HAÏTI - Jour 4: La journée a commencé en tombant complètement amoureux d'une dame de 95 ans. Nous sommes allés rendre visite à Emerante Des Pradines Morse, une personnalité très importante de l'île qui dansait depuis l'age de 10 ans les danses traditionnelles haïtiennes, en contact fort avec la culture Vaudou. Elle a ensuite travaillé cinq ans à New York avec Martha Graham. C'est une femme totalement charismatique, magnifique, d'une beauté incroyable. J'aurais pu l'écouter pendant des heures.
Je lui ai dit d'ailleurs que, souvent, des haïtiens se retrouvaient adoptés mais que, au contraire, je voulais qu'elle m'adopte, moi, en tant que français et l'avoir comme marraine. Ayant été moi-même formé dans mon métier d'acteur par des gens qui ont aussi travaillé avec Martha Graham ou été influencés par elle, il y a eu du coup une sorte de connexion. Je suis tombé sous le charme de cette femme sensible, douce, incroyablement belle.
© Igor Rugwiza, MINUSTAH |
À l'hôtel Oloffson, il y a eu cette rencontre entre deux dames magnifiques, Emerante Des Pradines Morse et Odette Roy Fombrun. Cette dernière est éditrice, a écrit des livres pour les enfants et a également créé une fondation. Elle a aussi publié tout le répertoire des chansons haïtiennes. C'est une dame passionnante qui a traversé l'histoire du pays sans en partir. Ce fut une très belle rencontre. Il y avait aussi les Widmaier, créateurs du Festival international de jazz de Port-au-Prince, le metteur en scène Arnold Antonin et Barbara Stephenson, à la tête de l'entreprise de mécénat d'Etat Arcades, qui finance des projets artistiques.
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Après une visite au "marché de fer", reconstruit presque entièrement grâce au mécénat privé, nous sommes allés à la rencontre d'artistes sculpteurs contemporains dans la Grand Rue. Les trois artistes majeurs, dont les œuvres voyagent beaucoup, sont Eugène, Céleur et Guyodo. Ces sculptures, basées sur la récupération d'objets, sont très impressionnantes. Je ne suis pas étonné que les galeristes et les Biennales d'art contemporain se les arrachent. Ce qui est fou, c'est de les voir dans leur atelier, leur lieu de vie, et d'imaginer que leurs œuvres vont voyager dans des lieux incroyablement prestigieux et être achetées par des collectionneurs, alors que ces hommes-là restent dans ce terrible environnement dans lequel ils créent sans doute mieux qu'ailleurs. Je pense qu'il y a là un vrai courant artistique majeur qui nous reconnecte avec l'art primitif et surréaliste. J'ai été écrasé, mais aussi épaté.
© Igor Rugwiza, MINUSTAH |
Le thème de la journée, c'était le Vaudou. Avec, d'un côté une ex-danseuse et prêtresse vaudou et, de l'autre côté, des sculpteurs qui incorporent les figures vaudou dans leurs œuvres. C'est un monde nouveau qui m'est apparu là. Tous ces artistes sont connectés par des choses très puissantes, de l'ordre de la spiritualité, un rapport à l'univers, à la nature. Eugène et Mme Des Pradines Morse sont, chacun à sa façon, des sorciers, des magiciens. Cela leur donne une profondeur ironique dans le regard. Il y a un lien très fort entre le Vaudou et l'art, c'est quelque chose qui ne passe pas par le cerveau mais par l'émotion, par les tripes et vous fait parcourir un certain chemin.
Après cette journée, la question du but de ma visite se pose donc à nouveau. L'étau se resserre et il faut arriver à formuler une réponse. Autant en Haïti que dans le monde, l'action artistique peut éclairer l'humanité, apporter un réconfort. Malgré mes convictions très fortes sur d'autres sujets comme l'écologie, je pense que, petit à petit, le champ d'action se précise. Je me dirige de plus en plus vers les projets artistiques...à suivre.
http://www.huffingtonpost.fr/lambert-wilson/lambert-wilson-haiti-onu-art_b_3325662.html?utm_hp_ref=international