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samedi 20 septembre 2008

L'île-à-Vache: ses déboires, son péché, ses richesses

Quelque 1160 familles sinistrées,430 maisons détruites, 487 têtes de bétails emportées, des champs dévastés, des centaines de filets et de nasses endommagés... Dieudilien Lima, un notable de l'île- à-Vache rentré à Port-au-Prince pour communiquer ce bilan de la protection civile locale au député Jean-David Génesté, s'inquiète désormais de l'expansion de maladies comme la malaria et la typhoïde. Sur l'île dont le "centre ville, "Madame Bernard" a subi d'importants dégâts après Fay, Gustav, Hanna et Ike, trouver de l'eau potable est un défi. M. Lima, alerté par la vulnérabilité accentuée de son patelin , raconte que le commerce de charbon de bois se poursuit. En dépit de tout. Retour sur un jour comme un autre au bord de mer des Cayes où l'on débarque les voiliers venant de l'île-à-Vache.
Pas un débarcadère. Rien. Juste un coin insalubre et bruyant du littoral où des forçats en sueurs, enfoncés dans l'eau jusqu'à la hanche, la pestilence de poissons séchés plein les narines, débarquent des voiliers bondés. Citrons, noix de cocos, quenêpes, vétiver, quelques volailles exténués ..., mais surtout des centaines de sacs de charbon de bois sont empilés, là, sur le sol, sous les yeux de quelques marchands et de camionneurs pressés de s'en aller avant la fin de l'après-midi. La "montagne" de charbon, très vite fractionnée, est stockée dans des dépôts de fortune du bord de mer aux Cayes et le reste chargé à la vitesse grand V dans des véhicules parqués, le moteur en marche. Destination : Port-au-Prince. Personne ne s'inquiète. Le train-train quotidien.Mais sans jumelles, il est désormais facile de voir des "veines blanches", des" calvities" dans des flancs de montagnes de cette ile d'une beauté encore paradisiaque où vivent sur 48 kilomètres carrés quelque 22 .000 habitants oubliés ou presque par l'Etat haïtien et le reste du pays. "La situation socioéconomique précaire de la population et la faiblesse des pouvoirs publics, incapables de surveiller et de punir", sont, selon le député de la circonscription Cayes-Ile-à-Vache, Jean David Génesté, les causes de cet assaut sur les arbres de l'ile. Depuis un certain temps, les gens détruisent même les mangroves, l'abri naturel des poissons, pour faire du charbon, déplore l'élu rappelant que " l'ile, commune depuis 1976, devrait être décrétée zone essentiellement touristique".
Fernand Sajous, propriétaire de "Abbaka bay Resort" abonde dans le même sens."C'est l'un des plus beaux sites du pays. Et à ce titre, il mérite d'être protégé", raconte-t-il visiblement fasciné par ce bout de terre. Un peu amer, il regrette l'incurie des autorités qui tardent à sanctionner les propriétaires et armateurs de voiliers qui font le commerce du charbon de bois. L'homme d'affaires, soulignant qu'il y a beaucoup d'espoir pour faire "décoller" l'Ile- à-Vache au niveau touristique, rêve d'agrandissement de " l'aéroport des Cayes" et de ports dignes de ce nom pour faciliter la connexion avec le reste du pays.
Une ile en "or". Sept épaves dont le « Jamaïcan Merchant », le « Blue Nose », un navire de l'époque de la guerre civile américaine, trois autres bateaux inconnus et vraisemblablement le fameux Oxford du célèbre pirate des Caraibes, Henry Morgan , ont été identifiés dans le cadre de prospections subaquatiques réalisées entre novembre 2004 et Janvier 2005 par les plongeurs de la Carribean Marine Int, à Port-Morgan..., dans la périphérie de l'île-à-vache, selon le maitre nageur Gilbert Assad. Un brûleur d'encens, une moule à hostie, quatre assiettes en argent, des boulets pour fusil et d'autres objets ont été remontés à la surface. Et d'un point de vue historique, avoir dans ses eaux des artéfacts de cette importance est inestimable, rapelle M. Assad. Dans la perspective où de nouvelles plongées confirmeraient que l'Oxford est bien dans les eaux au large de l'ile-à-Vache, l'Etat haïtien pourrait exploiter les droits exclusifs de reproduction cinématographique et développer des partenariats avec des musées étrangers pour réaliser des expositions, explique-t-il sans parler de la faune de l'ile. Que fait le ME ?
Le ministre de l'Environnement, l'ingénieur Jean-Marie Claude Germain, informé de la situation à l'île-à-Vache, prône une intervention sur deux axes. Pour réduire la pression sur nos espaces verts, il faut offrir des alternatives énergétiques à la population et poser des actions visant à la réhabilitation de l'environnement, préconise-t-il martelant "qu'il faut faire des interventions en amont et en aval". Des hommes d'affaires haïtiens sont intéressés à la commercialisation des gisements de lignite de Maissade estimés à plus de 9 millions de tonnes métriques. 3 milliards 600 millions de gourdes prévues dans le DSNCRP devront être mis à la disposition des guildiveries et dry cleaning dont la consommation annuelle de bois est supérieure à 300.000 arbres pour qu'ils se transforment, changent d'équipements (plus écologique), explique le ministre qui reconnait la faiblesse de son ministère dans un pays extrêmement vulnérable où les dégâts humains et matériels provoqués sont extrêmement lourds.
Les richesses archéologiques, touristiques ou éco touristiques de l'île-à- vache, aux yeux de nombreux ilavachois ne riment à rien. Oubliés, ils ne pensent qu'à survivre au jour le jour. Un choix déchirant. Mais quand, au bout du compte, ils s'exposent aux caprices de la nature en agissant en prédateurs de leur propre habitat, certains disent... quelle vacherie!!!
L'île-à-Vaches en bref L'île-à-Vache dispose de cinq écoles primaires, de deux écoles secondaires et d'un centre technique. Un centre de santé, sans aucun lit où travail deux infirmières, deux auxiliaires et une matrone dessert la population qui compte quelque 22 000 âmes, selon le député Jean David Génesté. La malaria et la typhoïde sont à l'état endémiques sur l'île. Beaucoup d'enfants handicapés sont recueillis à l'Orphelinat St-François installé dans l'île depuis 1983. Cette structure dirigée par une religieuse canadienne, soeur Flore Blanchet offre en dépit de ses limites des soins de santé aux déshérités. Un commissariat sous-équipé et des policiers en effectif insuffisant sont sur place. L'île est un paradis pour les narcotrafiquants. Surtout des jamaïcains, confie le député Jean David Génesté.
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=62271&PubDate=2008-09-19

A l'HUEH, des patients attendent la Providence

Plusieurs patients venus des Gonaïves attendent une intervention de la providence à l'HUEH en vue de renouer avec la vie. Mais la pénurie de moyens dans cet hôpital prolonge leur attente en dépit de leur attachement à la vie.
Ils sont tous des patients venus de l'hôpital La Providence des Gonaïves, cette ville aux 300 mille habitants située à 152 km au nord-ouest de la capitale. Ils ont été admis le même jour ou presque à l'Hôpital de l'Université d'Etat d'Haïti. Leur âge varie de 0 à 73 ans. Ils ont tous été héliportés vers Port-au-Prince, le 6 septembre, par des soldats de la MINUSTAH trois jours après l'inondation, le 3 septembre en cours, du plus grand centre hospitalier public de cette ville. Ils ne veulent pas mourir et s'accrochent tous à la vie, en dépit du fait que certains de leurs proches ont été emportés par les eaux en furie.A leur arrivée à l'Hôpital de l'Université d'Etat d'Haïti (HUEH), il y a environ trois semaines, la plupart d'entre eux n'avaient aucun parent à Port-au-Prince. Ils avaient reçu des soins intensifs au service des Urgences, avant d'être acheminés vers d'autres services : cinq (5) au service d'orthopédie, et cinq autres à la pédiatrie. Entre eux, il y a un dénominateur commun: ils viennent tous de la Cité de l'Indépendance, la ville sévèrement touchée à deux reprises, en l'espace de quatre ans, par des tempêtes tropicales, en septembre 2004 et en septembre 2008.

Allongés sur le dos, les cinq patients admis au service d'orthopédie de l'HUEH, dont un homme amputé de ses deux pieds, attendent avec impatience le moment où ils pourront subir une intervention chirurgicale. Un destin communAutre dénominateur commun, avant leur transport à l'HUEH à Port-au-Prince, les patients transférés au service d'orthopédie avaient tous été admis à l'hôpital La Providence après avoir été victimes de l'effondrement d'un pan de mur pendant le passage de l'un des ouragans sur la Cité de l'Indépendance. Au départ, ils étaient six à être admis à ce service. Mais l'un d'entre eux, Madame Marie Jean-Pierre, une septuagénaire, est décédée à l'hôpital parce qu'elle n'avait aucun proche pour s'occuper d'elle.


« De fines gouttelettes de pluie tombaient sur la ville. Cela paraissait anodin, mais tout le monde était sur le qui-vive après ce qui s'est passé en 2004 », se souvient Roosevelt Desrosiers, frère de Guerline Desrosiers, une jeune femme de 25 ans qui a accouché avant terme à la suite des souffrances endurées. Elle était admise à l'hôpital après une fracture fémorale.

Un récit de l'inondation - « L'eau montait incessamment. Il était 2 heures du matin environ. Un médecin a demandé aux parents présents de transférer les patients du rez-de-chaussée à l'étage supérieur. Du premier étage, nous sommes montés sur le toit. Et c'est là que nous avons passé trois jours et trois nuits sous la pluie », se souvient encore Roosevelt. C'était le sauve-qui-peut. Un patient qui n'avait pas de parent à ce moment-là pour l'évacuer est décédé.En essayant de grimper tout seul sur le toit avec sa sœur en pleine ceinture sous les bras, il a fait une chute et le fémur fracturé de sa sœur a cédé. « Toutes nos ressources ont été, dit-il, soit épuisées à force d'acheter des médicaments, soit détruites aux Gonaïves. »
A présent, Roosevelt et sa sœur n'ont plus rien et sont à la merci d'autres patients.
Guerline n'est malheureusement pas la seule patiente venue des Gonaïves à être en situation difficile. Mis à part Emmonia Informé, dont des parents résidant à l'étranger prennent soin d'elle, tous les autres peinent à exécuter les ordonnances médicales.
Des clous de Kunetsches pour l'HUEH -
Emmanuella Gustinville, une élève de seconde âgée de 18 ans, a elle aussi été admise à l'orthopédie. Elle a failli perdre pour toujours l'usage de son pied gauche. Souriante même dans la souffrance, elle attend encore de subir une intervention chirurgicale. Opération improbable pour nombre d'autres patients. Une cousine à Port-au-Prince lui vient en aide, mais les moyens de celle-ci sont limités.Trois autres patientes en orthopédie, victimes aux Gonaïves d'une fracture fémorale - dont Guerline Desrosiers et Emmonia Informé -, attendent aussi cette intervention. Cependant, l'hôpital ne dispose plus de clous de Kunetsches indispensables à la réalisation de cette intervention, selon le directeur médical de l'HUEH, Dr Jean-Ronald Cornély. Alités, ces patients du service orthopédie, hommes et femmes, sont dans l'attente. Une attente qui risque d'être longue si ces clous devenus rares sur le marché haïtien ne sont pas commandés en urgence.Samuel BAUCICAUTsamuelbaucicaut@lenouvelliste.com
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=62399&PubDate=2008-09-20