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vendredi 8 février 2008

PORT-AU-PRINCE / CARNAVAL 2008 / Ivresse et déhanchements

Par Antoine-Hubert Louis

bruitsderrances04@yahoo.fr

Durant les trois jours gras du carnaval de Port-au-Prince, du dimanche 3 au mardi 5 février, environ 300 groupes déguisés ont défilé tandis que 39 reines et 21 rois trônaient sur 16 chars allégoriques. Une vingtaine de chars sonores et une quinzaine de bandes à pieds – retenues par voie de concours – ont gratifié les carnavaliers d’une animation à tout casser. L’engouement et la foule des participants n’ont pas trahi les pronostics officiels selon lesquels, approximativement, un million de fêtards devraient prendre part, cette année, aux festivités. C’est dans un débordement d’enthousiasmes, de déhanchements et de dérisions des préjugés de classes et tabous sociaux que s’est déroulée cette fête autour du thème « Yon Ayiti vèt s’on Ayiti banda » choisi pour sensibiliser les fêtards aux problèmes de déboisement et de la dégradation de l’environnement. Dans la même perspective, la mairie de Portau-Prince a retenu le sous-thème « Rale mennen vini pou yon Ayiti vèt ». Le carnaval s’est révélé, cette fois encore, la plus grande fête populaire du pays.

On ne savait quoi danser !
Partis du stade Sylvio Cator, la majorité des groupes arboraient des déguisements divers, représentant, entre autres, des communautés indiennes et différentes tribus africaines. Le secteur vaudou, à plusieurs niveaux, était très fortement représenté. Des handicapés se déplaçant à l’aide de béquilles ou de chaises roulantes ont été remarqués.
Les paysans et paysannes, les « madan-sara » étaient présents. Quelques-uns portaient des accoutrements qui symbolisent la faune et la flore locales. Des esclaves aux corps enduits de mélasse et avec des anneaux en papier mâché autour du cou, des chaînes aux poignets et aux chevilles, des « bœufs », des «charles-oscar », des «jambesde-bois» et des « Mandan-débourés », des scouts et des jongleurs ont également déambulé à travers les rues. Plusieurs groupes de patineurs, de motards et de cyclistes, des artisans constructeurs de tap-tap et de bus de transport en commun ont honoré le défilé. Il convient aussi de mentionner une certaine présence de l’art naïf haïtien. Des jeunes de la « Fosref » ont marché en scandant des slogans relatifs à la santé reproductive et à la sexualité responsable.

Certaines corporations de femmes ont figuré sur la liste, à travers des bandes à pied. On retient « Fanm Vaudou la » et « Eksperyans rara fanm» issue de l’Atelier « Toto B ». Les féministes de « Fanm pap tann » en ont profité pour faire passer des messages contre la stigmatisation et les violences faites aux femmes.
L’imaginaire collectif était très fortement mis en valeur. Le public avait l’opportunité d’apprécier des mises en scènes et des chorégraphies inspirées du folklore local. Les mannequins et danseurs de « Milocan » de Viviane Gauthier, répartis en maints sous-groupes à l’intérieur d’un périmètre, constituaient la cerise sur le gâteau. Vêtus de costumes bien confectionnés, ils exécutaient des tours prouvant leur talent de vrais danseurs. Ils se détachaient du lot d’autant plus qu’ils ont aussi fait preuve d’une bonne gestion de l’espace tandis que des cordes de pite jointes bout à bout les séparaient très nettement du public.
Néanmoins, une grande cacophonie a régné dans l’aire du Champ de Mars. Pris entre les feux croisés des décibels des discs jockey –Djs–, les groupes déguisés n’ont pas toujours su sur quels pieds danser. Les bandes à pied non plus. Les artistes eux-mêmes en ont fait le constat. Si Michel Martely parle de non sens en ce qui concerne la distance qui sépare les chars sonores, de son côté Manzè, chanteuse du groupe Boukman Eksperyans, crie : « Quelle cacophonie, mes amis ! ». Une grande confusion, occasionnée par un « hurry up » –un empressement–, a caractérisé le défilé, le deuxième jour. Cela n’a pas empêché les commentateurs d’exprimer leur profonde admiration, y compris pour les reines superbement et légèrement vêtues, pour les chorégraphies dans lesquelles les jeunes femmes mettaient leur corps en valeur.

Décoration et animation

« Ah, tous les chars sont beaux cette année », déclare une jeune femme d’une vingtaine d’années, On a effectivement observé un grand effort de décoration tant au niveau des chars allégoriques que des chars sonores.

Diverses tendances musicales ont garanti une animation de tonnerre tout au cours des trois jours gras. Pour le compas, sur l’ensemble des trois jours, « Carimi », « Krezi » et « T-vice » ont excellé. Victimes de défectuosité logistique depuis le premier jour, « Djakout mizik », sorti in extremis le deuxième jour gras et « Kreyòl la» se sont pourtant bien tirés d’affaire les 2e et 3e jours. Quant à « Sweet Micky », certains se contentent de dire tout simplement « Michel Martely » a une fois de plus démontré qu’il a encore du métier. Si ce n’était « Ram », la tendance racine aurait largement passé à côté alors que « Barikad Crew » a su faire de son mieux, côté rap/hip-hop.

C’est un boulevard Jean-Jacques Dessalines et une avenue de la République sales et jonchés de flaques d’eaux immondes qui ont accueilli le carnaval 2008 de Portau-Prince. En tout cas, le public a fait le déplacement par centaines de milliers et s’est bien amusé à grand renfort de déhanchements et d’égosillements. De l’avis de plus d’un, il faut, à l’avenir, alléger le cortège. Ils déplorent que certains groupes n’aient fait qu’encombrer et retarder le défilé. Il importera du même coup de lancer le thème du carnaval au moins six mois à l’avance pour permettre aux groupes musicaux de l’intégrer dans leurs meringues, commentent-ils.
Cette année, des yeux étrangers étaient rivés sur Haïti. Seize chaînes de télévision, nationales et internationales, ont retransmis le carnaval de Port-au-Prince en direct.

vendredi 8 février 2008

http://www.lematinhaiti.com/PageArticle.asp?ArticleID=11079

CARNAVAL / Se déguiser : une tradition qui se perd…

Par Natacha Clerge

clernatacha@yahoo.fr

Se déguiser : une tradition qui tend à disparaître. Il y a une trentaine d’années, c’était la norme au carnaval. Hormis les reines et rois, les membres du cortège, le déguisement devient de nos jours une pratique presque insolite pour le particulier.

Certaines personnes maintiennent la tradition du déguisement. Elles sont certes rares. C’est le cas de Jean-Marie, 42 ans, rencontré au détour de la rue Oswald Durand, le premier jour gras. Alors que la majorité des participants exhibent en majorité des maillots appellant à « construire une Haïti verte » ou encore à combattre « la violence », lui, arbore un corsage en trapèze blanc, un chapeau en tuile noir que les vieilles dames portaient autrefois lors des funérailles, avec un ballon blanc noué à l’arrière du chapeau et flottant au vent. Autour de son cou se dessine une cravate avec au bout un papillon de couleur or. « J’ai acheté le corsage à vingt-cinq gourdes au marché Salomon. Le chapeau appartient à ma mère, je l’ai déniché dans sa mallette. Le ballon, c’est un cadeau de mon petit-fils, j’y tiens beaucoup », apprend Jean-Marie.

Soûl à ne plus pouvoir se tenir debout, JeanMarie était au centre de l’attention d’une partie de la foule massée au niveau de la rue Oswald Durand. « Je suis le char, j’ai une tenue pour les trois jours gras. Demain ce sera autre chose. Je ne sais pas exactement ce que sera. Peut-être que ce sera une tenue de militaire. J’aime ça, mon père a été militaire et j’admirais son uniforme », raconte-t-il, buvant à grandes gorgées de l’eau-de-vie dans un bidon en plastique. Les gens aimant à se déguiser sont peu nombreux de nos jours dans le pays. Cependant, il arrive qu’au passage d’une bande à pied on aperçoive un homme en liseuse, en caleçon, mais emporté par la musique et la séduction de la musique au point d’éluder les questions d’un geste de la main, ou encore déguisé en Père Noël, ou portant un caleçon pour tout vêtement, voire une veste. « Le carnaval, c’est le plus beau événement de ma vie. En pareille occasion, on porte ses plus beaux vêtements. C’est pourquoi je suis habillé de la sorte », soutient un homme, vêtu d’une veste noire et qui se déhanchait au son de la musique de Soul Rasta, une bande à pied basée à la de 5e Avenue Bolosse.

Parce que le carnaval est un lieu de jouissances et de levées d’interdits, ces débordements sont souvent accueillis avec le sourire. « J’ai l’habitude de voir des hommes se mettre nus comme ils sont venus au monde pour danser. Il y a un homme qui habite mon quartier, quand il va s’amuser dans les bandes à pied, il chipe les plus beaux vêtements de sa femme. Ce qui crée par la suite de vives discussions entre eux. Malgré tout, il continue à le faire. Quand je lui demande pourquoi il persiste sur cette voie qui de toute évidence peut aboutir à une rupture, il a avoué que c’était sa façon à lui de se venger de sa femme qui lui cassait les oreilles tout les soirs », rapporte Mario, 27 ans.

vendredi 8 février 2008

Plaisirs, passions, folies … désenchantement !

Par Ladenson Fleurival

ladenson@lematinhaiti.com

Le carnaval 2008, déroulé autour du thème « Rale mennen vini pou yon Ayiti vèt » aura été une grande réussite populaire. Néanmoins, cette manifestation culturelle a souffert de quelques faiblesses d’organisation.

Le président de la République, René Préval, a officiellement lancé les festivités carnavalesques 2008 le samedi 2 février au cours d’une cérémonie organisée au Palais national en l’honneur des reines et des rois. En présence des membres du gouvernement dont le Premier ministre Jacques Édouard Alexis et différentes personnalités artistiques du pays, le chef d’État a souhaité «paix et joie » aux Haïtiens à l’occasion des trois jours gras, les 3, 4 et 5 février.

Dans une ambiance de folle passion, de plaisir, mais aussi de désenchantement, des centaines de milliers de personnes se sont ruées au Champs de Mars, du dimanche 3 au mardi 5 février, pour prendre part au défilé carnavalesque. Trois jours gras placés sous le signe de la protection de l’environnement.

Couleurs, musique, ambiance, exultations, théâtre populaire, représentations chorégraphiques : le menu était riche. Les participants ont pu apprécier en plus les défilés de tap-tap et d’autobus – dont la carrosserie est de fabrication locale–, de groupes déguisés, de bandes à pied, de groupes musicaux. De la dérision de certains préjugés sociaux à l’éloge du bizarre, les carnavaliers ont libéré, durant les trois jours gras, leurs désirs de tous genres et leurs frustrations profondes.

Le défilé…
Les groupes musicaux, environ une vingtaine, ont assuré pendant les trois jours une animation hors pair. Cependant, plus d’un s’est interrogé sur la présence de certains de ces groupes dont la performance laissait fort à désirer. Rasin Mapou de Azor, T-Vice, Djakout Mizik, Krezi Mizik, Carimi, Sweet Micky ou Kreyòl la ont fait un malheur. Au passage du groupe Rasin Mapou de Azor, certains carnavaliers sont entrés en transe.
Le menu des trois jours gras était constitué également des défilés des bandes à pied, au nombre de 15, qui ont apporté une chaleur particulière à l’ambiance des premières heures des festivités. Ces bandes étaient précédées de groupes déguisés qui ont gratifié le public de chorégraphies indienne, arabe, folklorique, de danse traditionnelle et populaire. Les carnavaliers ont eu aussi droit à une tranche de l’histoire coloniale avec la représentation des tribus d’Afrique – les Noirs d’Afrique devenus esclaves en Amérique – et les Tainos.

Efforts de création…
Des artistes peintres, décorateurs et concepteurs graphiques ont usé de leur savoir-faire pour présenter au public des images éloquentes de l’artisanat, de la peinture et du folklore haïtiens. Sur les stands, la faune et la flore d’Haïti étaient à l’honneur.

Mais des nombreux stands érigés dans l’aire du Champ de Mars, site officiel du parcours, ceux des compagnies de téléphonie mobile Digicel et Voila et du riz Tchako ont captivé particulièrement l’attention. Les chars allégoriques notamment de la Sogébank et du ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales, représentaient des chefs-d’œuvre en termes d’imagination.

Déceptions…

Certains problèmes d’organisation ont été cependant enregistrés. Le public a envahi le périmètre sensé réservé aux groupes déguisés, ce qui a empêché ces derniers de performer normalement. La célèbre danseuse Viviane Gauthier a alerté sur la perte d’originalité des troupes de danse dans le carnaval.
D’autre part, les trop nombreux Disc Jockey (DJ), présents sur les stands, se sont livrés à une guerre interminable de décibels, créant une véritable cacophonie au Champ de Mars. Certains n’avaient même pas la courtoisie d’éteindre leur appareil au passage des bandes à pied.

Par ailleurs, la publicité a eu le dessus sur le côté artistique de l’événement. Le carnaval haïtien s’est transformé en une véritable campagne de promotion au bénéfice de certaines entreprises privées du pays.

La publicité a pratiquement occupé la plus grande place dans l’aire du Champ de Mars. Loin de s’identifier par leur nom propre, les groupes musicaux affichaient plutôt les marques commerciales de leurs sponsors. Frustré, un commentateur réclamait l’intervention des autorités pour conserver au carnaval son cachet artistique et culturel. « L’État doit être clair, le commercial ne doit pas l’emporter sur le culturel. Sinon, le carnaval haïtien va disparaître. Il ne lui restera que le résidu ! »

Services parallèles

Sur le lieu du carnaval, des organisations qui œuvrent dans le domaine de la santé ont mis à la disposition des carnavaliers des centres de dépistage du VIH/sida et distribué des préservatifs. Des messages de sensibilisation en faveur de l’usage du préservatif dans les rapports sexuels et d’autres messages dénonçant les violences faites aux femmes ou, appelant à la protection de l’environnement, ont été aussi délivrés.

Forte présence policière

Une impressionnante présence policière tout au long du cortège carnavalesque a été constatée. Différentes unités de la Police nationale d’Haïti (PNH) se sont efforcées de contenir les débordements de la foule. Au passage des groupes musicaux T-Vice et Djakout Mizik, moment de grand délire collectif, les agents de l’ordre ont dû utiliser de grands moyens pour ne pas se laisser dépasser par les événements.

Durant les trois jours de réjouissances populaires, certains agents ont monté la garde à proximité de la faculté d’Ethnologie en vue de prévenir tout dérapage. Rappelons que, vendredi, des étudiants et des agents du Corps d’intervention et de maintien d’ordre (Cimo) se sont affrontés respectivement à coups de pierres et de gaz lacrymogène. Les étudiants, rapporte-t-on, se plaignaient que, dans le budget général du Carnaval 2008, aucune tranche n’ait été prévue pour le Carnaval des étudiants de Port-au-Prince.

vendredi 8 février 2008

http://www.lematinhaiti.com/PageArticle.asp?ArticleID=11074

CARNAVAL 2008 / Hanches, yeux….ont eu leur compte de jouissance!

Par Natacha Clerge

clernatacha@yahoo.fr

Les hanches, les yeux, les mains, les pieds et les cœurs de milliers de personnes ont eu leur compte de jouissance pendant les trois jours gras au Champ de Mars.

Débutées aux environs de trois heures de l’après-midi, les festivités carnavalesques ont été d’abord une aubaine pour des millions d’yeux habitués au délabrement ambiant.
S’étalant sur les quatre kilomètres du parcours du défilé – du Portail Léogâne, en passant par la GrandRue, la rue des Casernes, l’avenue de la République, les rues Capois, Saint-Honoré et Oswald Durand –, les participants en ont eu plein la vue. Cinq mille jeunes hommes et jeunes femmes ont changé de peau pour devenir bananiers, orchidées, palmistes, arbres fruitiers, conformément au thème du carnaval de cette année : « Rale menmen vini pou yon Ayiti vèt ».
Ces jeunes femmes se sont transformées en paniers, amazones, soleils, angelots, croissants de lune et des personnages du vodou tels Grann Brijit, Ogou, ou encore des symboles du vodou tels les vèvès… Des organisations paysannes, les employés de la voirie, les artisans, entre autres, ont participé au défilé durant les trois jours gras.

Plus d’une quinzaine de bandes à pied, dont les plus populaires, New York New York, Fashion Matte, Soul Rasta, ont maximisé le plaisir en passant devant les stands des radios et télévisions dressés au Champ de Mars. « Les médias jouent un rôle clé dans le verdict final sur la performance des bandes à pied. Il faut donc atteindre le sommet de la performance devant leur stand ! », a lancé Karli, 22 ans, tambourineur de Soul Rasta, les mains déchaînées sur le tambour et le corps en sueur.

L’insolite dans le défilé des bandes à pied a été la participation de l’atelier Toto B, un groupe composé de femmes exclusivement. Ce groupe a allumé plusieurs centaines de jeunes hommes massés au Champ de Mars lesquels l’ont suivi tout le long du parcours en lançant des propos grivois. Attitude qui n’a pas entaché la performance des musiciennes de l’Atelier qui ont émerveillé l’assistance du premier jour. « C’est un plaisir, mais surtout une satisfaction de voir des femmes s’approprier cet événement culturel, pas seulement comme reines ou encore danseuses et comédiennes des groupes déguisés, mais aussi en tant que musiciennes. C’est un point positif, mais surtout une initiative à multiplier », s’est réjouie Keteleine Charles, coordonnatrice du Collectif des Féministes universitaires, manifestement ravie par la performance de l’atelier Toto B.
Les groupes musicaux – passés très tard dans la nuit le premier jour gras, situation qui allait changer les deux jours suivants –, ont porté le plaisir des corps et des hanches au summum et ont fait basculer les cœurs à coups de décibels et transformé le Champ de Mars et les zones environnantes en une fourmilière.
Dans l’ensemble, la performance des groupes musicaux a été bien. Cependant, certains se sont distingués du lot : Krezi Mizik a rendu fous des milliers de fanatiques, le groupe Raram du Bel-Air, une bande à pied a mis des milliers de fanatiques au pas; le groupe Ram quant à lui a mis le Champs de Mars dessus-dessous, sans compter Bookman Esperyans, qui a ballotté le public à droite et à gauche, et Carimi qui a imposé sa danse « azibido ».
Des temps morts, il n’y en a pas eu au Champ de Mars. Entre deux bandes à pied, les haut-parleurs des stands diffusaient les meringues les plus appréciées. Durant trois jours successifs, les hanches, les mains, les pieds et le cœur des millions de personnes n’ont pas chômé au Champ de Mars.

vendredi 8 février 2008

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LE CARNAVAL HAÏTIEN VU PAR DES ÉTRANGERS / « Creuset national de l’art et de la culture »

Par Phoenix Delacroix
phedelacroix@yahoo.fr

Ce sont les mots de Leclerc Ravineaux, jeune photographe et journaliste suisse, pour résumer les caractéristiques du carnaval haïtien. Depuis cinq ans environ, Leclerc Ravineaux suit de très près cet événement culturel national. Cette année, il est arrivé avec deux de ses meilleurs amis.

Port-au-Prince, Mercredi des cendres, 9 heures du matin. Le Champ de Mars prend l’allure d’un vaste site de décharge. L’image du jour contraste singulièrement avec l’apparence de somptueuse et immense scène théâtrale que présentait, la veille, la grande place publique. Avec ardeur, des centaines d’hommes s’activent à démolir les beaux stands qu’ils avaient érigés quelques jours auparavant pour les festivités carnavalesques. Ils travaillent sans états d’âme, tels des gamins détruisant des châteaux de sable construits dans les minutes précédentes avec patience et passion.

Les coups de marteau couvrent les klaxons et les ronronnements des moteurs de voitures. On le comprend vite et bien : la fête est belle et bien finie. Il y a un temps pour jouer, un temps pour travailler, un temps pour construire et un temps pour démolir, affirme le livre des Proverbes. Pressés d’en finir, les démolisseurs accordent peu d’attention à un groupe de photographes étrangers et haïtiens qui accumulent, pour des causes différentes, clichés sur clichés.

Le carnaval : miroir de l’âme haïtienne
« Bon, ca y est, chers amis ! Je crois que nous en avons pour notre compte. Rentrons à l’hôtel pour une évaluation. Nous nous sommes bien amusés et nous avons accompli un excellent travail ».

L’homme, qui s’exprime ainsi, se nomme Leclerc Ravineaux, envoyé spécial d’une compagnie touristique d’Europe s’intéressant à Haïti. Accompagné de deux autres photographes, Julien et André, il prépare, pour le compte de son entreprise, un reportage photographique et un documentaire sur le carnaval haïtien. Mercredi matin, la fin des festivités leur apporte un peu de répit. Ils sont sur pied de guerre depuis dimanche et n’ont presque pas dormi depuis. Leurs visages émaciés et barbus, leurs yeux rougis témoignent de leur fatigue. Néanmoins, leurs sourires expriment un sentiment de satisfaction indiscutable. Sillonnant le site carnavalesque, armés de caméras et d’appareils photos, ils ont collecté patiemment des milliers d’images et des centaines de scènes. Aucun détail n’est négligé. Ouverts, ils expliquent la démarche à leurs homologues haïtiens tout en communiquant leurs premières impressions. « Nous nous proposons de mieux comprendre ce peuple à travers les photos prises et les scènes enregistrées. Ce peuple est original dans ses pratiques. Le carnaval est un espace au sien duquel toutes les couches de la population se rencontrent.

C’est un miroir qui permet de saisir certaines caractéristiques haïtiennes. Sans risques de me tromper, je peux dire que ce sont des gens enthousiastes, bons viveurs, excellents danseurs, gaspilleurs , pacifiques et créatifs », soutient Julien. Les images, en effet, parlent d’elles-mêmes. « On peut se faire une idée des sommes folles investies dans cet événement à travers les images majestueuses et bien décorées des stands, des chars allégoriques et des chars musicaux, les vêtements des rois, des reines ainsi que des groupes de danse participant au défilé, les multiples moyens utilisés pour la promotion des grandes marques commerciales, la sonorisation de certains groupes musicaux. Tout cela pour seulement trois jours », se désole quelque peu Ravineaux.

Espace de divertissement et de promotion nationale
C’est, d’après nos trois amis français, la plus grande caractéristique du carnaval haïtien. « Pendant les festivités, riches et pauvres, noirs et mulâtres, vodouisants et chrétiens font bamboche dans un esprit de respect et de fraternité. J’ai été frappé par la passion avec laquelle les gens dansaient. On dirait qu’ils voulaient se défouler au maximum.

Certaines personnes paraissaient en transe », constate Lucien. « Cet aspect du carnaval a toujours attiré l’attention des étrangers qui trop souvent ont tendance à souligner l’exacerbation des luttes sociales en Haïti. Je crois que cet espace peut être utilisé pour promouvoir l’unité, mobiliser la population autour des grands défis nationaux et améliorer l’image du pays sur la scène internationale », estime André. Celui-ci en profite pour faire aux responsables haïtiens des propositions susceptibles de rehausser le niveau de l’événement. « Sans vouloir donner de leçons à mes frères haïtiens, je leur conseille de mieux exploiter cet événement exceptionnel qu’est le carnaval. J’invite les responsables concernés à mieux gérer le site du défilé en pensant la prochaine fois à l’installation d’écrans géants sur les points névralgiques pour permettre aux spectateurs de se faire à tout moment une idée de l’avancement du cortège, à la délimitation de la scène d’évolution des troupes de danse et à l’organisation de la restauration ».

Espace de valorisation culturelle et artistique
Nos amis étrangers partagent tous les trois cet avis. « Les Haïtiens sont très doués au niveau artistique. Ils ont une imagination débordante et créent des produits avec une facilité déconcertante. Cette richesse est heureusement exploitée dans le carnaval. Il faut combattre la tendance à consommer étranger au cours de cette grande manifestation culturelle. Ce qu’il vous faudra consommer pendant cette période, c’est les touristes », conseille Ravineaux.
Nos visiteurs disent apprécier la performance des danseurs, la décoration des stands et des chars, la profusion des genres musicaux. « Le spectateur étranger, malheureusement, se perd dans cette diversité, surtout en l’absence de repères et de guides. Toutefois, le spectacle est appréciable et vaut le déplacement. Il n’y a pas meilleur moment d’évasion. Haïti est spéciale. Nous y reviendrons assurément pour le prochain carnaval », promet le chef du groupe.

vendredi 8 février 2008

http://www.lematinhaiti.com/PageArticle.asp?ArticleID=11078

Football : Haïti a bien résisté contre le Venezuela

La sélection haïtienne de football qui se prépare pour les éliminatoires de la prochaine coupe du monde de football, a joué deux matches amicaux contre l’équipe nationale du Venezuela les 3 et 6 février. Lors de la première rencontre, le Venezuela avait gagné sur le score minimum de 1 à 0. La formation haïtienne avait bien résisté face aux sud-américains avant de céder en deuxième période. Les deux équipes se sont affrontées et neutralisées 1-1, hier mercredi dans un deuxième match devant une trentaine de milliers de spectateurs. Cette fois-ci, l’équipe haïtienne s’est montrée plus dangereuse, notamment en début de rencontre, ouvrant même le score dès la 15ème minute de jeu par Brunel Fucien. Les vénézuéliens, dos au mur, ont réagit et obtenu l’égalisation quelques minutes avant la fin de la première période. Le "Onze national" a, par ailleurs, une idée sur son prochain adversaire en éliminatoire de la prochaine coupe du monde. En effet, lors du match aller, la sélection nationale des Antilles Néerlandaises a été gagner au Nicaragua contre l’équipe locale 1-0. Les antillais ont ainsi pris une sérieuse option en attendant le match retour qui se jouera a Willemstad. Alors que la sélection nationale senior est en tournée en Amérique du Sud, l’équipe nationale olympique elle-même qui doit jouer la dernière phase des éliminatoires des Jeux Olympiques de Pékin 2008, a joué aussi deux matches test à Cuba contre l’équipe nationale cubaine. Pour sa première sortie, les espoirs haïtiens se sont faits ridiculiser par leurs homologues cubains 4-0. En revanche, pour leur deuxième rencontre, les haïtiens ont été beaucoup plus adroits que les locaux remportant une sympathique victoire 2-1.
Guyto Rivière
surguyriviere@yahoo.fr
http://www.metropolehaiti.com/metropole/full_une_fr.php?id=13466

La police mexicaine renforce sa coopération technique avec la PNH

Deux inspecteurs de la police fédérale du Mexique, Abel Gonzalez et Vicente Ibarra, ont bouclé hier un séminaire de formation à l’attention d’un groupe de 22 officiers de la police haïtienne.Le chargé d’affaires de l’ambassade du Mexique à Port-au-Prince indique que ce programme marque une nouvelle étape dans les relations entre son pays et Haïti. " C’est la première fois que le Mexique organise ce programme dans un pays étranger", dit-il précisant que cette formation s’inscrit dans le cadre d’un renforcement de la coopération haïtiano-mexicaine. " Il y a eu une demande de l’académie de police et de la DCPJ auprès de l’ambassade du Mexique à Port-au-Prince, nous avons transmis cette requête qui a été très bien accueillie par le ministère mexicain de la sécurité publique et nous avons mis très peu de temps à concrétiser le projet", ajoute t-il. Les experts Abel Gonzalez et Vicente Ibarra soutiennent que l’objectif principal du programme était de renforcer la capacité de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) dans la lutte contre le kidnapping. Tout en indiquant que les policiers haïtiens sont mieux armés à l’issue du programme les inspecteurs mexicains saluent la détermination des policiers haïtiens. De plus, Abel Gonzalez met l’accent sur le manque d’équipements des policiers haïtiens, estimant toutefois que leur détermination permettra de réaliser une lutte efficace contre les kidnappeurs. Intervenant à la rubrique " Invité du jour" de radio Métropole, les inspecteurs mexicains ont mis l’accent sur la participation de la population dans la lutte contre les enlèvements. " Même si la cellule anti-kidnapping est petite, si la population leur fait confiance on peut en finir avec le kidnapping", ajoutent-ils. Les inspecteurs Abel Gonzalez et Vicente Ibarra se déclarent disposés à revenir en Haïti afin de poursuivre les séances de formation avec leurs collègues haïtiens.
http://www.metropolehaiti.com/metropole/full_une_fr.php?id=13463

Le gouvernement veut améliorer les infrastructures à la frontière

Le premier ministre haïtien, Jacques Edouard Alexis, accompagné de plusieurs ministre et du chef de la Minustah, a effectué mercredi dernier une visite d’inspection à la frontière haitiano-dominicaine. A l’issue de sa visite, le chef du gouvernement a annoncé le réaménagement d’un hangar utilisé par les agents de la fonction publique dans la zone frontalière de Malpasse. " Nous avions voulu évaluer directement les réaménagements à faire pour améliorer l’efficacité des services publiques dans cette zone ", dit-il rappelant que des évaluations précédentes avaient été réalisées par le ministère de la sécurité publique et la mission de l’ONU. Selon le chef du gouvernement à court terme les services de la douane, de la quarantaine, de l’environnement et de l’immigration seront logés dans le Hangar réaménagé en attendant la construction d’un complexe administratif. Tout en notant les conditions de travail difficiles des fonctionnaires de l’état, Jacques Edouard Alexis donne l’assurance que les travaux de réaménagement de ce hangar seront achevés dans 4 mois. " Le secrétaire d’état aux finances, Sylvain Lafalaise, est en charge de ce dossier de construction du complexe administratif", révèle M. Alexis soulignant que l’appel d’offre sera bientôt lancé. Le premier ministre ne cache pas son intention de s’attaquer à d’autres problèmes au niveau de la frontière. Il envisage de déplacer le marché afin dit-il d’offrir une meilleure image d’Haïti aux étrangers arrivant par la frontière. En début d’année, le chef de la Minustah, Hédi Annabi, avait confirmé le déploiement de plus d’une centaine de casques bleus et de policiers afin d’améliorer la sécurité dans la région frontalière. M. Annabi espère que la présence des soldats onusiens dissuadera les trafiquants de drogue et permettra d’augmenter les recettes de l’état. Tout en indiquant que la Minustah apporte un appui à la PNH, M. Annabi précise que la gestion de la frontière nécessite une collaboration avec les autorités dominicaines.
http://www.metropolehaiti.com/metropole/full_une_fr.php?id=13464

Débat sur la transformation du carnaval en produit culturel

Les organisateurs du carnaval de Port-au-Prince indiquent que plus de 500 personnes ont été blessées à l’arme blanche durant les trois jours gras au champ de Mars qui a accueilli plus d’un million de personnes chaque jour. Les autorités se félicitent qu’aucune perte en vie humaine n’a été enregistrée rappelant du même coup l’imposant dispositif sécuritaire comprenant 4 000 policiers. Le chroniqueur de radio Métropole, John Chéry, révèle que le carnaval haïtien a été retransmis dans la diaspora par plus de 12 chaînes de télévision ce qui confirme la demande pour ce produit culturel. Cependant il déplore les performances approximatives de plusieurs acteurs dont des groupes musicaux sur des chars. " On peut dire qu’au moins une bonne dizaine de groupes sur des chars ne méritaient pas cet honneur", dit-il rappelant qu’une mauvaise préparation précède une médiocre performance. M. Chéry invite les autorités à sélectionner les groupes musicaux et les bandes à pied estimant que le carnaval a été quelque fois lassant.
Dans le cadre de sa rubrique " A travers les rues de la capitale", John Chéry a mis l’accent sur la nécessité de préparer les festivités carnavalesques un an à l’avance afin d’offrir un bon produit.
De son coté, le chroniqueur économique de radio Métropole, Kesner Pharel regrette que les autorités n’aient adopté aucune disposition pour rentabiliser le carnaval. " Il n’est pas normal que l’état dépense 50 millions de gourdes dans le carnaval alors qu’il s’agit d’une grande activité financière", déclare M. Pharel qui préconise la formation d’un comité permanent incluant des représentants du secteur privé. " On ne peut pas continuer a avoir un carnaval géré par des amateurs", lance t-il attirant l’attention sur la possibilité pour l’état de construire des places qui seraient vendues au public. Selon M. Pharel, l’état n’aurait perçu aucun dividende de la retransmission des festivités carnavalesques sur Intenet alors que ceci pourrait constituer une source de revenu. Par ailleurs, l’économiste fait remarquer que les trois jours gras ont entraîné des pertes sur le plan fiscal puisque les activités économiques étaient au point mort.
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La réjouissance dans tous ses états

Comme pour les années précédentes, les lieux d'intérêt ont été concentrés entre la tour 2004 et le Rex Théâtre. Les stands les plus représentatifs des secteurs public et privé ont rivalisé en décor et animation de DJ. Certaines institutions ont fait des efforts notables non seulement dans le décor traditionnel, mais aussi dans les installations de grands écrans faisant la promotion de leurs produits avec des images encore idylliques de paysages haïtiens. Un nationalisme culturel à encourager. Le Premier ministre est intervenu, au troisième jour, pour montrer l'importance du partenariat public / privé dans l'organisation du carnaval.

Du « Kanaval Soley leve » de l'année 2007 au « Rale mennen vini pou yon Ayiti vèt », les préoccupations sociales et les urgences concrètes du pays investissent les domaines culturels dans le but d'une conscientisation plus soutenue. Le thème de cette année, selon un texte titré « Plan d'Action du Carnaval 2008 », traduit un « sérieux motif d'inquiétude » par rapport à l'environnement. Ce dernier « continue de se dégrader malgré toute la sensibilisation entreprise pour contrer le déboisement et la pollution des sources et des nappes phréatiques».
Le Carnaval 2007 était un grand hommage public au peintre Tiga ( Jean Claude Garoute) dont des posters illustrés du graphisme Saint-Soleil décoraient les porches d'entrée du Palais national. Cette année, la remarque a été faite que les murs du palais étaient restés nus, dépourvus de tout décor rappelant la fête annuelle et populaire de février. Alors que des observateurs mettaient cela sur le compte d'un « contentieux entre l'Exécutif et la mairie de Port-au-Prince », d'autres laissaient croire à l'influence nocive d'un contexte général face auquel le chef de l'Etat n'aurait pas le coeur à la fête. Le renvoi par le Parlement du ministre de la Culture Daniel Elie et le constat d'impuissance du gouvernement face au chômage et à la cherté de la vie seraient-ils la raison de cette « indifférence » ?Au Comité du carnaval de cette année, on s'est plaint de cette réduction. Le coordonnateur général Gary St-Germain a précisé que les fonds disponibles sont gérés par l'administration du ministère de la Culture. La mairie fait des réquisitions au ministère pour les dépenses du carnaval. S'il reste un reliquat, il sera déposé au compte de la mairie, informe M. St-Germain. Le budget de la mairie pour le carnaval 2008 était de 131 millions de gourdes.
L'animation enfiévréeLe carnaval 2008 a démarré le 3 février à travers le circuit habituel d'une longueur de 3.8 kms. Du stade Sylvio Cator en passant par la rue Oswald Durand, le boulevard Jean-Jacques Dessalines, la Rue des Casernes (Ave Paul VI), la Rue de la République, la Rue Capois, la Rue St-Honoré et retour au stade.Comme pour les années précédentes, les lieux d'intérêt ont été concentrés entre la Tour 2004 et le Rex Théâtre. Les stands les plus représentatifs des secteurs public et privé ont rivalisé en décor et animation de DJ. Certaines institutions on fait des efforts notables non seulement dans le décor traditionnel (maillots, couleurs, motifs, masques...), mais aussi dans les installations de grands écrans faisant la promotion intelligente de leurs produits avec des images encore idylliques de paysages haïtiens. Un nationalisme culturel du secteur privé à encourager contre le bovarysme obsolète.
L'animation était particulièrement enfiévrée entre les stands de la Sogener et de la Unibank. Sans les décibels installés sur ces stands et les images projetées aux grands écrans, les longs intervalles constatés dans le défilé, le premier jour, seraient insupportables par un public qui s'était déplacé pour oublier les tracasseries du quotidien. Sans provocation, les corps des filles invitaient à la joie.La première journée laissait un peu l'impression d'une désorganisation dans le cortège. Plus d'une heure d'attente entre le char de la presse et celui de « Coopération jumelage », c'est mettre à rude épreuve la patience d'une population assoiffée de détente.
Si certains commentaires allaient bon train au sujet d'une différence dans la discipline constatée entre l'année 2007 et 2008, des habitués des festivités carnavalesques objectaient pour leur part que la grande affluence urbaine a toujours été un goulot d'étranglement au défilé du cortège. L'ère de la foule ou de la surpopulation est difficilement contrôlable par un projet artistique authentique.
Les groupes à pied sont en grande partie passés inaperçus. Ils n'ont pas fait honneur à une tradition culturelle de quartier (Bel-Air, Morne-à-Tuf, Bas-peu-de-chose...) qui doit être mieux soutenue face aux décibels tonitruants et le « leve men anlè » de la foule. Les Charles Oscars, les diables, les arabes, les jongleurs, la faune animalière ont fait de leur mieux pour maintenir une esthétique de l'allégorie.
Le Comité du carnaval 2008 a visiblement beaucoup investi dans un effort de créativité qui rappellerait les beaux jours du carnaval de Jacmel. Cependant, la pression de la foule a comme couvert le thème de l'année.
Le décor de la tour 2004
Parallèlement au groupe de jeunes basketteurs en perruques multicolores qui traduisait notre entrée dans la modernité sportive américaine, le défilé en l'honneur de Dessalines montrait une dimension esthétique particulière. Alliant l'ocre aztèque aux figurations des temples incas, des jeunes femmes en pagne et des hommes très athlétiques rappelaient, dans la parure du « soleil brûlé » cher à Tiga, la relation existante entre l'Empereur et les civilisations des pyramides du continent. Ce serait plus captivant à voir si le groupe avait défilé un peu plus tôt, dans la clarté de l'après-midi.
La Tour 2004, depuis 2007, retrouve à chaque carnaval une parure inattendue. Aux oriflammes de Daniel Elie ont succédé, cette année, de gigantesques banderoles publicitaires de la compagnie cellulaire Voilà. Le vert de la fête a coloré la grisaille et l'abandon de la tour. La photographie de jeunes filles pleines de rythme et de générosité a attiré l'attention.La publicité joue un rôle de plus en plus déterminant dans le décor du carnaval. Cela a commencé en 1963 avec Energétic et Cigarette Banda. La vague publicitaire a grandi, au fil des conjonctures, pour devenir, aujourd'hui la marque déterminante du secteur privé aux festivités carnavalesques des quatre dernières années. Ce dit secteur, après des années de recul, a beaucoup investi au carnaval 2008. Le climat politique y est pour beaucoup.Les orchestres de compas n'ont pas échappé à cette avancée agressive de la publicité aux devantures des chars. Il faut demander au passant averti quel orchestre joue sur tel char pour avoir une meilleure idée de l'aspect musical du défilé. RAM sur le char de la Digicel faisait un tabac. Il en est de même pour T-Vice et Kreole la. La réjouissance de la foule était dans tous ses états.Du podium d'animationPour se faire une vue plus panoramique du carnaval, il faut aller à rebours du cortège, réduire par ainsi les intervalles et partir à la rencontre des chars tardifs peinant encore à la Grand-Rue plongée dans le noir.
Les chars qui ont attiré l'attention sont ceux du Tourisme, de la Sogebank, du Ministère de l'Intérieur, de la Banque nationale de Crédit, de Socatransfert. L'originalité en revenait au char de la presse de la Unibank présentant la caricature de journalistes connus tels que: Carl Labossière, Konpè Filo, Wendel Théodore, Guyler C. Delva, Fritz Valescot, Valérie Numa, Nancy Roc, Clarens Renois, Serginio Lindor, Hérold Jean-François.Le chanteur Azor a marqué son passage avec « chay pote » symbolisant la situation actuelle du pays. Ce thème est une récurrence depuis 1980 avec Boukman Eksperyans.
Comme pour les années précédentes, le constat était fait que la Grand-rue, partie importante du circuit, est laissée à elle-même. Les gens se sont contentés de monter sur les toits de vieux immeubles salis pour voir passer le défilé.
Le podium d'animation « pour la diffusion d'informations concernant les déguisements, les chars allégoriques, les sponsors ainsi que les orchestres », selon le Plan d'Action de la mairie, a été effectivement érigé à l'intersection de la Grand-rue et de la rue Oswald Durand. La déconcentration prévue n'a pas eu lieu. Pourtant, la position de ce podium est stratégiquement bonne. Elle donne une vue générale sur le départ des chars et offre un panorama sur tout le Morne L'Hôpital, lieu de la menace écologique qui pèse sur la capitale. Le manque d'éclairage, les tréteaux du commerce informel (on se souvient de l'affaire de la cathédrale) et les autobus de province en stationnement confèrent à l'endroit un aspect désorganisé. Ce podium est une idée à mieux explorer l'année prochaine.De ce poste d'observation durant le deuxième jour, on a pu constater un ordre plus régulier dans le déploiement du défilé. Contrairement au thème retenu par la mairie, le ministère de la Culture adoptait plutôt sur son char allégorique le message : « Yon Ayiti vèt se youn Ayiti banda ».
Partenariat public et privé, dit le Premier ministreAu troisième jour, le Premier ministre Jacques-Edouard Alexis a fait un long parcours à pied accompagné par le Secrétaire d'Etat à la Sécurité publique Luc Eucher Joseph, le ministre de l'Intérieur Paul-Antoine Bien-Aimé, le directeur de la PNH, Mario Andrésol. Au micro de la TNH, il a réaffirmé la détermination de l'Etat à aider la « créativité culturelle » dans le pays. Il a insisté sur une nouvelle approche incluant la participation du secteur privé en vue d'alléger les charges financières de l'Etat. Il a affirmé que, par rapport à l'année dernière, il y a une plus grande participation de la population au carnaval.Le carnaval Ayiti Vèt a soulevé des débats contradictoires entre la mairie de Port-au-Prince et le ministère de l'Environnement. Au troisième jour, nous avions été du côté de la Rue St-Honoré où des arbres ont été coupés. Il n'y a pas eu plus de stands que d'habitude. Un deuxième stand de la mairie y était érigé.
Les stands ont été faits à la va-vite. Se sont détachés du nombre, Voilà, Unibank, Cam, Tchako, Digicel, OAVCT, Mairie de Port-au-Prince.Le carnaval 2008 est tombé dans un contexte de chômage, de licenciements (Téléco) et de hausse des prix des produits de première nécessité. Si les festivités ont la vertu d'attirer l'attention vers nos désastres écologiques, elles n'auront pas encore atteint le stade de la rentabilité économique. Miroir de la situation sociale, le carnaval 2008 reflète une culture bousculée par la technologie contemporaine. Trois jours d'exutoire contre les contraintes du néolibéralisme ont encore prouvé que les traditions festives sont plus têtues que les urgences sociales.Le mercredi des Cendres, on s'activait à la destruction des stands. Le mur de clôture du palais doit être repeint.

Le stand de la mairie à la rue St-Honoré avait très tôt disparu. Des unités de la PNH protégeaient le matériel des stands détruits.Des résidents de certains quartiers de la capitale remercient l'EDH pour le miracle de l'électricité durant les trois jours. Le morne l'Hôpital était illuminé comme un fanal.Et c'était beau.Tandis que les coups de marteaux résonnaient ici et là sur les structures métalliques, les filles en vert et blanc pleines de rythme et de générosité dansaient encore sur les murs de la Tour 2004 comme pour promettre que la ville retrouvera ses arbres.
Pierre Clitandre

CARNAVAL 2008...La publicité envahissante

L'identité des groupes se perd sous le flot grandissant de logos publicitaires. Même les carnavaliers irriguant par vagues les bandes à pied n'ont pu éviter le chant des sirènes du marketing. Agressif.

Le carnaval 2008 de la commune de Port-au-Prince baptisé « Rale mennen vini pou yon Ayiti vèt » a coûté cinquante millions de gourdes au trésor public. 21 chars musicaux, 15 chars allégoriques, 300 groupes déguisés ont animé le parcours durant les trois jours gras. Le paysage des jours gras a donné l'occasion aux sponsors de divers groupes de mettre en valeur les logos des produits consommés sur le marché local.
La concurrence faisait rage au point que certains chars ont priorisé sur leur surface disponible de larges espaces publicitaires au détriment de leur propre identité. De vastes logos de compagnies téléphoniques comme Voilà, Digicel recouvraient les chars.

Les logos du populaire riz Tchako, de riz Mega, de Voilà, de Digicel, de Bongù, de la pâte alimentaire Pasta Mama et autres s'étalaient avec ostentation sur la devanture des chars.Des groupes ont préféré ne pas faire figurer leur nom au profit de la publicité de leurs sponsors.
C'est à peine si certaines inscriptions indiquant le nom d'un groupe étaient visibles. « C'est quel groupe, maman, c'est Tchako ? » La mère devine, prête l'oreille avant toute réponse.Autrefois, le nom des ensembles musicaux était bien visible. A présent, ce qui identifie le groupe, pour les habitués, est : le style de la musique, le timbre du chanteur. Nul égard pour le spectateur désireux d'identifier le groupe qui arrive. Nul égard pour des milliers d'Haïtiens de la diaspora et d'étrangers venus se défouler au carnaval.Un marketing agressifUne anecdote. Un Haïtien de la diaspora demande à un autre : « Sur quel char ton frère et toi étiez montés pendant les deux jours gras ? » La réponse fuse : « Je suis monté sur le char Digicel et mon frère sur Voilà. »

Black Alex confie que c'est parce qu'il n'a pas trouvé de publicités alléchantes que son nom s'installe aussi grandement sur le devant de son char. Chemin faisant, il se lamente de la piteuse qualité de sonorisation de son groupe qui a coûté la bagatelle somme de « cinquante mille dollars américains. »
Voilà est parti à l'assaut de la Tour 2004. Le poster géant dominait l'avenue de la République. La publicité sur écran géant a été diffusée pendant les trois jours à un rythme non stop. Du haut de la Tour 2004, sur la façade du bâtiment de Air France, au stand de la Unibank, les messages défilaient.
Les stands qui, autrefois, portaient l'accent sur des motifs ayant rapport au carnaval, mettaient tout le paquet sur la publicité. Cependant, on notera qu'à côté de cet aspect, les stands de Voilà, de Digicel, de OAVCT, de CAM transfert ont retenu l'attention du public.

Beaucoup de carnavaliers se sont mis à la remorque des entreprises publiques et privées misant sur la publicité tous azimuts. Par vague, des gens portant T-shirt frappé au logo de X ou Y institution se frayaient un passage ou se trémoussaient dans la foule. Dans les bandes à pied, toute une colonie de carnavaliers mêlés aux musiciens des groupes véhiculaient des messages publicitaires. Les acteurs du carnaval, remarquent certains observateurs, se sont donnés vraiment sur une petite portion du parcours. Celle-ci est comprise entre le Palais national et le Rex Théâtre.
L'installation des grandes chaînes de télévision et de stations de radio dans cette partie du circuit, ont-ils constaté, est à la base de ce manque d'animation sur les 3,8 kilomètres du parcours officiel.La publicité dans le carnaval de cette année traduit le fait que nous sommes déjà à l'ère du marché. Nerf de la guerre, l'économie joue un rôle déterminant dans la réalisation des festivités. Certains pensent que l'aspect culturel devait être mis en exergue pour une meilleure présentation publique de cette grande manifestation annuelle.
Claude Bernard Sérant
serantclaudebernard@yahoo.fr

Pagaille au Champ de Mars

Un mouvement de protestation organisé par certains étudiants de l'université d'Etat d'Haïti (UEH) avait semé la pagaille au Champ de Mars en prélude aux festivités carnavalesques. Ils ont fait le point ce jeudi sur les motifs de ce mouvement et annoncent, d'ici la semaine prochaine, un sit-in devant le Parlement haïtien.
Des barricades de pneus enflammés érigées à l'angle de l'Ave Magloire Ambroise et de la rue St Honoré, des jets de pierres et de bouteilles en provenance de la faculté d'Ethnologie avaient créé, en prélude aux festivités carnavalesques, un moment de panique dans l'aire du Champ de Mars. Ce mouvement enclenché par certains étudiants de l'Université d'Etat d'Haïti avait pour objectif de forcer les autorités haïtiennes à se pencher sur la cherté de la vie. L'objectif de ce mouvement, déclarent-ils ce jeudi, vise à forcer les autorités en place à prendre des mesures formelles sur le problème de la vie chère, la relance de la production nationale et faciliter l'intégration des jeunes au sein de la fonction publique. « Nous avons la compétence et nous voulons mettre nos connaissances au service de la nation », précisent-ils.
Ces étudiants envisagent d'investir les rues de la capitale au cas où l'administration Préval /Alexis refuse de se pencher sur les problèmes les plus urgents de la nation. Ils lancent un appel à un réveil citoyen face au phénomène de la cherté de la vie qui s'accentue de jour en jour. Ils invitent, par conséquent, tous les secteurs de la vie nationale à s'unir et à prendre part à un sit-in pacifique qui se tiendra le mercredi 13 février devant le Parlement. Ce sit-in sera organisé en vue de lancer un message fort au président de la République René Préval et à son gouvernement.
« La situation est intolérable », estime, Lucien Joseph, président de la Fédération des étudiants universitaires d'Haïti (FEUH) qui pense « en tant qu'avenir du pays, les jeunes doivent se serrer les coudes pour forcer les autorités en place à trouver des solutions concrètes aux différents problèmes de la population. »Le président de la FEUH a, par ailleurs, dénoncé l'irresponsabilité du chef de l'Etat qui, dit-il, ne prend aucune mesure concrète pour améliorer les conditions de vie de la population.
Amos Cincir

http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=53947&PubDate=2008-02-08
Une question:
Serait-ce la version 2008 de gnb?
Qu'en suivra-t-il?
Le départ de Préval?
Une nouvelle transition?
D'autres élections présidentielles financées par la communauté internationale?
Tout ça pour ça?