Google

samedi 17 novembre 2007

Lhérisson, encore vivant

Georges Anglade, géographe et littéraire, nous a accordé un entretien sur la lodyans haïtienne, la vie et l'oeuvre de Justin Lhérisson en marge du centenaire de la mort de ce romancier, le 15 novembre 2007. L'auteur de Le Rire haïtien montre que Lhérisson est un passeur de génie.
Le Nouvelliste : Vous admirez beaucoup Justin Lhérisson et vous êtes l'un des spécialistes de la lodyans, forme d'expression locale et originale. Or le 15 novembre 2007 ramenera le centenaire de la mort de Justin Lhérisson. Selon vous, pourquoi, on ne parle même pas du centenaire de la mort de ce lodyanseur de renom?

G.A : Il y a trois questions d'importance dans votre ouverture. Je vais donc répondre aux trois questions dans l'ordre que vous avez choisi. J'admire Lhérisson ? Eh oui, mais pour quelque chose de bien précis, qui est de l'ordre du double passage réussi par un passeur : d'abord la sortie de l'invisibilité d'un savoir-dire haïtien original ; ensuite le passage de l'oral à l'écrit de cette manière de raconter et de romancer propre aux Haïtiens. Voilà pour le double passage.

C'est quelque chose d'énorme, qui interpelle le social haïtien dans toutes ses dimensions. À la limite, la littérature n'est même pas ici l'élément principal du passage qui s'opère, puisqu'il s'agit de la sortie du creuset qui a forgé la nation d'une dimension constitutive du fait haïtien, comme le créole en est une, comme le vodou en est une, comme le compagnonnage agricole en est une... dimensions toutes trois de la même portée que la lodyans en tant que création collective aux fondements de la nation.Lhérisson est un forgeron avant toute autre chose, celui qui a été dans le creuset en fusion pour en sortir la lodyans en disant que cette manière que nous avons de nous raconter est un art authentique, à l'égal de tout art romanesque d'autres sociétés. Il est extrêmement important, dans une société telle que la nôtre, une Terra Incognita dont tout reste à dire, car notre ignorance de ce que nous sommes et de ce que nous avons été est profonde, il est important, disais-je, que nous soyons à l'écoute des savoir-faire, des savoir-être, des savoir-dire, de nos sources et ressources. Le vodou a été maltraîté longtemps, le créole a été méprisé longtemps dessus les galeries et dessous les tonnelles des minorités... avant de connaître un début de reconnaissance, tout juste récemment. Et l'on est ainsi loin d'avoir fait pour le créole et pour le vodou ce qu'il faudrait faire, et d'avoir fait du créole et du vodou ce qu'il faudrait en faire... Voire pour la lodyans !Quand j'entrais à l'université d'État d'Haïti en 1962, il n'y avait que Pradel Pompilus qui s'en allait partout dire «Le Français n'est pas notre langue»; et je me souviens que des lettrés et des bien-pensants riaient sous cape, comme on rit d'un obsédé qui aurait consacré son précieux temps à quelque chose de marginal, comme un manuel de littérature haïtienne. On en avait fait de chaudes gorges, jusque chez ceux, professeurs comme lui, qui auraient dû être les farouches défenseurs de cette percée, de ce passage par un autre passeur. Et pourtant, vingt ans après, d'obstinations, les choses avaient changé, et son pari gagné.

Tels sont les passeurs et tels sont leurs passages.Vous savez, la lodyans haïtienne, telle qu'elle a imprégné le XXe siècle littéraire haïtien, risque bien de passer, dans un siècle, par exemple en 2107, ou même dans deux siècles, en 2207, pour la colonne vertébrale du XXe siècle littéraire haïtien. Il n'est que d'attendre.Tous les écrivains n'ont évidemment pas été des lodyanseurs, mais tous lui doivent quelque chose, et la plupart beaucoup. Et vous serez surpris de ce qui va alors arriver à Roumain lui-même, dont la langue doit tellement aux deux passages de la lodyans. Un Roumain lodyanseur, eh oui!
Et en tout cas, un fait demeurera, Lhérisson a joué ce rôle capital en début du XXe siècle, d'abord et avant tout par son action de passeur dans son journal LE SOIR, et ensuite par ses deux petits romans.Que j'aime d'abord chez Lhérisson le passeur de génie va de soi. Quant à l'écrivain, c'est dans LE SOIR qu'il flamboie comme peu d'écrivains ont flamboyé dans le siècle. Mais comme LE SOIR n'est toujours pas vraiment accessible, à moins d'aller lire l'unique exemplaire complet, à ma connaissance, à la rue du Centre chez le Frère Ernest, le cher Lhérisson est encore un inconnu du public et de la littérature haïtienne.G.A : votre deuxième question : Je serais l'un des rares spécialistes de la lodyans? Après une réelle éclipse d'un siècle, il y a maintenant de plus en plus de spécialistes du littéraire à savoir de quoi ils parlent en disant lodyans. Il suffit de lire «Le dernier codicille de Jacques Stephen Alexis», qui est quand même partout accessible, pour s'en rendre compte. Il y a une bonne dizaine parmi les critiques francophones et anglophones de premier plan à savoir finement parler de la lodyans haïtienne dans ce Codicille même. L'ignorance de la lodyans est en train de s'estomper, et une timide reconnaissance commence. Mais on est encore loin de la grande popularité comme on est loin des violentes réactions de rejet d'il y a cinq ans. Cette histoire de lodyans est en marche à nouveau.

Ceci dit, oui, j'ai moi-même cherché à comprendre les fondements théoriques et les procédés de la lodyans. J'en ai fait l'une de mes préoccupations, parmi d'autres préoccupationss évidemment, pendant une dizaine d'années dans les archives et les bibliothèques, de la rue du Centre notamment. Quant au terrain de la lodyans, j'arrivais dans ce champ imprégné, car je suis né dans un environnement de lodyans provinciale, j'ai grandi en côtoyant des lodyanseuses et lodyanseurs de grand talent, je m'y suis essayé très tôt moi-même à l'oral comme à l'écrit, dès douze, treize et quatorze ans... (J'ai au moins deux textes tout en humour publiés à ces âges tendres) et c'est dans la cinquantaine bien sonnée, que j'ai enfin pu prendre à bras le corps cette vieille question personnelle laissée en suspens quarante ans durant, mais toujours présente en filigrane.J'ai alors voulu raconter mon temps et ma génération par la lodyans, ce que je crois avoir fait (Rire Haïtien, 2006) et j'ai dû me forger les outils de théorisation et de méthodologie qui n'existaient pas pour ce faire. Cela fait-il de moi un spécialiste du littéraire ou un critique littéraire ? Cela n'a jamais été mon projet. Je suis tout simplement, à côté d'autres choses, un lodyanseur comme j'aurais pû être musicien ou peintre, si j'en avais les talents. Je sais savoir tirer des lodyans, et comme pour tirer il me fallait des outils, je les ai forgés comme tout bon artisan fabrique les outils qui manquent à son atelier. La postérité jugera donc sur pièce ma contribution, et me mettra dans une case ... c'est leur travail de faire cela, pas le mien.

J'ai donc écrit dans cette décennie, pour les besoins de mon art et pour compenser pour les outils qui manquaient, une dizaine de textes de fond sur la lodyans, et j'ai aussi produit un corpus de lodyans, pour aussi ouvrir la voie à ceux qui s'y engouffreront plus tard, armés qu'ils seront de toute l'armature académique requise. Car, je crois que ces travaux à venir viendront forcément de la profonde et longue recherche universitaire.Disons encore, plus précisément, que cela fait plus de cinquante ans, entre 1950 et 1960, que Pradel Pompilus sortait les premières caractéristiques du genre et Jacques Stéphen Alexis proclamait son statut de romanesque proprement haïtien. Depuis, la lodyans n'a pas été sérieusement revisitée. D'ailleurs, on peut dire que la critique littéraire haïtienne est le seul champ à n'avoir pas produit de ruptures significatives au long des trente studieuses de la sixième génération, 1970-2000, alors que, dans pratiquement tous les autres champs, il y a eu des ruptures conséquentes. Cette stagnation, de ce champ particulier de la critique littéraire, nous amène tout naturellement à la troisième partie de votre question.

G.A : Pourquoi on ne parle même pas du centenaire de la mort de ce lodyanseur de renom? C''est le noyau dur de votre question. Nous devrions effectivement crouler sous toutes sortes de manifestations au souvenir d'un tel passeur et d'un tel passage... Et bien non, pour le moment. Mais cela viendra inéluctablement, un jour.Et vous me demandez pourquoi un tel état de choses, ici et maintenant. Je suggère que vous fassiez une enquête à micro ouvert, puisque vous les connaissez tous, en qualité de directeur de la section culturelle au journal Le Nouvelliste. Allez le leur demander et je parie que vous allez recueillir un florilège peu banal de mots, pour cacher tout simplement un mode de fonctionnement grégaire, de groupes, clans, tribus, réseaux... dont la frayeur suprême de chaque membre adoubé est d'être exclu de la bande pour trop d'écart de pensée, ou pour velléités d'autonomie. Tout le monde a peur de se retrouver seul, et ils ont raison d'avoir peur, car cette société fait figure de meute à la curée permanente des solitaires. Avec cela, vous n'avez pas beaucoup de chances de voir des individus qui osent, des positions minoritaires, des débordements par les marges, etc. Nous ne bougeons que tous ensemble, imperceptiblement. Pour l'innovation, dans ce type de fonctionnement dont le ton se donne dessus galeries et dessous tonnelles, on repassera! Et on attendra! Longtemps.

Pour ma part, j'ai fait ce que j'ai pu pour ne pas laisser le centenaire de la mort de Lhérisson passer «en bas table» : conférence à l'université de Montréal en fac des Lettres, circulation planétaire sur le WEB d'une lettre occasionnelle sur ce centenaire, intervention à la Sorbonne pour le cinquantenaire du 1er Congrès des artistes et écrivains noirs de 1956, prestation à Dakar devant une centaine d'intellectuels du continent rassemblés pour la préparation du troisième festival mondial des arts nègres , un Hebdo dans le Nouvelliste qui a fait mouche ce juillet 2007... Bref, je crois que tout le monde interessé à cette chose sait maintenant que Lhérisson est mort à 34 ans, le vendredi soir du 15 novembre, à la dernière heure du jour.... Et que c'était un grand passeur. Et qu'il existe un Rire haïtien...

L.N : Pourriez-vous nous présenter de manière précise la vie et l'oeuvre de Justin Lhérisson. Peut-on penser avec Lhérisson aujourd'hui ?

G.A : Sur la première partie de votre question, la vie de Justin Lhérisson, je n'ai pas cherché à faire sa biographie, me contentant des grands tournants et des dates marquantes de sa vie. Et de son oeuvre, j'ai surtout mis du temps à prendre connaissance des 2500 numéros du journal Le SOIR, dix mille pages ! J'ai abordé son journal comme le réceptacle aménagé par Lhérisson pour accueillir toute la production littéraire de son temps en feuilleton. LE SOIR est ainsi l'organe dans lequel retrouver la première décennie de la lodyans haïtienne sous la plume de plusieurs écrivains, dont le très puissant Fernand Hibbert, sans doute le plus significatif de tous pour ce genre littéraire, et dont Le Mariage d'Otto, en octobre 1904, ouvre le passage à l'écrit de la lodyans dans les colonnes du SOIR.

Peut-on penser aujourd'hui avec Lhérisson? Sans aucun doute oui, si par cela on entend penser avec la lodyans. Peut-on penser Port-au-Prince aujourd'hui avec Platon ? C'est encore oui, en autant que cela veuille dire penser les internalités de la ville dans lesquelles Platon s'est distingué. En méthode, cela oblige d'aller plus loin que l'étape descriptive, l'empirisme du premier degré et d'atteindre à l'abstration qui est derrière. Oui on peut penser avec la lodyans dont Lhérisson, etc... Oui, on peut penser Port-au-Prince avec Machiavel en autant que l'on travaille avec et sur les externalités.Je vois bien d'où vient votre question, parce que sa formulation traine un peu partout cette année : Peut-on penser l'actuel avec Roumain? La réponse est oui, mais suppose que l'on dise préalablement l'abstraction par delà Roumain que Roumain porte dans son oeuvre, et c'est ce nouveau construit théorique que l'on va ensuite opérationnaliser pour penser l'actuel. À aucun moment, cela ne peut être une simple translation, un report, un placage... sans une médiation conceptuelle. Cela va loin et profond en théorisation comme en méthodologie, loin des lieux communs, des pétitions de principe et autres voye monte bruyants de la meute ! La connaissance de Roumain me semble atteindre justement ce palier d'avant l'abstraction, que l'on attend encore. Franchir cette étape est affaire de longues et sérieuses reproblématisations... qui peut être ont été déjà concoctées dans de patients projets, universitaires notamment... Nous en attendons les révélations, car le bruit actuel sature tellement que l'on a du mal à distinguer les pistes nouvelles et porteuses. Dès que l'on reviendra à un peu de calme, on va savoir par décantation.

Peut-on penser aujourd'hui avec Lhérisson? Je reprends la question, pour dire encore oui, sous condition du travail de reproblématisation qui, dans ce cas, a été fait. Et ce travail est accessible autant dans des oeuvres de création que dans des travaux académiques. Cela veut dire que penser l'actuel avec Lhérisson, c'est penser l'actuel avec la théorie de la lodyans comme genre littéraire qui, comme tous les genres littéraires, colle à son temps et au temps qu'il fait.

L.N : La politique, la paysannerie et la domesticité sont autant de thèmes récurrents dans l'oeuvre de Lhérisson. Est-ce que la manière de voir la politique et la domesticité en Haïti a changé ?
G.A : Absolument oui. Les questions sont les mêmes mais ce sont les réponses qui ont changé. Chaque génération à une réponse différente à la même question de la domesticité, de la paysannerie, de l'agriculture, de la politique. Au XXe siècle en Haïti, on arrive à distinguer clairement trois moments différents qui apportent trois réponses différentes à la même question qui revient à chaque génération. Pour dire vite un exemple, les lodyans de début de siècle se fondaient sur la nécessaire éducation des paysans (Lhérisson dans Zoune); celles du mitan de siècle disaient qu'il fallait se baser à la fois sur les connaissances du paysan et les apports de la science (Sixto dans l'agronome) ; en fin de siècle, la perspective qui va dominer est celle de s'instruire d'abord des savoir-faire du paysan pour penser l'alternative (La sixième génération). Trois générations, trois réponses différentes à la même question en dedans d'un même siècle. Et il en va ainsi de la majorité des thèmes que l'on retrouve dans les lodyans.

J'ai eu l'occasion d'approfondir pendant quelques mois, presque une année tout de même, ce point particulier que soulève votre question. En juin 2005, à Bled en Slovénie, au 71e congrès mondial du PEN international, j'ai présenté le résultat de cette réflexion sur génération et lodyans. Je vais vous retrouver cet article pour votre semaine au Nouvelliste, mais en avertissant que c'était une table ronde de pointe, sur invitation à seulement moins de dix personnes qui situaient leurs travaux aux confins de deux univers, pour moi le géographique et le littéraire. C'est d'exploration de voies inconnues qu'il s'agissait en Slovénie, comme vous verrez dans l'article, forcément très... académique.

L.N : Justin Lhérisson a publié quatre recueils de poèmes : Myrtha (1892), Les chants de l'aurore (1893), Passe-temps 1893 et Boulets rouges.... Pourquoi ne parlez-vous pas beaucoup de sa poésie?
G.A : Je n'ai jamais opiné publiquement sur la poésie, comme le ferait un expert de la chose, ce que je ne suis pas. J'ai choisi depuis longtemps d'être vis-à-vis de la poésie dans la posture du 'LECTEUR; celui qui en lit beaucoup en amateur, sans systématisme, qui à ses préférences et ses références... Le Frère Ernest m'a déjà mis entre les mains deux des recueils de Lhérisson.. C''est d'ailleurs en page de garde de l'un d'eux, Passe-temps je crois, que me vient cet belle photo de Justin Lhérisson, a 19 ans sans doute, en 1893. J'ai fait faire le tour de la toile par courriel à cette photo «inconnue» de lui et je l'ai republié dans le Rire haïtien, et dans La lettre occasionnelle aussi. Et maintenant dans Le Nouvelliste de cette semaine, c'est toujours la même photo de son recueil de poésie de 1893 qui est popularisée..
L.N : Vous dites souvent, où on vous fait dire, que Lhérisson est le plus grand écrivain qu'a connu le XXe siècle, est-ce parce qu'il est venu avec la lodyans ?
G.A : Non, non, je ne me pose pas ce genre de question et je ne sais vraiment pas ce qu'est le plus grand écrivain d'une période, d'autant que chaque époque postérieure va recomposer cette liste d'un point de vue différent. Ce que je sais cependant, c'est que Lhérisson est un grand passeur, sans doute le plus grand passeur du XXe, puisque rien ne se compare vraiment à cet extraordinaire double passage de la lodyans, de l'invisibilité à la mise en lumière (où elle aurait pu rester à l'oralité, genre Sixto plus tard) mais ensuite de l'oralité à l'écriture... Mais, ça ne fait pas de lui le plus grand écrivain pour autant, loin de là. Et c'est une autre question. Je ne crois pas que ce soit en ces termes qu'il faille en parler. Ce qu'a fait Lhérisson déborde largement le strict point de vue littéraire, C'est du social total et global que de prendre une construction collective à jaillir du creuset de la nation et d'en offrir une inscription dans la trame nationale. Personne ne viendra me raconter que ce n'est rien comme romanesque propre à nous, et qu'il se serait encore fait plus, par l'importation de telle ou telle manière venant de tel ou tel autre monde... C'est d'ailleurs ce qu'avait découvert Jacques Stéphen Alexis, la méfiance nécessaire à avoir des attentes des grands centres en vogue qui réclament de nous du pittoresque et de l'exotisme... à vous dénaturer votre art local. Le dernier codicille à son immense testament est aussi cette ferme mise en garde, toujours actuelle, de trop vouloir plaire au Blanc... D'ailleurs, le Codicille est traversé par cette recommandadtion d'Alexis, qui savait lui-même de quoi il parlait, pour s'être frotté au courant du réalisme soviétique... d'où lui venait l'essentiel de son errance théorique, rapidement rectifiée d'ailleurs... au profit de cet art authentiquement local qu'est la lodyans, etc. Il faut là retourner aux trois textes de théories d'Alexis pour juger sur pièces et non sur Zen... ce que tente justement le Codicille.

L.N. Venons-en alors à ce dernier codicille de Jacques Stephen Alexis. Pourquoi avoir écrit ce livre ?

G.A : C'est le coup de tonnerre de Jacques Stéphen Alexis sur la lodyans qui m'a fait lui rendre l'hommage de l'opuscule de cette année 2007, sous le titre «Le dernier codicille de Jacques Stephen Alexis». Je ramasse dans ce travail de quoi introduire n'importe quelle personne de bonne volonté à la lodyans haïtienne, en y montrant un être d'exception dans son cheminement qui l'amène à la conclusion que la lodyans est la tradition narrative authentiquement haïtienne.
Ce que je crois, c'est que ce moment vécu par ce personnage, cette conjoncture donc, est le grand rendez-vous raté de la lodyans avec l'histoire de la littérature mondiale dans ce tournant 1960, car Jacques Stéphen Alexis va mourir et le pays se fermer au monde. Que l'une et l'autre de ces deux conditions aient été autres, la lodyans haïtienne serait depuis longtemps sur la carte du monde avec toute la flamboyance que savait déployer Alexis... d'autant que Jacques Stephen Alexis engrangeait de quoi écrire Ficelle, son compendium de lodyans, sur les gens de Jérémie notamment.. Je crois qu'il allait faire faire un bond mondial à la lodyans.

L.N : Peut-on dire que Alexis est un théoricien de la lodyans? Y en-a -t'il d'autres ?
G.A : Absolument oui, et un très grand, tel que le révèlent toutes les citations et annotations dans le codicille. Les cinq dimensions principales de la lodyans sont déjà en place chez lui, même s'il vous traite de ces choses, dans cette faconde entraînante, mais loin de la systématique attendue.
La mise en place des dimensions principales sera ensuite affaire de principes et manières de faire par de longues observations et de longues procédures... Tout est actuellement bien en place pour la lodyans, la bibliographie dans le Codicille s'en fait le guide, en attendant que de jeunes universitaires, partant de ce point, puissent consacrer les années qu'il faudra pour mettre la lodyans à un autre palier théorique. Je n'ai aucun doute que cela va se passer ainsi, nous sommes quinze millions dans dix communautés dans le monde. Les relèves de la sixième génération sont déjà en place et en partie sur le terrain... cet avenir-là est assuré par le grand nombre que nous sommes.

Aucun commentaire: