Agence France-Presse Port-au-Prince
Le séisme du 12 janvier a détruit la moitié de l'économie d'Haïti, a déclaré jeudi le président haïtien René Préval, qui a répété son estimation de 200 000 à 300 000 morts.
La catastrophe a réduit en cendres jusqu'à la moitié du produit intérieur brut (PIB) haïtien, a déclaré M. Préval, qui recevait son homologue brésilien Luiz Inacio Lula da Silva à Port-au-Prince, sa capitale dévastée par le tremblement de terre. Les deux pays ont signé un accord prévoyant d'apporter une aide aux paysans et aux écoles haïtiennes.
«Dans ce moment de douleur, dans ce moment de désespoir, nous devons relever la tête», a déclaré Lula lors de la rencontre sur une base conjointe de l'ONU et des forces brésiliennes. Il a appelé la communauté internationale à annuler la dette d'Haïti.
Classé «zone rouge» à Port-au-Prince en raison de la violence qui y sévit, le quartier du Bel-air voit passer plus de patrouilles que de camions de l'aide alimentaire apportée aux Haïtiens après le séisme qui a fait plus d'un million et demi de sinistrés en Haïti.
Le Bel-air est le plus ancien quartier de la capitale haïtienne, c'est aussi une des zones les plus touchées par la catastrophe du 12 janvier, qui a fait au moins 222 500 morts à Port-au-Prince et dans sa région.
Mais loin d'avoir été prioritaires dans l'acheminement de l'aide internationale, les habitants de ce quartier pauvre se disent abandonnés, oubliés. Pis: ils assurent n'avoir rien vu ou presque de l'importante opération humanitaire lancée à Haïti.
«La distribution est mal organisée. On dit qu'il y a des ONG qui donnent de l'aide. Mais nous ne les avons jamais vues ici, et surtout pas l'USAID» l'agence américaine d'aide au développement, dit Pierre-André Gourdet posté dans la rue Tiremasse.
Dans cette partie du quartier de Bel-air, pour trouver à manger, c'est le «système D» qui prime. La cuisine se fait dans la rue, juste à côté des petites cabanes que certains ont dressées dans les caniveaux.
«Nous sommes à la rue depuis le soir du 12 janvier, tributaires des gens de bon coeur ou de vieilles connaissances qui nous offrent un plat de temps à autre. Les autorités ainsi que les humanitaires nous ignorent», regrette Duméus Auristhène, père de deux enfants, dont une fillette de 5 ans qui a été tuée lors du séisme.
À l'intérieur des cabanes dressées dans la rue, les habitants couchent, parfois à six ou plus, sur de vieux matelas souillés dans des réduits entourés de morceaux de tôle ondulée ou de bouts de tissus troués.
Linda, une jeune fille de 22 ans, désigne une tente à une place dressée sur le trottoir. C'est sa nouvelle demeure, séparée de ses parents qui vivent dans un parc public plus loin.
Linda pleure encore la disparition des ses amies. Elle s'est reconvertie en disc-jockey pour se nourrir, poussant à plein volume un morceau d'un groupe de rap.
Des jeunes du quartier venus recharger leurs téléphones portables en profitent pour suivre un match de foot devant un petit écran où se presse une dizaine de têtes.
La vie des jeunes de la rue Tiremasse est faite de longues heures d'attente et de désespoir.
«Nous sommes des échoués, toujours au chômage, sans espoir. Il n'y a pas de vie pour nous», dit Pierre-André Gourdet, père de sept enfants.
«Hier c'était difficile, aujourd'hui c'est pire», ajoute Jeff, 22 ans, assis sur un muret au milieu de ses camarades d'infortune.
Au Bel-air, le plus vieux quartier de Port-au-Prince et l'un des plus huppés dans le passé, aucun service public n'est disponible.
L'église Notre-Dame du Perpétuel secours n'est qu'un tas de ruines, des écoles sont détruites, les rues sont encombrées.
Et lorsqu'on leur parle de la reconstruction de leur pays, les jeunes Haïtiens du Bel-air secouent la tête.
«Pour moi, l'avenir c'est aujourd'hui, je vis au jour le jour, dans la crainte de nouvelles secousses et dans le besoin de manger», jette Jeff. Mais son principal souci, dit-il, est que son unique fils Williamson «ne devienne pas un délinquant».
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