AFP La France juge qu'en dépit des difficultés "la situation commence à s'améliorer sur le terrain" en Haïti, deux ans après le séisme qui a ravagé le pays, déclare aujourd'hui le ministère des Affaires étrangères.
Depuis le 12 janvier 2010, Haïti a connu "une longue transition politique" et "l'apparition de nouvelles urgences, comme la menace des ouragans et l’épidémie de choléra". "La situation commence à s'améliorer sur le terrain, en dépit de ces difficultés", a affirmé le porte-parole adjoint du ministère, Romain Nadal.
Au titre de la mobilisation internationale, il a cité le transfert à Haïti de 5,6 milliards de dollars, le déboursement de 2,4 milliards fin 2011 sur les 4,5 milliards promis pour l'aide à la reconstruction et l'ajout de 650 millions additionnels et de 2,6 milliards d'aide humanitaire. Haïti a bénéficié en outre d'une annulation de dette de 1 milliard de dollars, les deux tiers des personnes réfugiées dans des camps ont pu trouver un logement et la moitié des 10 millions de m3 de gravats ont été déblayés, dont un cinquième recyclé, a précisé le porte-parole.
Pour sa part, la France a décaissé près des trois quarts de son aide bilatérale (326 millions d'euros) et "participe activement aux travaux du comité directeur du Fonds pour la reconstruction d'Haïti (FRH), dont elle est membre", a indiqué Romain Nadal. Concrètement, elle participe actuellement avec les États-Unis à la construction à Port-au-Prince d’un hôpital, à la reconstruction de deux quartiers de la capitale, en coopération avec l’Union européenne, par un renforcement de son action éducative, l'aide à la confection d'un cadastre, la formation de policiers et la relance de projets de développement agricole.
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2012/01/11/97001-20120111FILWWW00400-haiti-la-situation-s-ameliore-paris.php
Commentaires:
La France est satisfaite de la situatio en Haïti. On ne comprend pas trop bien les détails du bilan présenté par les instances concernées. Mais c'est connu que souvent on peut beaucoup parler pour ne rien dire!
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
jeudi 12 janvier 2012
Haïti, deux ans après : la lettre de Lyonel Trouillot
Le Point.fr - Publié le 11/01/2012 L'écrivain Lyonel Trouillot dresse un bilan décapant des deux années qui se sont écoulées dans l'île depuis le tremblement de terre.
Depuis deux ans, l'écrivain Lyonel Trouillot nous donne régulièrement des nouvelles de son pays : Haïti parmi les vivants, recueil que Le Point a coédité avec son éditeur en France, Actes Sud, n'a pas pour titre une vaine ou fugace formule ! Celui que le chroniqueur donne à la lettre que vous allez lire peut surprendre... Le romancier de La belle amour humaine garde sous un pessimisme rageur sa confiance en l'humain. Des preuves ? Au centre culturel Anne-Marie Morisset, construit à l'initiative de sa famille à Port-au-Prince (sur un terrain appartenant à sa mère), les jeunes viennent suivre des cours, des conférences, ateliers d'écriture et activités sportives. Et d'ici à la fin du mois, Lyonel Trouillot, codirecteur avec Dany Laferrière du festival Étonnants Voyageurs à Haïti, s'apprête à accueillir à Port-au-Prince le Prix Nobel de Littérature Jean-Marie Gustave Le Clézio pour une nouvelle édition du 1er au 4 février prochain.
Deux ans de réussite et des échecs mineurs
Deux ans après le séisme du 12 janvier 2010, jour pour jour, les villes détruites ont été d'abord déblayées à 100 %. Puis, visibles dans leur beauté à venir, les grands chantiers de la reconstruction ont été entamés et offrent des emplois à la population.
Les cinq cent mille personnes qui vivaient encore sous les tentes ont trouvé des logements modestes, mais décents.
L'élection d'un président peu bavard, mais très efficace a mis fin au pilotage automatique des politiques publiques par la communauté internationale (États, institutions internationales et ONG). La preuve en est que, lorsque le président a décidé de recréer une force armée, la communauté internationale ne s'en est pas mêlée, et il a pu avancer sans contraintes ni menaces dans l'exécution de son programme.
La mission des Nations unies a reconnu avoir introduit le choléra en Haïti et s'est excusée auprès de la population. Ses membres ne commettent pas d'exactions (scandales sexuels et actes de violence) et la mission s'est montrée d'une efficacité si impressionnante que les Haïtiens souhaitent qu'elle s'installe de façon permanente et ne voient pas la nécessité de la création d'une force armée haïtienne.
Les ONG ne consomment pas une grande partie de l'aide promise par les uns et les autres (aide dont la totalité a bien été versée) et font un travail remarquable. On en mesure les effets moins aux visages rayonnants de leurs cadres qui ne souhaitent pas partir malgré les difficiles conditions de travail et d'existence (salaire triplement inférieur à celui qu'ils gagnaient dans leur pays d'origine ; absence de voiture de service ; conditions de logement détestables dans les mauvais quartiers ; manque de vacances et de loisirs) qu'à la façon dont l'ON-gisation du pays a permis de transformer en profondeur les structures sociales et contribué au renforcement des institutions étatiques nationales.
Les inacceptables écarts sociaux qui constituaient la plaie structurelle de la société haïtienne se sont d'ailleurs réduits et non pas agrandis, et les vieilles oligarchies qui possédaient à elles seules le gros des richesses du pays ne constituent plus une droite sans complexe, aveugle au malheur des autres et à l'injustice sociale, mais pratiquent une solidarité sociale en faveur des classes moyennes qui seraient sans cela menacées de précarisation et de prolétarisation, et surtout en faveur de la population rurale et des masses urbaines qui ont droit, enfin, à des biens et services pouvant faire d'eux des citoyens.
Haïti va bien. (Sauf si l'on considère les seuls mauvais côtés de la situation : la montée de discours revendicatifs inquiétants ; la constitution en cours de nouvelles formations politiques trop portées sur la transformation de la société dans le sens des intérêts du plus grand nombre ; quelques actions individuelles ou associatives, relativement modestes, mais efficaces, parce que nées d'une véritable analyse de la situation et des besoins ; la renaissance d'une vie culturelle liant le rêve à la pensée, et la culture au social.)
Il n'y a donc pas lieu de s'alarmer, mais, au contraire, deux ans, jour pour jour, après le séisme du 12 janvier 2010, il convient de féliciter tout le monde pour le travail accompli en faveur du peuple haïtien...
Sauf que tout ce que vous venez de lire n'est qu'une longue et douloureuse antiphrase. Ma lettre, en réalité, s'intitule : Deux ans d'échecs majeurs et quelques réussites...
http://www.lepoint.fr/monde/haiti-deux-ans-apres-la-lettre-de-lyonel-trouillot-11-01-2012-1417867_24.php
Depuis deux ans, l'écrivain Lyonel Trouillot nous donne régulièrement des nouvelles de son pays : Haïti parmi les vivants, recueil que Le Point a coédité avec son éditeur en France, Actes Sud, n'a pas pour titre une vaine ou fugace formule ! Celui que le chroniqueur donne à la lettre que vous allez lire peut surprendre... Le romancier de La belle amour humaine garde sous un pessimisme rageur sa confiance en l'humain. Des preuves ? Au centre culturel Anne-Marie Morisset, construit à l'initiative de sa famille à Port-au-Prince (sur un terrain appartenant à sa mère), les jeunes viennent suivre des cours, des conférences, ateliers d'écriture et activités sportives. Et d'ici à la fin du mois, Lyonel Trouillot, codirecteur avec Dany Laferrière du festival Étonnants Voyageurs à Haïti, s'apprête à accueillir à Port-au-Prince le Prix Nobel de Littérature Jean-Marie Gustave Le Clézio pour une nouvelle édition du 1er au 4 février prochain.
Deux ans de réussite et des échecs mineurs
Deux ans après le séisme du 12 janvier 2010, jour pour jour, les villes détruites ont été d'abord déblayées à 100 %. Puis, visibles dans leur beauté à venir, les grands chantiers de la reconstruction ont été entamés et offrent des emplois à la population.
Les cinq cent mille personnes qui vivaient encore sous les tentes ont trouvé des logements modestes, mais décents.
L'élection d'un président peu bavard, mais très efficace a mis fin au pilotage automatique des politiques publiques par la communauté internationale (États, institutions internationales et ONG). La preuve en est que, lorsque le président a décidé de recréer une force armée, la communauté internationale ne s'en est pas mêlée, et il a pu avancer sans contraintes ni menaces dans l'exécution de son programme.
La mission des Nations unies a reconnu avoir introduit le choléra en Haïti et s'est excusée auprès de la population. Ses membres ne commettent pas d'exactions (scandales sexuels et actes de violence) et la mission s'est montrée d'une efficacité si impressionnante que les Haïtiens souhaitent qu'elle s'installe de façon permanente et ne voient pas la nécessité de la création d'une force armée haïtienne.
Les ONG ne consomment pas une grande partie de l'aide promise par les uns et les autres (aide dont la totalité a bien été versée) et font un travail remarquable. On en mesure les effets moins aux visages rayonnants de leurs cadres qui ne souhaitent pas partir malgré les difficiles conditions de travail et d'existence (salaire triplement inférieur à celui qu'ils gagnaient dans leur pays d'origine ; absence de voiture de service ; conditions de logement détestables dans les mauvais quartiers ; manque de vacances et de loisirs) qu'à la façon dont l'ON-gisation du pays a permis de transformer en profondeur les structures sociales et contribué au renforcement des institutions étatiques nationales.
Les inacceptables écarts sociaux qui constituaient la plaie structurelle de la société haïtienne se sont d'ailleurs réduits et non pas agrandis, et les vieilles oligarchies qui possédaient à elles seules le gros des richesses du pays ne constituent plus une droite sans complexe, aveugle au malheur des autres et à l'injustice sociale, mais pratiquent une solidarité sociale en faveur des classes moyennes qui seraient sans cela menacées de précarisation et de prolétarisation, et surtout en faveur de la population rurale et des masses urbaines qui ont droit, enfin, à des biens et services pouvant faire d'eux des citoyens.
Haïti va bien. (Sauf si l'on considère les seuls mauvais côtés de la situation : la montée de discours revendicatifs inquiétants ; la constitution en cours de nouvelles formations politiques trop portées sur la transformation de la société dans le sens des intérêts du plus grand nombre ; quelques actions individuelles ou associatives, relativement modestes, mais efficaces, parce que nées d'une véritable analyse de la situation et des besoins ; la renaissance d'une vie culturelle liant le rêve à la pensée, et la culture au social.)
Il n'y a donc pas lieu de s'alarmer, mais, au contraire, deux ans, jour pour jour, après le séisme du 12 janvier 2010, il convient de féliciter tout le monde pour le travail accompli en faveur du peuple haïtien...
Sauf que tout ce que vous venez de lire n'est qu'une longue et douloureuse antiphrase. Ma lettre, en réalité, s'intitule : Deux ans d'échecs majeurs et quelques réussites...
http://www.lepoint.fr/monde/haiti-deux-ans-apres-la-lettre-de-lyonel-trouillot-11-01-2012-1417867_24.php
Haïti : l’ignoble indifférence
Par
OLIVIER PASTRÉ Professeur, université de Paris-Saint-Denis,
MARIE-FRANÇOISE MATOUK Présidente de l'Association pour les arts du monde
Le 12 janvier, cela fera deux ans qu’un terrible tremblement de terre a secoué Haïti faisant plus de 200 000 morts (dix fois plus que Fukushima) et laissant derrière lui plus d’un million et demi de sans-abri, dont 500 000 sont toujours dans des camps de toiles, les autres ayant surpeuplé un peu plus les bidonvilles de la cité Soleil ou de Carrefour.
On peut imaginer les conséquences du cyclone Thomas, qui a suivi, sur une population à l’habitat plus précaire que jamais. La communauté internationale avait évidemment été traumatisée dans l’instant et avait réagi dès le début, en avril 2010, en décidant de débloquer 9 milliards de dollars (6,6 milliards d’euros).
Une aide insuffisante mais néanmoins substantielle. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Hors les dons des ONG, 1 milliard peut-être a été débloqué. Et encore ! Une bonne partie est déjà retournée vers les pays donataires, afin de payer les «études» préalables que mènent sur place, avec force 4x4 et chauffeurs, des centaines d’experts euroaméricains.
Haïti non seulement n’a pas pansé ses plaies, mais s’enfonce inexorablement dans le chaos. Et ce, dans l’indifférence désormais générale. Un séisme chasse l’autre. Fukushima a remplacé Port-au-Prince.
Le drame actuel d’Haïti pose le problème du secours éventuellement apporté aux pays les plus pauvres, qui sont ceux le plus souvent frappés par les catastrophes naturelles. Le cercle vicieux qui s’enclenche dans ces pays a un double ressort. D’abord, la pauvreté elle-même, secondée par l’ignorance, maintient un taux de fécondité bien trop élevé. Un taux de sida comparable aux plus pauvres pays africains ! Une agriculture exsangue, incapable de nourrir une population dépendante des importations. Une électricité aléatoire, le seul barrage de l’île étant embourbé faute de maintenance.
Une école publique aux abonnés absents. Une déforestation qui transforme tout orage en cyclone. S’ajoute à cela, deuxième ressort, une corruption endémique qui assèche très vite tout flux de capitaux extérieurs. C’est la seule circonstance atténuante dont bénéficient les pays riches. Pourquoi débloquer les 8 milliards promis si c’est pour les déverser dans les sables mouvants du népotisme local ?
Mais ce qu’il y a de plus grave dans un pays comme Haïti, c’est que certaines ONG s’y installent durablement pour pallier l’incurie de l’Etat et deviennent elles-mêmes gangrenées ; un petit nombre d’entre elles, à tendance religieuse, sont autant là par souci prosélyte que pour aider, répandant l’idée que le séisme a puni Haïti de ses péchés.
Le malheur, d’autre part, ne fait qu’ajouter au malheur. De ce point de vue, le Japon de Fukushima a peu de chances - et c’est tant mieux - de connaître, dans les mois qui viennent, une épidémie de choléra qui a déjà fait plus de 6 000 morts en Haïti.
Au milieu de ce chaos tectonique, social et économique, ce pays qui n’a pas su devenir une nation politique reste une brillante nation culturelle par ses peintres, ses sculpteurs et ses écrivains. Une association comme l’Apam finance d’ailleurs, depuis vingt-quatre ans et sans subventions, quatre écoles en vendant en France de la peinture haïtienne. Mais l’action de l’Apam n’est évidemment qu’une goutte d’eau !
La France a, à l’égard d’Haïti, une responsabilité de premier plan, forgée par quatre siècles d’histoire et une langue commune.
Elle se doit de réagir. Haïti dispose aujourd’hui d’un gouvernement à peu près digne de ce nom, contrairement aux décennies précédentes. En ce lendemain de Noël, sachons utiliser notre énergie pour mobiliser à nouveau la communauté internationale en faveur d’Haïti, en mettant bien évidemment à cette aide une conditionnalité stricte de transparence et de contrôle.
«Produire français» est devenu, depuis quelques mois, un concept à la mode. Pourquoi ne pas inventer aujourd’hui celui d’«aider français» ?
http://www.liberation.fr/monde/01012382535-haiti-l-ignoble-indifference
OLIVIER PASTRÉ Professeur, université de Paris-Saint-Denis,
MARIE-FRANÇOISE MATOUK Présidente de l'Association pour les arts du monde
Le 12 janvier, cela fera deux ans qu’un terrible tremblement de terre a secoué Haïti faisant plus de 200 000 morts (dix fois plus que Fukushima) et laissant derrière lui plus d’un million et demi de sans-abri, dont 500 000 sont toujours dans des camps de toiles, les autres ayant surpeuplé un peu plus les bidonvilles de la cité Soleil ou de Carrefour.
On peut imaginer les conséquences du cyclone Thomas, qui a suivi, sur une population à l’habitat plus précaire que jamais. La communauté internationale avait évidemment été traumatisée dans l’instant et avait réagi dès le début, en avril 2010, en décidant de débloquer 9 milliards de dollars (6,6 milliards d’euros).
Une aide insuffisante mais néanmoins substantielle. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Hors les dons des ONG, 1 milliard peut-être a été débloqué. Et encore ! Une bonne partie est déjà retournée vers les pays donataires, afin de payer les «études» préalables que mènent sur place, avec force 4x4 et chauffeurs, des centaines d’experts euroaméricains.
Haïti non seulement n’a pas pansé ses plaies, mais s’enfonce inexorablement dans le chaos. Et ce, dans l’indifférence désormais générale. Un séisme chasse l’autre. Fukushima a remplacé Port-au-Prince.
Le drame actuel d’Haïti pose le problème du secours éventuellement apporté aux pays les plus pauvres, qui sont ceux le plus souvent frappés par les catastrophes naturelles. Le cercle vicieux qui s’enclenche dans ces pays a un double ressort. D’abord, la pauvreté elle-même, secondée par l’ignorance, maintient un taux de fécondité bien trop élevé. Un taux de sida comparable aux plus pauvres pays africains ! Une agriculture exsangue, incapable de nourrir une population dépendante des importations. Une électricité aléatoire, le seul barrage de l’île étant embourbé faute de maintenance.
Une école publique aux abonnés absents. Une déforestation qui transforme tout orage en cyclone. S’ajoute à cela, deuxième ressort, une corruption endémique qui assèche très vite tout flux de capitaux extérieurs. C’est la seule circonstance atténuante dont bénéficient les pays riches. Pourquoi débloquer les 8 milliards promis si c’est pour les déverser dans les sables mouvants du népotisme local ?
Mais ce qu’il y a de plus grave dans un pays comme Haïti, c’est que certaines ONG s’y installent durablement pour pallier l’incurie de l’Etat et deviennent elles-mêmes gangrenées ; un petit nombre d’entre elles, à tendance religieuse, sont autant là par souci prosélyte que pour aider, répandant l’idée que le séisme a puni Haïti de ses péchés.
Le malheur, d’autre part, ne fait qu’ajouter au malheur. De ce point de vue, le Japon de Fukushima a peu de chances - et c’est tant mieux - de connaître, dans les mois qui viennent, une épidémie de choléra qui a déjà fait plus de 6 000 morts en Haïti.
Au milieu de ce chaos tectonique, social et économique, ce pays qui n’a pas su devenir une nation politique reste une brillante nation culturelle par ses peintres, ses sculpteurs et ses écrivains. Une association comme l’Apam finance d’ailleurs, depuis vingt-quatre ans et sans subventions, quatre écoles en vendant en France de la peinture haïtienne. Mais l’action de l’Apam n’est évidemment qu’une goutte d’eau !
La France a, à l’égard d’Haïti, une responsabilité de premier plan, forgée par quatre siècles d’histoire et une langue commune.
Elle se doit de réagir. Haïti dispose aujourd’hui d’un gouvernement à peu près digne de ce nom, contrairement aux décennies précédentes. En ce lendemain de Noël, sachons utiliser notre énergie pour mobiliser à nouveau la communauté internationale en faveur d’Haïti, en mettant bien évidemment à cette aide une conditionnalité stricte de transparence et de contrôle.
«Produire français» est devenu, depuis quelques mois, un concept à la mode. Pourquoi ne pas inventer aujourd’hui celui d’«aider français» ?
http://www.liberation.fr/monde/01012382535-haiti-l-ignoble-indifference
Haïti : la situation des enfants s’améliore lentement
Par A.S. - Le 12/01/2012 Le 12 janvier 2010, un séisme de magnitude 7,3 sur l’échelle de Richter dévastait Haïti, faisant 220 000 morts, 300 000 blessés et 1,6 million de sans-abri.
Deux ans après, 500 000 personnes restent hébergées dans des camps, sous des tentes, et survivent grâce à l’aide humanitaire. Mais petit à petit, l’île se reconstruit. « On a déjà remporté plein de petites victoires.
Et la vie reprend dans les rues », explique Françoise Gruloos-Ackermans, responsable de l'Unicef en Haïti, avant d’insister sur la « grande capacité du peuple haïtien à se remettre debout malgré les difficultés et l'extrême pauvreté ».
80 000 enfants scolarisés
La situation des enfants, quant à elle, « s’améliore lentement ». S’il reste de nombreux défis à relever comme la mise en place d’infrastructures pour fournir les services de santé, d’éducation et de nutrition, la responsable de l’Unicef a tenu à saluer les progrès accomplis.
Malgré la destruction de 80% des établissements scolaires lors du séisme, 80 000 enfants suivent aujourd’hui une scolarisation normale grâce à la reconstruction de près de 200 écoles.
Françoise Gruloos-Ackermans a en outre souligné l’installation de 520 espaces de loisirs ainsi que l’établissement de 314 programmes d’alimentation au bénéfice de 15 000 enfants.
Elle n’a en revanche pas donné d’indication sur le nombre d’orphelins que compte désormais Haïti.
Quid des adoptions
Sur ce point, rappelons que le ministère français des Affaires étrangères a annoncé le 23 décembre dernier la reprise des « adoptions internationales en Haïti, en accord avec les autorités haïtiennes ».
Une décision intervenue suite à la ratification par Haïti de la Convention de La Haye et à une modernisation de la législation haïtienne pour ne plus accepter d'adoptions sans un intermédiaire agréé. Après le séisme de 2010, la France avait gelé les adoptions afin d'éviter tout abus préjudiciable aux enfants concernés et demandé à Haïti de revoir sa législation. Un choix qui avait été mal compris par de nombreuses familles françaises ayant engagé des procédures d'adoption avant le tremblement de terre.
http://www.elle.fr/Societe/News/Haiti-la-situation-des-enfants-s-ameliore-lentement-1869794#
Deux ans après, 500 000 personnes restent hébergées dans des camps, sous des tentes, et survivent grâce à l’aide humanitaire. Mais petit à petit, l’île se reconstruit. « On a déjà remporté plein de petites victoires.
Et la vie reprend dans les rues », explique Françoise Gruloos-Ackermans, responsable de l'Unicef en Haïti, avant d’insister sur la « grande capacité du peuple haïtien à se remettre debout malgré les difficultés et l'extrême pauvreté ».
80 000 enfants scolarisés
La situation des enfants, quant à elle, « s’améliore lentement ». S’il reste de nombreux défis à relever comme la mise en place d’infrastructures pour fournir les services de santé, d’éducation et de nutrition, la responsable de l’Unicef a tenu à saluer les progrès accomplis.
Malgré la destruction de 80% des établissements scolaires lors du séisme, 80 000 enfants suivent aujourd’hui une scolarisation normale grâce à la reconstruction de près de 200 écoles.
Françoise Gruloos-Ackermans a en outre souligné l’installation de 520 espaces de loisirs ainsi que l’établissement de 314 programmes d’alimentation au bénéfice de 15 000 enfants.
Elle n’a en revanche pas donné d’indication sur le nombre d’orphelins que compte désormais Haïti.
Quid des adoptions
Sur ce point, rappelons que le ministère français des Affaires étrangères a annoncé le 23 décembre dernier la reprise des « adoptions internationales en Haïti, en accord avec les autorités haïtiennes ».
Une décision intervenue suite à la ratification par Haïti de la Convention de La Haye et à une modernisation de la législation haïtienne pour ne plus accepter d'adoptions sans un intermédiaire agréé. Après le séisme de 2010, la France avait gelé les adoptions afin d'éviter tout abus préjudiciable aux enfants concernés et demandé à Haïti de revoir sa législation. Un choix qui avait été mal compris par de nombreuses familles françaises ayant engagé des procédures d'adoption avant le tremblement de terre.
http://www.elle.fr/Societe/News/Haiti-la-situation-des-enfants-s-ameliore-lentement-1869794#
Mais où diable est passé l'argent de la reconstruction ?
Deux ans après le séisme de janvier 2010, le pays est loin de s'être remis debout. Peut-être est-ce parce qu'il a à peine vu la couleur des dons promis ? L'enquête du site américain CounterPunch détaille dans quelles poches sont tombées les sommes versées par Washington. 12.01.2012
Bill Quigley & Amber Ramanauskas
CounterPunch
Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement
Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblementUne géographie éloquente
En Haïti, on dirait que le tremblement de terre a eu lieu il y a deux mois, et non il y a deux ans. Plus de 500 000 personnes n'ont toujours pas de logement et vivent dans des camps informels ; le sol est encore jonché de tous les débris des bâtiments en ruine, et le choléra a été introduit dans le pays et s'est transformé en une épidémie meurtrière qui a déjà tué des milliers de personnes et continue d'en toucher des milliers d'autres.
La vérité, c'est que pratiquement aucun don du public n'a directement été envoyé en Haïti. Les Haïtiens n'ont à peu près aucun contrôle sur cet argent, mais si l'on en croit l'Histoire, il est probable qu'on leur reprochera ces échecs – un petit jeu appelé : "Accusons la victime".
Comme beaucoup d'autres personnes dans le monde, les Haïtiens se demandent où est passé l'argent. Voilà sept endroits où les dons sont ou ne sont pas allés.
1) Le bénéficiaire principal de l'argent octroyé par les Etats-Unis après le tremblement de terre s'est révélé être le gouvernement des Etats-Unis. Il en va de même pour les donations des autres pays.
Juste après le séisme, les Etats-Unis ont consenti une aide de 379 millions de dollars et ont envoyé 5 000 soldats. L'agence américaine Associated Press a découvert en janvier 2010 que 33 centimes de chacun de ces dollars avaient en fait été rendus directement aux Etats-Unis pour compenser le coût de l'envoi des troupes militaires. Pour chaque dollar, 42 centimes ont été envoyés à des ONG publiques et privées comme Save the Children, le Programme alimentaire mondial des Nations Unies et l'Organisation panaméricaine de la santé.
L'ensemble du 1,6 milliard de dollars alloué par les Etats-Unis au secours d'urgence a été dépensé de la même façon : 655 millions de dollars ont servi à rembourser le département de la Défense, 220 millions ont été envoyés au département de la Santé et des Services à la personne pour qu'il aide les Etats américains à fournir des services aux réfugiés haïtiens, 350 millions ont été affectés à l'aide d'urgence fournie par l'Agence des Etats-Unis pour le développement international (Usaid), 150 millions sont partis au département de l'Agriculture pour participer à l'aide alimentaire d'urgence, 15 millions au département de la Sécurité intérieure pour couvrir les frais d'immigration, etc.
L'aide internationale a été répartie de la même façon. L'envoyé spécial des Nations unies pour Haïti a révélé que l'argent du fonds humanitaire, soit 2,4 milliards de dollars, avait été distribué de la façon suivante : 34 % ont été renvoyés aux organismes civils et militaires des donateurs pour l'intervention d'urgence, 28 % attribués à des agences des Nations unies et à des ONG, 26 % alloués à des sociétés privées et à d'autres ONG, 5 % reversés à des sociétés nationales et internationales de la Croix-Rouge, 1 % a été versé au gouvernement haïtien et 0,4 % à des ONG haïtiennes.
2) Seulement 1 % des dons a été envoyé au gouvernement haïtien. Selon l'agence Associated Press, sur chaque dollar accordé par les Etats-Unis pour l'aide d'urgence, moins d'un centime est parvenu au gouvernement haïtien. Il en va de même avec les autres donateurs internationaux. Le gouvernement haïtien n'a absolument pas été mis à contribution dans le cadre de l'intervention d'urgence menée par les Etats-Unis et la communauté internationale.
3) Des sommes dérisoires sont parvenues aux entreprises et aux ONG haïtiennes. Le Center for Economic and Policy Research, la meilleure source d'information qui soit dans ce domaine, a analysé les 1 490 contrats attribués par le gouvernement américain entre janvier 2010 et avril 2011, et s'est rendu compte que seuls 23 d'entre eux avaient été accordés à des entreprises haïtiennes. Dans l'ensemble, les Etats-Unis ont distribué 194 millions de dollars à des sous-traitants, dont 4,8 millions seulement à des sociétés haïtiennes, soit environ 2,5 % du total. Quant aux sociétés privées de la région de Washington DC, elles ont reçu 76 millions de dollars, soit 39,4 % du total.
L'ONG Refugees International a indiqué que leurs collaborateurs sur place avaient eu du mal à accéder aux réunions opérationnelles organisées dans le complexe des Nations unies. D'autres ont noté que la plupart des réunions de coordination de l'aide internationale n'étaient même pas traduites en créole, langue que parlent la majorité des Haïtiens !
4) Un pourcentage non négligeable de l'argent a été transmis aux organismes internationaux d'assistance et aux grandes organisations non gouvernementales faisant partie de réseaux influents. La Croix-Rouge américaine a reçu plus de 486 millions de dollars de dons pour Haïti. Selon l'organisation, deux tiers de cet argent a servi à sous-traiter l'intervention d'urgence et la reconstruction, bien qu'il soit difficile d'obtenir plus de détails. Le salaire annuel du PDG de la Croix-Rouge est supérieur à 500 000 dollars par an [390 000 euros, soit 33 000 euros par mois].
On peut aussi mentionner le contrat de 8,6 millions de dollars entre Usaid et la société privée CHF, chargée de nettoyer les décombres dans Port-au-Prince.
CHF est une entreprise de développement international qui, politiquement, fait partie de réseaux influents, qui a un budget annuel de plus de 200 millions de dollars et dont le PDG a gagné 451 813 dollars [354 000 euros] en 2009.
Les bureaux de CHF en Haïti "sont installés dans deux hôtels particuliers spacieux de Port-au-Prince et l'entreprise dispose d'une flotte de véhicules flambant neufs," selon le magazine Rolling Stone.
Rolling Stone a également révélé l'existence d'un autre contrat, d'une valeur de 1,5 million dollars, accordé au cabinet de conseil Dalberg Global Development Advisors, dont le siège est à New York. Selon l'article, le personnel de Dalberg "n'avait jamais vécu à l'étranger, n'avait aucune expérience en matière de catastrophe naturelle ou d'urbanisme, et n'avait jamais été responsable de programmes sur le terrain", et seul un membre de l'équipe parlait français.
Le 16 janvier 2010, George W. Bush et Bill Clinton ont annoncé le lancement d'une collecte de fonds pour Haïti. En octobre 2011, les dons avaient atteint la somme de 54 millions de dollars. Deux millions ont contribué à la construction d'un hôtel de luxe en Haïti, pour un budget total de 29 millions de dollars.
5) Une partie de l'argent a été versée à des entreprises qui profitent des catastrophes naturelles. Lewis Lucke, un coordinateur haut placé d'Usaid, a rencontré le Premier ministre haïtien deux fois à la suite du tremblement de terre. Il a ensuite démissionné et a été embauché – pour un salaire mensuel de 30 000 dollars - par la société Ashbritt, installée en Floride (déjà célèbre pour avoir obtenu des subventions considérables sans appel d'offres après l'ouragan Katrina) et par un partenaire haïtien prospère, afin de faire du lobbying pour obtenir des contrats. Lewis Lucke a déclaré qu'il était "devenu évident que si la situation était gérée correctement le séisme pouvait apparaître comme une opportunité autant que comme une calamité". Ashbritt et son partenaire haïtien se sont rapidement vu attribuer un contrat de 10 millions de dollars sans appel d'offres.
6) Une partie non négligeable de l'argent promis n'a jamais été distribuée. La communauté internationale a décidé de ne pas laisser le gouvernement haïtien gérer le fonds d'assistance et de relèvement et a insisté pour que deux institutions soient créées pour approuver les projets et les dépenses dédiées aux fonds de reconstruction envoyés pour Haïti : la Commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti (CIRH) et le Fonds pour la reconstruction d'Haïti.
En mars 2010, lors d'une conférence, les Etats membres de l'ONU se sont engagés à verser 5,3 milliards de dollars sur deux ans et un total de 9,9 milliards de dollars sur trois ans. En juillet 2010, seules 10 % des sommes promises avaient été versées à la CIRH.
7) Une grande partie de l'argent donné n'a pas encore été dépensée. Près de deux ans après le tremblement de terre, moins de 1 % des 412 millions de dollars alloués par les Etats-Unis à la reconstruction d'infrastructures en Haïti ont été dépensés par Usaid et le département d'Etat américain, et seuls 12 % ont réellement été affectés, selon un rapport publié en novembre 2011 par le bureau américain chargé du contrôle des comptes (GAO).
La CIRH qui, depuis sa création, a été sévèrement critiquée par les Haïtiens, entre autres, est suspendue depuis la fin de son mandat, en octobre 2011. Le Fonds pour la reconstruction d'Haïti a été créé pour fonctionner en tandem avec la CIHR. Ainsi, tant que cette dernière est interrompue, le Fonds pourra difficilement poursuivre sa mission.
Que faire ? Au lieu de donner de l'argent à des intermédiaires, les dons devraient être envoyés autant que possible aux organismes haïtiens publics et privés. Le respect, la transparence et l'obligation de rendre des comptes constituent les fondements des droits humains.
http://www.courrierinternational.com/article/2012/01/12/mais-ou-diable-est-passe-l-argent-de-la-reconstruction
Bill Quigley & Amber Ramanauskas
CounterPunch
Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement
Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblement Haïti, le séisme et tout le tremblementUne géographie éloquente
En Haïti, on dirait que le tremblement de terre a eu lieu il y a deux mois, et non il y a deux ans. Plus de 500 000 personnes n'ont toujours pas de logement et vivent dans des camps informels ; le sol est encore jonché de tous les débris des bâtiments en ruine, et le choléra a été introduit dans le pays et s'est transformé en une épidémie meurtrière qui a déjà tué des milliers de personnes et continue d'en toucher des milliers d'autres.
La vérité, c'est que pratiquement aucun don du public n'a directement été envoyé en Haïti. Les Haïtiens n'ont à peu près aucun contrôle sur cet argent, mais si l'on en croit l'Histoire, il est probable qu'on leur reprochera ces échecs – un petit jeu appelé : "Accusons la victime".
Comme beaucoup d'autres personnes dans le monde, les Haïtiens se demandent où est passé l'argent. Voilà sept endroits où les dons sont ou ne sont pas allés.
1) Le bénéficiaire principal de l'argent octroyé par les Etats-Unis après le tremblement de terre s'est révélé être le gouvernement des Etats-Unis. Il en va de même pour les donations des autres pays.
Juste après le séisme, les Etats-Unis ont consenti une aide de 379 millions de dollars et ont envoyé 5 000 soldats. L'agence américaine Associated Press a découvert en janvier 2010 que 33 centimes de chacun de ces dollars avaient en fait été rendus directement aux Etats-Unis pour compenser le coût de l'envoi des troupes militaires. Pour chaque dollar, 42 centimes ont été envoyés à des ONG publiques et privées comme Save the Children, le Programme alimentaire mondial des Nations Unies et l'Organisation panaméricaine de la santé.
L'ensemble du 1,6 milliard de dollars alloué par les Etats-Unis au secours d'urgence a été dépensé de la même façon : 655 millions de dollars ont servi à rembourser le département de la Défense, 220 millions ont été envoyés au département de la Santé et des Services à la personne pour qu'il aide les Etats américains à fournir des services aux réfugiés haïtiens, 350 millions ont été affectés à l'aide d'urgence fournie par l'Agence des Etats-Unis pour le développement international (Usaid), 150 millions sont partis au département de l'Agriculture pour participer à l'aide alimentaire d'urgence, 15 millions au département de la Sécurité intérieure pour couvrir les frais d'immigration, etc.
L'aide internationale a été répartie de la même façon. L'envoyé spécial des Nations unies pour Haïti a révélé que l'argent du fonds humanitaire, soit 2,4 milliards de dollars, avait été distribué de la façon suivante : 34 % ont été renvoyés aux organismes civils et militaires des donateurs pour l'intervention d'urgence, 28 % attribués à des agences des Nations unies et à des ONG, 26 % alloués à des sociétés privées et à d'autres ONG, 5 % reversés à des sociétés nationales et internationales de la Croix-Rouge, 1 % a été versé au gouvernement haïtien et 0,4 % à des ONG haïtiennes.
2) Seulement 1 % des dons a été envoyé au gouvernement haïtien. Selon l'agence Associated Press, sur chaque dollar accordé par les Etats-Unis pour l'aide d'urgence, moins d'un centime est parvenu au gouvernement haïtien. Il en va de même avec les autres donateurs internationaux. Le gouvernement haïtien n'a absolument pas été mis à contribution dans le cadre de l'intervention d'urgence menée par les Etats-Unis et la communauté internationale.
3) Des sommes dérisoires sont parvenues aux entreprises et aux ONG haïtiennes. Le Center for Economic and Policy Research, la meilleure source d'information qui soit dans ce domaine, a analysé les 1 490 contrats attribués par le gouvernement américain entre janvier 2010 et avril 2011, et s'est rendu compte que seuls 23 d'entre eux avaient été accordés à des entreprises haïtiennes. Dans l'ensemble, les Etats-Unis ont distribué 194 millions de dollars à des sous-traitants, dont 4,8 millions seulement à des sociétés haïtiennes, soit environ 2,5 % du total. Quant aux sociétés privées de la région de Washington DC, elles ont reçu 76 millions de dollars, soit 39,4 % du total.
L'ONG Refugees International a indiqué que leurs collaborateurs sur place avaient eu du mal à accéder aux réunions opérationnelles organisées dans le complexe des Nations unies. D'autres ont noté que la plupart des réunions de coordination de l'aide internationale n'étaient même pas traduites en créole, langue que parlent la majorité des Haïtiens !
4) Un pourcentage non négligeable de l'argent a été transmis aux organismes internationaux d'assistance et aux grandes organisations non gouvernementales faisant partie de réseaux influents. La Croix-Rouge américaine a reçu plus de 486 millions de dollars de dons pour Haïti. Selon l'organisation, deux tiers de cet argent a servi à sous-traiter l'intervention d'urgence et la reconstruction, bien qu'il soit difficile d'obtenir plus de détails. Le salaire annuel du PDG de la Croix-Rouge est supérieur à 500 000 dollars par an [390 000 euros, soit 33 000 euros par mois].
On peut aussi mentionner le contrat de 8,6 millions de dollars entre Usaid et la société privée CHF, chargée de nettoyer les décombres dans Port-au-Prince.
CHF est une entreprise de développement international qui, politiquement, fait partie de réseaux influents, qui a un budget annuel de plus de 200 millions de dollars et dont le PDG a gagné 451 813 dollars [354 000 euros] en 2009.
Les bureaux de CHF en Haïti "sont installés dans deux hôtels particuliers spacieux de Port-au-Prince et l'entreprise dispose d'une flotte de véhicules flambant neufs," selon le magazine Rolling Stone.
Rolling Stone a également révélé l'existence d'un autre contrat, d'une valeur de 1,5 million dollars, accordé au cabinet de conseil Dalberg Global Development Advisors, dont le siège est à New York. Selon l'article, le personnel de Dalberg "n'avait jamais vécu à l'étranger, n'avait aucune expérience en matière de catastrophe naturelle ou d'urbanisme, et n'avait jamais été responsable de programmes sur le terrain", et seul un membre de l'équipe parlait français.
Le 16 janvier 2010, George W. Bush et Bill Clinton ont annoncé le lancement d'une collecte de fonds pour Haïti. En octobre 2011, les dons avaient atteint la somme de 54 millions de dollars. Deux millions ont contribué à la construction d'un hôtel de luxe en Haïti, pour un budget total de 29 millions de dollars.
5) Une partie de l'argent a été versée à des entreprises qui profitent des catastrophes naturelles. Lewis Lucke, un coordinateur haut placé d'Usaid, a rencontré le Premier ministre haïtien deux fois à la suite du tremblement de terre. Il a ensuite démissionné et a été embauché – pour un salaire mensuel de 30 000 dollars - par la société Ashbritt, installée en Floride (déjà célèbre pour avoir obtenu des subventions considérables sans appel d'offres après l'ouragan Katrina) et par un partenaire haïtien prospère, afin de faire du lobbying pour obtenir des contrats. Lewis Lucke a déclaré qu'il était "devenu évident que si la situation était gérée correctement le séisme pouvait apparaître comme une opportunité autant que comme une calamité". Ashbritt et son partenaire haïtien se sont rapidement vu attribuer un contrat de 10 millions de dollars sans appel d'offres.
6) Une partie non négligeable de l'argent promis n'a jamais été distribuée. La communauté internationale a décidé de ne pas laisser le gouvernement haïtien gérer le fonds d'assistance et de relèvement et a insisté pour que deux institutions soient créées pour approuver les projets et les dépenses dédiées aux fonds de reconstruction envoyés pour Haïti : la Commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti (CIRH) et le Fonds pour la reconstruction d'Haïti.
En mars 2010, lors d'une conférence, les Etats membres de l'ONU se sont engagés à verser 5,3 milliards de dollars sur deux ans et un total de 9,9 milliards de dollars sur trois ans. En juillet 2010, seules 10 % des sommes promises avaient été versées à la CIRH.
7) Une grande partie de l'argent donné n'a pas encore été dépensée. Près de deux ans après le tremblement de terre, moins de 1 % des 412 millions de dollars alloués par les Etats-Unis à la reconstruction d'infrastructures en Haïti ont été dépensés par Usaid et le département d'Etat américain, et seuls 12 % ont réellement été affectés, selon un rapport publié en novembre 2011 par le bureau américain chargé du contrôle des comptes (GAO).
La CIRH qui, depuis sa création, a été sévèrement critiquée par les Haïtiens, entre autres, est suspendue depuis la fin de son mandat, en octobre 2011. Le Fonds pour la reconstruction d'Haïti a été créé pour fonctionner en tandem avec la CIHR. Ainsi, tant que cette dernière est interrompue, le Fonds pourra difficilement poursuivre sa mission.
Que faire ? Au lieu de donner de l'argent à des intermédiaires, les dons devraient être envoyés autant que possible aux organismes haïtiens publics et privés. Le respect, la transparence et l'obligation de rendre des comptes constituent les fondements des droits humains.
http://www.courrierinternational.com/article/2012/01/12/mais-ou-diable-est-passe-l-argent-de-la-reconstruction
Haïti deux ans plus tard. Place au développement, d'urgence
L'aide apportée à Haïti au moment du tremblement de terre a été gigantesque et efficace. Mais, selon Pierre Verbeeren, administrateur au Consortium belge pour les situations d’urgence, le bilan de la reconstruction est limité. Le développement indispensable à ce pays, l'un des plus pauvres du monde, n'a pas été au rendez-vous. Il ne faut cependant pas baisser les bras.
Une solidarité efficace
Il y a 2 ans jour pour jour, le 12 janvier 2010, un tremblement de terre détruit en grande partie Port-au-Prince et sa région, tuant au moins 240.000 personnes, faisant 1.300.000 sans-abri et provoquant des dégâts estimés à 8 milliards de dollars. Les infrastructures du pays sont mises à plat ; les Haïtiens sont traumatisés.
Au lendemain du séisme, personne n’est indifférent. Les images présentées par les médias imposent d’intervenir. Aucun lieu de vie n’échappe à l’émotion. La famille, le club de sport, l’entreprise, les autorités politiques : tout le monde veut faire quelque chose. La vague de solidarité est immense.
L’aide se déploie rapidement, mais dans des circonstances particulièrement difficiles. Des actions de solidarité voient le jour aux quatre coins de la planète. Dans notre pays, le Consortium belge pour les situations d’urgence (Caritas International, Handicap International, Médecins du Monde, Oxfam-Solidarité et UNICEF Belgique) lance l’appel « Haïti Lavi 12-12 ». Cet appel bénéficie d’un large soutien du public belge, des autorités, des médias et des entreprises ce qui a permis de délivrer une aide concrète et souvent vitale sur le terrain.
Deux années ont passées depuis le tremblement de terre. Pendant deux années, une aide gigantesque a été organisée : des millions d’actes médicaux, des centaines de milliers des tentes, des milliards de litres d’eau, des mégatonnes de nourriture, des milliers de constructions temporaires pour relancer les écoles, les dispensaires, les entreprises et autres infrastructures collectives détruites par le séisme.
On peut également citer la relance des petites exploitations agricoles, la vaccination d’enfants, la lutte contre le choléra, la recherche des familles d’enfants qui les avaient perdues, le placement de prothèses de personnes amputés, leur revalidation… On trouvera le bilan impressionnant d’une partie significative des ONG belges sur le site du consortium
Le séisme a fonctionné comme un miroir de l’extrême pauvreté préexistante
Malgré cela, le bilan de la reconstruction d’Haïti est mitigé. Si l’aide humanitaire a rarement si bien fonctionné, la reconstruction est en rade : environ 500.000 personnes - initialement 1.300.000 - vivent encore dans des camps précaires pour déplacés.
La moitié des haïtiens n’ont toujours pas accès aux soins pour des raisons financières et géographiques. L’eau courante, lorsqu’elle existe, n’est toujours pas potable et la moitié des débris de bâtiments effondrés n’a pas été déblayée. Bien que le pays aborde 2012 doté d’un nouveau gouvernement et d’un budget adapté, la population reste confrontée aux conséquences des nombreux défis qui se posent au pays et les infrastructures, les institutions et le système social continuent à porter les stigmates de la catastrophe. En effet, le séisme a fonctionné comme un miroir de l’extrême pauvreté préexistante dans un pays déjà à terre bien avant, livré au clientélisme, sans système éducatif réel, sans accès aux soins pour la majorité, les plus pauvres vivant avec moins d’un à 2 USD par jour. Pour les organisations de la société civile, le bilan n’est pas positif.
Les projets publics mis en œuvre au cours de l’année 2011 dans le cadre de la reconstruction n’ont pas contribué au changement réel des mauvaises conditions de vie des sinistrés et de la population en général. Globalement, les bailleurs de fonds demeurent insatisfaits des progrès, ralentis par des questions administratives mais surtout par une crise politique en 2011 qui a bloqué pendant plusieurs mois les activités.
Déjà, ils annoncent un désengagement sans que les changements structurels attendus par les Haïtiens se fassent sentir sur le terrain. L’action des ONG humanitaires reste indispensable et alors que les moyens se tarissent et qu’on espérait pouvoir passer de l’humanitaire au développement.
Le gouvernement nouvellement élu prend la mesure des critiques et revendique un leadership sur le processus de reconstruction. On doit s’en réjouir.
C’est donc l’heure de combiner capacités d’action humanitaire, là où c’est encore nécessaire, et stratégies de développement. Médecins du Monde par exemple, ne s’est pas contenté de sauver des vies et d’endiguer le choléra. Dès le lendemain du séisme, nous nous sommes engagés à participer au relèvement du système sanitaire haïtien.
Notre stratégie d’intervention est claire : profiter de cet élan de solidarité pour casser le cycle de la dépendance humanitaire et des solutions temporaires, et aider le gouvernement à reprendre l’initiative et le leadership de la reconstruction.
Nous souhaitons en effet la construction d’un système de santé public fort. Mais cela ne se fera pas sans un accompagnement durable qui permettra que la mise en œuvre des programmes nationaux bénéficie localement de tout le suivi nécessaire pour garantir la qualité des prestations, la bonne gouvernance et la transparence du système, l’accès pour les plus vulnérables et le renforcement des ressources humaines de santé.
Cela vaut pour Médecins du Monde et la santé, pour Oxfam et le développement socio-économique, pour l’UNICEF et l’enfance, pour Caritas et les plus vulnérables, pour Handicap International et les personnes handicapées. Ces efforts doivent être soutenus.
Les Haïtiens ne sont pas encore au bout du tunnel. La reconstruction peut et doit venir maintenant.
Pierre Verbeeren, Directeur général de Médecins du Monde – Belgique, Administrateur au Consortium belge pour les situations d’urgence asbl
Le Consortium 12-12 est né en 1979 à Bruxelles, pour venir en aide aux victimes du génocide au Cambodge et d’un conflit militaire en Somalie. Le Consortium dispose d’un numéro de compte commun qui se termine par 12-12 et avec lequel il peut mobiliser les autorités et le public belge pour apporter la solidarité nécessaire lors de catastrophes humanitaires majeures.
http://www.rtbf.be/info/opinions/detail_haiti-deux-ans-plus-tard-place-au-developpement-d-urgence?id=7375563
Une solidarité efficace
Il y a 2 ans jour pour jour, le 12 janvier 2010, un tremblement de terre détruit en grande partie Port-au-Prince et sa région, tuant au moins 240.000 personnes, faisant 1.300.000 sans-abri et provoquant des dégâts estimés à 8 milliards de dollars. Les infrastructures du pays sont mises à plat ; les Haïtiens sont traumatisés.
Au lendemain du séisme, personne n’est indifférent. Les images présentées par les médias imposent d’intervenir. Aucun lieu de vie n’échappe à l’émotion. La famille, le club de sport, l’entreprise, les autorités politiques : tout le monde veut faire quelque chose. La vague de solidarité est immense.
L’aide se déploie rapidement, mais dans des circonstances particulièrement difficiles. Des actions de solidarité voient le jour aux quatre coins de la planète. Dans notre pays, le Consortium belge pour les situations d’urgence (Caritas International, Handicap International, Médecins du Monde, Oxfam-Solidarité et UNICEF Belgique) lance l’appel « Haïti Lavi 12-12 ». Cet appel bénéficie d’un large soutien du public belge, des autorités, des médias et des entreprises ce qui a permis de délivrer une aide concrète et souvent vitale sur le terrain.
Deux années ont passées depuis le tremblement de terre. Pendant deux années, une aide gigantesque a été organisée : des millions d’actes médicaux, des centaines de milliers des tentes, des milliards de litres d’eau, des mégatonnes de nourriture, des milliers de constructions temporaires pour relancer les écoles, les dispensaires, les entreprises et autres infrastructures collectives détruites par le séisme.
On peut également citer la relance des petites exploitations agricoles, la vaccination d’enfants, la lutte contre le choléra, la recherche des familles d’enfants qui les avaient perdues, le placement de prothèses de personnes amputés, leur revalidation… On trouvera le bilan impressionnant d’une partie significative des ONG belges sur le site du consortium
Le séisme a fonctionné comme un miroir de l’extrême pauvreté préexistante
Malgré cela, le bilan de la reconstruction d’Haïti est mitigé. Si l’aide humanitaire a rarement si bien fonctionné, la reconstruction est en rade : environ 500.000 personnes - initialement 1.300.000 - vivent encore dans des camps précaires pour déplacés.
La moitié des haïtiens n’ont toujours pas accès aux soins pour des raisons financières et géographiques. L’eau courante, lorsqu’elle existe, n’est toujours pas potable et la moitié des débris de bâtiments effondrés n’a pas été déblayée. Bien que le pays aborde 2012 doté d’un nouveau gouvernement et d’un budget adapté, la population reste confrontée aux conséquences des nombreux défis qui se posent au pays et les infrastructures, les institutions et le système social continuent à porter les stigmates de la catastrophe. En effet, le séisme a fonctionné comme un miroir de l’extrême pauvreté préexistante dans un pays déjà à terre bien avant, livré au clientélisme, sans système éducatif réel, sans accès aux soins pour la majorité, les plus pauvres vivant avec moins d’un à 2 USD par jour. Pour les organisations de la société civile, le bilan n’est pas positif.
Les projets publics mis en œuvre au cours de l’année 2011 dans le cadre de la reconstruction n’ont pas contribué au changement réel des mauvaises conditions de vie des sinistrés et de la population en général. Globalement, les bailleurs de fonds demeurent insatisfaits des progrès, ralentis par des questions administratives mais surtout par une crise politique en 2011 qui a bloqué pendant plusieurs mois les activités.
Déjà, ils annoncent un désengagement sans que les changements structurels attendus par les Haïtiens se fassent sentir sur le terrain. L’action des ONG humanitaires reste indispensable et alors que les moyens se tarissent et qu’on espérait pouvoir passer de l’humanitaire au développement.
Le gouvernement nouvellement élu prend la mesure des critiques et revendique un leadership sur le processus de reconstruction. On doit s’en réjouir.
C’est donc l’heure de combiner capacités d’action humanitaire, là où c’est encore nécessaire, et stratégies de développement. Médecins du Monde par exemple, ne s’est pas contenté de sauver des vies et d’endiguer le choléra. Dès le lendemain du séisme, nous nous sommes engagés à participer au relèvement du système sanitaire haïtien.
Notre stratégie d’intervention est claire : profiter de cet élan de solidarité pour casser le cycle de la dépendance humanitaire et des solutions temporaires, et aider le gouvernement à reprendre l’initiative et le leadership de la reconstruction.
Nous souhaitons en effet la construction d’un système de santé public fort. Mais cela ne se fera pas sans un accompagnement durable qui permettra que la mise en œuvre des programmes nationaux bénéficie localement de tout le suivi nécessaire pour garantir la qualité des prestations, la bonne gouvernance et la transparence du système, l’accès pour les plus vulnérables et le renforcement des ressources humaines de santé.
Cela vaut pour Médecins du Monde et la santé, pour Oxfam et le développement socio-économique, pour l’UNICEF et l’enfance, pour Caritas et les plus vulnérables, pour Handicap International et les personnes handicapées. Ces efforts doivent être soutenus.
Les Haïtiens ne sont pas encore au bout du tunnel. La reconstruction peut et doit venir maintenant.
Pierre Verbeeren, Directeur général de Médecins du Monde – Belgique, Administrateur au Consortium belge pour les situations d’urgence asbl
Le Consortium 12-12 est né en 1979 à Bruxelles, pour venir en aide aux victimes du génocide au Cambodge et d’un conflit militaire en Somalie. Le Consortium dispose d’un numéro de compte commun qui se termine par 12-12 et avec lequel il peut mobiliser les autorités et le public belge pour apporter la solidarité nécessaire lors de catastrophes humanitaires majeures.
http://www.rtbf.be/info/opinions/detail_haiti-deux-ans-plus-tard-place-au-developpement-d-urgence?id=7375563
Deux ans après le séisme, Haïti commémore ses morts
jeudi 12 janvier 2012 09h22
par Joseph Guyler Delva et Kevin Gray
PORT-AU-PRINCE (Reuters) - Haïti commémore ce jeudi le deuxième anniversaire du séisme dévastateur de janvier 2010 qui a ravagé le pays, toujours confronté aux défis de la reconstruction et du relogement de centaines de milliers de sans-abri.
Des cérémonies solennelles seront organisées dans les cimetières en mémoire des morts de la plus grave catastrophe naturelle de l'histoire haïtienne.
Ce 12 janvier 2010, le tremblement du terre, d'une magnitude de 7, n'a duré que dix à vingt secondes. Mais des immeubles et des maisons se sont abattus comme des châteaux de cartes, tuant quelque 300.000 Haïtiens.
On estime à 1,5 million le nombre de leurs compatriotes qui ont perdu leur maison dans la catastrophe. Deux ans après, un demi-million d'Haïtiens vivent toujours dans des camps insalubres de Port-au-Prince.
Le président Michel Martelly a promis que les efforts du gouvernement seraient dédoublés pour reconstruire.
"Cette année, c'est l'année où nous commencerons véritablement à reconstruire, reconstruire matériellement, mais aussi reconstruire l'espoir et l'avenir du peuple haïtien", a-t-il dit mercredi.
Pour symboliser la reconstruction, le chef de l'Etat doit inaugurer dans la journée une nouvelle université, financée par la République dominicaine, voisine d'Haïti.
Construite à proximité de la frontière, l'Université du Roi Henri Christophe est l'un des bâtiments les plus importants du pays. Martelly espère que son inauguration sera le signal qu'Haïti, pays le plus pauvre du continent américain, est engagé sur la voie du progrès.
Son administration met également l'accent sur certains projets phares, comme la mise en chantier d'une zone industrielle sur la côte nord-ouest qui bénéficie d'un budget de 250 millions de dollars, ou un programme agronome qui doit améliorer la production agricole.
En dépit de milliards de dollars de promesses internationales de dons et d'assistance, de nombreux Haïtiens disent ne voir que peu de résultats tangibles du processus de reconstruction.
Ainsi, on estime que la moitié seulement des débris et des ruines du 12 janvier 2010 a été déblayée à Port-au-Prince.
Henri-Pierre André pour le service français
http://fr.reuters.com/article/topNews/idFRPAE80B02820120112?pageNumber=2&virtualBrandChannel=0
par Joseph Guyler Delva et Kevin Gray
PORT-AU-PRINCE (Reuters) - Haïti commémore ce jeudi le deuxième anniversaire du séisme dévastateur de janvier 2010 qui a ravagé le pays, toujours confronté aux défis de la reconstruction et du relogement de centaines de milliers de sans-abri.
Des cérémonies solennelles seront organisées dans les cimetières en mémoire des morts de la plus grave catastrophe naturelle de l'histoire haïtienne.
Ce 12 janvier 2010, le tremblement du terre, d'une magnitude de 7, n'a duré que dix à vingt secondes. Mais des immeubles et des maisons se sont abattus comme des châteaux de cartes, tuant quelque 300.000 Haïtiens.
On estime à 1,5 million le nombre de leurs compatriotes qui ont perdu leur maison dans la catastrophe. Deux ans après, un demi-million d'Haïtiens vivent toujours dans des camps insalubres de Port-au-Prince.
Le président Michel Martelly a promis que les efforts du gouvernement seraient dédoublés pour reconstruire.
"Cette année, c'est l'année où nous commencerons véritablement à reconstruire, reconstruire matériellement, mais aussi reconstruire l'espoir et l'avenir du peuple haïtien", a-t-il dit mercredi.
Pour symboliser la reconstruction, le chef de l'Etat doit inaugurer dans la journée une nouvelle université, financée par la République dominicaine, voisine d'Haïti.
Construite à proximité de la frontière, l'Université du Roi Henri Christophe est l'un des bâtiments les plus importants du pays. Martelly espère que son inauguration sera le signal qu'Haïti, pays le plus pauvre du continent américain, est engagé sur la voie du progrès.
Son administration met également l'accent sur certains projets phares, comme la mise en chantier d'une zone industrielle sur la côte nord-ouest qui bénéficie d'un budget de 250 millions de dollars, ou un programme agronome qui doit améliorer la production agricole.
En dépit de milliards de dollars de promesses internationales de dons et d'assistance, de nombreux Haïtiens disent ne voir que peu de résultats tangibles du processus de reconstruction.
Ainsi, on estime que la moitié seulement des débris et des ruines du 12 janvier 2010 a été déblayée à Port-au-Prince.
Henri-Pierre André pour le service français
http://fr.reuters.com/article/topNews/idFRPAE80B02820120112?pageNumber=2&virtualBrandChannel=0
A Haïti, la reconstruction avance "à pas de tortue"
Reportage
11.01.12
Port-au-Prince Envoyé spécial - Deux ans après le tremblement de terre qui a dévasté Port-au-Prince, Anier Guerda vit toujours dans une petite tente rafistolée avec quelques bouts de bois et de tôle, sur le Champ de Mars, face aux ruines du palais présidentiel. Comme elle, 520 000 personnes sont encore entassées dans des camps de fortune, aux conditions de plus en plus précaires.
"Tout le monde veut quitter le camp, où il y a beaucoup de vols et de viols, mais on ne sait pas où aller", dit-elle. Cette marchande de rue a perdu son logement et tous ses biens lors du séisme qui a tué plus de 220 000 personnes le 12 janvier 2010. "C'est la misère, les ONG (organisations non gouverne-mentales) sont parties et le gouvernement ne nous donne rien", ajoute-t-elle, montrant l'intérieur de la petite tente, à peine 6 mètres carrés, où elle vit avec ses cinq enfants.
Où sont passés les 5,5 milliards de dollars (4,3 milliards d'euros) promis par les bailleurs de fonds pour 2010 et 2011 ? Et les quelque 3 milliards de dons privés, récoltés dans le monde après la catastrophe, selon le bureau de l'envoyé spécial des Nations unies pour Haïti, l'ancien président des Etats-Unis Bill Clinton ?
Une partie des fonds n'est jamais arrivée en Haïti. C'est le cas du tiers de la première enveloppe de 379 millions de dollars débloqués par les Etats-Unis, qui a servi à couvrir les frais des milliers de militaires envoyés ici après le séisme.
Des progrès sont visibles. Les rues embouteillées de la capitale ont été débarrassées des montagnes de décombres qui les obstruaient. "La tragédie a fonctionné comme un miroir de la pauvreté préexistante, dans un pays déjà à terre avant le séisme et qui dépendait déjà de l'assistance internationale", rappelle Médecins du monde, une ONG présente de longue date dans la république caraïbe.
Plus de la moitié des dix millions de mètres cubes de décombres a été déblayée. "Un rythme plus rapide qu'à Aceh (Indonésie) après le tsunami de 2004 ou même qu'à New York après les attentats du 11-Septembre", souligne Nigel Fisher, le coordonnateur des Nations unies en Haïti. 65 % des sans-abri ont été relogés dans plus de 100 000 abris provisoires et dans plus de 25 000 maisons réparées ou reconstruites.
Selon les Nations unies, 53 % des fonds promis pour 2010 et 2011 ont été déboursés par les bailleurs, qui ont aussi annulé près d'un milliard de dollars de dette due par Haïti. "Il faudrait accélérer les décaissements, mais le solde est engagé, on sait où les sommes vont être dépensées", assure M. Fisher.
Mais les autorités haïtiennes, les ONG et les entreprises locales n'ont reçu qu'une part minime de l'aide internationale, gérée pour l'essentiel par les agences onusiennes et les grandes ONG internationales.
"Il y a une méfiance de beaucoup d'acteurs vis-à-vis du gouvernement, soupçonné de corruption, ou en raison de sa faiblesse, et on a tendance à le contourner pour verser les fonds aux ONG", reconnaît M. Fisher.
Renforcée par le séisme, cette tendance a transformé Haïti en une "république des ONG", qui ont pris en charge des pans entiers de l'action étatique, sans coordination. Et parfois sans transparence. Un exemple parmi d'autres : au 30 septembre 2011, la Croix-Rouge n'avait dépensé que 48 % des fonds (1,28 milliard de dollars au total) qu'elle a reçus après le séisme, selon le bureau de M. Clinton.
"La reconstruction avance à pas de tortue", déplore Barbara Stocking, la directrice générale d'Oxfam GB, l'ONG britannique qui a pris en charge une grande partie des travaux d'assainissement et d'approvisionnement en eau dans les camps de réfugiés.
"La crise électorale de 2011, puis la crise politique qui a retardé la nomination du premier ministre, l'absence de cadastre et l'épidémie de choléra qui a tué près de 6 000 personnes ont constitué autant d'obstacles à la reconstruction", explique-t-elle.
Le temps presse et les ONG ont d'autres priorités. Le budget humanitaire d'Oxfam GB en Haïti va ainsi chuter de 96 millions de dollars en 2010 et 2011 à 10 millions en 2012.
Des milliards de dollars bien ou mal dépensés en aide humanitaire après le séisme, il ne reste pas grand-chose, hormis les tentes et les bâches maltraitées par le soleil et les intempéries, des rangées de latrines de moins en moins entretenues, et les "abris provisoires", dont beaucoup craignent qu'ils ne se pérennisent pour former de nouveaux bidonvilles.
"On a trop dépensé dans le transitoire et pas assez investi dans le long terme", regrette Jean-Christophe Adrian, coordinateur du programme des Nations unies pour les établissements humains. "En matière de logement, il y a une tendance généralisée à vouloir faire à la place des Haïtiens. On a dépensé 500 millions de dollars en abris d'urgence, en important tout, sans aucune contribution à l'économie haïtienne, ni création d'emplois", ajoute-t-il.
Rattaché au premier ministre Garry Conille, un nouveau service devrait permettre de définir une politique cohérente en matière de relogement et de reconstruction des bâtiments publics, pratiquement tous détruits par le séisme.
Principal bailleur de fonds d'Haïti, l'Union européenne (UE) a annoncé un "programme d'appui à la reconstruction et à l'aménagement des quartiers pour faciliter le retour des populations sinistrées". D'un montant de 33,7 millions d'euros, il permettra de reconstruire 11 000 logements dans deux quartiers populaires.
"Il s'agit d'une approche intégrée, incluant la réalisation d'aménagements urbains et la mise en place de services de base, tels que l'accès à l'eau potable, l'assainissement et l'électricité, et sociaux, comme la santé et l'éducation", expliquait le représentant de l'UE, Carlo De Filippi, lors du lancement du projet.
A plusieurs reprises, Bill Clinton a promis que la communauté internationale aiderait Haïti "à se reconstruire mieux", affirmant que la tragédie pouvait se convertir en aubaine. Le séisme, entendait-on, serait l'occasion de désengorger Port-au-Prince, transformé en un immense bidonville au fil des dernières décennies, et de dynamiser les provinces par la création de pôles de développement et la relance de l'agriculture. Deux ans plus tard, les bonnes intentions ne se sont pas concrétisées. "On a raté l'occasion d'investir de manière plus équilibrée dans tout le pays", constate Nigel Fisher.
Marie Ange Guillaume ne croit plus aux promesses. "Ici, je ne fais rien, je n'ai aucune possibilité d'emploi, je souffre beaucoup, j'ai perdu beaucoup de poids", dit cette comptable, accroupie dans la poussière sous le soleil qui écrase les réfugiés de Corail-Cesselesse. Loin de tout, ce camp a été installé sur un terrain aride, au pied de collines pelées, à une trentaine de kilomètres au nord de Port-au-Prince.
Jean-Michel Caroit
http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2012/01/11/a-haiti-la-reconstruction-avance-a-pas-de-tortue_1628252_3222.html#ens_id=1290927
11.01.12
Un des camps de fortune où s'entassent les réfugiés dans les faubourgs de Port-au-Prince, le mardi 10 janvier 2012. REUTERS/SWOAN PARKER |
"Tout le monde veut quitter le camp, où il y a beaucoup de vols et de viols, mais on ne sait pas où aller", dit-elle. Cette marchande de rue a perdu son logement et tous ses biens lors du séisme qui a tué plus de 220 000 personnes le 12 janvier 2010. "C'est la misère, les ONG (organisations non gouverne-mentales) sont parties et le gouvernement ne nous donne rien", ajoute-t-elle, montrant l'intérieur de la petite tente, à peine 6 mètres carrés, où elle vit avec ses cinq enfants.
Où sont passés les 5,5 milliards de dollars (4,3 milliards d'euros) promis par les bailleurs de fonds pour 2010 et 2011 ? Et les quelque 3 milliards de dons privés, récoltés dans le monde après la catastrophe, selon le bureau de l'envoyé spécial des Nations unies pour Haïti, l'ancien président des Etats-Unis Bill Clinton ?
Une partie des fonds n'est jamais arrivée en Haïti. C'est le cas du tiers de la première enveloppe de 379 millions de dollars débloqués par les Etats-Unis, qui a servi à couvrir les frais des milliers de militaires envoyés ici après le séisme.
Des progrès sont visibles. Les rues embouteillées de la capitale ont été débarrassées des montagnes de décombres qui les obstruaient. "La tragédie a fonctionné comme un miroir de la pauvreté préexistante, dans un pays déjà à terre avant le séisme et qui dépendait déjà de l'assistance internationale", rappelle Médecins du monde, une ONG présente de longue date dans la république caraïbe.
Plus de la moitié des dix millions de mètres cubes de décombres a été déblayée. "Un rythme plus rapide qu'à Aceh (Indonésie) après le tsunami de 2004 ou même qu'à New York après les attentats du 11-Septembre", souligne Nigel Fisher, le coordonnateur des Nations unies en Haïti. 65 % des sans-abri ont été relogés dans plus de 100 000 abris provisoires et dans plus de 25 000 maisons réparées ou reconstruites.
Selon les Nations unies, 53 % des fonds promis pour 2010 et 2011 ont été déboursés par les bailleurs, qui ont aussi annulé près d'un milliard de dollars de dette due par Haïti. "Il faudrait accélérer les décaissements, mais le solde est engagé, on sait où les sommes vont être dépensées", assure M. Fisher.
Mais les autorités haïtiennes, les ONG et les entreprises locales n'ont reçu qu'une part minime de l'aide internationale, gérée pour l'essentiel par les agences onusiennes et les grandes ONG internationales.
"Il y a une méfiance de beaucoup d'acteurs vis-à-vis du gouvernement, soupçonné de corruption, ou en raison de sa faiblesse, et on a tendance à le contourner pour verser les fonds aux ONG", reconnaît M. Fisher.
Renforcée par le séisme, cette tendance a transformé Haïti en une "république des ONG", qui ont pris en charge des pans entiers de l'action étatique, sans coordination. Et parfois sans transparence. Un exemple parmi d'autres : au 30 septembre 2011, la Croix-Rouge n'avait dépensé que 48 % des fonds (1,28 milliard de dollars au total) qu'elle a reçus après le séisme, selon le bureau de M. Clinton.
"La reconstruction avance à pas de tortue", déplore Barbara Stocking, la directrice générale d'Oxfam GB, l'ONG britannique qui a pris en charge une grande partie des travaux d'assainissement et d'approvisionnement en eau dans les camps de réfugiés.
"La crise électorale de 2011, puis la crise politique qui a retardé la nomination du premier ministre, l'absence de cadastre et l'épidémie de choléra qui a tué près de 6 000 personnes ont constitué autant d'obstacles à la reconstruction", explique-t-elle.
Le temps presse et les ONG ont d'autres priorités. Le budget humanitaire d'Oxfam GB en Haïti va ainsi chuter de 96 millions de dollars en 2010 et 2011 à 10 millions en 2012.
Des milliards de dollars bien ou mal dépensés en aide humanitaire après le séisme, il ne reste pas grand-chose, hormis les tentes et les bâches maltraitées par le soleil et les intempéries, des rangées de latrines de moins en moins entretenues, et les "abris provisoires", dont beaucoup craignent qu'ils ne se pérennisent pour former de nouveaux bidonvilles.
"On a trop dépensé dans le transitoire et pas assez investi dans le long terme", regrette Jean-Christophe Adrian, coordinateur du programme des Nations unies pour les établissements humains. "En matière de logement, il y a une tendance généralisée à vouloir faire à la place des Haïtiens. On a dépensé 500 millions de dollars en abris d'urgence, en important tout, sans aucune contribution à l'économie haïtienne, ni création d'emplois", ajoute-t-il.
Rattaché au premier ministre Garry Conille, un nouveau service devrait permettre de définir une politique cohérente en matière de relogement et de reconstruction des bâtiments publics, pratiquement tous détruits par le séisme.
Principal bailleur de fonds d'Haïti, l'Union européenne (UE) a annoncé un "programme d'appui à la reconstruction et à l'aménagement des quartiers pour faciliter le retour des populations sinistrées". D'un montant de 33,7 millions d'euros, il permettra de reconstruire 11 000 logements dans deux quartiers populaires.
"Il s'agit d'une approche intégrée, incluant la réalisation d'aménagements urbains et la mise en place de services de base, tels que l'accès à l'eau potable, l'assainissement et l'électricité, et sociaux, comme la santé et l'éducation", expliquait le représentant de l'UE, Carlo De Filippi, lors du lancement du projet.
A plusieurs reprises, Bill Clinton a promis que la communauté internationale aiderait Haïti "à se reconstruire mieux", affirmant que la tragédie pouvait se convertir en aubaine. Le séisme, entendait-on, serait l'occasion de désengorger Port-au-Prince, transformé en un immense bidonville au fil des dernières décennies, et de dynamiser les provinces par la création de pôles de développement et la relance de l'agriculture. Deux ans plus tard, les bonnes intentions ne se sont pas concrétisées. "On a raté l'occasion d'investir de manière plus équilibrée dans tout le pays", constate Nigel Fisher.
Marie Ange Guillaume ne croit plus aux promesses. "Ici, je ne fais rien, je n'ai aucune possibilité d'emploi, je souffre beaucoup, j'ai perdu beaucoup de poids", dit cette comptable, accroupie dans la poussière sous le soleil qui écrase les réfugiés de Corail-Cesselesse. Loin de tout, ce camp a été installé sur un terrain aride, au pied de collines pelées, à une trentaine de kilomètres au nord de Port-au-Prince.
Jean-Michel Caroit
http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2012/01/11/a-haiti-la-reconstruction-avance-a-pas-de-tortue_1628252_3222.html#ens_id=1290927
Tenons les engagements pris en faveur d'Haïti
Point de vue...LEMONDE.FR
11.01.12
Par Comité de coordination des ONG d'Haïti
Il y a deux ans, un séisme sans précédent frappait Haïti avec un bilan et des destructions d'une ampleur exceptionnelle. Des centaines de milliers d'Haïtiens ont perdu la vie ou ont été gravement blessés le 12 janvier 2010. Les survivants se sont retrouvés du jour au lendemain dans le dénuement le plus total, sans logement, sans ressources, sans protection ou accès aux services les plus élémentaires. Il y a deux ans cette semaine, le monde entier se mobilisait en faveur des populations sinistrées d'Haïti.
Particuliers, organisations et gouvernements du monde entier ont répondu présents, avec des dons et des engagements financiers.
De l'Asie à l'Amérique, en Europe et en Afrique, des millions de personnes ont participé à un formidable élan de solidarité. La mobilisation immédiate des Haïtiens, puis des organisations non gouvernementales (ONG), internationales et nationales, des collectivités, des universités, des acteurs de la société civile et des millions de personnes touchés par ce drame a permis de sauver des vies et d'apporter une première réponse aux souffrances des victimes.
Alors que nous nous apprêtons à commémorer le deuxième anniversaire du séisme, nous, représentants des ONG humanitaires présentes aux côtés des populations sinistrées, appelons les gouvernements et tout un chacun à maintenir les engagements faits au peuple d'Haïti en 2010.
Le Comité de coordination des ONG d'Haïti rassemble les acteurs humanitaires internationaux qui, avec leurs organisations partenaires haïtiennes, ont répondu à l'urgence suite au tremblement de terre, en apportant une première aide d'urgence, en distribuant de la nourriture ou de l'eau potable, en assurant l'accès aux services de santé, à des installations sanitaires décentes, ainsi qu'à un abri pour des centaines de milliers d'enfants et d'adultes vulnérables.
Depuis les premiers jours de l'intervention humanitaire, l'attention des bailleurs et des organisations internationales s'est concentrée, à juste titre, sur le soutien des autorités haïtiennes à ses citoyens. Aujourd'hui, Haïti a l'opportunité de se reconstruire de manière durable, et de renverser la dépendance de l'île aux opérateurs extérieurs.
Le gouvernement d'Haïti doit assumer un leadership fort en matière de santé, d'éducation, de logement, d'emploi et de développement économique. En tant qu'ONG, nous réaffirmons notre engagement à travailler avec nos partenaires institutionnels haïtiens pour assurer le transfert des compétences et des ressources pour réduire la dépendance aux acteurs extérieurs.
Les besoins demeurent. Près de 500 000 personnes vivent encore sous tente à Port-au-Prince, Léogâne, Petit-Goâve et dans les autres zones sinistrées. Parmi elles, les enfants, les femmes, les personnes handicapées et âgées dans les camps sont particulièrement vulnérables aux situations de violence, d'exploitation ou d'abus.
L'accès à l'eau potable ainsi qu'à des conditions de vie décentes est une lutte de tous les jours pour des millions d'Haïtiens à travers le pays ; des soins abordables et de qualité ainsi que l'éducation demeurent encore un mirage pour beaucoup. L'épidémie de choléra qui frappe l'ensemble de l'île est à l'origine de milliers de décès et constitue une menace sérieuse pour la santé publique.
Deux ans après la catastrophe, malgré l'ampleur de la mobilisation en faveur d'une reconstruction durable, Haïti est encore loin du compte.
Au quotidien, les gravats rappellent l'ampleur de la tâche aux Haïtiens qui se montrent pourtant déterminés à faire face aux difficultés et à améliorer leurs conditions de vie et celles de leurs enfants.
La solution doit être une solution mise en œuvre par les autorités haïtiennes avec le soutien inconditionnel de l'ensemble de la communauté internationale.
Mais l'appui aux institutions locales ainsi que le renforcement de leurs capacités à répondre aux attentes de 10 millions de citoyens prend du temps et implique des engagements financiers lourds.
Une partie seulement de l'aide internationale promise pour la reconstruction et le développement d'Haïti est arrivée ; alors que la pression exercée sur les ONG pour qu'elles transfèrent leurs activités aux administrations haïtiennes s'accentue.
La crise financière et les coupes dans les budgets d'aide au développement des Etats pourraient également avoir des répercussions sur l'avenir à court terme de l'île.
Fort de notre engagement sur le terrain, nous appelons la communauté internationale à honorer les promesses faites en 2010 et à maintenir ses engagements pour éviter aux 500 000 personnes encore sous tentes de tomber dans l'oubli, et ce malgré les difficultés de la reconstruction 24 mois après la catastrophe. L'heure n'est pas encore venue de réduire nos efforts.
Au contraire, nous devons aujourd'hui plus que jamais renforcer notre engagement et travailler ensemble pour envisager un avenir durable pour Haïti et ses habitants. Le gouvernement doit jouer un rôle de premier plan, et nous, opérateurs internationaux de l'aide humanitaire, nous nous devons d'accompagner et d'appuyer l'Etat haïtien dans ce processus, en lien avec l'ensemble des acteurs de la société civile.
Des engagements forts ont été pris il y a deux ans ; il est temps de les tenir aujourd'hui.
Le Comité de coordination des ONG d'Haïti (CCO), est un consortium d'ONG Internationales opérant en Haïti dans les domaines de l'humanitaire et du développement. Il a pour objectif d'accroître la cohérence et l'efficacité de la contribution des ONGIs à l'amélioration des conditions de vie du peuple haïtien, par le renforcement du dialogue institutionnel et des collaborations entre les différents acteurs, dans une perspective de développement durable.
Les signataires sont : ACTED, Action Contre la Faim, Care, CESVI, Doctors of the World-Médecins du Monde International, Entrepreneurs du Monde, Finn Church Aid, Habitat for Humanity International, Healing Hands for Haiti, HelpAge International, International Medical Corp, International Rescue Committee, J/P Haitian Relief Organization, Mercycorps, Merlin, Oxfam International, Plan International, Save the children, Tearfund et World Vision International.
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/01/11/tenons-les-engagements-pris-en-faveur-d-haiti_1627920_3232.html#ens_id=1290927
11.01.12
Par Comité de coordination des ONG d'Haïti
Il y a deux ans, un séisme sans précédent frappait Haïti avec un bilan et des destructions d'une ampleur exceptionnelle. Des centaines de milliers d'Haïtiens ont perdu la vie ou ont été gravement blessés le 12 janvier 2010. Les survivants se sont retrouvés du jour au lendemain dans le dénuement le plus total, sans logement, sans ressources, sans protection ou accès aux services les plus élémentaires. Il y a deux ans cette semaine, le monde entier se mobilisait en faveur des populations sinistrées d'Haïti.
Particuliers, organisations et gouvernements du monde entier ont répondu présents, avec des dons et des engagements financiers.
De l'Asie à l'Amérique, en Europe et en Afrique, des millions de personnes ont participé à un formidable élan de solidarité. La mobilisation immédiate des Haïtiens, puis des organisations non gouvernementales (ONG), internationales et nationales, des collectivités, des universités, des acteurs de la société civile et des millions de personnes touchés par ce drame a permis de sauver des vies et d'apporter une première réponse aux souffrances des victimes.
Alors que nous nous apprêtons à commémorer le deuxième anniversaire du séisme, nous, représentants des ONG humanitaires présentes aux côtés des populations sinistrées, appelons les gouvernements et tout un chacun à maintenir les engagements faits au peuple d'Haïti en 2010.
Le Comité de coordination des ONG d'Haïti rassemble les acteurs humanitaires internationaux qui, avec leurs organisations partenaires haïtiennes, ont répondu à l'urgence suite au tremblement de terre, en apportant une première aide d'urgence, en distribuant de la nourriture ou de l'eau potable, en assurant l'accès aux services de santé, à des installations sanitaires décentes, ainsi qu'à un abri pour des centaines de milliers d'enfants et d'adultes vulnérables.
Depuis les premiers jours de l'intervention humanitaire, l'attention des bailleurs et des organisations internationales s'est concentrée, à juste titre, sur le soutien des autorités haïtiennes à ses citoyens. Aujourd'hui, Haïti a l'opportunité de se reconstruire de manière durable, et de renverser la dépendance de l'île aux opérateurs extérieurs.
Le gouvernement d'Haïti doit assumer un leadership fort en matière de santé, d'éducation, de logement, d'emploi et de développement économique. En tant qu'ONG, nous réaffirmons notre engagement à travailler avec nos partenaires institutionnels haïtiens pour assurer le transfert des compétences et des ressources pour réduire la dépendance aux acteurs extérieurs.
Les besoins demeurent. Près de 500 000 personnes vivent encore sous tente à Port-au-Prince, Léogâne, Petit-Goâve et dans les autres zones sinistrées. Parmi elles, les enfants, les femmes, les personnes handicapées et âgées dans les camps sont particulièrement vulnérables aux situations de violence, d'exploitation ou d'abus.
L'accès à l'eau potable ainsi qu'à des conditions de vie décentes est une lutte de tous les jours pour des millions d'Haïtiens à travers le pays ; des soins abordables et de qualité ainsi que l'éducation demeurent encore un mirage pour beaucoup. L'épidémie de choléra qui frappe l'ensemble de l'île est à l'origine de milliers de décès et constitue une menace sérieuse pour la santé publique.
Deux ans après la catastrophe, malgré l'ampleur de la mobilisation en faveur d'une reconstruction durable, Haïti est encore loin du compte.
Au quotidien, les gravats rappellent l'ampleur de la tâche aux Haïtiens qui se montrent pourtant déterminés à faire face aux difficultés et à améliorer leurs conditions de vie et celles de leurs enfants.
La solution doit être une solution mise en œuvre par les autorités haïtiennes avec le soutien inconditionnel de l'ensemble de la communauté internationale.
Mais l'appui aux institutions locales ainsi que le renforcement de leurs capacités à répondre aux attentes de 10 millions de citoyens prend du temps et implique des engagements financiers lourds.
Une partie seulement de l'aide internationale promise pour la reconstruction et le développement d'Haïti est arrivée ; alors que la pression exercée sur les ONG pour qu'elles transfèrent leurs activités aux administrations haïtiennes s'accentue.
La crise financière et les coupes dans les budgets d'aide au développement des Etats pourraient également avoir des répercussions sur l'avenir à court terme de l'île.
Fort de notre engagement sur le terrain, nous appelons la communauté internationale à honorer les promesses faites en 2010 et à maintenir ses engagements pour éviter aux 500 000 personnes encore sous tentes de tomber dans l'oubli, et ce malgré les difficultés de la reconstruction 24 mois après la catastrophe. L'heure n'est pas encore venue de réduire nos efforts.
Au contraire, nous devons aujourd'hui plus que jamais renforcer notre engagement et travailler ensemble pour envisager un avenir durable pour Haïti et ses habitants. Le gouvernement doit jouer un rôle de premier plan, et nous, opérateurs internationaux de l'aide humanitaire, nous nous devons d'accompagner et d'appuyer l'Etat haïtien dans ce processus, en lien avec l'ensemble des acteurs de la société civile.
Des engagements forts ont été pris il y a deux ans ; il est temps de les tenir aujourd'hui.
Le Comité de coordination des ONG d'Haïti (CCO), est un consortium d'ONG Internationales opérant en Haïti dans les domaines de l'humanitaire et du développement. Il a pour objectif d'accroître la cohérence et l'efficacité de la contribution des ONGIs à l'amélioration des conditions de vie du peuple haïtien, par le renforcement du dialogue institutionnel et des collaborations entre les différents acteurs, dans une perspective de développement durable.
Les signataires sont : ACTED, Action Contre la Faim, Care, CESVI, Doctors of the World-Médecins du Monde International, Entrepreneurs du Monde, Finn Church Aid, Habitat for Humanity International, Healing Hands for Haiti, HelpAge International, International Medical Corp, International Rescue Committee, J/P Haitian Relief Organization, Mercycorps, Merlin, Oxfam International, Plan International, Save the children, Tearfund et World Vision International.
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/01/11/tenons-les-engagements-pris-en-faveur-d-haiti_1627920_3232.html#ens_id=1290927
"Le peuple représente l'espoir politique, c'est lui qui a gardé la stabilité"
Dany Laferrière, écrivain
11.01.12
Ecrivain, Dany Laferrière vit à Montréal. Il se trouvait à Port-au-Prince le 12 janvier 2010, à l'occasion d'un festival littéraire. Dans Tout bouge autour de moi (Grasset, 2011), il racontait le séisme.
Tout bouge-t-il encore autour de vous ?
Parfois, cela arrive, à l'improviste. Moins intensément qu'avant. On peut vouloir oublier, mais la mémoire n'obéit pas à la volonté. Des voisins, des amis, sont restés par terre et cela m'habite. La douleur est tapie en nous et surgit.
Votre façon de percevoir le temps a-t-elle changé ?
Le séisme a duré trente-cinq secondes. Des gens sont morts pour avoir bougé quelques secondes trop tard. Chaque seconde contient énormément de vies. Je ne sais pas ce que cela a changé. Il y a toujours eu des bouleversements dans ma vie. J'avais 23 ans, je travaillais dans un journal et, brusquement, j'ai dû tout quitter parce que je me battais contre la dictature. Mais c'est à petit feu que l'on change. Une part de moi est capable d'absorber, d'attraper, de transformer par l'écriture. Déjà sur place, j'ai commencé à écrire.
Etes-vous souvent retourné en Haïti depuis le séisme ?
Oui, à plusieurs reprises et notamment pour une manifestation littéraire organisée par Le Nouvelliste. Il y avait énormément de jeunes, c'était comme une ruche. Les Haïtiens sont venus de partout, des gens très pauvres, pour faire signer mon livre, cela m'a beaucoup ému. Je ne pensais pas que des gens dont la maison était par terre feraient cela. Ce festival m'a montré qu'Haïti ne mourrait pas.
Vous avez dit que l'art, consubstantiel à Haïti, devrait être une composante de la reconstruction.
Je ne pense pas que l'on soit déjà dans la reconstruction. On est encore dans les urgences et cela va durer. Port-au-Prince est une ville impossible, avec des heures d'embouteillage, peu d'électricité, des égouts à ciel ouvert. C'était déjà une capitale en faillite. Un plan est indispensable. Je ne sais pas dans quelle mesure il tiendra compte de la culture, mais elle est inscrite dans l'ADN des Haïtiens. Dans le monde entier, il y a une soif d'aller en Haïti. Depuis vingt ans, on n'y voit plus que des diplomates, des journalistes ou des ONG, mais le pays accueillera des touristes. Pas pour la plage. Parce que c'est une terre magique, un endroit irrésistible qui appartient au fantasme universel. Vous pouvez trouver Port-au-Prince repoussante, vous ne pourrez jamais la sortir de votre esprit. C'est une terre habitée.
Pensez-vous que la diaspora haïtienne soit assez associée à la reconstruction ?
Non, parce qu'il n'y a pas encore de projet. Mais la diaspora passe chaque jour par des canaux individuels, elle subventionne Haïti à hauteur de deux milliards de dollars par an. Sur le plan politique, quelques grandes réunions ont eu lieu, sous la houlette de (l'ex-président américain) Bill Clinton ou d'autres, pour associer la diaspora. Les ONG, à qui l'on a adressé beaucoup de reproches, intègrent de plus en plus d'Haïtiens dans leurs structures à l'étranger.
Le pays peut-il avoir retiré quelque chose de positif de cette catastrophe ?
Cette question a été au coeur des jours qui ont suivi le séisme. A cause, d'abord, de l'intérêt international que cette catastrophe a suscité. La faillite écologique de la capitale, l'impossibilité de creuser dans cette ville surpeuplée et insalubre ont montré que la situation devait s'améliorer. Ce n'est pas tant l'argent qui va manquer, mais savoir que faire. Il faut essayer de faire revivre des villes que les habitants avaient abandonnées pour venir à Port-au-Prince.
Après le malheur et la souffrance, le séisme a ouvert une brèche, faisant apparaître la nécessité de grands travaux. Il faudra au moins cinq bonnes années pour faire quelque chose. Haïti a-t-il des bases politiques assez solides pour cette reconstruction ? Malgré une instabilité épidémique, un clivage très fort entre nantis et victimes d'une misère extravagante, les kidnappings à l'aveuglette, il n'y a pas eu d'explosion ni de guerre civile. Le pays et Port-au-Prince se sont tenus. Tout tombait, tout le monde aurait dû sauter sur tout le monde. Mais le peuple n'a pas échoué dans son contrat social. C'est lui qui représente l'espoir politique, c'est lui qui a gardé la stabilité. Son humanité a résisté à tous les coups d'Etat, à tous les tremblements de terre. Il attend le moindre reverdissement.
Propos recueillis par Béatrice Gurrey
http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2012/01/11/dany-laferriere-le-peuple-represente-l-espoir-politique-c-est-lui-qui-a-garde-la-stabilite_1628253_3222.html#ens_id=1290927
11.01.12
Ecrivain, Dany Laferrière vit à Montréal. Il se trouvait à Port-au-Prince le 12 janvier 2010, à l'occasion d'un festival littéraire. Dans Tout bouge autour de moi (Grasset, 2011), il racontait le séisme.
Tout bouge-t-il encore autour de vous ?
Parfois, cela arrive, à l'improviste. Moins intensément qu'avant. On peut vouloir oublier, mais la mémoire n'obéit pas à la volonté. Des voisins, des amis, sont restés par terre et cela m'habite. La douleur est tapie en nous et surgit.
Votre façon de percevoir le temps a-t-elle changé ?
Le séisme a duré trente-cinq secondes. Des gens sont morts pour avoir bougé quelques secondes trop tard. Chaque seconde contient énormément de vies. Je ne sais pas ce que cela a changé. Il y a toujours eu des bouleversements dans ma vie. J'avais 23 ans, je travaillais dans un journal et, brusquement, j'ai dû tout quitter parce que je me battais contre la dictature. Mais c'est à petit feu que l'on change. Une part de moi est capable d'absorber, d'attraper, de transformer par l'écriture. Déjà sur place, j'ai commencé à écrire.
Etes-vous souvent retourné en Haïti depuis le séisme ?
Oui, à plusieurs reprises et notamment pour une manifestation littéraire organisée par Le Nouvelliste. Il y avait énormément de jeunes, c'était comme une ruche. Les Haïtiens sont venus de partout, des gens très pauvres, pour faire signer mon livre, cela m'a beaucoup ému. Je ne pensais pas que des gens dont la maison était par terre feraient cela. Ce festival m'a montré qu'Haïti ne mourrait pas.
Vous avez dit que l'art, consubstantiel à Haïti, devrait être une composante de la reconstruction.
Je ne pense pas que l'on soit déjà dans la reconstruction. On est encore dans les urgences et cela va durer. Port-au-Prince est une ville impossible, avec des heures d'embouteillage, peu d'électricité, des égouts à ciel ouvert. C'était déjà une capitale en faillite. Un plan est indispensable. Je ne sais pas dans quelle mesure il tiendra compte de la culture, mais elle est inscrite dans l'ADN des Haïtiens. Dans le monde entier, il y a une soif d'aller en Haïti. Depuis vingt ans, on n'y voit plus que des diplomates, des journalistes ou des ONG, mais le pays accueillera des touristes. Pas pour la plage. Parce que c'est une terre magique, un endroit irrésistible qui appartient au fantasme universel. Vous pouvez trouver Port-au-Prince repoussante, vous ne pourrez jamais la sortir de votre esprit. C'est une terre habitée.
Pensez-vous que la diaspora haïtienne soit assez associée à la reconstruction ?
Non, parce qu'il n'y a pas encore de projet. Mais la diaspora passe chaque jour par des canaux individuels, elle subventionne Haïti à hauteur de deux milliards de dollars par an. Sur le plan politique, quelques grandes réunions ont eu lieu, sous la houlette de (l'ex-président américain) Bill Clinton ou d'autres, pour associer la diaspora. Les ONG, à qui l'on a adressé beaucoup de reproches, intègrent de plus en plus d'Haïtiens dans leurs structures à l'étranger.
Le pays peut-il avoir retiré quelque chose de positif de cette catastrophe ?
Cette question a été au coeur des jours qui ont suivi le séisme. A cause, d'abord, de l'intérêt international que cette catastrophe a suscité. La faillite écologique de la capitale, l'impossibilité de creuser dans cette ville surpeuplée et insalubre ont montré que la situation devait s'améliorer. Ce n'est pas tant l'argent qui va manquer, mais savoir que faire. Il faut essayer de faire revivre des villes que les habitants avaient abandonnées pour venir à Port-au-Prince.
Après le malheur et la souffrance, le séisme a ouvert une brèche, faisant apparaître la nécessité de grands travaux. Il faudra au moins cinq bonnes années pour faire quelque chose. Haïti a-t-il des bases politiques assez solides pour cette reconstruction ? Malgré une instabilité épidémique, un clivage très fort entre nantis et victimes d'une misère extravagante, les kidnappings à l'aveuglette, il n'y a pas eu d'explosion ni de guerre civile. Le pays et Port-au-Prince se sont tenus. Tout tombait, tout le monde aurait dû sauter sur tout le monde. Mais le peuple n'a pas échoué dans son contrat social. C'est lui qui représente l'espoir politique, c'est lui qui a gardé la stabilité. Son humanité a résisté à tous les coups d'Etat, à tous les tremblements de terre. Il attend le moindre reverdissement.
Propos recueillis par Béatrice Gurrey
http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2012/01/11/dany-laferriere-le-peuple-represente-l-espoir-politique-c-est-lui-qui-a-garde-la-stabilite_1628253_3222.html#ens_id=1290927
Haïti : la reconstruction passe par une refondation
Point de vue
11.01.12
par Jean-Daniel Rainhorn, Collège d'études internationales à la Maison des sciences de l'homme
Le tremblement de terre de janvier 2010, qui a détruit une partie de Port-au-Prince et de plusieurs villes voisines, a fait, en quelques dizaines de secondes, plus de 200 000 victimes, un nombre incalculable de blessés et plus d'un million de sans-abri. Une tragédie de plus pour un pays qui, depuis la chute des Duvalier, en 1986, après vingt-neuf années d'une dictature brutale, connaît une instabilité politique majeure en partie responsable d'une crise sociale et économique importante, du délitement de l'Etat et d'une accélération de la migration vers d'autres pays de la région.
Au moment où, malgré de nombreux retards, les infrastructures et les logements commencent à se reconstruire, force est de constater que ce séisme a mis en évidence trois données fondamentales : les inégalités de la société haïtienne, la situation de tutelle dans laquelle est le pays vis-à-vis des institutions de l'aide internationale et la complexité des liens que le pays entretient avec son importante diaspora.
L'expérience partagée d'une tragédie qui dépasse l'imagination a changé la société haïtienne. La violence du traumatisme individuel ou collectif et les formes de solidarité qui se sont ensuivies ont favorisé la remise en cause de la hiérarchie traditionnelle des liens sociaux. Le séisme a rebattu les cartes en obligeant à repenser les règles du "vivre ensemble". Pour beaucoup, reconstruction rime avant tout avec refondation.
A ce titre, la question de l'Etat est devenue centrale. De bas en haut de l'échelle sociale existe une forte demande d'un Etat capable de répondre aux besoins essentiels de la population. Sa refondation sur des principes d'impartialité et de décentralisation est perçue comme indispensable.
De même, dans les débats au sein de la société civile, la question sociale apparaît souvent plus fondamentale que la reconstruction des bâtiments publics. Ce qui est facile à comprendre quand on sait que deux tiers de la population haïtienne vit sous le seuil de pauvreté. C'est ce qu'a bien perçu le nouveau président, Michel Martelly, lorsqu'il a déclaré la semaine dernière que le palais présidentiel serait reconstruit, mais que "la priorité, c'est la population et les sinistrés qui vivent dans les camps". Un message qui reflète bien la réalité haïtienne au moment où les enjeux ont pour noms réinsertion des victimes du séisme, insécurité alimentaire, accès à l'eau potable et santé (plus de 500 000 personnes ont été infectées par l'épidémie de choléra - qui a fait plus de 7 000 morts). Un message qui devrait être entendu par l'aide internationale au moment où un grand nombre d'organisations humanitaires sont en train de quitter le pays.
Or, pour une majorité des institutions de l'aide internationale actives en Haïti, la reconstruction semble se résumer à un slogan : "Building back better" ("reconstruire en mieux"), lancé par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, et à une structure, la Commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti (CIRH), coprésidée par Bill Clinton et l'ex-premier ministre haïtien Jean-Max Bellerive, et qui s'est vu attribuer des prérogatives qui sont du ressort de l'Etat national pour gérer les fonds de la reconstruction. Empêtrée dans ses jeux d'influence, la rigidité de ses règles bureaucratiques et son absence de vision à long terme, l'aide internationale a du mal à concevoir son rôle en dehors d'une assistance humanitaire et de la reconstruction physique des bâtiments. Elle n'a pas conscience que ses pratiques sont l'un des obstacles à la refondation de l'Etat.
Il est enfin frappant de voir combien la diaspora qui contribue par ses envois réguliers d'argent à l'économie nationale est maintenue à l'écart de la reconstruction. En Haïti, le mot diaspora est chargé de stéréotypes négatifs. Les émigrés haïtiens sont parfois perçus négativement par ceux qui sont restés au pays. Ils représentent pourtant des potentialités considérables, qui ne sont ni utilisées par les autorités locales ni favorisées par l'aide internationale lorsqu'elle recrute du personnel d'assistance technique. Dans l'intérêt du pays, la reconstruction devrait conduire à une "réconciliation" entre le pays et ses communautés émigrées.
Finalement, la réussite du processus de reconstruction en cours repose sur la capacité des Haïtiens à formuler et à mettre en oeuvre un nouveau contrat social. Il est clair qu'ils ont pour cela besoin de croire en eux-mêmes et en l'avenir de leur pays. Mais il faut également que se créent de nouveaux types de liens avec une communauté internationale qui a trop souvent d'Haïti l'image d'un pays "maudit", violent, instable, incapable de s'en sortir et destiné pour longtemps à être dépendant de l'aide internationale. Il est enfin nécessaire que le réservoir de compétences que représentent les Haïtiens vivant à l'étranger puisse trouver sa place dans l'élaboration d'un nouveau projet national. C'est à ces conditions qu'Haïti pourrait se réapproprier une souveraineté et des capacités de développement qu'il a en partie perdues.
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/01/11/deux-ans-apres-refonder-haiti_1628305_3232.html
11.01.12
par Jean-Daniel Rainhorn, Collège d'études internationales à la Maison des sciences de l'homme
Sur le camp "temporaire" installé depuis deux ans sur le Champ-de-Mars à Port-au-Prince. AP/Ramon Espinosa |
Au moment où, malgré de nombreux retards, les infrastructures et les logements commencent à se reconstruire, force est de constater que ce séisme a mis en évidence trois données fondamentales : les inégalités de la société haïtienne, la situation de tutelle dans laquelle est le pays vis-à-vis des institutions de l'aide internationale et la complexité des liens que le pays entretient avec son importante diaspora.
L'expérience partagée d'une tragédie qui dépasse l'imagination a changé la société haïtienne. La violence du traumatisme individuel ou collectif et les formes de solidarité qui se sont ensuivies ont favorisé la remise en cause de la hiérarchie traditionnelle des liens sociaux. Le séisme a rebattu les cartes en obligeant à repenser les règles du "vivre ensemble". Pour beaucoup, reconstruction rime avant tout avec refondation.
A ce titre, la question de l'Etat est devenue centrale. De bas en haut de l'échelle sociale existe une forte demande d'un Etat capable de répondre aux besoins essentiels de la population. Sa refondation sur des principes d'impartialité et de décentralisation est perçue comme indispensable.
De même, dans les débats au sein de la société civile, la question sociale apparaît souvent plus fondamentale que la reconstruction des bâtiments publics. Ce qui est facile à comprendre quand on sait que deux tiers de la population haïtienne vit sous le seuil de pauvreté. C'est ce qu'a bien perçu le nouveau président, Michel Martelly, lorsqu'il a déclaré la semaine dernière que le palais présidentiel serait reconstruit, mais que "la priorité, c'est la population et les sinistrés qui vivent dans les camps". Un message qui reflète bien la réalité haïtienne au moment où les enjeux ont pour noms réinsertion des victimes du séisme, insécurité alimentaire, accès à l'eau potable et santé (plus de 500 000 personnes ont été infectées par l'épidémie de choléra - qui a fait plus de 7 000 morts). Un message qui devrait être entendu par l'aide internationale au moment où un grand nombre d'organisations humanitaires sont en train de quitter le pays.
Or, pour une majorité des institutions de l'aide internationale actives en Haïti, la reconstruction semble se résumer à un slogan : "Building back better" ("reconstruire en mieux"), lancé par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, et à une structure, la Commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti (CIRH), coprésidée par Bill Clinton et l'ex-premier ministre haïtien Jean-Max Bellerive, et qui s'est vu attribuer des prérogatives qui sont du ressort de l'Etat national pour gérer les fonds de la reconstruction. Empêtrée dans ses jeux d'influence, la rigidité de ses règles bureaucratiques et son absence de vision à long terme, l'aide internationale a du mal à concevoir son rôle en dehors d'une assistance humanitaire et de la reconstruction physique des bâtiments. Elle n'a pas conscience que ses pratiques sont l'un des obstacles à la refondation de l'Etat.
Il est enfin frappant de voir combien la diaspora qui contribue par ses envois réguliers d'argent à l'économie nationale est maintenue à l'écart de la reconstruction. En Haïti, le mot diaspora est chargé de stéréotypes négatifs. Les émigrés haïtiens sont parfois perçus négativement par ceux qui sont restés au pays. Ils représentent pourtant des potentialités considérables, qui ne sont ni utilisées par les autorités locales ni favorisées par l'aide internationale lorsqu'elle recrute du personnel d'assistance technique. Dans l'intérêt du pays, la reconstruction devrait conduire à une "réconciliation" entre le pays et ses communautés émigrées.
Finalement, la réussite du processus de reconstruction en cours repose sur la capacité des Haïtiens à formuler et à mettre en oeuvre un nouveau contrat social. Il est clair qu'ils ont pour cela besoin de croire en eux-mêmes et en l'avenir de leur pays. Mais il faut également que se créent de nouveaux types de liens avec une communauté internationale qui a trop souvent d'Haïti l'image d'un pays "maudit", violent, instable, incapable de s'en sortir et destiné pour longtemps à être dépendant de l'aide internationale. Il est enfin nécessaire que le réservoir de compétences que représentent les Haïtiens vivant à l'étranger puisse trouver sa place dans l'élaboration d'un nouveau projet national. C'est à ces conditions qu'Haïti pourrait se réapproprier une souveraineté et des capacités de développement qu'il a en partie perdues.
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/01/11/deux-ans-apres-refonder-haiti_1628305_3232.html
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