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mercredi 1 février 2012

Il retient les accusations pour détournement de fonds, mais pas celles visant les crimes commis contre les opposants.

« Baby Doc » sera-t-il un jour jugé ? Un an après le retour surprise de Jean-Claude Duvalier en Haïti, la perspective d’un procès permettant à la justice de faire la lumière sur les crimes commis sous son régime, de 1971 à 1986, semble s’éloigner. Lundi 30 janvier, le juge d’instruction en charge du dossier a recommandé un renvoi devant un tribunal correctionnel pour détournement de fonds, refusant de retenir les plaintes pour crimes contre l’humanité déposées par d’anciens opposants et leurs proches.
Inquiétude
Cette annonce, en forme de camouflet pour les victimes, n’est pas encore définitive : le procureur peut ne pas suivre l’avis du juge et exiger une poursuite de l’instruction visant l’ancien homme fort du pays, âgé aujourd’hui de 60 ans. Mais les informations en provenance de Port-au-Prince sont néanmoins très inquiétantes pour les militants des droits de l’homme.
« C’est une grande déception, quantité d’informations que nous avons transmises au juge d’instruction n’ont pas été prises en compte, réagit Javier Zuniga, conseiller spécial d’Amnesty International. Nous n’avons pas encore de précisions sur cette annonce, le juge ayant refusé de publier son ordonnance. Nous sommes impatients de connaître les arguments invoqués pour refuser les plaintes pour crimes contre l’humanité. »
Dans son rapport présenté en septembre à Port-au-Prince, l’organisation de défense des droits de l’homme avait assuré qu’il « existe suffisamment d’éléments permettant de poursuivre en justice Jean-Claude Duvalier pour les nombreux cas de détention arbitraire, de torture, de mort en détention, d’homicide et de disparition qui ont eu lieu sous son régime et dont certains s’apparentent à des crimes contre l’humanité ».
La qualification de crimes contre l’humanité rendrait ces crimes non prescriptibles. « Par ailleurs, poursuit Javier Zuniga, les cas de disparitions ne peuvent être proscrits, le crime étant considéré comme encore en cours tant que les corps ne sont pas retrouvés. » C’est cette interprétation qui a permis, dans de nombreux pays d’Amérique latine, et notamment au Chili, de juger des militaires impliqués dans les dictatures des sombres décennies 1970 et 1980.
Demi-surprise
L’annonce de la justice haïtienne ne constitue qu’une demi-surprise, compte tenu du contexte politique : le nouveau président haïtien, Michel Martelly, au pouvoir depuis mai 2011, est en effet proche des milieux duvaliéristes, et son gouvernement compte dans ses rangs des fils de ministres du régime Duvalier.
En octobre, le président a même effectué une visite au domicile de l’ancien dictateur, en résidence surveillée depuis le début des procédures, qui a aussi pris part cette année à une cérémonie officielle à l’occasion du deuxième anniversaire du séisme. Sous couvert de « réconciliation nationale », le présent chef de l’État a même évoqué la semaine dernière la possibilité d’un pardon, avant de revenir sur ses propos le lendemain.
Si la recommandation du juge d’instruction était confirmée, les victimes auraient encore la possibilité de faire appel, notamment devant la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Mais les proches des victimes comptent sur la communauté internationale pour rappeler à Haïti ses engagements en matière de lutte contre l’impunité.
À Genève, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme s’est déclaré mardi 31 janvier « extrêmement déçu » et « préoccupé » que l’ancien dirigeant soit seulement traduit en justice pour détournement de fonds plutôt que d’être jugé pour les « sérieuses violations des droits de l’homme » commises durant sa présidence. « Il ne peut y avoir de réconciliation véritable et de pardon sans justice », a insisté Rupert Colville, porte-parole du Haut-Commissariat.
GILLES BIASSETTE
http://www.la-croix.com/Actualite/S-informer/Monde/Baby-Doc-ne-devrait-pas-etre-juge-pour-crimes-contre-l-humanite-_EP_-2012-01-31-764108

L'ancien dictateur d'Haïti serait jugé pour détournements de fonds mais pas pour crimes contre l'humanité.

Un an après être subrepticement revenu en Haïti après vingt-cinq années d'exil en France, Jean-Claude Duvalier pourrait remporter son pari osé: aujourd'hui âgé de 60 ans, l'ancien dictateur finira peut-être tranquillement sa vie en son pays ravagé par la cupidité et les atrocités de sa famille, les désastres naturels, les épidémies et bien d'autres malheurs. Mardi, le juge d'instruction chargé d'étudier son dossier a simplement recommandé son renvoi devant un tribunal correctionnel pour détournement de fonds. «Bébé Doc» qui, à la suite de son père, «Papa Doc», mit en coupe réglée Haïti de 1971 à 1986, ne devrait donc pas répondre des nombreux crimes imputables à son sanglant régime. Saisi dès le retour de Jean-Claude Duvalier, le juge Carves Jean aura mis un an pour boucler son instruction. C'est désormais au tribunal correctionnel de décider d'éventuellement poursuivre «Bébé Doc» pour détournements de fonds, et donc de préciser la hauteur d'un préjudice généralement évalué à plusieurs centaines de millions de dollars de fonds publics. Une telle accusation est passible de cinq années de prison. Reynolds Georges, l'avocat de Jean-Claude Duvalier, fait cependant valoir que ces faits sont prescrits.
«C'est du pain bénit»
C'est un revers pour nombre d'ONG, la Commission interaméricaine des droits de l'homme et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme. Cette dernière organisation, par la voix de son porte-parole, Rupert Colville, s'est dès hier déclarée «extrêmement déçue» que l'ancien dictateur ne puisse être jugé pour «les très graves violations des droits de l'homme, tortures, viols et exécutions extrajudiciaires» dont il est accusé.
En septembre 2011, Amnesty International avait pointé dans un épais dossier «le recours généralisé à la torture» dans les prisons des casernes Dessalines, de fort Dimanche et du pénitencier national et, toujours entre 1971 et 1986 en Haïti, les «disparitions forcées». Pour l'ONG, celui qui était chef de l'État haïtien à l'époque devait être poursuivi pour crimes contre l'humanité. Plusieurs des victimes du régime de «Bébé Doc», telle la journaliste Michèle Montas, ancienne porte-parole de l'ONU, avaient expliqué qu'«organiser un procès contre Duvalier, ce serait un signe de la fin de l'impunité en Haïti».
Mais rien n'est parfait en ce pauvre pays. Dans son édition de mardi, Le Nouvelliste notait que Jean-Claude Duvalier «échappe au pire, mais n'aura pas à savourer le meilleur: un non-lieu… Ni relaxe, ni procès majeur, c'est du pain bénit. Sauf pour les victimes».
Les autorités haïtiennes souhaitent-elles tourner la page «Bébé Doc»? Il y a un an, le retour chez lui de Jean-Claude Duvalier avait précédé celui de Jean-Bertrand Aristide, un autre président haïtien que ses exactions avaient contraint à l'exil. La campagne présidentielle battait alors son plein. Michel Martelly, le candidat qui a depuis été élu président, comme son opposante de l'époque, avait accueilli ces hommes que la justice internationale n'est jamais parvenue à juger. Aux États-Unis comme en France, les poursuites contre Jean-Claude Duvalier n'ont notamment pas abouti.
http://www.lefigaro.fr/international/2012/01/31/01003-20120131ARTFIG00601-la-justice-haitienne-exonere-bebe-doc.php
Commentaires:
Je fais partie des gens que la théorie du complot insupporte terriblement. Cependant je suis en droit de dire que ces ONG, les commissions de droit de l'homme et même l'ONU versent actuellement des larmes de crocodile. C'est trop facile aujourd'hui de laisser "le bébé" dans les bras supportés par de faibles épaules de la justice haïtienne. Tout le monde est au courant des déficiences structurelles de cette instance; tout le monde est conscient de la situation cahotique du pays, pourquoi n'avoir pas jugé Jean-Claude Duvalier devant la Cour Pénale internationale pendant qu'il séjournait en France. Pourquoi avoir fermé les yeux sur son retour "en douce" en Haïti.
Alors là messieurs les "grands", laissez les victimes pleurer l'injustice manifeste des autorités haïtiennes mais de grâce, fouttez nous la paix avec vos incantations hypocrites !