Google

dimanche 29 mai 2011

SOUS LES AILES DE MINUIT....PRELUDE AUX PRELIMINAIRES

Sabine se sentait bien.

Putain ! Comme je suis bien se disait-elle à elle-même !
Elle se refusait de plonger sa petite personne dans des considérations très compliquées. Elle se décida sans trop réfléchir de vivre. Vivre surtout pour elle. Se sentir juste vivante.
Vivre en se perdant dans cet univers non maîtrisé. Se fondre dans cet espace à parois floues et branlantes. Peu importe la perte des repères. Encore moins les dimensions faites de lieux et de temps.
Elle n’avait aucune certitude sur cette dimension dont elle faisait comme pour une première fois l’expérience.
Souvent elle se croyait entrain de léviter autour d’innombrables poches d’air bienfaisant, gravitant autour d’elle en mouvements mesurés avec harmonie et cadence. Elle se voyait accompagnée de pétales d’hibiscus et de lauriers blancs…
Par endroit elle se sentait flottée sur un lit de nuages transparents parés d’une blancheur immaculée, maquillant un pan de firmament d’un bleu propre, limpide et pur…
Par moment, son corps semblait suivre la cadence d’une vague interminable, perdue dans une valse tendre et corsée recherchant avec une certaine frénésie le coté d’un rocher millénaire ou l’étendue d’un rivage encore vierge pour s’exploser et s’épanouir en mille gouttelettes de pluie salée…
Ses sens chevauchaient tantôt entre ses rêves les plus inimaginables, tantôt sur la croupe de cette réalité si tangible et intense pourtant si réelle et invraisemblable.
Elle se serait crue en fait entrain de rêver sans la tiédeur de cette paume sur son front. Sans l’agilité de ces doigts qui lui caressaient les cheveux. Sans la douceur satinée de cette main façonnée pour sa peau qui recherchait et explorait ses contours et ses formes.
L’étranger imprimait dans ses moindres gestes, une touche particulière dédiée à la rendre heureuse. Ce fut son explication la plus plausible. Oui, ces gestes qui provoquaient en elle et malgré elle des soubresauts très érotiques se répercutant en secousses non contrôlées sur certains de ces organes ne sauraient être réalisés au hasard.
Sabine pensa un instant à ouvrir les yeux. Elle se résolut tout de suite à ne pas le faire. Elle était convaincue qu’elle ne rêvait pas. Elle était bien en compagnie d’un homme. Quelque part dans u univers pas tout à fait quelconque. Un homme jusque à particulier. Un homme capable d’aborder une pute et surtout être capable de lui consacrer du temps.
Un homme quelque peu bizarre qui, au lieu d’exiger et de réclamer pour son argent était capable de se mettre au service de la pute, de ses sens et de son bonheur.
Elle n’ouvrit point les yeux.
Elle fit le choix de conserver en mémoire la tendresse de ce visage illuminé d’un faisceau d’assurance qui s’approcha lentement du sien. La sérénité de ce regard d’un bleu paisible clair et profond qui, comme une étincelle ultime et soudaine, fit jaillir en elle l’essentielle d’une vie en réveillant des envies qu’elle s’était interdite.
Perdue encore dans ses pensées, ses pores s’ouvraient, ses cheveux s’hérissaient, ses doigts se crispaient, au contact de cette chaleur difforme et malléable à souhait qui dessinait une cartographie aléatoire et nouvelle de sa peau de femme.
Quand elle prenait la forme d’une main, elle parcourait de façon désordonnée et imprévisible ses cheveux, son front, son cou et sa nuque.
Quand elle se dédoublait, elle pouvait se poser à la fois sur son torse et son entrecuisse…
Puis, la chaleur se faisait lèvre charnue pour emprisonner les contours de ses seins bombés retenus a contre cœur par des bonnets dépassés du soutien gorge à bout de souffle.
Puis cette chaleur qui se fit langue tiède et humide pour les pavillons des oreilles et les conduits auditifs.
Elle aurait désiré pouvoir la sentir partout. Pouvoir la sentir ailleurs. Partout en même temps. Qu’elle l’embrasa du bout des cheveux aux ongles des orteils. Mais dans son métier le désir prend souvent une voie à sens unique. Il aborde ce train qui part pour ne plus revenir. Celui du client furtif qui paie pour l’obtenir et l’apprivoiser. Il ne fait pas des paraphernales de la pute de métier. Elle ne l’avait donc pas rangé dans son sac à main le matin avant de quitter sa maison de Cité Taches.
Aussi garda-t-elle encore les yeux fermés et la bouche cousue. Dans ces instants de rêves idylliques le faux pas guette le moindre geste, la moindre réflexion. Pas de faux pas. Pas de faux bond. Pas de mot boiteux ni de sollicitudes bancales.
Elle aimait tellement cet instant qu’elle opta pour ne rien interrompre. Elle choisit une attitude qu’elle connaissait et dominait très bien : la soumission.
Prélude ou préliminaire. Prélude aux préliminaires. Elle y accordait peu ou pas d’importance. Elle souhaitait seulement cet instant continu, infini et éternel.
Elle se sentait pour une fois si vivante…
Jonas Jolivert
29 Mai 2011

Aucun commentaire: