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vendredi 10 février 2012

Viol-Minustah : Les soldats accusés de viol doivent être jugés en Haïti, exigent des sénateurs

« Immunité n’est pas Impunité » P-au-P, 6 févr. 2012 [AlterPresse] --- Des acteurs dans la vie politique nationale optent pour une comparution, devant la justice haïtienne, des soldats de la mission onusienne en Haïti accusés de viol, lors d’une sortie médiatique au cours du week-end écoulé.
Le sénateur de l’Artibonite Youri Latortue, celui du Centre Francisco Delacruz, l’avocat Fritzon Canton, estiment nécessaire d’encourager une levée de l’immunité des soldats, impliqués dans des actes de malversations et qui devraient être jugés en Haïti.
« Quand on les juge à l’extérieur, rien n’est fait. Il faut que toutes les institutions soient mobilisées pour qu’on puisse lever leur immunité, qu’ils soient jugés et qu’ils soient punis au regard de ce qu’ils ont fait (en Haïti) », a déclaré le sénateur Latortue qui intervenait, le samedi 4 février 2012, dans une émission de débats politiques "Ranmase" sur une station de radio privée (Caraïbes FM) de la capitale.
La levée de l’immunité du principal coupable identifié au code "FPU 11 836" et de celle du commandant de la base est exigée par le président de la commission de sécurité et de justice du sénat. La chambre des sénateurs est déjà saisie à cet effet.
« Il faut que l’immunité ne devienne pas impunité », juge l’avocat Fritzon Canton qui a pris également part à cette sortie médiatique.
Canton voit, dans ce cas, une possibilité pour les Nations Unies de prouver leur dévouement dans la lutte contre les actions portant atteinte à la dignité humaine.
Juger les coupables en Haïti constituerait « un signal très clair », en sorte que les soldats de l’Organisation des Nations Unies (Onu) ne se comportent plus « en bourreaux sexuels, partout où ils passent », ajoute Canton.
Ces considérations surviennent après le viol perpétré contre un adolescent de 14 ans par un soldat du contingent pakistanais de la mission.
Cet acte a été posé, en janvier 2012, dans la ville des Gonaïves (Artibonite, Nord), non loin de la place d’armes (lieu où fut proclamée l’indépendance haïtienne le 1er janvier 1804) dans la maison d’un complice haïtien.
Les soldats pakistanais auraient bénéficié de la complicité de 2 Haïtiens, aujourd’hui incarcérés.
Ces soldats onusiens, qui devront laisser le pays le lundi 27 février 2012 dans le cadre du mouvement des effectifs militaires, auraient offert de l’argent (500 gourdes en monnaie locale, soit près de 15 dollars américains) à l’adolescent violé, juste après que les informations ont été rendues publiques, d’après Youri Latortue.
Le gouvernement haïtien aurait déjà écrit à la mission onusienne dans le pays pour demander la levée d’immunité de ces derniers.
Il s’agit du deuxième cas officiel de viol perpétré contre de jeunes adolescents haïtiens, après celui de Johnny Jean dans la ville de Port-Salut (Sud).
Les soldats uruguayens, accusés d’avoir violé Johnny Jean et rapatriés dans leur pays pour être jugés, ont été libérés au début de l’année 2012.
Alors que la Minustah précise qu’il s’agit d’une « liberté conditionnelle », Johnny Jean et sa famille sont sortis de l’ombre - dans laquelle le scandale les avait forcés à se terrer - pour dénoncer cette libération. [rh kft rc apr 06/02/ 2012 12:19]
http://www.alterpresse.org/spip.php?article12340

Réinventer la politique en Haiti

Peut-on sortir du discours purement compassionnel sur Haïti ? Parfois, à entendre les experts, haïtiens ou étrangers, on en douterait. Capitale de la douleur, Port-au-Prince attire « l’empire humanitaire » depuis le séisme de janvier 2010. Mais le regard n’était-il pas sensiblement le même auparavant ?
Haïti, réinventer l’avenir vient de paraître aux éditions de la Maison des sciences de l’homme, sous la direction de Jean-Daniel Rainhorn.
Cet ouvrage de 350 pages rassemble 26 communications ou témoignages issus d’un colloque, dont l’ambition était d’amorcer un dialogue à trois (ou trialogue) entre les intellectuels haïtiens vivant dans leur pays, ceux de la diaspora et les organisations de coopération internationale.
L’ouvrage fourmille d’idées pour la reconstruction ou la refondation d’Haïti : les divergences concernant l’avenir commencent par la terminologie. Les analyses et les diagnostics sont souvent pertinents et leur mise en forme facilite la lecture.
Si on devait exprimer une préférence, on recommanderait le texte de Laënnec Hurbon sur « Religions, politique et mondialisation », qui porte un regard aigu sur l’essor du pentecôtisme.
Cependant, il est étonnant de voir presque 50 pages consacrées à la critique des médias, un sujet très à la mode. D’autant que le décryptage politique de la crise haïtienne brille par son absence. L'aide humanitaire n'échappe pas aux critiques, et c'est normal. L'action des casques bleus des Nations unies pourrait aussi être contestée.
Est-ce un tabou d’envisager de manière critique la responsabilité des hommes politiques et des partis haïtiens ? Est-ce qu’on ne peut pas pointer du doigt l’incompétence coupable de l’ancien président René Préval, élu avec le soutien de tous les « pays amis » ? Fallait-il attendre les révélations de WikiLeaks pour décrire ses faiblesses ?
Avec le nouveau président Michel Martelly, les Haïtiens ne sont sans doute pas sortis de l’impasse politique. Alors, quel est le sens de dénoncer la mise sous tutelle du pays, si on glisse sur la défaillance de l’Etat et si on tait l’irresponsabilité des politiciens ?
Cette évacuation du politique dès qu’il s’agit d’Haïti est commune aux humanitaires, aux coopérants, aux médias et aux universitaires. Ce faisant, les uns et les autres transforment les Haïtiens en objets de leurs discours et leur dénient le statut de sujets. Les victimes méritent aide et compassion, pas ceux qui fuient leurs responsabilités.
Réinventer Haïti suppose de réinventer la politique. Et pour ce faire, il faut commencer par décrypter la politique réellement existante en Haïti, sans complaisance ni paternalisme.
http://america-latina.blog.lemonde.fr/2012/02/09/reinventer-la-politique-en-haiti/