Publié le 03 avril 2010 à 11h35 | Mis à jour le 03 avril 2010 à 11h48
Mike Melia, Associated Press; Port-au-Prince
Les associations qui oeuvrent à retrouver les familles des enfants que le tremblement de terre a isolés en Haïti sont souvent confrontées à des proches qui ne veulent pas reprendre ces petits faute d'argent pour les faire vivre.
Elles ont déjà trouvé 700 enfants qui ont été séparés de leur famille par le séisme du 12 janvier. Retrouver les parents est ardu, surtout pour les plus jeunes enfants qui ne peuvent donner de numéro de téléphone ou d'adresse. D'autant que les secousses meurtrières ont déplacé des centaines de milliers d'habitants, qui survivent maintenant dans des camps de fortune.
Souvent, le travail pour retrouver la trace des parents ou des tuteurs ne débouche pas sur les joyeuses retrouvailles espérées.
L'ONG américaine World Vision, l'une des cinq organisations internationales qui remplissent cette mission, a retrouvé les familles de 12 des 300 enfants dont elle s'occupe. Cinq ont repris leur petit mais les sept autres ont refusé.
«Nous voyons bien que les conditions de vie des parents sont loin d'être idéales. Mais nous avons été choqués d'apprendre que les parents ne les avaient pas recherchés ou qu'ils ne s'attendaient pas à ce qu'ils reviennent», confie Noah Ochola, qui dirige le programme Enfants en situations d'urgence à World Vision.
Lundi, une équipe a découvert Ana, une fillette de neuf ans, dans un orphelinat en partie effondré à Tabarre, à la périphérie nord de Port-au-Prince. Elle a un érythème sur le visage et le corps, qui n'est pas traité, et elle dort avec 17 autres enfants sous une tente fabriquée à partir de draps.
La fillette a expliqué à Mario Marcellus, un travailleur social haïtien employé par World Vision, qu'elle voulait retourner vivre avec sa demi-soeur adulte. Le problème, souligne la directrice de l'orphelinat, Idalia Suprême, c'est que c'est cette soeur qui l'a déposée là. «Elle l'a amenée ici parce que les temps sont durs», dit-elle en montrant les maisons en ruines alentour.
La mère d'Ana est morte quand elle était petite. Son père, qui n'habite pas loin, est venu lui rendre visite et s'est plaint que sa fille n'avait pas sa place dans un orphelinat mais il n'a proposé aucune autre solution, rapport Mme Suprême.
Mario Marcellus a retrouvé la demi-soeur dans un bidonville où elle tente d'élever ses deux propres enfants. La convaincre de reprendre Ana? «Ca va être difficile», soupire le travailleur social.
Le tremblement de terre n'a fait qu'amplifier un phénomène préexistant. Avant le séisme déjà, la plupart des 50 000 enfants vivant dans des orphelinats haïtiens avaient encore au moins un parent en vie, selon Andy Brooks, chef de la protection de l'enfance à l'UNICEF.
Jusqu'à 250 000 autres étaient des «restaveks» (reste avec, en créole), des enfants envoyés dans des familles plus aisées pour travailler en l'échange du gîte et du couvert -et parfois d'une scolarisation. Quasi-esclaves, ils subissent souvent des mauvais traitements.
Même dans les situations catastrophiques engendrées par le séisme, les organisations humanitaires estiment que la meilleure protection pour les enfants consiste à rester au sein de leur famille. S'en tenant à ce principe immuable, elles ont mis au point des stratégies pour convaincre les tuteurs récalcitrants.
Elles exhortent les parents à postuler au programme «travail contre nourriture» de l'ONU. Pour que les enfants soient moins perçus comme une charge, elles les renvoient chez eux avec des sacs de riz, des sandales, du dentifrice et de l'huile. World Vision verse aussi entre 60 et 150 dollars en liquide, en fonction du nombre d'enfants dans la famille. «Ca leur donne le temps de réfléchir», explique Noah Ochola.
Parfois, la plus petite aide peut faire la différence.
Ramsey Ben-Achour, qui dirige la branche haïtienne de Heartland Alliance, l'une des cinq organisations qui travaille sous l'égide de l'UNICEF, se souvient d'un père de quatre enfants. Son épouse était morte dans le tremblement de terre et leur maison s'était effondrée. Deux de ses enfants étaient soignés dans un hôpital de campagne et au début, il ne voulait pas les reprendre.
«Il pensait leur donner une vie meilleure en les laissant là», se rappelle M. Ben-Achour. «Mais ce qui se passe en réalité, c'est qu'ils deviennent des enfants des rues, essayant de laver des voitures, rejoignant des gangs ou étant exploités sexuellement».
Lorsque l'association lui a donné deux matelas, des toiles de tente et des rations alimentaires, le père a accepté de reprendre ses enfants.
http://www.cyberpresse.ca/international/amerique-latine/seisme-en-haiti/201004/03/01-4267138-haiti-des-familles-incapables-de-reprendre-leurs-enfants.php