ignorants et indifférents face à la réalité du pays. Une politique de subvention et de bourses pour permettre aux jeunes les plus capables issus de milieux défavorisés d'intégrer des écoles privées de qualité exceptionnelle. La formation initiale et continue d'enseignants en nombre suffisant pour assurer l'éducation de la majorité des enfants. L'utilisation de la langue créole dans toutes les écoles pour l'apprentissage de la lecture. La supervision effective par l'Etat de l'application desdits programmes.
La formation d'un groupe d'enseignants chargés d'enseigner uniquement la langue française pour permettre à tous les scolaires d'apprendre ladite langue pour qu'elle cesse d'être un instrument de pouvoir socio-économique et un privilège.
Parallèlement, un ensemble d'actions culturelles aiderait à concrétiser cet objectif : l'augmentation du corpus littéraire en créole par une politique de traduction des classiques de la littérature haïtienne francophone et de la littérature universelle ; la mise en place de structures d'encadrement (ateliers de lecture et d'écriture, ciné-clubs) qui permettraient de colmater davantage les brèches entre les enfants issus de milieux différents.
Ainsi se dessinerait une école unique où les enfants haïtiens se retrouveraient moins inégaux, dans une démarche d'épanouissement individuel et social et dans un objectif commun de construction de la nation.
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Evelyne Trouillot travaille dans l'éducation à Port-au-Prince. Elle écrit des romans, des contes pour enfants, de la poésie. Son roman Rosalie l'infâme (Ed. Dapper, 2003) a obtenu le prix Soroptimist. Elle vient de publier La Mémoire aux abois (Hoëbeke).
Négation, oubli. Les conséquences pratiques de cette attitude mentale furent des politiques d'ostracisme, de violence symbolique. Pendant longtemps, l'Occident se chargea d'interdire par tous les moyens ce pays à lui-même. Il fut en cela aidé par les élites haïtiennes elles-mêmes qui accaparèrent les bénéfices de la révolution à leur seul profit, au point qu'un intellectuel haïtien pouvait écrire – dans une formule osée et provocatrice sans être pour autant une boutade – qu'avant l'Indépendance, il existait à Saint-Domingue " les colons, les affranchis et les esclaves " et que depuis, il ne restait plus que " les colons et les esclaves ".
La catastrophe du 12 janvier a donné à voir ce qui était déjà visible : la pauvreté, la précarité, l'immense chantier des besoins à satisfaire, et offre un beau miroir truqué aux appels à la sainteté de l'humanitaire. Ce qui guide la "communauté internationale" semble être cette logique de l'humanitaire, combinée avec les poncifs de la bonne gouvernance, de l'intégration dans le monde des "normes" actuelles et des lois du marché. Le tremblement de terre du 12 janvier a "actualisé" aux yeux de bon nombre d'Haïtiens cette urgence vieille de deux cents ans : refonder la société haïtienne sur des bases plus égalitaires, structurer les rapports sociaux dans une logique républicaine assurant une sphère commune de citoyenneté.
Haïti a pour elle une grande histoire, une puissance inventive qui ne cesse d'étonner, le bel art de la rébellion, mais les rapports entre les individus et les groupes sociaux qui composent la société ne sont pas fondés sur l'équité. La tâche à accomplir de toute urgence n'a donc pas changé du point de vue haïtien. Il s'agit de l'accomplir en la doublant d'une autre nécessité : aider les victimes du tremblement de terre, et aider la société à se reconstruire.
L'écart risque dès lors de se creuser, et se creuse de fait, entre la vision de l'international – l'obsession des riches de " discipliner " les pauvres, gouvernance et lois du marché – et la vision haïtienne : fonder enfin la République sur l'équité. Les " experts ", " technocrates ", " spécialistes " apportent des " techniques " et des recettes qui ont plus ou moins bien marché ailleurs, sans que la question fondamentale ne les préoccupe : que faut-il changer dans l'organisation sociale ? Cette question, ce n'est pas à la " communauté internationale " d'en trouver la réponse, mais aux Haïtiens eux-mêmes.
Le problème, aujourd'hui, dans cette période d'urgence et de péril, c'est que l'Etat – représenté par un gouvernement faible et sous pilotage – ne peut porter la parole haïtienne. En avril, le parlement a adopté une loi sous la pression du président de la République et à la demande de " l'international ". Elle prolonge l'état d'urgence pour une période de dix-huit mois et confie l'orientation de la reconstruction à un comité coprésidé par Bill Clinton et le premier ministre haïtien, Jean-Max Bellerive. Ce comité est composé de représentants d'Etats étrangers et d'institutions internationales. Cela inaugure de manière officielle la mise hors-jeu de la société haïtienne dans des décisions qui la concernent. Ignorée par des instances politiques de plus en plus critiquées, la parole haïtienne est condamnée à se rassembler ailleurs, dans des espaces civils, et a dès lors du mal à se faire entendre.
Aujourd'hui, à Haïti, un sentiment de méfiance s'installe dans la population vis-à-vis des instances institutionnelles. Et l'idée que la société civile internationale, plus désireuse d'écouter et de comprendre, peut être la grande alliée de la cause haïtienne, se répand et constitue le véritable espoir.
Lyonel Trouillot, romancier, poète, militant, professeur de littérature à l'Institut français, n'a jamais voulu quitter Haïti. Auteur de nombreux romans publiés chez Actes Sud, il faisait partie du collectif NON, créé à la fin de l'année 2003 pour demander le départ du président Aristide. Son dernier livre, Yanvalou pour Charlie (Actes Sud, 2009), a reçu le prix Wepler de la Fondation La Poste.
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Evelyne Trouillot " reconstruire l'école haïtienne "
Tant d'enfants dans les rues de Port-au-Prince, dans les bidonvilles et sur les chemins des villes de province, sur les sentiers conduisant aux montagnes, tant d'enfants que le pays donne l'impression d'un immense jardin d'enfants, une école sans balises ni murs, sans maîtres ni programmes.
Et pourtant, jamais différences ne furent plus grandes et lourdes de conséquences entre ces enfants. Les origines sociales, la couleur de la peau, les conditions économiques, la langue parlée, le lieu de résidence, tous ces critères entrent en jeu pour déterminer l'avenir des enfants. Ils déterminent aussi leur existence même puisque l'absence de soins de santé et l'insalubrité vont jouer un rôle déterminant dans le taux de mortalité infantile.
L'école haïtienne contribue à maintenir et à creuser les différences entre les enfants. Les établissements scolaires, en majorité privés, reflètent les inégalités économiques et sociales du milieu. Leur aspect physique, le matériel utilisé, la formation des maîtres, les manuels employés diffèrent de manière frappante d'une catégorie d'écoles à l'autre. (…) Une reconstruction de l'école haïtienne demande l'augmentation considérable de l'offre scolaire pour que la majorité des enfants haïtiens, indépendamment de leur lieu de vie, de leur origine sociale, de leurs conditions économiques, ait accès à l'école.
L'élaboration de programmes tenant compte de la réalité haïtienne et des besoins de la population est nécessaire – des programmes qui mettraient en valeur les diverses composantes de la vie haïtienne pour casser les préjugés contre le monde rural, la religion vaudou, la langue créole, les métiers manuels, les milieux sociaux pauvres ou modestes.
La taxation des établissements scolaires qui suivent un cursus étranger pour refréner le nombre croissant d'écoles formant des jeunes ignorants et indifférents face à la réalité du pays. Une politique de subvention et de bourses pour permettre aux jeunes les plus capables issus de milieux défavorisés d'intégrer des écoles privées de qualité exceptionnelle. La formation initiale et continue d'enseignants en nombre suffisant pour assurer l'éducation de la majorité des enfants. L'utilisation de la langue créole dans toutes les écoles pour l'apprentissage de la lecture. La supervision effective par l'Etat de l'application desdits programmes.
La formation d'un groupe d'enseignants chargés d'enseigner uniquement la langue française pour permettre à tous les scolaires d'apprendre ladite langue pour qu'elle cesse d'être un instrument de pouvoir socio-économique et un privilège.
Parallèlement, un ensemble d'actions culturelles aiderait à concrétiser cet objectif : l'augmentation du corpus littéraire en créole par une politique de traduction des classiques de la littérature haïtienne francophone et de la littérature universelle ; la mise en place de structures d'encadrement (ateliers de lecture et d'écriture, ciné-clubs) qui permettraient de colmater davantage les brèches entre les enfants issus de milieux différents.
Ainsi se dessinerait une école unique où les enfants haïtiens se retrouveraient moins inégaux, dans une démarche d'épanouissement individuel et social et dans un objectif commun de construction de la nation.
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Evelyne Trouillot travaille dans l'éducation à Port-au-Prince. Elle écrit des romans, des contes pour enfants, de la poésie. Son roman Rosalie l'infâme (Ed. Dapper, 2003) a obtenu le prix Soroptimist. Elle vient de publier La Mémoire aux abois (Hoëbeke).
L’éducation est le chemin du salut", par Frankétienne
La reconstruction d’Haïti ? Je le dis avec douleur et en sachant bien que cela ne concerne pas tous les Occidentaux, mais j’ai constaté que, pour certains courants de la communauté internationale, la misère haïtienne semble une denrée rentable. Il y a chez nous un très grand nombre d’ONG. A cause de la défaillance de l’Etat, pour ces organisations, Haïti est une mine. Il y a ce malade, à qui on donne de temps en temps une petite potion, un petit sirop, un petit sérum, un médicament, de manière qu’il ne meure pas : c’est déjà beau… mais qu’il ne guérisse pas non plus, alors là, c’est méchant.
L’assistanat veut s’éterniser alors que, précisément, il faut qu’on sorte de cet assistanat. C’est un état dégradant, une humiliation. Et on croit qu’avec les milliards de dollars, tous les colloques, tous les forums, toutes les rencontres sur Haïti, on va forcément résoudre les problèmes… On parle de « reconstruire », mais il s’agit uniquement des structures matérielles détruites ou endommagées. Or il y a aussi les structures mentales et, là, le seul remède indiqué, c’est l’éducation. Tous les plans concoctés aux Etats-Unis avec la participation de la communauté internationale évacuent cette dimension éducative. Et pourtant, l’éducation est bien le chemin du salut. C’est ce chemin qui permet de restructurer ce qui a été endommagé physiquement, matériellement.
Ce sont nos structures mentales qui sont responsables de l’immensité et de l’ampleur de ces dégâts. Ce n’est pas le 7,3 du séisme qui est l’élément fondamentalement dévastateur, c’est l’irresponsabilité de nos dirigeants alliée à celle de nos soi-disant amis. On met de côté l’éducation, on met de côté la créativité haïtienne. Or ce sont elles, ensemble, qui doivent remplir ce rôle restructurant, revitalisant, dynamique.
Il ne s’agit pas de reconstruire des immeubles où vivent des animaux, où vivent des insectes, mais des espaces voués à des êtres humains. La dimension fondamentale de l’être humain, c’est sa dimension psychique, spirituelle, et on ne peut pas traiter les failles dans ce domaine par l’argent : dans ce cas, il ne colmate rien du tout. C’est une approche d’emblée déficitaire qui ne peut mener qu’à l’échec.
On nous dit : quand on a, quand on donne, on se sent bien, on se sent meilleur. Non. C’est quand on EST qu’on se sent bien. Quand on se sent être et qu’enfin, on se sent soi-même. Je crois que quelle que soit l’aide, quel que soit le plan envisagé pour rebâtir Haïti, on devrait apporter une place prépondérante à l’éducation. Pas seulement l’éducation académique, scolaire, universitaire, mais l’éducation à l’échelle globale, c’est-à-dire apprendre à manger. Qu’on puisse d’abord trouver de quoi se nourrir, c’est évident. On ne va pas refuser tous ces sacs de riz, ces bidons d’huile, non. Mais il faut que les gens apprennent à produire, à préparer leur nourriture, à vivre ensemble, à se respecter, à s’accepter. Evidemment, ce qui a frappé Haïti, c’est une horreur, mais la planète ne se porte pas mieux.
Tout plan qui vise à restructurer l’habitat humain doit respecter d’abord cette dimension culturelle. Cela passe par l’éducation, cela passe par les arts, cela passe par le génie, l’urbanisme, la danse, la musique, la peinture.
Voilà la richesse haïtienne. Si on devait présenter des statistiques en prenant pour base le nombre d’artistes au kilomètre carré, on cesserait de dire que les voyants sont au rouge pour Haïti. Les indicateurs seraient au vert, un vert lumineux ! L’espace d’un cillement, deux cent mille, deux cent cinquante mille artistes pour 28 000 kilomètres carrés. Un rendement excellent ! Petit pays producteur d’art, de peinture, de sculpture, de théâtre, de parole. De parole-lumière. Cette parole faite pour contrer la parole ténébreuse qui mène l’homme droit au cimetière, même si c’est ce qu’on est en train de faire à l’échelle planétaire avec leur « mondialisation ».
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Frankétienne a reçu le prix Pablo Neruda 2004 pour l’ensemble de son œuvre. Poète, dramaturge, romancier, peintre, musicien et directeur d’école, il a été ministre de la culture en 1988, sous la présidence de Leslie François Manigat. Sa pièce Melovivi ou le Piège, (Ed. Riveneuve, 2010), créée à l’Unesco (Paris) le 24 mars et jouée le 24 avril à Port-au-Prince, sera donnée le 23 mai au festival Etonnants voyageurs de Saint-Malo.
Ces propos ont été recueillis par Philippe Bernard, docteur en littérature comparée
L’assistanat veut s’éterniser alors que, précisément, il faut qu’on sorte de cet assistanat. C’est un état dégradant, une humiliation. Et on croit qu’avec les milliards de dollars, tous les colloques, tous les forums, toutes les rencontres sur Haïti, on va forcément résoudre les problèmes… On parle de « reconstruire », mais il s’agit uniquement des structures matérielles détruites ou endommagées. Or il y a aussi les structures mentales et, là, le seul remède indiqué, c’est l’éducation. Tous les plans concoctés aux Etats-Unis avec la participation de la communauté internationale évacuent cette dimension éducative. Et pourtant, l’éducation est bien le chemin du salut. C’est ce chemin qui permet de restructurer ce qui a été endommagé physiquement, matériellement.
Ce sont nos structures mentales qui sont responsables de l’immensité et de l’ampleur de ces dégâts. Ce n’est pas le 7,3 du séisme qui est l’élément fondamentalement dévastateur, c’est l’irresponsabilité de nos dirigeants alliée à celle de nos soi-disant amis. On met de côté l’éducation, on met de côté la créativité haïtienne. Or ce sont elles, ensemble, qui doivent remplir ce rôle restructurant, revitalisant, dynamique.
Il ne s’agit pas de reconstruire des immeubles où vivent des animaux, où vivent des insectes, mais des espaces voués à des êtres humains. La dimension fondamentale de l’être humain, c’est sa dimension psychique, spirituelle, et on ne peut pas traiter les failles dans ce domaine par l’argent : dans ce cas, il ne colmate rien du tout. C’est une approche d’emblée déficitaire qui ne peut mener qu’à l’échec.
On nous dit : quand on a, quand on donne, on se sent bien, on se sent meilleur. Non. C’est quand on EST qu’on se sent bien. Quand on se sent être et qu’enfin, on se sent soi-même. Je crois que quelle que soit l’aide, quel que soit le plan envisagé pour rebâtir Haïti, on devrait apporter une place prépondérante à l’éducation. Pas seulement l’éducation académique, scolaire, universitaire, mais l’éducation à l’échelle globale, c’est-à-dire apprendre à manger. Qu’on puisse d’abord trouver de quoi se nourrir, c’est évident. On ne va pas refuser tous ces sacs de riz, ces bidons d’huile, non. Mais il faut que les gens apprennent à produire, à préparer leur nourriture, à vivre ensemble, à se respecter, à s’accepter. Evidemment, ce qui a frappé Haïti, c’est une horreur, mais la planète ne se porte pas mieux.
Tout plan qui vise à restructurer l’habitat humain doit respecter d’abord cette dimension culturelle. Cela passe par l’éducation, cela passe par les arts, cela passe par le génie, l’urbanisme, la danse, la musique, la peinture.
Voilà la richesse haïtienne. Si on devait présenter des statistiques en prenant pour base le nombre d’artistes au kilomètre carré, on cesserait de dire que les voyants sont au rouge pour Haïti. Les indicateurs seraient au vert, un vert lumineux ! L’espace d’un cillement, deux cent mille, deux cent cinquante mille artistes pour 28 000 kilomètres carrés. Un rendement excellent ! Petit pays producteur d’art, de peinture, de sculpture, de théâtre, de parole. De parole-lumière. Cette parole faite pour contrer la parole ténébreuse qui mène l’homme droit au cimetière, même si c’est ce qu’on est en train de faire à l’échelle planétaire avec leur « mondialisation ».
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Frankétienne a reçu le prix Pablo Neruda 2004 pour l’ensemble de son œuvre. Poète, dramaturge, romancier, peintre, musicien et directeur d’école, il a été ministre de la culture en 1988, sous la présidence de Leslie François Manigat. Sa pièce Melovivi ou le Piège, (Ed. Riveneuve, 2010), créée à l’Unesco (Paris) le 24 mars et jouée le 24 avril à Port-au-Prince, sera donnée le 23 mai au festival Etonnants voyageurs de Saint-Malo.
Ces propos ont été recueillis par Philippe Bernard, docteur en littérature comparée
Paroles d'espoir en Haïti : INTRODUCTION
À Haïti, la vie reprend son slalom", écrit le 3 mai Frantz Duval, le rédacteur en chef du Nouvelliste, le plus ancien quotidien d'Haïti. Le 3 mai pourtant, deux répliques ont été enregistrées à 40 kilomètres de la capitale. "Port-au-Prince a continué à vaquer à ses occupations, continue Frantz Duval. “Ou santil ?” (“Tu l'as ressenti ?”) par-ci, “ou santil ?” par-là, on en rit et on reprend le collier, en cachant ce coup de poignard ressenti le temps de chercher la porte ou de se mettre discrètement à l'abri d'un menaçant pan de mur."
La vie reprend son slalom malgré les 222 500 morts, au moins, les pluies diluviennes, les habitants qui continuent de fuir Port-au-Prince et les viols dans plusieurs campements de réfugiés. La reconstruction d'Haïti commence. Elle sera longue. Il y a aujourd'hui 1,3 million de sans-abri. 1 300 écoles, 50 hôpitaux et centres de soins, nombre de bâtiments publics sont à terre.
http://www.lemonde.fr/ameriques/article_interactif/2010/05/24/paroles-d-espoir-en-haiti_1361270_3222_1.html
Le 31 mars, saluant une " générosité extraordinaire ", l'ONU a annoncé que l'aide internationale va apporter 10 milliards de dollars, 7,4 milliards d'euros. Il faudra bien ça. Les dégâts matériels ont été estimés à 8 milliards de dollars.
Mais comment estimer les traumatismes humains ? Aujourd'hui, des débats cruciaux s'intensifient, tant dans la rue que dans les journaux, les associations, les syndicats ou les partis politiques haïtiens.
Partout, on lit dans les éditoriaux, on entend dire ou déclarer solennellement, comme l'a fait le président René Préval, qu'il faut en quelque sorte profiter du cataclysme pour reconstruire une société plus égalitaire, moins précaire : un nouvel Haïti. Mais lequel ? Et par où commencer ?
Le Monde Magazine a demandé à sept écrivains haïtiens engagés dans le redressement de leur pays de proposer quelques réponses. Au-delà de leurs projets, tous nous disent : si l'aide internationale nous fait chaud au cœur, elle ne doit pas se contenter d'assister Haïti. Il faut associer les Haïtiens à la reconstruction, s'appuyer sur leur énergie, leur besoin de démocratie. Et ne pas faire comme ces ONG pleines de bonne volonté qui livrent du riz aux démunis, sans s'occuper des paysans de l'île… qui produisent du riz – dont Haïti aura besoin demain.
Textes recueillis par Frédéric Joignot
La vie reprend son slalom malgré les 222 500 morts, au moins, les pluies diluviennes, les habitants qui continuent de fuir Port-au-Prince et les viols dans plusieurs campements de réfugiés. La reconstruction d'Haïti commence. Elle sera longue. Il y a aujourd'hui 1,3 million de sans-abri. 1 300 écoles, 50 hôpitaux et centres de soins, nombre de bâtiments publics sont à terre.
http://www.lemonde.fr/ameriques/article_interactif/2010/05/24/paroles-d-espoir-en-haiti_1361270_3222_1.html
Le 31 mars, saluant une " générosité extraordinaire ", l'ONU a annoncé que l'aide internationale va apporter 10 milliards de dollars, 7,4 milliards d'euros. Il faudra bien ça. Les dégâts matériels ont été estimés à 8 milliards de dollars.
Mais comment estimer les traumatismes humains ? Aujourd'hui, des débats cruciaux s'intensifient, tant dans la rue que dans les journaux, les associations, les syndicats ou les partis politiques haïtiens.
Partout, on lit dans les éditoriaux, on entend dire ou déclarer solennellement, comme l'a fait le président René Préval, qu'il faut en quelque sorte profiter du cataclysme pour reconstruire une société plus égalitaire, moins précaire : un nouvel Haïti. Mais lequel ? Et par où commencer ?
Le Monde Magazine a demandé à sept écrivains haïtiens engagés dans le redressement de leur pays de proposer quelques réponses. Au-delà de leurs projets, tous nous disent : si l'aide internationale nous fait chaud au cœur, elle ne doit pas se contenter d'assister Haïti. Il faut associer les Haïtiens à la reconstruction, s'appuyer sur leur énergie, leur besoin de démocratie. Et ne pas faire comme ces ONG pleines de bonne volonté qui livrent du riz aux démunis, sans s'occuper des paysans de l'île… qui produisent du riz – dont Haïti aura besoin demain.
Textes recueillis par Frédéric Joignot
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