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samedi 17 novembre 2007

Entre la rue et les Archives nationales...

Il est très facile de se procurer un extrait des archives ou d'autres documents sans, pour autant, passer par les Archives nationales d'Haïti, un office de l'état civil ou tout autre bureau public. Des actes de décès, des extraits d'acte de naissance, et des papiers avec entête de la PNH sont parmi les documents disponibles sur place ou sur rendez-vous que l'on peut se procurer dans les parages de la rue Paul IV, à un jet de pierre du Palais présidentiel.
Un faux extrait d'acte de naissance délivré mercredi dernier au prix de 500 gourdes


Nadisa, un jeune de 29 ans, arrive auprès d'un « dactylographe » à la rue Paul VI. Il veut avoir un extrait d'acte de naissance en vue de se procurer un passeport. «1 500 gourdes», souffle le dactylographe tout bas. Nadisa lui offre 500 gourdes. « Non, cette somme n'est pas le prix d'un extrait pour faire un passeport. Vous ne pouvez pas vous procurer un passeport avec un extrait de 500 gourdes. Ce papier n'est pas de bonne qualité », a rétorqué le vendeur de faux documents tournant sa tête en arrière pour éviter tout soupçon. Après négociation, il accepte les 500 gourdes pour un extrait normal. Dépendamment de sa capacité de négocier, on peut payer jusqu'à 1000 gourdes pour un faux extrait d'acte de naissance.


Si on n'est pas averti, le document n'a vraiment rien à envier à un extrait authentique signé par une autorité. Au bas de l'acte est apposée une, soi-disant, signature du directeur des Archives nationales, Jean Wilfrid Bertrand. Peut-être, a-t-on signé à sa place. D'où viennent tous ces papiers timbrés ?
Louima, une personne vivante, veut avoir son acte de décès. On lui demande 500 gourdes. Etant donné que cette pièce est moins importante qu'un extrait d'acte de naissance, il paie 350 gourdes. « N'ayez pas peur, vous pouvez vous en servir sans aucun problème. N'oubliez pas de le photocopier. Si on vous demande l'extrait, n'hésitez pas à me rejoindre », lance le vendeur à son client qui doutait de la qualité du papier.

Tous les dactylographes ne produisent pas des extraits d'archives. Ils n'ont pas tous le papier nécessaire. Cependant, ils sont toujours prêts à vous donner une référence. Ils fonctionnent en réseau. Curieux, je me dirige vers l'un d'entre eux comme pour me procurer aussi un extrait d'acte de naissance. « Je n'ai pas de papier timbré. Dirigez-vous juste en face, au dos de la DGI », me dit-il, tout en préparant un document de déclaration de perte de voiture pour un client sur un papier à en tête de la PNH.
Un acte de décès d'une personne vivante délivré au prix de 350 gourdes
Au poste indiqué, une demoiselle d'une vingtaine d'années est venue pour faire dactylographier un relevé de notes. Sa liste en main, elle dicte les notes à l'homme qui semble copier les informations avec erreur. ''Prenez bien soin de mon dossier. Je ne le prendrai pas avec des erreurs" , prévient la fille. ''En quoi puis-je vous aider monsieur''?, me demande le dactylographe, me voyant observer son travail.
Ces personnes ne sont pas les seules à vouloir se procurer un faux document, d'autres se dirigent vers ces « dactylographes » installés tout au long de la rue Paul VI. Mêmes des « avisés » n'échappent pas à l'activité. Au coin des rues de l'Enterrement et Paul VI, un « avocat » est venu pour un dispositif de jugement. Contrairement aux autres personnes, il est un client. « Maître, aujourd'hui vous nous apportez plusieurs documents », lui lance le dactylographe. « J'ai seulement trois pour aujourd'hui », a répondu l'homme de loi: vêtu de son costume noir.
A quoi serviraient les Archives nationales, si les documents délivrés dans les rues peuvent servir dans les entreprises publiques sans problème? Ce n'est peut-être pas leurs premières expériences. N'est-ce pas qu'ils sont toujours aux mêmes endroits pour livrer les mêmes pièces avec les mêmes signatures.
Péguy André Joseph
peguy_andre@yahoo.fr
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=50801&PubDate=2007-11-16
Commentaires :
Juste quelques salves de la pestilence haïtienne !
Ceci justifiant toujours cela. La même vieille et conne rengaine de toujours : ce sont des pères de famille il faudrait que le gouvernement leur trouve du boulot avant de démanteler ce réseau de faussaires s’affichant sans masque devant tout le monde comme pour lancer un défi aux autorités. Et de quelles autoirités je parle ? Il suffirait d’une petite enquête pour découvrir l’implication des fonctionnaires du dedans dans ce trafic de papiers timbrés et de signatures officielles.
Ne croyons pas que ces supports sont fabriqués hors des bureaux des archives nationales. Loin de là. Nos faussaires n’ont pas atteint ce degré d’intelligence pour se livere dans ce genre d’aventure. En plus il est tellement plus facile de recevoir son lot de papiers timbrés de l’intérieur !
Ce qui va se passer c’est que pour nous les haïtiens ce n’est que du menu frétin, mais les étrangers nous observent et prennent note. Nos documents n’auront aucune valeur. Nos bases de données considérées comme nulles. Au grand dam de ceux là qui accusent les autres de vouloir nous néantiser, nous sommes entrain de nous déclarer peuple hors-la-loi.
Il est vrai que récupérer un document des bureuax des archives nationales relève de la prouesse et de l’odyssée cependant ceci ne devrait pas justifier cela. Nos extraits issus en bonne et du forme des archives nationales auront un traitement discriminatif auprès des autorités et l’administration étrangères car le spectre du faux y planera toujours.
Commissaire tout puissant, l’ELU, a vous de jouer !
Le parlement ratifie l’accord pour l’achat des matériels du CNE
L’assemblée nationale a ratifié hier l’accord de prêt de 50 millions de dollars, destinés à l’acquisition de matériels pour le Centre National des Equipements (CNE) et d’autobus pour la compagnie Service Plus. Aucun des 80 élus présents n’a voté contre cet accord mais le sénateur Youri Latortue s’est abstenu parce que l’avis de la cour des comptes ne figurait pas dans le dossier. La constitution exige que le chef de l’état obtienne un avis de la cour des comptes avant la signature d’un accord international. Pour Youri Latortue, les parlementaires ont agi avec légèreté plus encore ont violé la constitution en ratifiant l’accord sans l’avis de la cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA). L’élu de l’artibonite estime qu’il fallait reporter la séance à la huitaine afin que l’exécutif puisse faire son travail. Très amer, M. Latortue a averti que l’histoire pourrait condamner les membres de la 48 eme législature si de nouvelles malversations étaient enregistrées au CNE. " Il a fallu 6 ans pour découvrir la mauvaise gestion au CNE, peut être que dans 10 ans on découvrira la faute du parlement ", déclare t-il estimant que les parlementaires ont fait montre d’excès de zèle et de non respect du principe de la séparation des pouvoirs. D’un autre coté, des parlementaires ayant voté l’accord ont indiqué que d’autres accords et conventions internationales avaient été ratifiés auparavant sans l’avis de la cour des comptes. Les ministres des travaux publics, Frantz Verella, et des finances, Daniel Dorsainvil, étaient présents à l’assemblée nationale prêt à fournir des explications supplémentaires sur la nécessité de l’accord. Frantz Verella a indiqué que le CNE sera géré suivant le modèle d’économie mixte, faisant état de contacts avec des investisseurs guadeloupéens. Tout en indiquant que le CNE pourra participer à des appels d’offre, le ministre des travaux publics précise que les compagnies étrangères ne veulent pas prendre le risque de transporter leurs matériels en Haïti.
http://www.metropolehaiti.com/metropole/full_une_fr.php?id=13235

Commentaires :
Une mane pour certains et rien absolument rien pour le pays… chantons bêchons joyeux les amis , tandis que les autres reprennent mourir est beau !
…lè otofonik fi-n pase na konte kokobe »
Deux généraux uruguayens en lice pour le poste de commandant adjoint de la MINUSTAH
L’Argentine et le Chili également désireux de prendre la succession du général Raùl Gloodtdofsky, renvoyé pour ses écarts de langage
vendredi 16 novembre 2007,
Radio Kiskeya
La ministre uruguayenne de la défense, Azucena Berruti, a annoncé vendredi que son pays a proposé à l’ONU les noms de deux généraux en vue de pourvoir au remplacement du commandant adjoint de la mission de paix déployée en Haïti (MINUSTAH), le général uruguayen Raùl Gloodtdofsky, remercié après avoir tenu des propos jugés outrageants.
Selon une dépêche de l’agence Prensa Latina, les deux candidats sont les généraux Wile Purtscher, directeur de l’institut militaire des armes et spécialités et Neris Corbo, chef de l’état-major conjoint. En outre, le premier a été également chef du contingent des observateurs au Rwanda tandis que le second a participé, à titre d’observateur, à des missions en Irak, au Koweit et au Timor-Leste.
La ministre Berutti a tenu à préciser qu’outre la proposition de l’Uruguay, le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a aussi reçu des candidatures soumises par l’Argentine et le Chili, intéressés à accéder au commandement adjoint des casques bleus en Haïti.
Quant au général Gloodtdofsky, son irrespect de son devoir de réserve sur l’institution à laquelle il appartient et sa position anticommuniste clairement exprimée lui ont valu son limogeage. Parlant de la nécessité de déterminer le sort d’opposants disparus sous la dictature militaire uruguayenne (1973-1985), le général, également commandant du bataillon uruguayen, avait, lors d’un dîner en octobre dernier à Port-au-Prince, accusé ses frères d’armes de la marine et de la force aérienne d’avoir laissé l’armée de terre seule face au régime de gauche du Président Tabaré Vàzquez."Vous nous avez trahis une fois de plus, en nous laissant seuls en face de ce régime communiste sur la question des disparus. Cette fois, nous vous aurons", avait textuellement affirmé Raùl Gloodtdofsky qui ne s’est pas privé non plus de critiquer l’achat par le gouvernement de frégates destinées à la marine. Selon lui, utilisé autrement, l’argent aurait permis de moderniser l’armement de l’infanterie.
L’intéressé, qui conserve son statut de militaire, doit purger 15 jours de prison une fois rentré à Montevideo, selon les instructions du Président Vàzquez. Présent en Haïti pour des formalités administratives liées à ses fonctions, il doit faire ses adieux à la MINUSTAH le 23 novembre.
Plusieurs centaines de casques bleus uruguayens font partie de la force de stabilisation. Placée sous commandement brésilien, elle compte environ 9.000 militaires et policiers internationaux. spp/Radio Kiskeya

http://www.radiokiskeya.com/spip.php?article4433

Deux responsables de la SOGEBANK libérées en moins de 24 heures

Odette Castelli et Gina Achille ont pu retrouver leurs familles après plusieurs jours de séquestration ; Bruny Rincher, chef présumé d’un réseau de kidnappeurs, activement recherché ; un présumé bandit notoire, Stanley Figaro, enfin capturé
samedi 17 novembre 2007,
Radio Kiskeya

Odette Castelli, haut cadre de la banque commerciale SOGEBANK, a été libérée vendredi soir par la Police Nationale après quatre jours de séquestration, a annoncé samedi le porte-parole de la PNH, Frantz Lerebours.
Une rançon de 20 à 23.000 dollars américains a été versée auparavant aux ravisseurs qui avaient à leur tête le nommé Bruny Rincher, rentré il y a cinq mois des Etats-Unis où il est recherché pour meurtre. Le présumé kidnappeur, qui est en cavale, fait l’objet d’un avis de recherche et sa photo devrait être publiée incessamment, selon le commissaire Lerebours.
Mme Castelli avait été enlevée lundi dernier à Delmas 31 (nord de Port-au-Prince) par quatre hommes lourdement armés au moment où elle se rendait à son travail. Son chauffeur avait été relâché peu de temps après.
Le porte-parole de la PNH précise que des informations ont été obtenues d’Anne-Rose Pierre, la mère de Bruny Rincher, retenue par les forces de l’ordre. Cette femme, dont deux autres fils impliqués dans le grand banditisme sont emprisonnés aux Etats-Unis, aurait également participé à des activités louches.
Une autre responsable de la SOGEBANK, Gina Achille, kidnappée mercredi, a aussi recouvré sa liberté. On ignorait si cette libération a fait l’objet d’un versement de rançon. Ses ravisseurs avaient interceptée la femme devant sa résidence à Delmas 65 (est).
On ignorait samedi le sort de plusieurs autres personnes victimes de rapts, dont deux enfants en bas âge.
Par ailleurs, des agents du commissariat de Port-au-Prince ont procédé vendredi après-midi à la 1ère avenue Bolosse (sud de la capitale) à l’arrestation de Stanley Figaro, un présumé bandit notoire activement recherché ces derniers mois. Il a été retrouvé en possession d’un pistolet de calibre 38.
Le commissaire Frantz Lerebours a promis une nouvelle offensive de la police contre les bandits de tout acabit, particulièrement les kidnappeurs redevenus très actifs après une accalmie.
Selon des informations dont dispose Radio Kiskeya sur une autre forme du banditisme qui tend à se développer, plusieurs véhicules remplis de marchandises ont été détournés cette semaine au Carrefour dénommé "Trois Mains" sur la route de l’aéroport (nord de la capitale). Ils se seraient tous dirigés vers Cité Soleil (banlieue nord), ancien repaire des bandes armées.
Un certain calme règne depuis quelques mois dans le plus grand bidonville du pays. Cependant, l’absence d’une vraie campagne de désarmement et d’une politique sociale transversale fait craindre la reconstitution des gangs officiellement démantelés. spp/Radio Kiskeya
http://www.radiokiskeya.com/spip.php?article4434

Commentaires :
Bonjour carrotte, bonjour bâton, bonjour libération pour détention préventive prolongée, bonjour surpopulation carcérale, bonjour DDR…Et alors ?
Vous pensez faire quoi maintenant que tout le monde est au courant qu’il y aura une recrudescence des cas de banditismes à l’approche des fêtes de noel. Elle est ou votre réponse pour sécuriser la situation ?
L’école va-t-elle encore une fois avancerles vacances de noel avant décembre ?
Le désarmement et réinsertion ne devrait il pas être questionné pour bilan par nos fameux inquisiteurs du pouvoir législatif ?
Nous déplorons quand même qu’il n’y ait pas assez d’échanges de tirs entre lesq forces de l’ordre et les bandits surpris en flagrant délit…

Haiti : Des faussaires, des kidnappeurs et des violeurs, libérés sur la base de la détention préventive prolongée

Samedi 17 novembre 2007
P-au-P, 17 nov. 07 [ AlterPresse] --- Le Réseau National de Défense des Droits Humains (Rnddh) condamne la décision du tribunal civil de Port-au-Prince de libérer 74 détenus, dont des faussaires, des kidnappeurs et des violeurs, sur la base de la détention préventive prolongée.
Ces prisonniers, incarcérés à Pétion-Ville (périphérie est) et Arcahaie (nord de la capitale) ont été relâchés sans jugement, le 7 novembre dernier, selon ce que dénonce l’organisation dans une communication transmise à AlterPresse.
Selon le Rnddh, 25 des 74 détenus libérés ont leur dossier en instruction, 45 autres n’ont jamais été présentés au cabinet d’instruction.
Le Rnddh relève que la date d’incarcération, les charges retenues au moment des arrestations, la situation juridique de ces anciens détenus, n’ont pas été mentionnés.
En outre, elle juge non équitable la décision du Parquet. « Sur les 155 détenus dont la date d’incarcération remonte à 2004, un seul a bénéficié de cette mesure illégale et arbitraire, tandis que 32 parmi les personnes libérées ont été incarcérées au cours de l’année 2007 ».
La détention préventive prolongée est considérée par le Rnddh gangréneuse pour le système carcéral haïtien. « Elle doit être résolue dans le respect de la loi, des droits des détenus et du droit de la société de connaître la vérité sur les actes criminels qui ont cours dans le pays », souligne l’institution. [kj gp apr 17/11/2007 10:40]

http://www.alterpresse.org/spip.php?article6640
Commentaires :
Ces informations sont à prendre en considération et méritent d’être vérifiées. Surtout la personnalité concernée devrait rendre des comptes. Au moment ou le futur lauréat de la lutte anti corruption applique la loi tous coupables jusqu’à la preuve du contraire entretenant un feuilleton dont la production laisse beaucoup à désirer.
Il fut un temps on parlait de corruption de juges qui libéraient les accusés de kidnappings et autres gros délits. Ceci expliquait très bien le récidivisme chronique comme situation perpétrant les crimes et les viols au sein de la société. Le kidnappeur avant même de commetre son forfait sembalit déjà le tuyau qui lui permettrait de sortir une fois incarcéré.
Les informations font état de la mort d’un chauffeur de tap-tap des mains de « Kanson fè » un bandit récemment libéré pour combattre la surpopulation carcérale et lutter contre la détention préventive prolongée.
Le Commissiare du gouvernement devrait donner un peu plus d’informations à ce respect et surtout faire le point sur chacun des dossiers des individus réputés dangereux libérés.
Mais il semble que le Commissaire du gouvernement a reçu carte blanche pour administrer la justice avec son interpretation personnelle des prescrits de la loi et de la Constitution !

Libération du directeur général de l’APN, Evens Charles


Un seul mot de Evens Charles : "Comédie"...
vendredi 16 novembre 2007,
Radio Kiskeya

Le directeur général de l’Autorité Portuaire Nationale (APN), Evens Charles, a été libéré vendredi soir après plusieurs heures d’interrogatoire au Parquet du Tribunal Civil de Port-au-Prince, a constaté un reporter de Radio Kiskeya.
Le responsable des équipements à l’APN, Jean Maggui Pierre, deux autres employés de l’institution et un garagiste sont encore détenus, dans le cadre de l’enquête sur le statut actuel d’un engin lourd appartenant à l’institution et qui serait en réparation ou même vendu à un particulier depuis maintenant deux ans.
A sa sortie du Parquet, le directeur général de l’APN qui ne voulait pas faire de déclaration aux journalistes présents s’est contenté de qualifier de « comédie » la mésaventure qu’il a connue.
Plusieurs dizaines d’employés de l’APN se trouvaient sur les lieux pendant une bonne partie de la journée pour manifester leur solidarité à M. Charles et aux autres employés. La police est intervenue pour les contraindre à laisser l’enceinte du Parquet.
Le directeur général de l’APN avait été arrêté jeudi au Parquet où il s’était rendu pour s’enquérir des circonstances de l’arrestation de certains de ses employés.[jmd/RK]
http://www.radiokiskeya.com/spip.php?article4432

Haiti/ R. Dominicaine : Le contingent du Cesfront renvoyé suite à des dénonciations de corruption et de violation des droits humains

vendredi 16 novembre 2007
P-au-P., 16 nov. 07 [AlterPresse] --- L’Unité militaire du Corps Spécialisé de Sécurité Frontalière (Cesfront), accusée de corruption et de violation aux droits humains envers les immigrants haïtiens qui passent la frontière, a été retirée le 15 novembre de la frontière haitiano-dominicaine et remplacée par d’autres effectifs, selon des informations publiées par Espacinsular, partenaire d’AlterPresse.
Les dénonciations dont a fait l’objet le contingent en place concernent les « rafles » qui se sont déroulées la semaine dernière dans la ville de Dajabon. Des représentants de l’église catholique, des commerçants, des chefs d’entreprise, des producteurs, des transporteurs, des propriétaires fonciers, entre autres, avaient manifesté afin de dénoncer les agissements du Cesfront.
À la fin de la manifestation, les participants avaient remis un document aux autorités de Dajabón et au chef du Cesfront, le général Adriano Silverio, pour l’informer de la situation.
Par ailleurs les associations mobilisées sur la frontière, dont Solidaridad Fronteriza, ont fourni des preuves démontrant la corruption de militaires, qui en échange d’argent laisseraient passer illégalement des personnes ou des marchandises.
Les activités du Cesfront, composé de 500 soldats, ont été initiées le 27 septembre écoulé. Les autorités dominicaines avaient mis à la disposition de ce corps, créé par décret le 8 août 2006, 3 hélicoptères, 4 camions, 6 camionnettes et 3 jeeps, pour assurer ses interventions au niveau de Dajabón (ville frontalière avec Ouanaminthe), Elías Piña (Belladère), Pedernales (Anse-à-Pitres) et Independencia (non loin de Malpasse). [cd gp apr 16/11/2007 15:50]
http://www.alterpresse.org/spip.php?article6637

Haiti : Débat de haut niveau prévu à Port-au-Prince entre journalistes dominicains et haitiens

vendredi 16 novembre 2007
P-au-P., 16 nov. 07 [AlterPresse] --- Le Groupe Médialternatif (GM) et Espacio de comunicación Insular (Espacinsular), deux institutions de communication basées respectivement en Haïti et en RD, organisent le 24 novembre prochain à Port-au-prince une rencontre entre journalistes haïtiens et dominicains.
La journée comportera une session de travail, ayant principalement pour objectif de présenter aux journalistes dominicains-nes et haitiens-nnes les résultats d’une étude réalisée par le Groupe Medialternatif et Espacio de Comunicación Insular sur les tendances des informations diffusées respectivement par la presse dominicaine et haïtienne sur Haïti et la République Dominicaine durant ces trois dernières années.
Sur la base de cette étude, commandée par le Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR), le GM et Espacinsular souhaitent susciter un débat autour des orientations dominantes de la presse haïtienne et dominicaine dans la diffusion de l’information sur l’un ou l’autre pays, ainsi que l’incidence et la responsabilité des medias des deux pays sur le cours et l’évolution des relations haitiano-dominicaines.
« Les journalistes dominicains-nes qui seront présents-es à Port-au-Prince sont de haut niveau et appartiennent aux plus importants médias dominicains », assurent les organisateurs. Parmi les journalistes attendus figurent María Isabel Soldevilla, Rédactrice en chef du quotidien Listín Diario et Germán Marte du quotidien Hoy, Tony Pichardo, présentateur vedette de Canal 5 Telemicro et Jose Rivas, présentateur vedette de Canal 11
Plusieurs agences dominicaines ayant une forte audience se feront également représenter, dont Clave Digital par Argenida Vanessa Romero del Rosario et Espacinsular par son directeur José Luis Soto accompagné du Rédacteur en chef Bienvenido Scharboy.
D’influents médias communautaires dominicains ont aussi convenu d’assurer leur présence à cette rencontre prévue comme un « espace d’échanges, de débats, de collaboration » entre les journalistes des deux pays « en vue de renforcer notre apport à l’amélioration des relations entre nos peuples ».
Des conclusions seront adoptées par les journalistes des deux pays, dans le cadre de la promotion de meilleures relations entre Haiti et la République Dominicaine, indique le Groupe Médialternatif. [gp apr 16/11/2007 10:45]
Coordonnées de référence : Tél : 516 6927, 682 7301, 731 4292

E-mail : gm@medialternatif.org
http://www.alterpresse.org/spip.php?article6634

Dossier CNE : les avocats de l’ancien ministre des TPTC Fritz Adrien justifient son absence à une "invitation" du Parquet

Le dossier ayant été transmis au Cabinet d’instruction, le Parquet en est automatiquement dessaisi, selon les avocats de l’ancien ministre
vendredi 16 novembre 2007,
Radio Kiskeya

Les avocats de l’ancien ministre des Travaux publics, transports et communications du gouvernement de transition (2004-2006), l’ingénieur Fritz Adrien, ont justifié vendredi dans un communiqué la décision de leur client de ne pas répondre la veille à une "invitation" du Parquet du Tribunal civil de Port-au-Prince.
Selon les avocats Gervais Charles et Carlos Hercule, l’invitation, fixée à midi, a été transmise à leur client à 10 hres 30 a.m, soit une heure trente de battement qui n’aurait pas permis à M. Adrien d’y répondre. De plus, ajoutent-ils, ce dernier a appris vendredi matin par des médias qu’un mandat d’amener aurait été décerné contre lui par le Parquet. « En attendant des informations précises, il s’étonne de l’annonce d’une telle mesure », souligne le communiqué du conseil de défense de l’ancien ministre.
En conclusion, les avocats annoncent avoir transmis le dossier au Cabinet d’instruction. Ce qui, à leur avis, devrait ipso facto en dessaisir le Parquet.
Citant leur client, Mes Carlos Hercule et Gervais Charles affirment vouloir que la procédure prévue par la constitution et par la loi soit strictement appliquée. Ils se réfèrent ainsi implicitement à l’article 186 de la constitution qui prévoit que les ministres et autres grands commis de l’Etat sont passibles de la Haute cour de justice pour les actes relevant de leur gestion.
« L’ingénieur Fritz Adrien est décidé, par tous les moyens légaux, à sauvegarder sa bonne réputation basée sur l’honnêteté qu’il a toujours manifestée dans sa vie publique », conclut le communiqué des avocats de l’ancien ministre du gouvernement Latortue.
M. Adrien est exposé à des poursuites pour son implication présumée dans la liquidation apparente en novembre 2005 de certains engins lourds du Centre National d’Equipements, une firme publique de construction et d’ingénierie. [jmd/RK]
http://www.radiokiskeya.com/spip.php?article4431

Lancement officiel du Système Informatisé de Gestion Financière Intégrée (SIGFI) du Ministère de l’économie et des finances

Gestion et contrôle des transactions financières des entités gouvernementales/ Interconnexion de 41 ministères et entités publiques
vendredi 16 novembre 2007,
Radio Kiskeya

Le ministre de l’économie et des finances, Daniel Dorsainvil, et l’ambassadeur des Etats-Unis à Port-au-Prince, Janet A. Sanderson, ont procédé vendredi à l’Hôtel Le Plaza, à Port-au-Prince, au lancement officiel du Système Informatisé de Gestion Financière Intégrée (SIGFI, sigle anglais IFMS) reliant le Ministère des Finances aux différentes entités gouvernementales de la zone métropolitaine.
Ce système fonctionne déjà depuis 1999 dans le cadre d’un projet en deux étapes. La première phase de ce projet d’informatisation des institutions publiques haïtiennes a été financée en novembre 2004 à hauteur de $ 2.4 millions par le gouvernement des Etats-Unis via l’Agence Américaine pour le Développement International (USAID).
La deuxième phase est lancée ce vendredi avec la signature par l’ambassadeur Sanderson et le ministre Dorsainvil, d’un protocole d’accord pour un montant supplémentaire de $1.2 millions que fournira l’USAID qui servira à étendre le réseau à 32 sites additionnels localisés dans 16 villes de provinces. Cette phase des travaux comprend, outre l’assistance technique de l’agence américaine de développement, le transfert de la gestion du système SIGFI au gouvernement haïtien via le Ministère de l’Economie et des Finances et l’assistance en matière de formation du personnel pour l’entretien du réseau.
De l’avis des divers intervenants à la cérémonie de lancement officiel du système, le projet s’effectue dans le cadre de la politique de lutte contre la corruption menée par le gouvernement haïtien. Ce système informatique permettra de mieux gérer et contrôler toutes les transactions financières des entités gouvernementales ainsi que la comptabilité liée au budget national, précisent-ils.
41 ministères et entités publiques sont actuellement interconnectés. Grâce à sa connexion au réseau, l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) a dynamisé sa capacité à contrôler les procédures utilisées et a pu mener à bien 26 enquêtes dont 6 ont été déferrées par devant les autorités judiciaires. La Direction Générale des Impôts (DGI), le Service de la Circulation des Véhicules et l’Office d’Assurance des Véhicules contre Tiers (OAVCT), également interconnectés, ont pu améliorer la fourniture des services aux propriétaires et utilisateurs de véhicules à plusieurs niveaux tels que : enregistrement des conducteurs, production des permis, assurance des véhicules, vérification des impôts, précise un communiqué de l’Ambassade des Etats-Unis à Port-au-Prince.
Outre l’ambassadeur des Etats-Unis et le ministre haïtien des finances, ont assisté à la cérémonie : le ministre des Travaux publics, transports et communications, Frantz Verella, le secrétaire d’Etat aux Finances Sylvain Lafalaise ; le directeur de l’USAID en Haïti, Paul Tuebner ; l’ancien ministre des finances du gouvernement de Gérard Latortue, Henri Bazin ; le président de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif, Arold Elie ; le directeur général de l’Unité de lutte contre la corruption, Amos Durosier et les directeurs généraux de plusieurs organismes publics. [jmd/RK]
http://www.radiokiskeya.com/spip.php?article4430

Les kidnappeurs reviennent au galop

Près d’une dizaine d’otages à Port-au-Prince, dont deux jeunes enfants et deux responsables d’une importante banque commerciale ; un dangereux détenu libéré par le commissaire Claudy Gassant abat un chauffeur à Martissant
vendredi 16 novembre 2007,
Radio Kiskeya

Près d’une dizaine de personnes, dont deux enfants en bas âge, étaient séquestrées à Port-au-Prince après l’enlèvement vendredi matin d’un écolier, preuve d’un retour en force des bandits agissants seuls ou en réseau, selon des informations obtenues par Radio Kiskeya de sources combinées.
Un élève de nationalité étrangère, accompagné de sa grand-mère et d’un chauffeur, a été intercepté tôt à Delmas 41 (est) à bord d’une Daihatsu Terios de couleur blanche. Des individus armés ont pris le contrôle du véhicule qui a été dérouté vers une destination inconnue après avoir forcé la grand-mère et le conducteur à descendre.
Des unités de la Police Nationale étaient mobilisées en vue de retracer cette nouvelle victime de l’industrie du kidnapping.
Mercredi matin, deux bambins, âgés respectivement d’un an et de deux ans, ont été kidnappés par des individus armés au domicile de leurs parents à Delmas 75 (est de Port-au-Prince). Des négociations étaient en cours avec les ravisseurs dont les prétentions financières paraissaient élevées.
Deux hauts cadres de sexe féminin de l’une des plus importantes banques commerciales d’Haïti, continuaient de manquer cruellement à leurs proches et collègues de bureau. La première a été interceptée lundi matin à Delmas 31 (nord) en compagnie de son chauffeur au moment où elle se rendait à son travail. Elle a été tirée sans ménagement de son véhicule et conduite à bord d’une Terios aux vitres teintées vers une destination inconnue, entourée de quatre hommes lourdement armés.
Le chauffeur a été entre-temps remis en liberté.
Un policier a été retrouvé vendredi matin à bord du même véhicule à Delmas 31 en compagnie d’un autre individu. Repérés par la police, les deux hommes n’ont pourtant pas été retenus.
L’autre fonctionnaire a été attrapée à l’entrée de sa résidence mercredi soir à Delmas 65 (est) alors qu’elle était seule dans son véhicule. Tapis dans l’ombre, les ravisseurs qui la suivaient depuis plusieurs jours, se sont jetées sur la femme qui venait à peine d’ouvrir la barrière de la maison. Elle n’a eu le temps d’appeler personne.
Le montant de la rançon réclamée en échange de la libération des deux cadres de banque avoisinait les 400.000 dollars américains.
Un couple fraîchement arrivé des Etats-Unis en vue de célébrer l’anniversaire de leur mariage a été également kidnappé à Delmas 31 et maintenu en captivité.
D’autre part, deux présumés kidnappeurs ont été arrêtés dans une école du haut de Delmas où ils s’étaient présentés pour récupérer deux jeunes élèves. L’arrivée de la mère des enfants à la fin des cours a rendu confus les suspects dont la présence avait été signalée à la police par la direction de l’établissement.
Il faut souligner que plusieurs otages ont été libérés contre rançon ou grâce à l’intervention de la PNH. Un canadien d’origine haïtienne, Milien Joseph Michel, a été relâché samedi dernier et deux de ses présumés ravisseurs interpellés. Une somme de 200.000 dollars avait été exigée par les auteurs du rapt qui ont été surpris en effectuant une visite de routine dans la maison où leur proie était retenue.
Quatre écoliers enlevés mardi à Diquini, sur la route de Carrefour (banlieue sud), avaient pu être délivrés par la Police Nationale à l’issue d’une longue journée de recherches menées conjointement avec la Police des Nations Unies (UNPOL). Au moins neuf suspects dont "le parrain et la marraine de la base" ont été écroués.
Pour sa part, une jeune fille fréquentant une école à Thorland, un autre quartier de Carrefour, a été libérée contre rançon à l’issue de plusieurs jours de captivité.
Par ailleurs, un présumé bandit du nom de Pierre-Richard alias "Kanson Fè", qui figurait parmi une centaine de prisonniers libérés la semaine dernière par le chef du parquet de Port-au-Prince, Claudy Gassant, est accusé d’avoir abattu mardi soir le chauffeur d’une camionnette. La victime qu’il tentait de rançonner a été abattue au volant de son véhicule à Martissant (banlieue sud), a appris Radio Kiskeya.
Le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) a dénoncé la décision du commissaire d’ordonner unilatéralement, sans solliciter l’avis des instances judiciaires compétentes, la libération de détenus extrêmement dangereux arrêtés pour kidnappings, meurtres, viols et trafic de drogue. Sur la liste de l’organisation des droits humains, on retrouve justement le nom de "Kanson Fè", mis sous les verrous le 15 février 2007 en raison de son implication présumée notamment dans l’assassinat, le 31 décembre 2006 à Martissant, de M. Jean Baptiste Hilaire.
M. Gassant avait invoqué des raisons humanitaires et légales pour justifier ces libérations massives qui, dit-il, s’inscrivent dans la politique de décongestionement des prisons prônée par le gouvernement.
Continuant d’ignorer l’ampleur de l’insécurité en général et du kidnapping en particulier, la Mission des Nations Unies (MINUSTAH) a une fois de plus annoncé une chute des cas d’enlèvement enregistrés au cours des trois derniers mois. Fred Blaise, porte-parole de la composante policière de la force de stabilisation, a indiqué que des otages ont été libérés et des kidnappeurs appréhendés lors d’opérations conjointes menées avec la PNH. Parallèlement, il prévoit d’ores et déjà une augmentation des actes de banditisme à l’approche de la saison des fêtes. Au cours des deux dernières années, cette période a été marquée par une vague de kidnappings qui avait, en plus de déstabiliser les victimes et leurs proches, considérablement traumatisé la population.
Plus de 200.000 armes légères sont en circulation en Haïti, selon des estimations internationales. Les gangs ont été démantelés, mais artificiellement, très peu d’armes ayant été récupérées jusqu’ici par la Commission nationale de désarmement, démantèlement et réinsertion (CNDDR), mise en place depuis un an. spp/Radio Kiskeya
http://www.radiokiskeya.com/spip.php?article4429

Formation du CEP : La Convention des partis politiques désigne deux candidats

Wilderson Thimothée (PNDPH) ou Fritz Rosemé (GREH) représentera ce regroupement au nouveau Conseil Electoral
vendredi 16 novembre 2007,
Radio Kiskeya

La Convention des partis politiques a soumis deux propositions au Président René Préval dans le cadre du processus de formation du nouveau Conseil Electoral Provisoire dont la mission sera d’organiser les sénatoriales partielles et éventuellement les élections indirectes, a appris vendredi Radio Kiskeya auprès de ce regroupement.
Après plusieurs jours de consultations, un consensus a pu être obtenu sur les noms de Wilderson Thimothée du Parti nationaliste démocratique et progressiste haïtien (PNDPH) et de Fritz Rosemé du Grand rassemblement pour l’évolution d’Haïti (GREH).
Le chef de l’Etat devra choisir entre l’un des deux candidats pour désigner le représentant au CEP de la Convention qui compte parmi ses membres la Fusion des sociaux-démocrates (FUSION), l’Organisation du peuple en lutte (OPL) et Fanmi Lavalas de Jean-Bertrand Aristide.
Trois autres secteurs impliqués dans les consultations avaient déjà soumis leurs propositions à l’Exécutif. Le patronat a désigné son actuel représentant au CEP, François Benoît et l’ancien directeur général de l’institution, Jacques Bernard. Pour sa part, la Fédération protestante d’Haïti (FPH) a renouvelé sa confiance au pasteur Pauris Jean-Baptiste, un conseiller électoral encore en fonction, tout en présentant la nomination du pasteur Leonel Raphaël comme une autre option. Quant à l’église épiscopale d’Haïti, elle a fixé son choix sur Me Laurette Croyance en remplacement du président de l’actuel CEP, Max Mathurin.
L’Exécutif, le pouvoir judiciaire, l’église catholique, le Conseil national des partis politiques et le secteur syndical devraient à leur tour procéder à la désignation de leurs représentants afin de compléter le processus.
A moins de deux mois de la date fatidique du deuxième lundi de janvier prévue pour l’entrée en fonction des nouveaux élus, tout laisse croire que le scrutin devant permettre de renouveler le tiers du Sénat (10 sièges + un autre vacant pour cause de décès) se tiendra au-delà de l’échéance constitutionnelle. Une grande incertitude pèse également sur l’organisation des élections indirectes pourtant nécessaire à la formation du Conseil Electoral Permanent, l’un des piliers de la stabilité démocratique. spp/Radio Kiskeya
http://www.radiokiskeya.com/spip.php?article4428

Poids lourds: fardeau pour la fonction publique


L'Autorité portuaire nationale (APN) a vu interpeller une bonne dizaine de ses fonctionnaires et cadres cette semaine par le parquet de Port-au-Prince dans une affaire de matériel lourd de l'institution qui a été déplacé. Les employés regroupés au sein du syndicat menacent de se mettre en grève si le directeur général, Evans Charles, le directeur de manutention, Jean Maguy Pierre, et d'autres collaborateurs n'obtiennent, ce week-end, leur élargissement.
Ces arrestations ont soulevé, ce vendredi, une vague de protestations dans les locaux de ladite institution publique. Un Forklift Hyster # 39 de 15 tonnes a coûté à ces fonctionnaires et au PDG de Big Family Import Export/Diesel Services, Jean-Michel Ligondé, leur liberté après l'avoir déplacé, en janvier 2005 au Canapé-Vert pour une réparation qui n'avait jamais eu lieu.« Les responsables de l'APN n'avaient manifesté aucun intérêt pour cet engin qui a occasionné beaucoup de dépenses pour sa maintenance, avance Maryse Lindor, l'une des responsables du garage Diesel Services. C'est ce qui explique que le Forklift Hyster reste encore au Canapé-Vert. » Le matériel placé dans un coin de la rue Celcis au Canapé-Vert a toujours bénéficié de l'attention de l'ingénieur Jean-Michel Ligondé, selon Mme Lindor, qui déplore l'arrestation de son collaborateur en plein milieu de la nuit du mercredi.« M. Gassant et son équipe l'ont interrogé à son domicile durant deux heures soit de 9 heures à 11 heures du soir », laisse-t-elle entendre tout en clamant la bonne renommée de son collègue et de sa bonne collaboration avec l'APN.
« M. Ligondé avait l'habitude de travailler pour cette institution, dit-elle. Mais c'est le premier matériel qu'il avait pris la charge de réparer chez lui. » Brandissant des copies de correspondances échangées entre les deux institutions dans le cadre de cette affaire, les responsables du syndicat de l'APN, de leur côté, ont dénoncé ce qu'ils appellent « le kidnapping » de leur directeur général et de leurs collègues.« Depuis plus de trois ans, l'APN est gérée par les lois, se félicite Ojéda Oléus, porte-parole du SEAPN. Le copinage et le népotisme ne sont plus de mise. C'est la raison pour laquelle le commissaire du gouvernement, Claudy Gassant, veut jeter de la poussière dans les yeux de la population en interpellant dans la nuit du mercredi M. Pierre et jeudi M. Charles, les deux protagonistes du changement opéré au sein de l'institution. »Ces acquis ne sauront se perdre par les caprices d'un seul homme, dit-il. Traitant le commissaire Gassant de proconsul, Ojéda Oléus met en question la compétence de ce dernier. « Dans d'autres pays, ce poste est généralement confié à des personnes ayant un certain âge et une certaine expérience », dit-il, dénonçant les manoeuvres politiciennes qu'il y a dans l'arrestation de ces responsables pour les salir.

« Il n'y a aucune raison d'interpeller un fonctionnaire d'Etat, fait-il remarquer. Ils ont un domicile fixe et un bureau où les trouver. »M. Oléus qui assimile cette situation à des persécutions politiques précise que c'est la première fois que l'APN parvient à verser au Trésor public plus d'un milliard de gourdes pour une année. « Tout le monde peut constater que l'APN est une institution qui fonctionne à merveille », lâche-t-il.

Les ports de Saint-Marc, de Miragoâne, des Gonaïves, de Petit-Goâve et du Cap-Haïtien se solidariseront à ce mouvement de protestation si rien n'est fait avant lundi, explique-t-il.
Retraçant le film de l'événement, Ojéda Oléus explique que Claudy Gassant affichait une nette arrogance à l'égard de Jean Maguy Pierre en l'interrogeant dans le cadre de cette affaire. Devant le mépris affiché du commissaire, ce cadre de l'APN a réagi en répondant durement à M. Gassant qui l'a fait conduire dans une cellule. Le directeur général de l'APN, après avoir appris la nouvelle, s'est rendu au Parquet avec, à l'appui, des documents pour prouver l'innocence de son collaborateur accusé. C'est en entrant au Parquet que le commissaire Gassant a déclaré au directeur général de l'APN : « N'est-ce pas toi Evans Charles ? On avait grand besoin de toi. Enlève ta cravate, car désormais tu es prisonnier. Des employés arrêtés dans le cadre d'un autre dossier impliquant un bâteau non déclaré à la douane ont été libéré jeudi soir.
Lima Soirélus
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=50899&PubDate=2007-11-16

Quatre inculpés écroués dans la perspective d'un procès le 3 décembre prochain

Le commissaire du gouvernement de Petit-Goâve, Kerby Zamor, a confirmé à Reporters sans frontières avoir délivré des mandats de dépôt contre dix membres de l'organisation Dòmi nan bwa, inculpés dans l'assassinat de Brignol Lindor. Les mandats ont été émis dans la perspective d'un procès le 3 décembre 2007, date symbolique de l'assassinat de Brignol Lindor.
Reporters sans frontières a appris avec satisfaction que quatre des assassins présumés de Brignol Lindor, journaliste à Radio Echo 2000, sauvagement tué à Petit-Goâve le 3 décembre 2001, ont été écroués dans la perspective d'un procès prévu le 3 décembre prochain, soit six ans jour pour jour après les faits. Les arrestations de six autres inculpés sont attendues, après la délivrance de mandats de dépôt par le commissaire du gouvernement de Petit-Goâve le 5 octobre dernier.

L'organisation regrette qu'une telle accélération de la procédure intervienne si tard, et met en garde contre les risques d'un procès expéditif, de nature à occulter les responsabilités de certains dans l'assassinat du journaliste.«L'assassinat de Brignol Lindor constitue sans doute l'un des crimes les plus barbares jamais commis contre un journaliste sur le continent américain. L'incarcération de quatre des dix membres de l'organisation Dòmi nan bwa , inculpés à l'époque des faits mais jamais arrêtés, ainsi que la perspective d'un procès, préfigurent la fin d'une scandaleuse impunité longue de six ans. De fait, un tel délai pose question. Pourquoi des individus inculpés, connus et localisés depuis si longtemps sont-ils appréhendés seulement maintenant ? Le procès devra établir toutes les responsabilités dans l'assassinat de Brignol Lindor. Vu le délai très court d'ici à l'audience prévue, l'écueil d'une justice d'affichage, bâclée et expéditive, doit être évité à tout prix», a déclaré Reporters sans frontières. Le 14 novembre 2007, le commissaire du gouvernement de Petit-Goâve, Kerby Zamor, a confirmé à Reporters sans frontières avoir délivré des mandats de dépôt contre dix membres de l'organisation Dòmi nan bwa, inculpés dans l'assassinat de Brignol Lindor au terme de l'instruction conclue le 16 septembre 2002. «Les mandats ont été émis dans la perspective d'un procès le 3 décembre 2007, date symbolique de l'assassinat de Brignol Lindor», a souligné le magistrat.
Deux des inculpés ont été arrêtés et écroués au cours de la dernière semaine du mois d'octobre, portant à quatre les assassins présumés actuellement détenus. Il s'agit de Fritz Doudoute, joubert Saint-Juste, Simon Cétoute et Jean-Rémy Démosthène. Le premier est emprisonné à Carrefour, le deuxième à Port-au-Prince et les deux derniers à Petit-Goâve.
Rappel des faitsLe 29 novembre 2001, une conférence de presse s'est tenue à Petit-Goâve, à l'initiative de plusieurs personnalités liées au parti Fanmi Lavalas de l'ancien président Jean-Bertrand Aristide (alors en fonction), dont le maire de Petit-Goâve, Emmanuel Antoine, et son adjoint Bony Dumay. Ce dernier s'était alors lancé dans un violent réquisitoire contre les opposants de la Convergence démocratique et contre Brignol Lindor, considéré comme un allié de ce groupe politique. Une autre réunion a eu lieu le 2 décembre, veille de l'assassinat, entre des représentants de l'équipe municipale et des membres du groupe armé Dòmi nan bwa, lié au parti Fanmi Lavalas. Le 3 décembre au matin, Joseph Céus Duverger, l'un des chefs de Dòmi nan bwa, a été attaqué par des partisans présumés de la Convergence démocratique. Cet épisode a servi de prétexte à une action de représailles ciblées contre Brignol Lindor. Pour preuve, une dizaine de membres de Domi nan bwa qui s'apprêtaient à exécuter à son domicile Love Augustin, un membre de la Convergence démocratique, l'ont finalement relâché pour s'en prendre à Brignol Lindor, arrivé sur les lieux.
Malgré ces éléments, l'ordonnance du juge Fritner Duclair, rendue le 16 septembre 2002, a exclu de toute poursuite les commanditaires présumés de l'assassinat de Brignol Lindor. Les représentants de la municipalité de Petit-Goâve n'ont jamais été inquiétés.
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=50860&PubDate=2007-11-17

Le spectre du kidnapping hante à nouveau les Port-au-Princiens

A l'approche des fêtes de fin d'année, la capitale haïtienne fait face à une recrudescence d'actes de kidnapping. De nombreux cas de rapts sont enregistrés cette semaine. Les malfrats ciblent particulièrement les enfants.
Un enfant a été enlevé vendredi matin à Delmas 41 . Des individus armés ont pris le contrôle du véhicule forçant le chauffeur et la grand-mère du petit à descendre. La destination prise par ces bandits restait inconnue.
Par ailleurs, Mercredi dans la matinée, deux autres enfants, âgés respectivement d'un an et de deux ans, ont été kidnappés par des individus armés au domicile de leurs parents à Delmas 75. Ces derniers auraient demandé une forte somme en échange de la libération de ces deux jeunes otages.

D'autre part, deux présumés kidnappeurs ont été arrêtés dans une école du haut de Delmas où ils s'étaient présentés pour récupérer deux jeunes élèves. L'arrivée de la mère des enfants à la fin des cours a rendu confus les suspects dont la présence avait été signalée à la police par la direction de l'établissement.En début de semaine, soit lundi, 4 écoliers avaient été enlevés alors qu'ils se rendaient en classe à bord d'un véhicule piloté par leur mère. Des policiers haïtiens appuyés par des agents de la mission onusienne ont pu, quelques heures plus tard, libérés ces jeunes otages à l'intérieur d'une maisonnette dans la localité retirée de Morne Saint-Rock (commune de Carrefour). Les principaux ravisseurs n'ont pas été retrouvés, cependant 9 personnes ont été néanmoins appréhendées.

Les enfants ne sont pas les seuls à avoir été visés. En provenance des Etats-Unis en vue de célébrer l'anniversaire de leur mariage, un couple a été enlevé à Delmas 31.Déjà lundi, un employé d'une banque de la place a été enlevé à Delmas 31. Un autre employé d'une banque a été kidnappée mercredi à l'entrée de sa résidence à Delmas 65 alors qu'elle s'apprêtait à garer sa voiture.
Au cours de son point de presse hebdomadaire, Fred Blaise, porte-parole de la UNPOL, a refusé de reconnaître une augmentation des actes de kidnapping à la capitale. Il a seulement indiqué que la MINUTHA et la PNH avaient libéré des otages et arrêté des bandits.

http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=50896&PubDate=2007-11-17

Justin Lhérisson avant l'audience : pages retrouvées


par Dr Alix Emera

On n'insistera jamais trop sur l'importance de la culture populaire dans l'oeuvre romanesque de Justin Lhérisson. Bien avant la publication de ses récits, il avait fixé dans des articles publiés dans son journal Le Soir ses impressions sur les scènes de rues qu'il avait minutieusement observées. La mise en parallèle de ces chroniques, souvent signées « Serfolat » ou « Falstaff », avec ses récit montrerait que ceux-ci sont l'aboutissement d'un projet conçu un peu avant 1900 et mûri au fil des années :« Marchands de gaz venus du Bel-Air, marchands de tablettes sortis du Morne-à-Tuf, marchandes de « sucre d'orge » descendues des hauts de Lalue, petits garçons et petites filles « envoyées en commission », tous ils se réunissent au coin de nos rues et forment une population flottante qui chaque jour s'accroît de nouvelles recrues. Tout ce petit monde vit et s'agite. Il a son argot, certaines locutions qui lui sont particulières. Des expressions que nous répétons parfois sans leur donner une signification précise lui doivent leur fortune. »2
Les quartiers de la capitale, surtout les quartiers populaires, ont beaucoup intéressé l'auteur de La Famille des Pitite-Caille. Six ans avant cet épisode où il nous a fait découvrir ou revivre l'effervescence du Bel-Air un jour de meeting électoral au XIXe siècle, il terminait ainsi sa description de Port-au-Prince :« Nous consacrerons une étude particulière à chacun de ces quartiers et, surtout, aux endroits excentriques de la ville, tels que la « Cour des Pisquettes », la « Saline », le Bel-Air, la Croix-des-Bossales, le « Bourg Anglais, etc., etc. »3
Diverses expressions locales ont été recueillies et transcrites dans leur forme originale4.
Ainsi l'auteur constituait-il un véritable glossaire où il pourrait plus tard puiser tout en renouvelant son plaisir et en le partageant avec le lecteur :« [...] à deux heures du matin, comme qui dirait, au pipirite chantant [...] »5« Zaffaires bon Dieu pas zaffaires les hommes, comme dirait si justement notre bon peuple »6 « [...] un vieux troupier, harassé de fatigue, s'écria : Messier, nègre ci-la pa criquin ! Li servir rac P'tit Alberr... »7
Dès la fin du XIXe siècle, Lhérisson avait commencé à inclure dans ses textes des mots créoles auxquels il appliquait les règles morphologiques françaises, par exemple la formation d'un mot nouveau par l'adjonction d'un préfixe ou d'un suffixe à un mot déjà existant, ou en intégrant d'emblée dans la phrase française un mot créole avec une fonction grammaticale bien déterminée :« Le travail, à proprement parler, n'existe pas chez nous, c'est pourquoi l'on voit tant d'intelligences se perdre, se tafiatiser [...]« Il est des individus qui préfèrent exercer le métier de tchonnélisme8. C'est si commode de ne rien faire, de se moquer du reste et... de vivre ! [...]« Non ! le travail n'est fait que pour les imbéciles ! Tchonneler est préférable mille fois ! »9 « La douane de Port-au-Prince s'acarcagne et semble faire cabicha, tel un noctambule éreinté, littéralement vanné. »10
Dès la même époque aussi, les marques graphiques (italiques, guillemets) étaient utilisées pour signaler les occurrences du créole, mais pas suivant un système rigoureusement défini.
Il arrive qu'un article soit entièrement consacré à l'étude d'un mot créole, c'est le cas pour le mot « Banda » pour lequel l'auteur a fait un véritable travail de lexicologue à partir de ses enquêtes sur le terrain. Par ailleurs, l'humour de Lhérisson, cet humour grave qu'il partage avec Hibbert, mais sans la bonhommie désabusée de ce dernier, se reconnaît aussi dans ces charmantes petites chroniques à l'arrière-goût acide. Je propose donc au lecteur deux de ces textes : dans le premier, il reconnaîtra le journaliste caustique et malin que fut Lhérisson qui, par l'intermédiaire de Golicha, exprimera ce triste constat peu de temps avant les élections que Pitite-Caille semblait devoir remporter haut la main : « Vous verrez [...] Dans ce pays, l'impossible est possible, et le possible impossible. » Quant au second, nos linguistes pourraient bien en prendre de la graine. Bonne lecture donc !

Port-de-Paix. « Un jugement inique »Voici ce qu'on nous rapporte : Deux hommes, le premier, un Syrien naturalisé haïtien, le second, un Haïtien d'origine, un campagnard, après avoir échangé quelques paroles injurieuses, se donnèrent quelques violents coups de coco-macaque. (Ils se trouvaient dans la maison privée d'un tiers, à la deuxième section rurale de cette commune) [...] Le Syrien rentra en ville, accompagné de quelques gardes champêtres et du propriétaire de la maison où la rixe eut lieu et l'affaire fut introduite au Tribunal de première instance.
Que fit-on ?
Après mûr et profond examen des pièces, sortit un jugement qui condamne qui, pensez-vous ? L'Haïtien d'origine en fuite ? - Oh non ! Le Syrien ? - Encore moins. - Mais qui ? Est-ce moi ? - Vous me faites rire. - Mais qui, enfin ? - Eh bien ! - Le propriétaire de la maison où le combat s'engagea a été condamné à 60 piastres de dommages en faveur de la Caisse... et à trois mois et deux jours d'emprisonnement.
L'autorité supérieure d'ici en conçut de justes alarmes, malheureusement la loi lui a donné un barbouquet. En pareille matière, un jugement rendu par un Tribunal de première instance-elle [...] ne peut être cassé que par un Tribunal d'une instance supérieure !Le Soir, º 17, 27 octobre 1899, p. 2.
« Bandas »Je l'ai vainement cherché, l'origine de ce mot ; et malgré cela, je ne vous le cacherai pas, j'aime bien son impertinente sonorité. Et puis, le mot est joli et des plus expressifs.

Qu'est-ce qu'un banda ? Un banda est un galant, un fat, un dameret. C'est un monsieur qui s'habille à la dernière mode et qui, dans ses moindres gestes, dans son visage, dans sa voix, jusque dans sa démarche, a un petit air distingué, un je ne sais quoi qui vous rend sa personne intéressante. On ne peut le voir passer sans le suivre des yeux, sans le montrer du doigt à ceux qui ne l'ont pas aperçu, enfin sans traduire son admiration ou son étonnement par cette phrase laconique : « Qu'il est banda ! »Le Banda a le sentiment de sa valeur. En société il se montre prévenant, courtois ; il fait les honneurs aux demoiselles et aux dames. Il est parfois si empressé qu'on dit qu'il fait le jacot pied-vert. Son langage est recherché, comme sa mise - et souvent d'une originalité hors paire. Il y met du chic ; il parle du bout des dents en zézayant. S'il a fait son tour d'Europe ou d'Amérique, il déambule par les rues sous une vaste houppelande très longue, avec des renversements de figure en arrière. Il a l'air ahuri, il se sent dépaysé. Les moindres petites choses qui, pourtant, lui étaient familières avant son départ, se montrent à ses yeux sous un autre aspect. Il lui faut une aide pour trouver leurs noms et leurs affectations. - Il ne dira, par exemple : « crabe » que quand ce petit animal l'aura mordu ; autrement il feindra de ne pas savoir son nom.Cependant il est fertile en récits d'outre-mer ; il en a pour tous les goûts. Il devient un moulin à anecdotes et « aime mieux mentir que de se taire. »

Il a visité les Champs-Élysées, les Bois de Boulogne et comme ce dernier lieu est propice, il y place une de ses idylles. Il a été dans tous les théâtres de Paris et vous peint avec un talent de connaisseur les belles choses qu'il y a vues. Mais je vous l'annonce, il faut contrôler tout ce qu'il vous débite ; sans cela, il vous mettra dedans.A force d'affectation, le banda devient ridicule ; il défigure les mots les plus simples. Pour lui, il croit que c'est déroger que de parler comme tout le monde. Il a pourtant raison. Il a pourtant raison, car s'il faisait comme le vulgum pecus, il ne mériterait plus le titre de Banda.Ce titre, natrellement11, il ne faut pas vous faire illusion, est pour notre homme un véritable titre de noblesse. Et de même que les nobles d'autrefois se faisaient une vraie gloire de ne pas savoir signer leurs noms (c'était bon pour les vilains) de même notre Banda se trouverait amoindri, diminué à ses propres yeux s'il s'exprimait tout à fait dans la langue qui a bercé son enfance. Quand il y a recours, (si toutefois il y a recours) il ne lui emprunte que quelques mots qu'il prend avec des pincettes et ces pauvres vocables, en sortant de ses lèvres détonent et vous font parfois pleurer de joie. Mais le plus souvent vous vous demandez si Monsieur le Banda ne se f... pas de vous. Il n'en est rien. Il ne peut faire différemment : c'est la fô-ôrme de son esprit comme dirait le Bridoison de Beaumarchais.En effet l'esprit de ce type (c'en est un et le plus original que je connaisse) n'est point comme le nôtre. Là où nous voyons tout en noir, il voit tout en rose. Pour lui la vie est une fête où il faut toujours se montrer bien mis, bien stylé, en un mot bandamment.
Ainsi, est-ce pourquoi quelque soit le temps qu'il fait, notre homme est toujours le même. Si l'on devait juger l'état de sa fortune sur sa mise, l'on se tromperait grandement. La raison en est bien simple : raseur ou non, le Banda est toujours Banda.Voici maintenant une opinion qui va vous paraître étrange. On naît banda comme on naît poète. Savez-vous pourquoi ? - C'est parce que les personnes crées ainsi par la nature n'ont guère besoin d'avoir recours à aucun artifice pour le paraître. Elles sont banda, tout est là.Mais de même qu'il y a fagot et fagot, de même il y a banda et banda. L'archi-type de cette famille est le bozor ou le pecseur, comme le prince du sagouinisme est le sancoutchia.Pour finir, retenez bien ceci : sur 100 bandas, vus en trouverez 99 quant au physique et un seul qui ait une bonne culture intellectuelle.
J'ai le rare bonheur de connaître un banda comme il faut. Si comme moi vous désirez le suivre des yeux quand il passe ou le montrer du doigt à vos amis, voici quelques renseignements : c'est un poète qui est très prisé par nos lettrés, il porte verres et coma, il est d'une accortise sans égale et s'appelle ........ mettez le nom vous-même car vous avez assez d'indications pour trouver ce rarus banda !Le Soir, nº 10, 19 mai 1899, p. 2
Notes1. Avec quelques modifications, cet article est extrait de ma thèse de Doctorat nouveau régime La Diglossie dans le roman haïtien : le cas de Justin Lhérisson, Jacques Roumain et Franck Etienne , soutenue à l'Université Lyon II en 1989.
2. « Gavroche port-au-princien » ; signé Falstaff ; Le Soir, 23 novembre 1899.3. Le Soir, 22 novembre 1899.4. A l'époque de Lhérisson, le créole s'écrivait avec l'orthographe française que chaque écrivain adaptait à sa manière.5. Pipirite : « Nom vulgaire du tyranneau des Antilles (tyrannus dominicensis) ». (Pradel POMPILUS, La Langue française en Haïti). « Au pipirite chantant » signifie avant l'aube.6. Trad. « Les affaires de Dieu ne sont pas les affaires des hommes ». C'est une autre façon de dire que pour se tirer d'affaire un être humain ne peut pas toujours mener une vie de saint.7. Le locuteur est un vieux soldat fatigué de poursuivre en vain un délinquant. Litt. « Cet homme-là n'est pas un chrétien. Il se sert du Petit Albert ». Chrétien est le terme usuel pour dire « être humain » en créole haïtien. Quant au Petit Albert, c'est un livre de divination très répandu.8-9. Néologismes à partir de « tafia » (alcool de canne à sucre) et de « tchonnel » (parasite, fainéant).10. Extraits de l'article « Sensations port-au-princiennes », signé Serfolat, Le Soir, nº 21, 2 novembre 1899, p. 2.11. Note de Lhérisson : « Lisez naturellement. - Cette déformation est due à un Banda de regrettée mémoire, connu par ses connaissances économico-Baquales. »
Alix Emera
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=50880&PubDate=2007-11-17

Au fil de la semaine Lhérisson : bilan et perspectives

Verly Dabel a lu les numéros de la semaine Lhérisson au Nouvelliste. Il nous propose une lecture des contributions faites et l'action urgente à entreprendre : sauver définitivement les 10 000 pages en 2500 numéros du journal de Justin Lhérisson Le Soir qui n'existent plus au monde qu'en un seul exemplaire complet, mais combien vulnérable et menacé.

par Verly DabelPour le paysPour les ancêtresMarchons unis (bis)Dans nos rangs point de traîtresDu sol soyons seuls maîtresPour les aieuxPour la patrieBêchons joyeux (bis)Quand le champ fructifieL'âme se fortifiePour le drapeau pour la patrieMourir est beauNotre passé nous crieAyez l'âme aguerrie

Sous la plume de qui déjà est sorti ce chant patriotique que les écoliers de la plupart de nos établissements scolaires entonnent tous les matins sous le coup de huit heures, au moment de hisser au sommet de son mât notre fier bicolore ? Il faut bien dire que cette noble pratique, jadis incontournable, est passée de mode depuis longtemps dans bon nombre de nos écoles qui ont fini par y voir une corvée.
Qui est donc l'auteur de La Dessalinienne? Nombre d'entre nous hésiteront longtemps, citeront beaucoup d'autres noms avant de bredouiller dans le doute celui de Justin Lhérisson. Eh bien oui! ces cris du coeur, ces paroles sublimes de notre hymne national, sont de Justin Lhérisson. Et nous avons surtout oublié que ce mois de novembre 2007 ramène le centième anniversaire de sa mort. Il a vu le jour le 10 février 1873, il nous a quittés le 15 novembre 1907. Trente-quatre ans ! bien tôt pour partir, direz-vous... Mais il n'est pas le seul de nos valeurs sûres à être fauché ainsi en pleine jeunesse. Certains de nos hommes de talent ont tendance à partir tôt, parfois dans des circonstances tragiques : Jacques Stephen Alexis, 39 ; Jacques Roumain, 38 ; Jacques Roche 43. Tous morts bien avant l'âge...

Si les cinq strophes de La Dessalinienne, toutes palpitantes de patriotisme, sont déjà une bonne raison de vénérer et de célébrer Justin Lhérisson, il nous a laissé bien plus que cela. En 1893, il a publié deux poèmes : Les chants de l'aurore et Passe-temps. Mais Lhérisson est surtout connu dans nos milieux littéraires pour ses deux romans La famille des Pitite-Caille et Zoune chez sa nainnaine. En effet, ces deux oeuvres, écrites dans le langage original haïtien et la bonne tradition haïtienne des contes merveilleux racontés le soir dans les lakou, constituent une contribution énorme á la littérature haïtienne et à la littérature mondiale. Georges Anglade n'y va pas par quatre chemins : pour lui, si Haïti devait jamais apporter une quelconque contribution à littérature mondiale des XXe et XXIe siècles, cette contribution ne saurait être autre chose que la lodyans, cette manière, cet art de raconter dans une forme originale qui nous est propre. Or voilà que le professeur Anglade découvre en Lhérisson le pionnier de la lodyans, la lodyans écrite s'entend. Pour lui, Lhérisson a réussi quelque chose de phénoménal : il est un passeur heureux et béni qui a accompli un double passage : d'abord la sortie de l'invisibilité d'un savoir dire haïtien original ; ensuite le passage de l'oral à l'écrit d'une manière de raconter et de romancer propre aux Haïtiens. Ceci pour dire le grand mérite de cet homme immense parti trop tôt. Il serait donc à l'origine de ce qui est le plus susceptible de nous servir de contribution à la littérature mondiale. N'est-ce pas énorme ?
Et que dire de l'influence de Lhérisson sur tous ces écrivains haïtiens, tous ces conteurs de grand talent, la plupart à cheval sur deux siècles : Alexis, Roumain, Péan, Trouillot, Depestre, Anglade, Laferriére, Victor, Danticat... pour ne citer que quelques noms. Qu'ils aient lu ou pas Lhérisson, ils lui doivent bien tous quelque chose. Ils ont tous subi ou subissent encore pour la plupart l'influence du pionnier soit directement, soit par personnes interposées, car on retrouve bien chez eux, à un degré ou à un autre, les grands traits de la lodyans à définir comme un genre à part entière à mettre au crédit de notre patrimoine littéraire. Dans le chapitre de l'influence de Lhérisson sur les conteurs de sa génération et de générations postérieures, mon ami Pierre Clitandre va encore plus loin. Pour lui (Clitandre), l'influence de Lhérisson a débordé les frontières de notre littérature pour s'étendre à toute la littérature latino-américaine et caribéenne jusqu'au grand Gabriel Garcia Marquez lui-même, en accrochant au passage Patrick Chamoiseau. Clitandre trouve que la beauté entraînante des phrases de Marquez et les procédés de créolisation de Chamoiseau sont déjà inscrits dans les oeuvres de Lhérisson.

Voilà déjà Lhérisson campé dans une stature carrément imposante, et l'on n'a encore rien dit du journaliste. Et c'est là que Lhérisson est étonnant ! Avec quelques contemporains, dont Windsor Bellegarde et Seymour Pradel, il fonda la revue Jeune Haïti en 1894, et au tournant du siècle, il dirigea seul le quotidien Le Soir jusqu'à sa mort en 1907. Mais ce journal, alimenté presque exclusivement par Lhérisson lui-même, se révèle une histoire extraordinaire et tout simplement passionnante. Une affaire impensable ! Imaginez un moment un homme qui, en plus de l'exercice de sa profession d'avocat, de son engagement dans l'enseignement, sans parler de ses autres activités littéraires, arrive à alimenter huit ans durant presque à lui tout seul un quotidien à part entière avec un éditorial, des faits divers, une chronique mondaine, des informations internationales, des nouvelles locales de dernière heure et, bien sûr, de la publicité. Cet homme s'est en effet amusé pendant huit ans - et l'on ne sait jusqu'où il serait allé si la mort ne l'avait pas arrêté dans sa course folle - à littéralement pondre quotidiennement des articles sous des pseudonymes divers à résonance sarcastique comme Flic-Flac, G. Vu T. Moin, Régalo, Populo, Frollo... Un véritable monstre de la plume, une espèce de machine à écrire déraillée qui nous a laissé 2500 numéros de son quotidien qu'il vendait à 5 sous l'exemplaire et à une gourde l'abonnement mensuel. Pas moins de 10000 pages! Il faut vraiment le faire.

Jean Desquiron a reproduit dans son deuxième volume de "Haïti à la une" quelques-uns des éditoriaux du journal Le Soir sous la plume de Lhérisson. Les Orientaux, il n'y a pas à se le dissimuler, se sont emparés aujourd'hui presque entièrement de notre commerce d'importation. L'invasion a été rapide : il y a à peine dix ans que les premiers arrivèrent chez nous. Ils étaient très misérables. Coiffés de fez rouge et vêtus de guenilles, ils parcouraient nos villes et nos campagnes en vendant de menus objets sans grande valeur et demandant surtout la charité. Ceux-ci disparurent bientôt et furent remplacés par les Syriens actuels dont l'immigration organisée continue jusqu'à ce jour... C'est aujourd'hui un réseau compliqué ayant des embranchements dans les centres les plus éloignés... et aujourd'hui le Bord-de-mer offre l'aspect d'un pays conquis. (No. 234) Quel bagou !À en croire ce qui se dit, il y a de nouveaux candidats à la présidence... Vraiment on ne croyait pas qu'il y eut tant de présidentiables dans ce pays qu'on accuse pourtant de manquer d'hommes de valeur... Nous prions les honorables candidats à la présidence de se rappeler qu'il n'y a qu'un seul fauteuil présidentiel et que la prudence la plus élémentaire leur commande de ne pas trop se gourmer pour s'y asseoir, de crainte que miss Alice Roosevelt ne les en vienne chasser tous. (No. 146). Autre temps mêmes moeurs et le changement ne semble pas être pour demain ; on continuera longtemps encore à se battre sans vrai projet pour un seul fauteuil, le présidentiel. Une espèce de chaise musicale pour grandes personnes ! Et dire que Lhérisson proclamait que, par principe, son journal ne commentait pas la politique intérieure du pays. En voilà un qui prenait plaisir à se moquer du monde entier !Voilà donc quelques facettes de ce grand homme dont le centenaire de la mort risquait fort bien de passer tout à fait inaperçu ou presque, n'étaient quelques initiatives, comme cette semaine consacrée par Le Nouvelliste à Lhérisson, j'imagine sous l'impulsion du célèbre professeur barbu qui semble vouer une admiration frisant le fanatisme au maître consacré de la lodyans, au journaliste prodigieusement prolifique et à l'homme lui-même. Une bien maigre consolation, pour un homme d'une telle carrure, on en convient. Dans le cadre de ses éditions du centenaire, les Presses Nationales ont fait rééditer Zoune chez sa nainnaine et La famille des Pitite-Caille, les deux romans de Lhérisson que l'on peut désormais lire à la Bibliothèque nationale, car je les ai vus là-bas de mes propres yeux. Mais qu'en est-il des 10000 pages du journal Le Soir ? Je ne sais pas si la collection complète existe ailleurs, mais on la retrouve à la bibliothèque des frères de Saint Louis de Gonzague à la rue du Centre à Port-au-Prince, et j'ai eu le privilège d'en feuilleter quelques numéros. Dans quel état se trouve cette collection ? Chaque page que l'on tourne risque de se convertir en poussière si l'on n'y prend garde.

Je vois bien les Presses nationales saisir l'occasion pour digitaliser ce précieux document (la collection complète du journal Le Soir) et ainsi le sauver pour la postérité, en attendant de se pencher sur la concrétisation du vieux rêve de Lhérisson qui aurait souhaité une édition d'une anthologie de ses textes. Ce centenaire serait une bonne occasion de rendre ce petit service au double passeur. Je crois qu'on doit bien cela à Lhérisson.
Notes(1)Jean Desquiron : Haïti à la une, Tome II, 1870-1908.(2) Pierre Clitandre : Le Nouvelliste No. 37744 du 12 novembre 2007.(3)Georges Anglade : Le dernier codicille de Jacques Stephen Alexis, édition plume et encre, avril 2007.(4)Jobnel Pierre : Lhérisson, encore vivant.
Verly Dabel
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=50792&PubDate=2007-11-17

Funérailles de Justin Lhérisson

Ce jeudi 15 novembre marque le centenaire de la mort de Justin Lhérisson, décédé à l'âge de 34 ans. Nous publions dans cette édition l'article sur ses funérailles, paru le 20 novembre 1907 dans son journal Le Soir. Moments de fortes émotions. Et témoignages chrétiens d'un écrivain qui se tourne vers Dieu :"Je n'ai pas commis aucun crime. Je n'ai que des fautes. Pardonnez-moi..."

Quand, au mois de juillet de cette année, notre ami tomba malade peu après la mort stupéfiante du pauvre docteur Numa, personne ne pouvait prévoir qu'il dut, lui aussi, comme Godefroy, le jeune et doux sceptique, comme Clément Bellegarde, incarnation de la vigueur et de la franche gaîté, - et les autres disparaître sitôt. Ses funérailles qu'il a voulu simples et austères comme d'ailleurs le fut sa courte vie ont pris cependant, sans qu'on eut en fait pour cela, le caractère d'une grandiose et consolante manifestation. La société de Port-au-Prince, en ses diverses couches, tous ceux qui travaillent ont tenu à coeur à rendre au cher disparu l'hommage qui lui était dû.

A côté de plusieurs membres du gouvernement, on voyait d'anciens ministres, foule de notabilités de notre Magistrature, de l'université, du corps législatif et de la presse.
Le deuil était conduit par le frère aîné, M.L.C. Lhérisson, le directeur bien connu du collège Louverture. De la maison mortuaire à l'église, le modeste cercueil fut porté à bras par les amis en signe de regret et d'affection.« Le Nouvelliste » dans sa note nécrologique de samedi exprimant le voeu de voir « le pays rendre un hommage solennel et mérité au professeur dévoué, au patriote qui en un tour simple et sincère exprima dans « La Dessalinienne » nos aspirations.
Si les morts, par-delà cette terre, exprimant encore quelque sentiment, l'âme de Justin Lhérisson a dû frissonner d'aise aux accents répétés de sa chère Dessalinienne qu'il aimait tant fredonner en cercle d'intimes.

Le président de la République avait, en effet, envoyé aux obsèques la musique spéciale de la Garde qui, sur tout le parcours, joua, d'intervalle en intervalle, l'hymne national dont la poésie si pleine de réconfortantes idées, de nobles aspirations peint l'homme, la personnalité complexe que fut Justin.
L'église était comble, S.G. Mgr Conan, l'Archéologue coadjuteur Mgr Pichon étaient à leurs trônes, le supérieur du Séminaire le R.P. Benoit et beaucoup d'autres prêtres, des soeurs de St-Joseph de Cluny, des filles de la Sagesse, des frères de l'Instruction chrétienne assistèrent à la cérémonie religieuse ou officiait Mgr Pouplard, curé de l'église métropolitaine.Une excellente inspiration du « Conseil de l'Assomption du Centenaire » tint avantageusement lieu, au cimetière, de discours, de fleurs et de couronnes.

Les dernières prières du clergé achevées, un coeur improvisé entonna autour de la fasse béante et au milieu d'un débordement de sanglots les patriotiques complets de « La Dessalinienne ».

C'est sur cette note suprêmement élégiaque et après un bref et impressionnant adieu de M.L.C. Lhérisson au cadet bien aimé et respectueux trop tôt en-allé que l'assistance se dispersa avec dans l'âme comme une sensation du vide.
Ses derniers moments sa mort
Il n'est peut-être pas sans intérêt de suivre Justin Lhérisson dans la phase dernière de sa maladie afin de bien montrer que tempérament il fut.

De juillet à mi-octobre, cet admirable bûcher abattit pas mal de besogne, combina et réalisa certains plans en vue d'assurer la vitalité de son journal et de s'assurer du même coup un peu de tranquillité d'esprit, la possibilité de travailler. Mais à partir de cette dernière époque, la forte tension imprimée à ses nerfs et à son esprit détermina chez lui un affaiblissement notable des forces physiques auxquels suppléait uniquement son vouloir - vivre porté au maximum d'intensité.

Les symptômes graves et alarmants apparurent le mardi 12 novembre ; et dès lors Lhérisson eut le sentiment très précis qu'il approcha du terme fatal.
Ce jour-là, Mgr Pichon qui le visitait de temps en temps lui administra les derniers sacrements.

Quelle lutte ! Quelles angoisses ! La sainte et béate résignation devant l'arrêt immuable du destin pouvait-il l'avoir lorsque ses regards s'arrêtaient sur ses six petites têtes chères, insoucieuses des pièges de l'après et meurtrissante existence ? Lui, l'homme du devoir, le père de famille volontairement façonné à la vie simple pour éviter toute défaillance, s'en est allé placidement vers l'inconnu sans avoir accompli l'oeuvre d'éducation de ses enfants ! Non ! ... Il trouvait la chose injuste, éternelle, inique.

Rien de plus poignant, de plus atroce, de plus mélancolique que la lutte désespérée livrée dans des conditions aussi précaires contre la mort assassine.
Le vendredi 15 novembre vers 10 heures du matin, dans une exaltation mystique de l'âme vers Dieu, notre pauvre ami s'écrie : « Je suis jeune, je n'ai que trente quatre ans. Je suis ivre de la vie. Seigneur, si je veux vivre, c'est pour l'entretien et l'éducation de mes enfants et aussi pour rendre encore quelques services à mon pauvre pays. »A mesure que le jour décline, les indispositions deviennent plus fréquentes ; elles sont suivies d'un intervalle calme pendant lequel le malade avec l'intégrité de ses facultés voit venir la mort.

Il était 2 heures de l'après-midi quand, abandonnant la chaise longue où il se tenait constamment assis, il prononça debout ces paroles attristées : « Seigneur, ayez pitié de moi ... Pardonnez à votre humble serviteur ... Je n'ai jamais commis aucun crime ...Je n'ai que des fautes ... Pardonnez-moi. Recevez mon âme ». Puis, appelant quelques membres de la famille, il demande pardon à tous ceux qu'il a cru avoir offensé dans ses moments de mauvaise humeur.
Sur le coup de 5 heures, une extase s'empara de son être. Couché sur son lit, il laissa errer autour de lui des regards radieux pleins de calme et de sérénité. « Quel temps ! Quel spectacle! s'écrie-t-il. On me donnerait un million que je ne serais pas aussi heureux. C'est l'éternel printemps »...Il se lève seul, arpente la chambre et continue : « Je vais mourir aujourd'hui. Mon âme, tout à l'heure va traverser ce ciel bleu pour aller retrouver son créateur. Je te la remets, créateur, aussi pure que tu me l'avais donnée ».
Un peu fatigué, il s'étend un moment et, penchant l'oreille : « Venez donc écouter cette marque. Elle est suave, sublime! Quelle harmonie!...»Quelques minutes après, il se dresse et, avec force et dans un geste énergique il prononce ces paroles :« Non! Je ne veux pas mourir. C'est un crime de mourir à mon âge quand j'ai des enfants à élever et une patrie à servir...»Et, sur un ton adouci : « Mais, Seigneur, puisque c'est ta volonté ... tant mieux!...»Après une pause : « ... Que l'humanité est l'aide! Qu'elle est l'aide !... Je préfère m'en aller ...»La nuit arrive, nuit fatale qui devait anéantir les promesses de ce jeune esprit passionné de la souveraine vertu du travail. Il est 11 heures moins 10 minutes. Profondément lassé par la fièvre nerveuse qui le minait et l'éveil constant de son vouloir-vivre, il venait contrairement à ses habitudes de se mettre au lit. Il nous répétait souvent qu'il voulait mourir debout.

S'étant recueilli environ dix minutes, lentement et avec les accents d'une voix qui s'éteint, il s'exprimait ainsi : « L'heure dernière est arrivée ... Oui... Je vais quitter cette terre ... L'Humanité n'est pas belle... Elle est laide... Il n'y a pas lieu de faire des efforts pour y rester. »

Un mouvement se produisit encore en cet organisme harassé pour ressaisir, dans un suprême effort de volonté, un reste de vie qui déjà s'échappait.

Hélas! Ce fut en vain. La mort avait appesanti ses doigts de marbre sur le front du fier et courageux lutteur.
(1) Extrait du journal Le Soir, mercredi 20 novembre 1907, No. 267

Lhérisson, encore vivant

Georges Anglade, géographe et littéraire, nous a accordé un entretien sur la lodyans haïtienne, la vie et l'oeuvre de Justin Lhérisson en marge du centenaire de la mort de ce romancier, le 15 novembre 2007. L'auteur de Le Rire haïtien montre que Lhérisson est un passeur de génie.
Le Nouvelliste : Vous admirez beaucoup Justin Lhérisson et vous êtes l'un des spécialistes de la lodyans, forme d'expression locale et originale. Or le 15 novembre 2007 ramenera le centenaire de la mort de Justin Lhérisson. Selon vous, pourquoi, on ne parle même pas du centenaire de la mort de ce lodyanseur de renom?

G.A : Il y a trois questions d'importance dans votre ouverture. Je vais donc répondre aux trois questions dans l'ordre que vous avez choisi. J'admire Lhérisson ? Eh oui, mais pour quelque chose de bien précis, qui est de l'ordre du double passage réussi par un passeur : d'abord la sortie de l'invisibilité d'un savoir-dire haïtien original ; ensuite le passage de l'oral à l'écrit de cette manière de raconter et de romancer propre aux Haïtiens. Voilà pour le double passage.

C'est quelque chose d'énorme, qui interpelle le social haïtien dans toutes ses dimensions. À la limite, la littérature n'est même pas ici l'élément principal du passage qui s'opère, puisqu'il s'agit de la sortie du creuset qui a forgé la nation d'une dimension constitutive du fait haïtien, comme le créole en est une, comme le vodou en est une, comme le compagnonnage agricole en est une... dimensions toutes trois de la même portée que la lodyans en tant que création collective aux fondements de la nation.Lhérisson est un forgeron avant toute autre chose, celui qui a été dans le creuset en fusion pour en sortir la lodyans en disant que cette manière que nous avons de nous raconter est un art authentique, à l'égal de tout art romanesque d'autres sociétés. Il est extrêmement important, dans une société telle que la nôtre, une Terra Incognita dont tout reste à dire, car notre ignorance de ce que nous sommes et de ce que nous avons été est profonde, il est important, disais-je, que nous soyons à l'écoute des savoir-faire, des savoir-être, des savoir-dire, de nos sources et ressources. Le vodou a été maltraîté longtemps, le créole a été méprisé longtemps dessus les galeries et dessous les tonnelles des minorités... avant de connaître un début de reconnaissance, tout juste récemment. Et l'on est ainsi loin d'avoir fait pour le créole et pour le vodou ce qu'il faudrait faire, et d'avoir fait du créole et du vodou ce qu'il faudrait en faire... Voire pour la lodyans !Quand j'entrais à l'université d'État d'Haïti en 1962, il n'y avait que Pradel Pompilus qui s'en allait partout dire «Le Français n'est pas notre langue»; et je me souviens que des lettrés et des bien-pensants riaient sous cape, comme on rit d'un obsédé qui aurait consacré son précieux temps à quelque chose de marginal, comme un manuel de littérature haïtienne. On en avait fait de chaudes gorges, jusque chez ceux, professeurs comme lui, qui auraient dû être les farouches défenseurs de cette percée, de ce passage par un autre passeur. Et pourtant, vingt ans après, d'obstinations, les choses avaient changé, et son pari gagné.

Tels sont les passeurs et tels sont leurs passages.Vous savez, la lodyans haïtienne, telle qu'elle a imprégné le XXe siècle littéraire haïtien, risque bien de passer, dans un siècle, par exemple en 2107, ou même dans deux siècles, en 2207, pour la colonne vertébrale du XXe siècle littéraire haïtien. Il n'est que d'attendre.Tous les écrivains n'ont évidemment pas été des lodyanseurs, mais tous lui doivent quelque chose, et la plupart beaucoup. Et vous serez surpris de ce qui va alors arriver à Roumain lui-même, dont la langue doit tellement aux deux passages de la lodyans. Un Roumain lodyanseur, eh oui!
Et en tout cas, un fait demeurera, Lhérisson a joué ce rôle capital en début du XXe siècle, d'abord et avant tout par son action de passeur dans son journal LE SOIR, et ensuite par ses deux petits romans.Que j'aime d'abord chez Lhérisson le passeur de génie va de soi. Quant à l'écrivain, c'est dans LE SOIR qu'il flamboie comme peu d'écrivains ont flamboyé dans le siècle. Mais comme LE SOIR n'est toujours pas vraiment accessible, à moins d'aller lire l'unique exemplaire complet, à ma connaissance, à la rue du Centre chez le Frère Ernest, le cher Lhérisson est encore un inconnu du public et de la littérature haïtienne.G.A : votre deuxième question : Je serais l'un des rares spécialistes de la lodyans? Après une réelle éclipse d'un siècle, il y a maintenant de plus en plus de spécialistes du littéraire à savoir de quoi ils parlent en disant lodyans. Il suffit de lire «Le dernier codicille de Jacques Stephen Alexis», qui est quand même partout accessible, pour s'en rendre compte. Il y a une bonne dizaine parmi les critiques francophones et anglophones de premier plan à savoir finement parler de la lodyans haïtienne dans ce Codicille même. L'ignorance de la lodyans est en train de s'estomper, et une timide reconnaissance commence. Mais on est encore loin de la grande popularité comme on est loin des violentes réactions de rejet d'il y a cinq ans. Cette histoire de lodyans est en marche à nouveau.

Ceci dit, oui, j'ai moi-même cherché à comprendre les fondements théoriques et les procédés de la lodyans. J'en ai fait l'une de mes préoccupations, parmi d'autres préoccupationss évidemment, pendant une dizaine d'années dans les archives et les bibliothèques, de la rue du Centre notamment. Quant au terrain de la lodyans, j'arrivais dans ce champ imprégné, car je suis né dans un environnement de lodyans provinciale, j'ai grandi en côtoyant des lodyanseuses et lodyanseurs de grand talent, je m'y suis essayé très tôt moi-même à l'oral comme à l'écrit, dès douze, treize et quatorze ans... (J'ai au moins deux textes tout en humour publiés à ces âges tendres) et c'est dans la cinquantaine bien sonnée, que j'ai enfin pu prendre à bras le corps cette vieille question personnelle laissée en suspens quarante ans durant, mais toujours présente en filigrane.J'ai alors voulu raconter mon temps et ma génération par la lodyans, ce que je crois avoir fait (Rire Haïtien, 2006) et j'ai dû me forger les outils de théorisation et de méthodologie qui n'existaient pas pour ce faire. Cela fait-il de moi un spécialiste du littéraire ou un critique littéraire ? Cela n'a jamais été mon projet. Je suis tout simplement, à côté d'autres choses, un lodyanseur comme j'aurais pû être musicien ou peintre, si j'en avais les talents. Je sais savoir tirer des lodyans, et comme pour tirer il me fallait des outils, je les ai forgés comme tout bon artisan fabrique les outils qui manquent à son atelier. La postérité jugera donc sur pièce ma contribution, et me mettra dans une case ... c'est leur travail de faire cela, pas le mien.

J'ai donc écrit dans cette décennie, pour les besoins de mon art et pour compenser pour les outils qui manquaient, une dizaine de textes de fond sur la lodyans, et j'ai aussi produit un corpus de lodyans, pour aussi ouvrir la voie à ceux qui s'y engouffreront plus tard, armés qu'ils seront de toute l'armature académique requise. Car, je crois que ces travaux à venir viendront forcément de la profonde et longue recherche universitaire.Disons encore, plus précisément, que cela fait plus de cinquante ans, entre 1950 et 1960, que Pradel Pompilus sortait les premières caractéristiques du genre et Jacques Stéphen Alexis proclamait son statut de romanesque proprement haïtien. Depuis, la lodyans n'a pas été sérieusement revisitée. D'ailleurs, on peut dire que la critique littéraire haïtienne est le seul champ à n'avoir pas produit de ruptures significatives au long des trente studieuses de la sixième génération, 1970-2000, alors que, dans pratiquement tous les autres champs, il y a eu des ruptures conséquentes. Cette stagnation, de ce champ particulier de la critique littéraire, nous amène tout naturellement à la troisième partie de votre question.

G.A : Pourquoi on ne parle même pas du centenaire de la mort de ce lodyanseur de renom? C''est le noyau dur de votre question. Nous devrions effectivement crouler sous toutes sortes de manifestations au souvenir d'un tel passeur et d'un tel passage... Et bien non, pour le moment. Mais cela viendra inéluctablement, un jour.Et vous me demandez pourquoi un tel état de choses, ici et maintenant. Je suggère que vous fassiez une enquête à micro ouvert, puisque vous les connaissez tous, en qualité de directeur de la section culturelle au journal Le Nouvelliste. Allez le leur demander et je parie que vous allez recueillir un florilège peu banal de mots, pour cacher tout simplement un mode de fonctionnement grégaire, de groupes, clans, tribus, réseaux... dont la frayeur suprême de chaque membre adoubé est d'être exclu de la bande pour trop d'écart de pensée, ou pour velléités d'autonomie. Tout le monde a peur de se retrouver seul, et ils ont raison d'avoir peur, car cette société fait figure de meute à la curée permanente des solitaires. Avec cela, vous n'avez pas beaucoup de chances de voir des individus qui osent, des positions minoritaires, des débordements par les marges, etc. Nous ne bougeons que tous ensemble, imperceptiblement. Pour l'innovation, dans ce type de fonctionnement dont le ton se donne dessus galeries et dessous tonnelles, on repassera! Et on attendra! Longtemps.

Pour ma part, j'ai fait ce que j'ai pu pour ne pas laisser le centenaire de la mort de Lhérisson passer «en bas table» : conférence à l'université de Montréal en fac des Lettres, circulation planétaire sur le WEB d'une lettre occasionnelle sur ce centenaire, intervention à la Sorbonne pour le cinquantenaire du 1er Congrès des artistes et écrivains noirs de 1956, prestation à Dakar devant une centaine d'intellectuels du continent rassemblés pour la préparation du troisième festival mondial des arts nègres , un Hebdo dans le Nouvelliste qui a fait mouche ce juillet 2007... Bref, je crois que tout le monde interessé à cette chose sait maintenant que Lhérisson est mort à 34 ans, le vendredi soir du 15 novembre, à la dernière heure du jour.... Et que c'était un grand passeur. Et qu'il existe un Rire haïtien...

L.N : Pourriez-vous nous présenter de manière précise la vie et l'oeuvre de Justin Lhérisson. Peut-on penser avec Lhérisson aujourd'hui ?

G.A : Sur la première partie de votre question, la vie de Justin Lhérisson, je n'ai pas cherché à faire sa biographie, me contentant des grands tournants et des dates marquantes de sa vie. Et de son oeuvre, j'ai surtout mis du temps à prendre connaissance des 2500 numéros du journal Le SOIR, dix mille pages ! J'ai abordé son journal comme le réceptacle aménagé par Lhérisson pour accueillir toute la production littéraire de son temps en feuilleton. LE SOIR est ainsi l'organe dans lequel retrouver la première décennie de la lodyans haïtienne sous la plume de plusieurs écrivains, dont le très puissant Fernand Hibbert, sans doute le plus significatif de tous pour ce genre littéraire, et dont Le Mariage d'Otto, en octobre 1904, ouvre le passage à l'écrit de la lodyans dans les colonnes du SOIR.

Peut-on penser aujourd'hui avec Lhérisson? Sans aucun doute oui, si par cela on entend penser avec la lodyans. Peut-on penser Port-au-Prince aujourd'hui avec Platon ? C'est encore oui, en autant que cela veuille dire penser les internalités de la ville dans lesquelles Platon s'est distingué. En méthode, cela oblige d'aller plus loin que l'étape descriptive, l'empirisme du premier degré et d'atteindre à l'abstration qui est derrière. Oui on peut penser avec la lodyans dont Lhérisson, etc... Oui, on peut penser Port-au-Prince avec Machiavel en autant que l'on travaille avec et sur les externalités.Je vois bien d'où vient votre question, parce que sa formulation traine un peu partout cette année : Peut-on penser l'actuel avec Roumain? La réponse est oui, mais suppose que l'on dise préalablement l'abstraction par delà Roumain que Roumain porte dans son oeuvre, et c'est ce nouveau construit théorique que l'on va ensuite opérationnaliser pour penser l'actuel. À aucun moment, cela ne peut être une simple translation, un report, un placage... sans une médiation conceptuelle. Cela va loin et profond en théorisation comme en méthodologie, loin des lieux communs, des pétitions de principe et autres voye monte bruyants de la meute ! La connaissance de Roumain me semble atteindre justement ce palier d'avant l'abstraction, que l'on attend encore. Franchir cette étape est affaire de longues et sérieuses reproblématisations... qui peut être ont été déjà concoctées dans de patients projets, universitaires notamment... Nous en attendons les révélations, car le bruit actuel sature tellement que l'on a du mal à distinguer les pistes nouvelles et porteuses. Dès que l'on reviendra à un peu de calme, on va savoir par décantation.

Peut-on penser aujourd'hui avec Lhérisson? Je reprends la question, pour dire encore oui, sous condition du travail de reproblématisation qui, dans ce cas, a été fait. Et ce travail est accessible autant dans des oeuvres de création que dans des travaux académiques. Cela veut dire que penser l'actuel avec Lhérisson, c'est penser l'actuel avec la théorie de la lodyans comme genre littéraire qui, comme tous les genres littéraires, colle à son temps et au temps qu'il fait.

L.N : La politique, la paysannerie et la domesticité sont autant de thèmes récurrents dans l'oeuvre de Lhérisson. Est-ce que la manière de voir la politique et la domesticité en Haïti a changé ?
G.A : Absolument oui. Les questions sont les mêmes mais ce sont les réponses qui ont changé. Chaque génération à une réponse différente à la même question de la domesticité, de la paysannerie, de l'agriculture, de la politique. Au XXe siècle en Haïti, on arrive à distinguer clairement trois moments différents qui apportent trois réponses différentes à la même question qui revient à chaque génération. Pour dire vite un exemple, les lodyans de début de siècle se fondaient sur la nécessaire éducation des paysans (Lhérisson dans Zoune); celles du mitan de siècle disaient qu'il fallait se baser à la fois sur les connaissances du paysan et les apports de la science (Sixto dans l'agronome) ; en fin de siècle, la perspective qui va dominer est celle de s'instruire d'abord des savoir-faire du paysan pour penser l'alternative (La sixième génération). Trois générations, trois réponses différentes à la même question en dedans d'un même siècle. Et il en va ainsi de la majorité des thèmes que l'on retrouve dans les lodyans.

J'ai eu l'occasion d'approfondir pendant quelques mois, presque une année tout de même, ce point particulier que soulève votre question. En juin 2005, à Bled en Slovénie, au 71e congrès mondial du PEN international, j'ai présenté le résultat de cette réflexion sur génération et lodyans. Je vais vous retrouver cet article pour votre semaine au Nouvelliste, mais en avertissant que c'était une table ronde de pointe, sur invitation à seulement moins de dix personnes qui situaient leurs travaux aux confins de deux univers, pour moi le géographique et le littéraire. C'est d'exploration de voies inconnues qu'il s'agissait en Slovénie, comme vous verrez dans l'article, forcément très... académique.

L.N : Justin Lhérisson a publié quatre recueils de poèmes : Myrtha (1892), Les chants de l'aurore (1893), Passe-temps 1893 et Boulets rouges.... Pourquoi ne parlez-vous pas beaucoup de sa poésie?
G.A : Je n'ai jamais opiné publiquement sur la poésie, comme le ferait un expert de la chose, ce que je ne suis pas. J'ai choisi depuis longtemps d'être vis-à-vis de la poésie dans la posture du 'LECTEUR; celui qui en lit beaucoup en amateur, sans systématisme, qui à ses préférences et ses références... Le Frère Ernest m'a déjà mis entre les mains deux des recueils de Lhérisson.. C''est d'ailleurs en page de garde de l'un d'eux, Passe-temps je crois, que me vient cet belle photo de Justin Lhérisson, a 19 ans sans doute, en 1893. J'ai fait faire le tour de la toile par courriel à cette photo «inconnue» de lui et je l'ai republié dans le Rire haïtien, et dans La lettre occasionnelle aussi. Et maintenant dans Le Nouvelliste de cette semaine, c'est toujours la même photo de son recueil de poésie de 1893 qui est popularisée..
L.N : Vous dites souvent, où on vous fait dire, que Lhérisson est le plus grand écrivain qu'a connu le XXe siècle, est-ce parce qu'il est venu avec la lodyans ?
G.A : Non, non, je ne me pose pas ce genre de question et je ne sais vraiment pas ce qu'est le plus grand écrivain d'une période, d'autant que chaque époque postérieure va recomposer cette liste d'un point de vue différent. Ce que je sais cependant, c'est que Lhérisson est un grand passeur, sans doute le plus grand passeur du XXe, puisque rien ne se compare vraiment à cet extraordinaire double passage de la lodyans, de l'invisibilité à la mise en lumière (où elle aurait pu rester à l'oralité, genre Sixto plus tard) mais ensuite de l'oralité à l'écriture... Mais, ça ne fait pas de lui le plus grand écrivain pour autant, loin de là. Et c'est une autre question. Je ne crois pas que ce soit en ces termes qu'il faille en parler. Ce qu'a fait Lhérisson déborde largement le strict point de vue littéraire, C'est du social total et global que de prendre une construction collective à jaillir du creuset de la nation et d'en offrir une inscription dans la trame nationale. Personne ne viendra me raconter que ce n'est rien comme romanesque propre à nous, et qu'il se serait encore fait plus, par l'importation de telle ou telle manière venant de tel ou tel autre monde... C'est d'ailleurs ce qu'avait découvert Jacques Stéphen Alexis, la méfiance nécessaire à avoir des attentes des grands centres en vogue qui réclament de nous du pittoresque et de l'exotisme... à vous dénaturer votre art local. Le dernier codicille à son immense testament est aussi cette ferme mise en garde, toujours actuelle, de trop vouloir plaire au Blanc... D'ailleurs, le Codicille est traversé par cette recommandadtion d'Alexis, qui savait lui-même de quoi il parlait, pour s'être frotté au courant du réalisme soviétique... d'où lui venait l'essentiel de son errance théorique, rapidement rectifiée d'ailleurs... au profit de cet art authentiquement local qu'est la lodyans, etc. Il faut là retourner aux trois textes de théories d'Alexis pour juger sur pièces et non sur Zen... ce que tente justement le Codicille.

L.N. Venons-en alors à ce dernier codicille de Jacques Stephen Alexis. Pourquoi avoir écrit ce livre ?

G.A : C'est le coup de tonnerre de Jacques Stéphen Alexis sur la lodyans qui m'a fait lui rendre l'hommage de l'opuscule de cette année 2007, sous le titre «Le dernier codicille de Jacques Stephen Alexis». Je ramasse dans ce travail de quoi introduire n'importe quelle personne de bonne volonté à la lodyans haïtienne, en y montrant un être d'exception dans son cheminement qui l'amène à la conclusion que la lodyans est la tradition narrative authentiquement haïtienne.
Ce que je crois, c'est que ce moment vécu par ce personnage, cette conjoncture donc, est le grand rendez-vous raté de la lodyans avec l'histoire de la littérature mondiale dans ce tournant 1960, car Jacques Stéphen Alexis va mourir et le pays se fermer au monde. Que l'une et l'autre de ces deux conditions aient été autres, la lodyans haïtienne serait depuis longtemps sur la carte du monde avec toute la flamboyance que savait déployer Alexis... d'autant que Jacques Stephen Alexis engrangeait de quoi écrire Ficelle, son compendium de lodyans, sur les gens de Jérémie notamment.. Je crois qu'il allait faire faire un bond mondial à la lodyans.

L.N : Peut-on dire que Alexis est un théoricien de la lodyans? Y en-a -t'il d'autres ?
G.A : Absolument oui, et un très grand, tel que le révèlent toutes les citations et annotations dans le codicille. Les cinq dimensions principales de la lodyans sont déjà en place chez lui, même s'il vous traite de ces choses, dans cette faconde entraînante, mais loin de la systématique attendue.
La mise en place des dimensions principales sera ensuite affaire de principes et manières de faire par de longues observations et de longues procédures... Tout est actuellement bien en place pour la lodyans, la bibliographie dans le Codicille s'en fait le guide, en attendant que de jeunes universitaires, partant de ce point, puissent consacrer les années qu'il faudra pour mettre la lodyans à un autre palier théorique. Je n'ai aucun doute que cela va se passer ainsi, nous sommes quinze millions dans dix communautés dans le monde. Les relèves de la sixième génération sont déjà en place et en partie sur le terrain... cet avenir-là est assuré par le grand nombre que nous sommes.