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mercredi 11 janvier 2012

Communiqué de Presse des Nations Unies : Il faut reconnaître les progrès accomplis

Port-au-Prince, le 10 janvier 2012 – Malgré des difficultés et des défis structurels nombreux, les signes de progrès et de résultats positifs se multiplient en Haïti alors que le pays commémore le second anniversaire du tremblement de terre dévastateur qui a frappé le pays le 12 janvier 2010. «Ces résultats sont réels et leur impact ne doit pas être sous-estimé» a déclaré Nigel Fisher, Représentant Spécial Adjoint du Secrétaire Général des Nations Unies, Coordonnateur Résident et Coordonnateur de l’action humanitaire en Haïti. «Ils ont été rendus possibles grâce aux efforts de centaines de milliers d’Haïtiens, d’organisations de la société civile, d’institutions gouvernementales, du secteur privé et des nombreux partenaires internationaux du pays».
Entre juillet 2010 et novembre 2011, le nombre de personnes vivant dans les camps a diminué de 65 pour cent, passant à 520 000. Chaque mois, des programmes comme le Projet 16/6, lancé l’an dernier par la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti et par le Président Michel Martelly, permettent à des milliers de familles de trouver des solutions de logement alternatives, souvent permanentes, et de reprendre une vie plus normale. Plus de cinq millions de mètres cube de débris ont été déblayés des rues, soit la moitié des débris générés par le séisme : le rythme de leur enlèvement est plus rapide qu’à Aceh dans les mois suivant le tsunami ou que sur le site du World Trade Centre après le 11 septembre. Davantage d’enfants vont maintenant à l’école qu’avant le tremblement de terre. Les taux d’immunisation des enfants sont significativement plus élevés qu’ils ne l’étaient au milieu de la décennie précédente. Un Plan national de contingence et dix plans départementaux – un pour chaque département du pays – ont été élaborés afin de faire face à d’éventuels désastres naturels.
Sous l’égide du Ministère de la Santé Publique et de la Population, un système national d’alerte au choléra a été mis en place; des campagnes de sensibilisation à grande échelle et un réseau national de centres de traitement ont eu pour résultat une diminution globale du nombre d’infections et du taux de mortalité. Plusieurs programmes appuyés par les Nations Unies ont créé d’indispensables emplois tout en contribuant à la reconstruction d’infrastructures essentielles. Avec l’appui d’experts haïtiens et internationaux détachés par les organisations des Nations Unies auprès des différents ministères et institutions nationales, des plans de relèvement et de développement à long terme sont conçus, adoptés et mis en oeuvre dans des domaines aussi divers que l’agriculture, l’éducation, la santé, le logement et la nutrition.
Ces résultats et plusieurs autres sont détaillés dans le Rapport d’activités des Nations Unies 2011 qui est officiellement rendu public aujourd’hui. «Mais si nous reconnaissons la réalité de ces progrès, ajoute Nigel Fisher, nous ne pouvons pas pour autant ignorer les tâches énormes auxquelles le pays fait face. Des efforts immenses et soutenus restent nécessaires. À court terme, il faut continuer à venir en aide à plus d’un-demi million de personnes déplacées qui vivent toujours dans les camps. Plusieurs défis de long terme doivent être relevés, comme le renforcement de la gouvernance nationale et locale, la consolidation de l’état de droit, la création d’un environnement propice au développement économique, la mise en place de services sociaux accessibles, l’amélioration des systèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement, le soutien au riche réseau d’organisations haïtiennes de la société civile et l’appui pour que les Haïtiens puissent sortir de la pauvreté. Les partenaires internationaux du pays vont devoir investir dans le renforcement des institutions nationales, afin qu’Haïti puisse effectivement être gouverné par les Haïtiens. Cependant, des règles de base doivent être établies pour orienter ces partenariats et pour offrir une base de confiance et de responsabilité mutuelles.»
«La crise qui a suivi le premier tour des élections et l’impasse politique qui a perduré entre mai et octobre de l’année passée ont constitué des obstacles importants qui ont limité la capacité du gouvernement et de ses partenaires d’atteindre plusieurs des objectifs qu’ils s’étaient fixés pour 2011» a conclu M. Fisher. «Avec la mise en place il y a quelques mois d’un nouveau gouvernement, Haïti fait face– une fois de plus – à un moment d’opportunité. La responsabilité première de mettre le pays sur la voie d’un développement durable incombe à ses leaders politiques et économiques, mais ils ne pourront y arriver sans l’accompagnement des partenaires internationaux. Le système des Nations Unies demeure un partenaire engagé et continuera à travailler avec le gouvernement et avec le peuple d’Haïti.»
http://minustah.org/?p=33529

Selon la Fondation Architectes de l'Urgence, la reconstruction en Haïti est au point mort !

Haïti
(11-01-2012)
«Il faut cesser de faire des abris temporaires et construire de vraies maisons pour les Haïtiens», déclare Patrick Coulombel, Président de la Fondation Architectes de l’Urgence. Le 10 janvier 2012, il a tenu conférence sur la reconstruction en Haïti deux ans après le séisme, au Pavillon de l'Arsenal à Paris. Communiqué.
Le 12 janvier 2010, le terrible séisme d’Haïti faisait 200.000 morts, affectait 2 millions de personnes, détruisait 60% des infrastructures administratives et économiques, 80% des écoles. Des dizaines de milliers d’habitations étaient détruites ou sévèrement endommagées ainsi que 50% des hôpitaux.
Deux ans plus tard, l’International Organization for Migration estime à 550.000 le nombre d’haïtiens réfugiés dans des camps qui sont en train de devenir leur nouvelle résidence...
Pourtant, il y a dix-huit mois déjà, Patrick Coulombel, président de la fondation Architectes de l’Urgence, lançait un cri d’alarme devant des signes évidents d’inefficacité des structures internationales. Il rentre tout juste d’un nouveau voyage sur place. Le bilan est effroyable.
«C’est bien simple, deux ans après le séisme, il n’y a presque pas de construction d’habitat permanent, c’est inacceptable ! Le gouvernement haïtien et UN Habitat sont pourtant bien dans la logique de stopper les abris temporaires et de construire durable, mais seuls les programmes de renforcement de maisons sont actuellement financés et encore, difficilement, alors qu’il est nécessaire de construire en masse», assure Patrick Coulombel.
«De notre côté , tout ce que nous, FAU, avons pu entreprendre en 'Urbanisation d’urgence' a permis de faire du renforcement dans les quartiers informels en introduisant sans concession les règles de réduction des risques. Mais nous avons les pires difficultés à obtenir les financements pour ces programmes», ajoute-t-il.

Pour quelles raisons ?
Patrick Coulombel : La stratégie adoptée n’est pas la bonne. On est en train de pérenniser une situation précaire et de réintroduire du bidonville au lieu de favoriser la construction permanente. Je m’oppose fortement à ce type d’intervention, ce n’est pas une bonne solution car il est possible de construire des maisons pérennes, ce n’est qu’une question de volonté.
Je rappelle que ces fameux 'abris' sont en réalité des 'cabanes' d’une vingtaine de mètres carrés. Ils sont majoritairement faits en ossature bois habillés de contreplaqué et d’une couverture en tôles ondulées. Ils n’ont pas vocation à durer ; d’autant moins que les Haïtiens vivaient déjà auparavant dans des maisons de mauvaise qualité, certes, mais en maçonnerie, en dur. Il est anormal que deux ans après le séisme, on en soit encore à proposer des abris.
Il y a un an, les responsables des Nations Unies en Haïti nous expliquaient qu’il fallait attendre l’élection du prochain Président haïtien et la mise en place de son gouvernement pour avoir un acteur légitime du coté de l’Etat avant de débuter la reconstruction.
Force est de constater que, malgré la légitimité du gouvernement actuel et les positions claires prises par le Président de la République haïtienne, l’avis des autorités n’est pas - ou très peu - pris en compte dans le processus de reconstruction.
Certains acteurs évoquent le problème du foncier. C’est un problème qui ne justifie pas l’inaction. Il peut se régler. De plus, ce problème est le même, qu’il s’agisse d’abris ou de logements permanents.

Au plan financier, je dois préciser que le coût d’un abri d’une vingtaine de mètres carré est de 3.360 euros en moyenne (soit 4.386$), selon les chiffres de l’Interim Haïti Recovery Commission basés sur les 114.000 abris déjà réalisés. Le prix d’une maison en maçonnerie avec des renforts parasismiques est d’environ 4.000 euros pour une surface équivalente, soit 20% de plus. Hors, cette maison a des possibilités d’extension, ce qui ne peut être le cas d’un abri.
Enfin - et c’est très grave - l’importation d’abris à monter sur place en Haïti est commercialement intéressant pour les vendeurs, mais cela n’aide pas Haïti à créer du savoir-faire constructif. Cela ne favorise pas non plus la mise en place de filières économiques de matériaux de construction. La grande majorité des fonds est dépensée ailleurs qu’en Haïti, c’est un scandale !

Quel est le bilan de la FAU (détails des réalisations et de la manière, des financements etc.) depuis 2010 ?
Voilà ce que nous avons pu faire avec des moyens très modestes :
* 3.360 maisons évaluées dans le cadre de diagnostics détaillés en vue de leur réparation ;
* 1 mur d'enceinte de l’hôpital psychiatrique reconstruit ;
* 10 quartiers diagnostiqués, soit 10.800 maisons et autant de familles visitées dans le cadre des projets d’urbanisme d’urgence ;
* 15 bâtiments communautaires réhabilités ;
* 1.378 familles relogées ;
* 10 dispensaires de santé réhabilités, soit 574.500 personnes ayant à nouveau accès à des soins dans des conditions sures et adaptées ;
* 520 maçons et charpentiers et 7 ingénieurs formés sur nos chantiers.

En cours et à venir :
* 2 centres de santé en cours de réhabilitation ;
* 1 école et 1 orphelinat en cours de construction ;
* 2 programmes d’urbanisme d’urgence en cours avec diagnostics de 4 quartiers ;
* 620 logements seront réparés dans le même process que sur 2010 et 2011 ;
* Réalisation d’un prototype pour réalisations à venir de constructions neuves.

L’argent vous a manqué - et vous manque toujours - et pourtant il y a de l’argent...
Effectivement, c’est peut-être un peu comme la richesse dans le monde, la répartition est très inégale dans le monde humanitaire aussi. J’avoue que je comprends mal que des fonds importants, en partie dédiés à la reconstruction, soient attribués à des non-spécialistes de la construction.
On imaginerait très mal de voir des architectes soigner des gens, les opérer... Par contre, personne n’est gêné que des agences généralistes de l’humanitaire fasse de la construction ici en Haïti.
Qu’a fait la Fondation de France avec l’argent des Français, puisque c’est la FDF qui a obtenu la majorité des fonds grâce, notamment, à une forte campagne menée par les médias du service public ?
Nous n’avons reçu aucun financement de la Fondation de France. Les programmes de réhabilitation ou de reconstruction de logements, d’écoles ou d’hôpitaux que la Fondation Architectes de l’urgence a proposé à la FDF (même en cofinancement) ont été refusés.

Le nouveau président haïtien estime qu’on a trop pratiqué l’assistance nourriture et soins en Haïti et pas assez travaillé à la reconstruction. Que pensez-vous de cette réflexion ?
Je suis incontestablement d’accord avec lui sur le fait que l’on n’a pas assez travaillé pour la reconstruction dans ce pays.
L’état haïtien n’a-t-il pas sa part de responsabilités dans cette répartition ?
Non, je ne pense pas. C’est l’argent qui décide, plus exactement ceux qui payent ; l’état haïtien ne contrôle pas grand-chose là-dessus.

Comment voyez-vous l’avenir d’Haïti ?
Je vois mal comment l’argent dépensé dans les abris va pouvoir refaire surface dans la construction permanente ; l’erreur de stratégie est majeure.
Le bouleversement malheureux qu’a provoqué le séisme aurait du permettre d’impulser une vraie reconstruction massive tellement nécessaire à ce pays.
Combien de temps la FAU interviendra t-elle sur place ?
LA FAU y est jusque fin 2012, mais ce sera probablement beaucoup plus long pour les Haïtiens.
Pour en savoir plus : http://www.archi-urgent.com/
http://www.lecourrierdelarchitecte.com/article_2689

Haïti, la reconstruction inachevée

Deux ans après le séisme, l'île est toujours sous perfusion humanitaire.
Il y a deux ans, le 12 janvier 2010, un séisme dévastateur ravageait Port-au-Prince, la capitale d’Haïti, et ses environs. On se souvient des images relayées par les médias et les réseaux sociaux à travers le monde. Il n’est nullement besoin de revenir sur les destructions et les souffrances accumulées. Sinistres souvenirs.
Présentée par certains comme une opportunité «pour reconstruire Haïti en mieux», la tragédie a fonctionné comme un miroir de la pauvreté préexistante dans un pays déjà à terre avant même le séisme, livré au clientélisme, sans système éducatif réel, sans accès aux soins pour le plus grand nombre, les plus pauvres, qui vivaient déjà avec moins d’1 ou 2 dollars par jour et par personne; un pays déjà dépendant de l’assistance internationale.
La mobilisation mondiale pour venir au secours des victimes de la catastrophe du 12 janvier 2010 aura été rapide et exceptionnelle. Les donateurs individuels en particulier — mais aussi les bailleurs publics au premier rang desquels les Etats-Unis voisins — ont ainsi soutenu le déploiement de moyens sans précédent par les secouristes internationaux pour aider les rescapés. Cela a permis, ces deux dernières années, d’assurer la survie des sinistrés, démunis de tout, sans abris ou vivant dans des camps de fortune, sans travail, sans ressources, sans accès aux services les plus essentiels.
A Port-au-Prince, mais aussi dans d’autres zones plus rurales du pays, des programmes d’assistance essentiels ont été développés et se poursuivent encore aujourd’hui, compensant, faute de mieux, l’absence d’état fort et organisé, dans l’attente hypothétique de la mise en œuvre des programmes de reconstruction promis.
Car en Haïti les solutions temporaires, prises pour faire face à l’urgence de la situation et aux nouvelles urgences qui se succèdent, deviennent malheureusement durables… Voire définitives.
C’est là tout le dilemme. Les Haïtiens l’ont eux bien compris et ne se font aucune illusion. «La reconstruction n’avance pas assez», nous répètent-ils. Ils savent mieux que d’autres qu’il n’appartient pas à des ONG de reconstruire leur pays. Sans plan international digne de ce nom, rien ne sera possible. Mais déjà l’attention de certains des bailleurs étatiques se détourne d’Haïti.
Comme le constatent nos équipes chaque jour, les Haïtiens sont décidés à reprendre leur destin en main. Dans les quartiers de Port-au-Prince, mais aussi dans les zones rurales de Petit-Goâve ou de Grande-Anse, débordant d’énergie et de détermination, ils font preuve d’un courage remarquable pour contourner les difficultés du quotidien, et pour tenter de se construire un autre avenir. Peu importe l’immensité de la tâche et la précarité des conditions de vie. Deux ans après le séisme, il nous appartient de leur rendre hommage.

haiti
Certes la dépendance à l’aide humanitaire s’est encore accrue suite au séisme. Le reconnaître, c’est, d’une certaine façon, assumer de redonner aux Haïtiens le pouvoir de décision et d’action, et de refuser, autant que cela est possible, de se substituer à eux, à l’état haïtien, qui se reconstruit peu à peu. C’est aussi, pour les acteurs étrangers de l’aide, accepter de s’effacer progressivement.
Même si cela prend du temps, ne soyons pas naïfs; il nous faudra accompagner leurs efforts sur la durée. Mais c’est ce que l’on peut souhaiter de mieux pour l’avenir d’Haïti et des Haïtiens, en reconnaissant toutes les limites de l’aide humanitaire étrangère, perfusion nécessaire mais qui devrait rester temporaire.
Médecins du Monde n’envisage pas son action, aussi modeste soit-elle, autrement, poursuivant ses actions en Haïti en coopération constante avec les autorités de santé nationales et locales.
Pierre Salignon , directeur général de Médecins du Monde
Dessins Rémi Courgeon pour Médecins du Monde. DR
» Retrouvez également le mini-site Haïti 2 ans après créé par Médecins du Monde
http://www.slate.fr/tribune/48499/haiti-reconstruction-inachevee

Haïti: deux ans après le séisme, des sinistrés n'ont plus aucun espoir

PORT-AU-PRINCE (AFP) - Deux ans après le séisme qui a tué au moins 200.000 personnes en Haïti, des milliers de sinistrés s'entassent toujours dans des campements de fortune, sans plus aucun espoir de retrouver un jour une vie normale.

La photographie de Port-au-Prince n'a pas beaucoup changé depuis la terrible secousse de magnitude 7 qui a ravagé la capitale d'Haïti et plusieurs villes du pays le 12 janvier 2010, poussant à la rue plus d'un million de personnes.
Quelques places publiques ont été évacuées dans le cadre d'un programme gouvernemental de retour aux quartiers d'origine qui doit s'accélérer en 2012. Le Premier ministre Garry Conille a annoncé la construction au cours de l'année de plus de 3.000 logements pour accueillir les déplacés.
Les statistiques de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) révèlent que de nombreux déplacés ont quitté les camps, mais des centaines de milliers d'autres y vivent encore, comme au parc de jeu Sainte-Thérèse de Pétion-ville, (banlieue est), où s'agglutinent plus de 2.500 personnes dans des conditions inhumaines.
"Je suis arrivée ici à 6H00 du soir, quelques instants après le séisme, avec mes enfants, ma fille de quelques mois dans les bras et rien de plus. J'avais tout laissé sous les décombres", se souvient Valérie Loiseau, 28 ans.
Assise sur un muret à l'entrée du terrain où sont érigées plusieurs dizaines de tentes faites de bâches délavées, de bouts de tôles, Valérie, sa fille Kélida, 3 ans, entre les jambes, jette un regard indifférent à la circulation des véhicules qui passent et repassent sur l'avenue adjacente. Elle voit passer les jours sans que rien change dans sa vie.
"Je n'ai aucun espoir de changement, mais tant qu'il y a du sel et de l'eau...", dit Valérie avant de se raviser: "Mon espoir, c'est Dieu. Pas les dirigeants du pays", ajoute-t-elle, résignée.
Le sentiment est largement répandu dans le camp où les déplacés se considèrent comme des oubliés, malgré l'arrivée au pouvoir l'an dernier d'un nouveau président, Michel Martelly.
Dans le parc, des gamins tapent dans un vieux ballon, d'autres, plus petits, pieds nus et à moitié vêtus, courent dans les rigoles crasseuses où se déversent entre les masures eaux usées et déchets de toute sorte.
Le dos voûté sur sa vieille machine à coudre blanche il pédale à longueur de journée, Alfred Louis Edès, alias Boss Dès, s'accroche à la vie. Il a toujours le sourire édenté et continue d'offrir ses services de seul tailleur du parc où il vit sans savoir quand il en sortira.
"Sortir? Ce n'est pas ça mon problème", répond-il sèchement assurant qu'il se tire d'affaire grâce à cette machine à coudre d'un autre temps.
"Avec mon métier j'ai élevé mes enfants, ils sont en terminale et peuvent se débrouiller seuls", assure fièrement Boss Dès, qui s'active à trouver de l'aide auprès des ONG pour les gens de son âge, les plus de 60 ans.
Non loin, des occupants du parc croupissent derrière les clôtures de murs qui ne laissent pas soupçonner l'existence de cette petite communauté au coeur de Pétion-ville.
"C'est peut-être pour cela que nous sommes oubliés, nous ne sommes pas exposés comme les autres. Personne ne vient nous voir, mais nous survivons", dit le tailleur, qui a trouvé auprès de l'ONG Helpage une assistance et des soins de santé pour les sexagénaires du camp.
http://www.liberation.fr/depeches/01012382463-haiti-deux-ans-apres-le-seisme-des-sinistres-n-ont-plus-aucun-espoir

MSF a débloqué 45 millions en 2011 pour lutter contre le choléra en Haïti

Mardi 10 janvier 2012 à 16h21
(Belga) Médecins Sans Frontières a consacré en 2011 45 millions de dollars (35 millions d'euros) à la lutte contre le choléra en Haïti, a indiqué mardi Christof Godderis de MSF Belgique.
MSF a débloqué 45 millions en 2011 pour lutter contre le choléra en Haïti
Une épidémie de choléra a éclaté en octobre 2010 dans le pays déjà touché le 12 janvier par un violent tremblement de terre.
Plus de 500.000 Haïtiens ont entre-temps été contaminés et plus de 7.000 personnes ont succombé à l'infection.
De nouveaux cas sont recensés quotidiennement. A côté de la lutte contre le choléra, l'organisation humanitaire a aussi financé des projets comme la construction de deux hôpitaux, poursuit Christof Godderis. Deux ans après la catastrophe, un demi-million de personnes vit encore dans des camps, selon l'Organisation internationale pour les Migrations. Mais, l'amélioration est sensible car 1,5 millions de personnes y vivaient encore au mois de juillet.
Un tournant a été franchi selon plusieurs organisations humanitaires: en effet, là où jusqu'à présent on parlait d'aide humanitaire, l'énergie semble pouvoir se concentrer de plus en plus sur la reconstruction du pays.
Le point essentiel de l'aide internationale concerne l'amélioration des conditions hygiéniques, la construction de maisons, d'hôpitaux, d'écoles et de centres de formation.
Le séisme du 12 janvier 2010 a coûté la vie à 200.000 ou 250.000 personnes selon les autorités haïtiennes. Une grande partie des infrastructures vitales du pays ont en outre été détruites.
Près de 300.000 personnes ont également été blessées. (JAV)
http://www.levif.be/info/belga-generique/msf-a-debloque-45-millions-en-2011-pour-lutter-contre-le-cholera-en-haiti/article-4000028607844.htm#

L'UE lance un nouveau programme de réhabilitation et de reconstruction en Haïti

2012-01-11 02:52:07 xinhua L'Union européenne (UE) doit lancer mardi à Port-au-Prince, capitale d'Haïti, un nouveau programme portant sur la réhabilitation et la reconstruction de logements sûrs, dont bénéficieront plus de 60.000 personnes déplacées dans ce pays ravagé il y a deux ans par un séisme, a annoncé la Commission européenne dans un communiqué.
Ce programme d'un montant de 23 millions d'euros est lancé à la veille du deuxième anniversaire du tremblement de terre de magnitude 7,0 sur l'échelle de Richter qui a frappé Haïti le 12 janvier 2010, faisant plus de 220.000 victimes et touchant par ailleurs 3 millions de personnes, a indiqué la Commission européenne.
Un demi-million d'Haïtiens vivent toujours dans des camps et l'épidémie de choléra continue de sévir deux après la catastrophe, rappelle l'exécutif de l'UE.
Faisant partie des mesures prises par la Commission européenne pour aider le pays à se relever après la catastrophe, le programme sera mis en oeuvre en collaboration avec les communautés locales, les municipalités et le ministère haïtien des travaux publics, selon le communiqué.
A l'heure actuelle, la Commission européenne axe son soutien sur l'établissement de liens solides entre l'aide d'urgence, la réhabilitation et le développement, en particulier en veillant au bon fonctionnement de l'Etat, en améliorant les services éducatifs et de santé ainsi que la sécurité civile, en reconstruisant routes, abris et autres infrastructures essentielles et en cherchant à dynamiser l'économie locale, précise le même communiqué.
En tant que premier donateur d'aide à Haïti, l'UE s'est engagée à verser 1,2 milliard d'euros pour aider le gouvernement haïtien dans tous les domaines à court et à long terme. A elle seule, la Commission a promis une aide de 522 millions d'euros dont plus de 358 ont fait l'objet d'engagements, rappelle ledit communiqué.
Les Etats membres de l'UE ont promis une aide d'urgence d'un montant total de 201 millions d'euros; la Commission européenne a, quant à elle, accordé une aide humanitaire de 158,5 millions d' euros en 2010 et 2011. En 2012, la Commission a réservé 15,25 millions d'euros en faveur d'une aide humanitaire à Haïti, selon le même texte.
http://french.cri.cn/621/2012/01/11/442s266997.htm

Des organisations internationales appellent à ne pas oublier Haïti frappé par le séisme

Des organisations internationales ont appelé mardi la communauté internationale à ne pas oublier Haïti, rappelant que le pays était avant le tremblement de terre de 2010 l'un des pays le plus pauvres de la planète. Lors d'une conférence de presse à Genève, la porte-parole du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) , Elisabeth Byrs, a souligné que les bailleurs de fonds ne se détourneraient pas Haïti.
Elle a rappelé mardi que l'appel de fonds humanitaire pour le pays en 2012 s'élève à 231 millions de dollars, qui sont nécessaires pour continuer les programmes humanitaires, notamment le combat contre le choléra.
Mme Byrs a indiqué qu'à ce jour l'épidémie de choléra a fait environ 7.000 victimes depuis octobre 2010 notant que le taux de mortalité dû à la maladie a par ailleurs chuté à 1,3%.
Xavier Genot, responsable de la Fédération internationale des sociétés de la croix rouge et du croissant rouge (FICR) a indiqué que le nombre de personnes déplacées qui se réfugent dans des camps à Port-au-Prince s'élèvent à 520.000, soit une baisse de plus de 60% par rapport à celui peu après le séisme, ajoutant que leur situation est toujours une préoccupation.
La porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM) Gaëlle Sevenier a souligné que l'agence fournirait 1,5 million de repas dans les écoles primaires ainsi que dans les centres de lutte contre la malnutrition, ajoutant que le programme Argent contre travail organisé par des organisations internationales ont créé 200.000 emplois qui peuvent alimenter un million d'Haïtiens.
Rappelant les conclusions de son rapport publié lundi, la porte- parole du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), Marixie Mercado, a insisté sur les progrès effectués cette année concernant le taux de scolarisation des enfants.
Selon le rapport, l'UNICEF a aidé plus de 750.000 enfants à retourner à l'école et plus de 80.000 d'entre eux sont désormais scolarisés dans 193 écoles résistantes aux séismes et construites par l'agence. Plus de 120.000 enfants bénéficient de 520 espaces " amis des enfants".
Un tremblement de terre dévastateur a eu lieu le 12 janvier 2010 en Haïti, faisant plus de 220.000 morts et 1,5 million de sans-abri.
http://french.cri.cn/621/2012/01/11/442s266998.htm

Haïti, deux ans après - René Depestre : "Faut-il ONGiser Haïti ?"

Le Point.fr - Publié le 10/01/2012 à 23:03
Deux ans après la catastrophe qui a frappé Haïti, l'écrivain nous livre ses espoirs pour son île.
Depuis les Corbières où il réside, loin d'Haïti qui l'a vu naître, mais sans jamais s'être senti exilé, l'écrivain René Depestre, 86 ans, bon pied, bon oeil, partage sa vie entre l'action politique et la littérature. Dès l'âge de 19 ans, il publie son premier recueil, Étincelles, en Haïti - son oeuvre poétique complète est réunie aux éditions Seghers - et en 1988 le romancier solaire, né avec Le mât de cocagne, se voit récompensé par le prix Renaudot pour Hadriana dans tous mes rêves. Tout en travaillant à sa table jour après jour, afin d'ordonner le chaos de sa vie dans ses mémoires (quel pays ce compagnon de la révolution n'a-t-il pas traversé ?), le "poète atteint par le vieil âge d'homme", comme il se décrit, suit avec une vigilance incessante le devenir de son pays, fracassé par le séisme du 12 janvier 2010, espérant de l'intelligentsia haïtienne l'engagement politique qui redonnerait espoir à la jeunesse haïtienne. René Depestre nous adresse ce texte.
Le 12 janvier 2010, un séisme de magnitude 7,3 sur l'échelle de Richter devait porter à la connaissance de la planète l'ampleur des tragédies d'Haïti. La violence de la géologie rejoignait la vieille terreur de l'histoire des Haïtiens.
Un élan de solidarité sans précédent fit alors croire que les Nations unies et les ONG allaient saisir l'occasion du chaos haïtien pour faire triompher des conceptions vraiment originales de la coopération internationale.
Deux ans après, on doit rabattre de cette espérance. Un tremblement de l'histoire s'est même ajouté au tremblement de terre, avec l'arrivée des masques de Mardi gras aux commandes des affaires haïtiennes.
Les événements post-sismiques montrent que le personnel politique d'un pays aux abois et les instances internationales ne sont guère en condition de faire quelque chose de neuf à partir du néant du tiers de l'île. Les réponses à la catastrophe sont dénuées de tout souci audacieux d'invention en matière de refondation de A à Z d'une société doublement sinistrée.
On n'a pas jusqu'ici dépassé les normes de l'engagement militaro-humanitaire caractéristique des opérations timorées des experts des Nations unies.
Pourtant, dès 2010, l'importance de l'aide financière établie à New York, l'afflux considérable des ONG sur le terrain, avaient créé les conditions favorables à une prise à bras-le-corps du destin même de "la République d'Haïti".
Hélas ! Les élections législatives et présidentielle n'ont pas engagé le peuple haïtien dans la voie d'une telle percée de la démocratie.
Aucun effort préalable de pédagogie civique n'a précédé les tours de scrutin dans une société qui a toujours végété très loin des valeurs de l'État de droit et de la civilité républicaine.
À défaut de cette préparation démocratique des esprits et des sensibilités, le corps électoral, profondément désemparé, a été livré à la merci du populisme de proie qui est propre à la tradition carnavalesque dans les moeurs politiques d'Haïti.
La présence pléthorique des ONG censées être une garantie de démocratie et de progrès n'aura pas permis d'éviter la grossière carnavalisation du processus électoral en faveur du général de carnaval Sweet Micky. C'est même le paradoxe principal que soulève l'état chaotique des lieux en Haïti.
Un pays rebelle par tradition décoloniale à toute atteinte à sa "souveraineté" se trouve aujourd'hui sous la dépendance totale d'un réseau d'associations souvent concurrentes.
À défaut d'un pouvoir "national", capable de coordonner leurs initiatives de reconstruction, les ONG ont placé Haïti sous leur tutelle disparate et brouillonne, sans qu'on puisse pour autant tenir leur mission désordonnée pour une opération "impériale" ou "néocoloniale".
Les choses de la vie en société, étant ce qu'elles sont en Haïti, même dans la pagaille du droit international, les Haïtiens doivent plus que jamais compter sur le savoir-faire et le dévouement de l'ONU et des ONG pour remplir le vide que le séisme a creusé dans la société civile.
Il n'est donc pas possible, loyalement parlant, de tenir les ONG, et l'ensemble des organismes mandatés par les Nations unies, pour des forces ennemies d'occupation.
Elles doivent leur hégémonie au fait que "les interlocuteurs haïtiens valables" ne sont pas en mesure d'avancer une vision synoptique et intégrée de ce qu'il convient de faire pour refonder à la fois les infrastructures, les mentalités, les idiosyncrasies, les imaginaires, l'ensemble des coefficients du civisme et de la démocratie.
L'ONU et les ONG tomberaient sous l'inculpation de non-assistance à peuple en danger si, cédant à la pression des saboteurs de leur soutien humanitaire, elles abandonnaient les Haïtiens aux vieux démons de l'autodestruction.
Que faire, face à de si redoutables paradoxes ? Commencer par comprendre que l'équipée militaro-humanitaire, malgré les risques d'ONGénisation des travaux et des jours haïtiens qu'elle fait courir, demeure un atout civilisationnel majeur, quant à l'effort héroïque à faire pour sauver Haïti.
L'aventure historique des Haïtiens a toujours manqué de tout, sauf de la force d'imagination en matière de peinture, de danse, de musique et de littérature. Ces armes miraculeuses de la culture font également partie du patrimoine des Nations unies et des ONG. C'est à l'intelligentsia haïtienne du dedans et de la diaspora d'assurer coûte que coûte leur conjonction dans l'ordre de marche qu'il faut mettre à la portée du peuple haïtien.
Lézignan-Corbières, 9 janvier 2012.
http://www.lepoint.fr/culture/rene-depestre-faut-il-ongiser-haiti-10-01-2012-1417547_3.php

Deux ans après, refonder Haïti

Point de vue, LEMONDE
11.01.12
Le tremblement de terre de janvier 2010, qui a détruit une partie de Port-au-Prince et de plusieurs villes voisines, a fait, en quelques dizaines de secondes, plus de 200 000 victimes, un nombre incalculable de blessés et plus d'un million de sans-abri.
Une tragédie de plus pour un pays qui, depuis la chute des Duvalier, en 1986, après vingt-neuf années d'une dictature brutale, connaît une instabilité politique majeure en partie responsable d'une crise sociale et économique importante, du délitement de l'Etat et d'une accélération de la migration vers d'autres pays de la région.
Au moment où, malgré de nombreux retards, les infrastructures et les logements commencent à se reconstruire, force est de constater que ce séisme a mis en évidence trois données fondamentales : les inégalités de la société haïtienne, la situation de tutelle dans laquelle est le pays vis-à-vis des institutions de l'aide internationale et la complexité des liens que le pays entretient avec son importante diaspora.
L'expérience partagée d'une tragédie qui dépasse l'imagination a changé la société haïtienne. La violence du traumatisme individuel ou collectif et les formes de solidarité qui se sont ensuivies ont favorisé la remise en cause de la hiérarchie traditionnelle des liens sociaux. Le séisme a rebattu les cartes en obligeant à repenser les règles du "vivre ensemble". Pour beaucoup, reconstruction rime avant tout avec refondation.
A ce titre, la question de l'Etat est devenue centrale. De bas en haut de l'échelle sociale existe une forte demande d'un Etat capable de répondre aux besoins essentiels de la population. Sa refondation sur des principes d'impartialité et de décentralisation est perçue comme indispensable.
De même, dans les débats au sein de la société civile, la question sociale apparaît souvent plus fondamentale que la reconstruction des bâtiments publics. Ce qui est facile à comprendre quand on sait que deux tiers de la population haïtienne vit sous le seuil de pauvreté. C'est ce qu'a bien perçu le nouveau président, Michel Martelly, lorsqu'il a déclaré la semaine dernière que le palais présidentiel serait reconstruit, mais que "la priorité, c'est la population et les sinistrés qui vivent dans les camps". Un message qui reflète bien la réalité haïtienne au moment où les enjeux ont pour noms réinsertion des victimes du séisme, insécurité alimentaire, accès à l'eau potable et santé (plus de 500 000 personnes ont été infectées par l'épidémie de choléra - qui a fait plus de 7 000 morts). Un message qui devrait être entendu par l'aide internationale au moment où un grand nombre d'organisations humanitaires sont en train de quitter le pays.
Or, pour une majorité des institutions de l'aide internationale actives en Haïti, la reconstruction semble se résumer à un slogan : "Building back better" ("reconstruire en mieux"), lancé par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, et à une structure, la Commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti (CIRH), coprésidée par Bill Clinton et l'ex-premier ministre haïtien Jean-Max Bellerive, et qui s'est vu attribuer des prérogatives qui sont du ressort de l'Etat national pour gérer les fonds de la reconstruction. Empêtrée dans ses jeux d'influence, la rigidité de ses règles bureaucratiques et son absence de vision à long terme, l'aide internationale a du mal à concevoir son rôle en dehors d'une assistance humanitaire et de la reconstruction physique des bâtiments. Elle n'a pas conscience que ses pratiques sont l'un des obstacles à la refondation de l'Etat.
Il est enfin frappant de voir combien la diaspora qui contribue par ses envois réguliers d'argent à l'économie nationale est maintenue à l'écart de la reconstruction. En Haïti, le mot diaspora est chargé de stéréotypes négatifs. Les émigrés haïtiens sont parfois perçus négativement par ceux qui sont restés au pays. Ils représentent pourtant des potentialités considérables, qui ne sont ni utilisées par les autorités locales ni favorisées par l'aide internationale lorsqu'elle recrute du personnel d'assistance technique. Dans l'intérêt du pays, la reconstruction devrait conduire à une "réconciliation" entre le pays et ses communautés émigrées.
Finalement, la réussite du processus de reconstruction en cours repose sur la capacité des Haïtiens à formuler et à mettre en oeuvre un nouveau contrat social. Il est clair qu'ils ont pour cela besoin de croire en eux-mêmes et en l'avenir de leur pays. Mais il faut également que se créent de nouveaux types de liens avec une communauté internationale qui a trop souvent d'Haïti l'image d'un pays "maudit", violent, instable, incapable de s'en sortir et destiné pour longtemps à être dépendant de l'aide internationale. Il est enfin nécessaire que le réservoir de compétences que représentent les Haïtiens vivant à l'étranger puisse trouver sa place dans l'élaboration d'un nouveau projet national. C'est à ces conditions qu'Haïti pourrait se réapproprier une souveraineté et des capacités de développement qu'il a en partie perdues.
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/01/11/deux-ans-apres-refonder-haiti_1628305_3232.html

Deux ans après le séisme, tout reste à faire en Haïti

Près de 500'000 Haïtiens vivent toujours sous tente deux ans après le tremblement de terre meurtrier du 12 janvier 2010.

Légende: Près de 500'000 Haïtiens vivent toujours sous tente deux ans après le tremblement de terre meurtrier du 12 janvier 2010. (Keystone)
Processus politique paralysant, manque de leadership de la communauté internationale, épidémie de choléra aggravante: deux ans après le tremblement de terre qui a dévasté Haïti, le pays le plus pauvre de l’hémisphère nord peine toujours à relever la tête.
Estimés à 1,5 million au lendemain du séisme du 12 janvier 2010, qui avait fait près de 250'000 victimes, les déplacés sont encore un demi-million deux ans plus tard.
L’ONU tire pourtant un bilan positif des efforts réalisés par la communauté internationale. Selon un état des lieux dressé fin novembre 2011, près de cent mille abris temporaires ont été construits et 21'000 maisons réparées ou reconstruites. «Nous pouvons dire que la réponse humanitaire a été un succès», s’est félicité Nigel Fisher, le coordinateur humanitaire de l’ONU.
En Haïti comme au sein de la diaspora, cette vision optimiste est très loin d’être partagée. «On ne peut pas dire qu’il se soit passé grand-chose ces deux dernières années, soutient Charles Ridoré, sociologue haïtien établi en Suisse.
L’ONU est à la fois juge et partie. On l’a bien vu dans le cas de l’épidémie de choléra. Il a fallu une expertise externe pour qu’elle reconnaisse sa responsabilité dans l’importation de cette maladie sur l’île.»
«La situation humanitaire n’est pas bonne, commente Gérard Bedock, chef de mission de la section suisse de Médecins sans frontières (MSF) en Haïti. Il est erroné de parler de succès. On en est encore à déblayer les gravats, près de la moitié des déplacés vit toujours sous tente et l’épidémie de choléra fait rage depuis plus d’une année.»

Blocages politiques
Le manque de leadership, à la fois de la communauté internationale et du gouvernement haïtien, n'a pas permis de mettre en place un plan global de reconstruction. Intronisé le 14 mai 2011, le nouveau président Michel Martelly a passé les six premiers mois de son mandat à se battre pour trouver une majorité parlementaire et faire passer son gouvernement. Et ce dernier n’a pas encore annoncé la liste de ses projets prioritaires.
«C’est le signe que nous patinons, commente Frantz Duval, rédacteur en chef du Nouvelliste, le quotidien de référence du pays. Mais c’est aussi le prix de l’improvisation, car Monsieur Martelly n’était pas un homme politique. Le processus est compliqué. La bonne chose, c’est que ça se passe sans violence et recours aux armes.»
Chaotique et non coordonnée, la reconstruction est amorcée par les ONG et les coopérations bilatérales, mais surtout par les particuliers. Comme sur l’immense plaine de Canaan, au nord de Port-au-Prince, où des dizaines de milliers de bâtisses plus ou moins solides surgissent de terre dans un processus de bidonvilisation irrémédiable.
Charles Ridoré réitère un constat déjà martelé il y a plus d’une année: «Il aurait fallu faire l’impasse sur les processus électoraux et mettre sur pied un gouvernement d’union nationale. On a perdu beaucoup trop de temps.»
Frantz Duval voit toutefois quelques signaux prometteurs dans l’action du nouveau président. Comme la volonté de poursuivre l’action de son prédécesseur René Préval pour attirer des investisseurs étrangers.

Le choléra meurtrier
Charles Ridoré est plus critique à l’égard de ce qu’il appelle «une forme de collusion entre hommes politiques haïtiens, décideurs internationaux et sociétés multinationales». Certaines personnes se seraient enrichies suite au tremblement de terre, tandis que le sort de la population ne s’est pas amélioré, soutient le sociologue, qui s’inquiète également du projet de rétablissement de l’armée formulé par Michel Martelly.
Une population «découragée et désenchantée», qui passe d’une calamité à l’autre sans avoir le temps de souffler, dixit Charles Ridoré. Apparue en novembre 2010, l’épidémie de choléra a déjà fait près de 7000 victimes et contaminé un demi-million de personnes.
«Malgré tous les acteurs présents sur place et tout l’argent à disposition, la réponse a été nettement insuffisante et totalement désorganisée», constate Gérard Bedock. Avec son artillerie médicale, MSF a pu prendre en charge près d’un tiers des cas. «Nous sommes en première ligne face à l’une des plus graves épidémies des temps modernes. Nous tentons de répondre dans la mesure du possible, mais le combat est inégal», affirme-t-il.
La fin de la saison des pluies devrait marquer un répit dans la progression de la maladie. «Mais qu’adviendra-t-il dans six mois, lorsque l’épidémie fera son retour?», questionne Gérard Bedock. Car aujourd’hui déjà, certaines ONG médicales quittent le territoire haïtien faute de financement ou sont contraintes de renoncer à l’aide d’urgence pour se consacrer à leurs missions de base. Dans un pays où le système de santé repose presque uniquement sur les grandes organisations non gouvernementales, principalement Médecins sans frontières, cette hémorragie fait craindre le pire.

Ambigüité de l’aide étrangère
«C’est tout le paradoxe de l’aide: il n’est pas souhaitable que les ONG s’en aillent, mais ce n’est pas soutenable non plus d’être aussi longtemps sous perfusion internationale. Durant ces deux ans, on n’a pas réfléchi comment le malade allait continuer à vivre sans sa béquille», image Frantz Duval.
Charles Ridoré cite l’exemple de sa sœur, âgée de 78 ans et membre d’une congrégation religieuse, contrainte du jour au lendemain de reprendre la direction d’un orphelinat, l’ONG américaine gérant jusque-là l’institution se retrouvant sans financement.
«Il y a une ambigüité vis-à-vis de l’aide étrangère, souligne Gérard Bedock. Les autorités locales craignent notre départ et la prise en charge de nos activités par le ministère de la Santé, qui n’est pas à même de garantir la qualité, la gratuité et l’accès universel aux soins. Mais de l’autre côté, les politiciens utilisent les ONG comme bouc-émissaires, ce qui engendre un fort ressentiment de la population à notre égard.»
Samuel Jaberg, swissinfo.ch
http://www.swissinfo.ch/fre/detail/content.html?cid=31758972

Déconstruction de la reconstruction de la CIRH...Haiti-Séisme-2 ans : Un incroyable fiasco

Extrait de Haiti Briefing [1]
Obtenu et repris par AlterPresse
Sifflant du champagne dans leurs bureaux de Port-au- Prince, le personnel de la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) semblait enfin avoir quelque chose à fêter : leur propre disparition.
Le vendredi 21 octobre (2011), le mandat de 18 mois de la CIRH (créée suite au décret d’un état d’urgence et ayant, dans les faits, privé le Parlement de tout droit de regard sur l’allocation des fonds pour la reconstruction) prenait fin. Le Président Martelly et son nouveau Premier Ministre Garry Conille ont eu beau solliciter une prorogation d’un an de ce mandat, le parlement n’était aucunement disposé à discuter de cette requête sans d’abord recevoir des réponses aux questions les plus basiques sur la CIRH : ses membres, ses procédés, ses résultats.
Pour une fois, députés et sénateurs haïtiens semblaient en phase avec l’opinion publique : la plupart percevaient la CIRH comme une entité gérée par des donateurs et un personnel étrangers, appliquant un ordre du jour établi par des étrangers, à l’aide de fonds étrangers – presqu’entièrement encore à l’état de promesses, d’ailleurs.
« Mal conçue, dysfonctionnelle, peu efficace, » a conclu un ancien fonctionnaire, exprimant là un sentiment partagé par beaucoup de ses anciens collègues : « Soyons clairs : la CIRH a été conçue comme une structure destinée à aider non pas Haïti ou les Haïtiens, mais les donateurs – auxquels elle permet de canaliser les contrats de projets des multinationales et des ONG, » rappelle l’un des consultants de la CIRH.
« Ces projets émanaient des institutions qui dirigent Haïti depuis toujours : la BID, la Banque Mondiale, l’ONU, USAID, et de pays donateurs individuels ayant promis suffisamment d’argent pour s’assurer un siège au Conseil d’Administration de la CIRH. Cela signifie que les buts déclarés de la CIRH (évaluer les besoins de la reconstruction pour y répondre d’une manière systématique et coordonnée) étaient par définition impossibles à atteindre. »
Que l’unique autorité chargée de la reconstruction d’Haïti après le séisme ait été délibérément mal conçue et dotée d’une structure mal adaptée est un exemple choquant de ‘capitalisme du désastre’, phénomène maintenant bien établi.
« Les personnes concernées n’ont jamais été consultées pour connaître leurs besoins. Bien que faisant explicitement partie de la mission de la CIRH, le dialogue a été totalement absent, ou, au mieux, minimal mais totalement déconnecté de tous les projets dans lesquels j’étais impliqué, » raconte notre source anonyme.
Or, ces personnes concernées – à savoir le gouvernement et les victimes – étaient justement ceux qui avaient un besoin urgent de ce que la reconstruction était censée apporter : abris, installations sanitaires, sécurité, ou espace tout simplement. Et cette consultation (absente) aurait même dû, au départ, être une réelle coopération.

Désastres en Série
La CIRH avait un plan stratégique minimal : le PARDN (le Plan d’Action pour le Relèvement et le Développement National). Ce document luxueux de 55 pages, constitué d’une liste de vœux pieux, et conçu pour la conférence des donateurs du 31 mars 2010, est un pur produit de marketing, le produit étant Haïti et les clients les donateurs.
Générique, vague et inoffensif, il comportait quatre sections : Refondation Territoriale, Refondation Economique, Refondation Sociale et Refondation Institutionnelle. Résultat : presque toute proposition de projet pouvait être considérée comme allant dans le sens du PARDN – et l’a d’ailleurs été.
Des barrages hydroélectriques que l’armée brésilienne voulait bâtir sur la rivière Artibonite à l’immense parc industriel d’usines textiles que Washington envisageait d’implanter dans le nord, tout était ‘de la reconstruction’. Peu importe que ces projets soient presque tous la réplique de tant d’autres s’étant soldés par des échecs sur le plan du développement, de l’environnement comme de l’économie dans les dernières décennies.
Cela a donné du poids aux prévisions des Organisations de la Société Civile (OSC) haïtiennes comme quoi les fonds post-séisme n’alimenteraient pas la ‘construction’ durable, équitable, ciblée sur les gens et décentralisée qu’elles préconisaient, mais une ‘reconstruction’ reproduisant un modèle socio-économique connu pour avoir échoué puisqu’étant la cause de l’exclusion, l’inégalité et du désespoir qui caractérisaient l’Haïti d’avant le séisme. Et ces caractéristiques, chacune ayant contribué à l’échelle du désastre, allaient être renforcées par cette ‘reconstruction’.
Le nettoyage des décombres, tâche la plus urgente dans toute entreprise de reconstruction, a ainsi été entrepris tardivement et sans coordination aucune, tout simplement parce que les donateurs s’intéressaient en priorité à des projets plus prestigieux mettant en valeur leur pays avant tout.
Aussi les donateurs ont-ils dédaigné les problèmes de logement, d’eau et de sanitaires, pourtant encore plus pressants après le départ des agences humanitaires et l’explosion de l’épidémie de choléra fin-2010. Les priorités du peuple étaient donc tout autres que celles des donateurs. Or, le parlement étant suspendu, le gouvernement et ses services civils dévastés et la société civile totalement marginalisée, aucun intermédiaire n’était là pour recommander autre chose.
Le PARDN s’inscrivait en fait dans la lignée de toute une série de plans établis dans les dix années précédentes par des donateurs en vue d’un redressement macro-économique ; et pour éviter toute ambiguïté, la dernière section du PARDN, ‘Le cadre macro- économique 2009-2015’, en réitère les grands principes. Cette vision de la reconstruction était celle d’une économie ouverte, néo-libérale, orientée vers l’exportation, caractérisée par des usines d’assemblage avec des salaires misérables, la privatisation, la dérégulation, des tarifs d’importation très bas, et un secteur public minimal. Ironiquement, on sait maintenant que ce modèle est la cause non seulement des énormes inégalités socio- économiques actuelles mais également de la dévastation récente des économies des principaux donateurs d’Haïti. Il est donc logique que la rédaction du PARDN – et du Rapport d’Evaluation des Besoins Après Désastre (le PNDA) dont il s’inspire – ait été confiée à des consultants étrangers. Comme on nous l’a confié, « ce plan n’avait d’haïtien que le nom du gouvernement et le symbole national sur la couverture. » Dans les semaines qui ont suivi le séisme, avec 20 des 21 ministères en miettes, et presque 20% de ses fonctionnaires décédés, le gouvernement haïtien n’était pas en mesure de produire un tel document. Cette situation d’ « incapacité du gouvernement » (que la CIRH a soigneusement entretenue au cours des 18 mois suivants) était d’ailleurs la justification principale pour la mise en place de la CIRH.
La réalité était bien sûr tout autre : le séisme avait anéanti le peu de force de levier que détenait le gouvernement haïtien face à ses commanditaires étrangers, et les donateurs ont tout bonnement profité de la situation. Et comme l’a déploré le Premier Ministre Jean-Max Bellerive face à son Parlement réuni en avril 2010 pour discuter de la promulgation d’un Etat d’Urgence de 18 mois qui allait signer leur arrêt de mort et donner naissance à la CIRH : « J’espère que vous êtes conscients de l’ampleur de notre dépendance... » Ils en avaient parfaitement conscience et ont dûment voté le projet de loi.

Au Pays des Tartufferies
Le simulacre, les contradictions et l’hypocrisie caractérisant la CIRH ont vite trouvé une expression profondément tragicomique dans ses pratiques. Cette organisation a, rappelons-le, été conçue par deux trentenaires, Eric Braverman, de la firme de consultants en management McKinsey & Co à Washington DC, et Laura Graham, chef del’exploitation de la Fondation Clinton, qui n’avaient aucune connaissance d’Haïti ni la moindre idée de ce que ‘reconstruire’ après un désastre pouvait signifier.
Bill Clinton, lui, oui, puisqu’avant de devenir co-président de la CIRH aux côtés de Bellerive, il travaillait comme Envoyé Spécial de l’ONU en Haïti et était venu en mission lorsqu’une série de cyclones s’étaient abattus sur Haïti fin 2008.
L’ordre du jour du PARDN et de la CIRH, caractérisé par son néo-libéralisme, ses ambitions macro-économiques et son capi- talisme du désastre, allait ainsi être assaisonné au philanthrocapitalisme personnalisé caractérisant le programme de la Fondation Clinton.
Braverman et Graham ont rapidement été rejoints par d’autres acteurs du même acabit. Sous prétexte d’efficacité, presque tout le personnel a initialement été secondé par des agences multilatérales comme la BID ou la Banque Mondiale, et le tout relevé d’une bonne dose d’employés de la Fondation Clinton.
Le lourd organigramme de la CIRH prévoyait une petite place pour un officier de liaison du gouvernement haïtien dans chacun de ses cinq bureaux, mais étant donné les circonstances, la majorité des ministères se sont contentés d’envoyer des juniors. Que les ministres haïtiens n’aient pu assister à la réunion du Conseil d’Administration de la CIRH car leurs noms « ne figuraient pas sur la liste » des participants approuvés n’a rien arrangé.
Les résultats étaient prévisibles : quatorze mois après le séisme, huit mois après la première réunion de la CIRH, la moitié seulement des postes clés du bureau exécutif avaient été pourvus. Du personnel et des consultants supplémentaires sont arrivés de la Fondation Clinton. « Le problème était double, » a déclaré un officiel de l’ONU.
 « D’abord, ils n’avaient aucune expérience en développement et ne savaient absolument pas de quoi ils parlaient...ensuite, ils n’en étaient même pas conscients. » Un rapport publié par le Government Accountability Office (Bureau Gouvernemental pour la Transparence, ou GAO) américain en mai 2011, alors que la CIRH avait un an, est accablant : deux des cinq bureaux n’avaient pas de directeur, et 22 des 34 postes clés de la CIRH étaient toujours vacants ; le crucial Bureau de Performance et de Lutte contre la Corruption (BPLC), chargé de superviser les projets approuvés par la CIRH, n’avait aucun personnel.
Il n’y a donc eu ni évaluation des risques, ni supervision ou suivi des projets. Ceci peut tout de même surprendre vu que la justification principale de la CIRH était que les donateurs ne pouvaient faire confiance au gouvernement haïtien pour mener à bien de telles missions...
Le GAO a relevé que « la façon dont les fonds pour la reconstruction sont octroyés...ne reflète pas toujours les priorités du gouvernement. » Il mentionne aussi clairement le refus des donateurs de subventionner des domaines prioritaires tels que « ledéblayage. »


Querelles Internes
Les choses n’allaient guère mieux au Conseil de la CIRH. En théorie, représentants haïtiens comme internationaux devaient être au nombre de douze, équilibre reflété par les deux co-présidents, Bill Clinton et le Premier Ministre Jean-Max Bellerive.
De facto, n’ayant personne à représenter ni aucun personnel, ni même de bureaux, les membres haïtiens faisaient à peine office de devanture.
Les ONG étrangères et les OSC haïtiennes avaient chacune une place au Conseil de la CIRH mais n’avaient même pas le droit de vote, et ce bien que le PARDN leur ait spécifiquement attribué un rôle déterminant dans la mise en œuvre des projets approuvés par la CIRH. « Toute cette mascarade serait comique s’il ne s’agissait pas du futur de notre pays, » se sont lamentées plusieurs OSC haïtiennes en juillet 2010.
A la quatrième réunion du Conseil de la CIRH (décembre 2010), les représentants haïtiens commençant d’en avoir assez, ont lu une déclaration signée par les douze membres.
« Les projets sont souvent envoyés au Conseil sous forme de tableaux récapitulatifs la veille des réunions. Les procédures pour la soumission de projets en ligne changent sans préavis. La sélection du personnel et des consultants se fait sans que nous soyons avertis... En réalité, les membres haïtiens n’ont qu’un seul rôle : approuver des décisions prises par d’autres. » Ils ont aussi rappelé que l’un d’entre eux, le Professeur Jean-Marie Bourjolly, s’était déjà plaint que la CIRH négligeait son rôle (décrit dans son mandat) de planification stratégique et coordonnée. « Notre action est limitée à approuver des projets acceptés, pour autant que je puisse en juger, sur la base du premier arrivé premier servi. Nous risquons de nous retrouver avec une multitude de projets mal assortis, dont certains sont certes intéressants, pris individuellement, mais qui, collectivement, ne peuvent en aucun cas parer à l’urgence ni établir les fondations pour la réhabilitation – et encore moins le développement – d’Haïti ... »
Ces deux extraits résument parfaitement les failles de la CIRH ; elles mettent aussi en lumière les principales raisons expliquant l’échec de tout développement en Haïti dans les cinquante dernières années.
A sa cinquième réunion, fin février 2011, la CIRH était devenue tout aussi dysfonctionnelle pour les donateurs que pour les bénéficiaires.
Lut Fabert-Goosens, ambassadrice de l’Union Européenne, a déclaré que le comité exécutif fonctionnait de la manière la plus chaotique qui soit. P. J. Patterson, représentant CARICOM au Conseil, n’a pu contenir son mépris. Des querelles ont éclaté en public, les membres du Conseil se disputant à propos de qui avait dit quoi et quand, et de comment procéder pour approuver les projets. Car le Conseil de la CRIH ne s’était toujours pas entendu sur sa fonction ultime : voter les projets.
Neuf mois plus tard, même le directeur exécutif de la CIRH, Gabriel Verret (un des rares Haïtiens du comité exécutif), semblait avoir abandonné.
Quand, dans un entretien exclusif du 31 mars 2011, le HSG lui a cité l’un des membres du Conseil dénonçant l’échec de la CIRH à coordonner la reconstruction, il a répondu : « Je crois qu’aucun d’entre eux ne pourrait nier cela. Le problème est qu’ils sont tous individuellement responsables. »
Deux semaines plus tard, Verret avait « démissionné » de son poste à la CIRH. Et comme toujours avec la CIRH, il n’y a eu ni explication ni annonce d’un quelconque remplacement. Or Verret a bien été remplacé – et par nulle autre que Laura Graham.

Martelly : un Faux Espoir
Michel Martelly avait maintenant émergé comme le Président d’Haïti, faute d’être celui des Haïtiens, souhaité par les donateurs. Avant même son investiture, il avait nommé une conseillère, la sociologue Michèle Oriol, la chargeant d’enquêter sur la CIRH. « La CIRH est devenue une entité parallèle au gouvernement. Voilà ce qu’il nous faut changer, » a-t-elle conclu après quelques réunions.
En désespoir de cause, la CIRH a tenté un nouveau lancement et fait son mea culpa. En décembre, elle avait publié un Plan Stratégique pour le Restant du Mandat de la CIRH abordant au moins la question (sans projets concrets) du déblayage, du logement et des installations sanitaires. Puis, à la réunion du Conseil d’avril 2011, a été annoncé un nouveau processus pour l’approbation des projets, tandis qu’Aurélie Boukobza, Directrice Projets, avouait que la CIRH avait institué « certains outils » qui « se superposaient à ceux du gouvernement et les dupliquaient, » et que « l’on avait parfois négligé les mécanismes gouvernementaux. » La CIRH a peu après réitéré « le besoin d’aligner les procédés mis en place pour examiner les projets avec les pratiques gouvernementales existantes. »
Seuls petits mensonges persistants : l’absence de consultation du gouvernement et de réel effort pour le relever après le séisme aurait été purement involontaires, et ce récent changement d’approche entièrement voulu. Avec un nouveau parlement élu, un nouveau Président attendant son investiture et une population en colère réclamant de l’aide, la pression haïtienne se faisait enfin sentir – même à la CIRH.
Deux comités du Sénat haïtien ont annoncé des enquêtes sur les agissements de la CIRH ; Martelly a nommé un groupe de travail chargé de trouver comment elle pourrait « mieux fonctionner » et répondre à ses priorités plutôt qu’à celles des donateurs : il était clair que même si la CIRH survivait, son statut allait radicalement changer.
A la toute dernière réunion de la CIRH, fin juillet, Martelly a enfin réussi à faire approuver un important projet de logement populaire/relocalisation (voir le HB 68, novembre 2011). Mais tandis que la CIRH votait l’attribution de 78 millions de dollars à ce ‘projet 6-16’, elle perdait le peu de crédibilité qui lui restait puisqu’elle n’avait en fait pas cet argent. Didier Lavron, un des chefs comptables du comité exécutif, enfin fonctionnel, du PAO, s’est plaint, dans sa première et dernière présentation au Conseil de la CIRH, du fait que les donateurs dont les projets avaient été acceptés refusaient de lui communiquer les données dont il avait besoin pour son travail : tous prétendaient avoir leurs propres procédures et critères, niant ainsi tout besoin de se conformer à ceux de la CIRH.
Chargé de superviser tous les aspects des projets, des finances aux responsabilités fiduciaires, du lancement à l’évaluation de l’impact, le PAO devait garantir la transparence promise par la CIRH. Le désaccord des donateurs quant à la définition et à l’étendue des attributions du PAO expliquait le fait qu’il n’ait commencé à devenir un tant soit peu opérationnel qu’en avril 2011, 10 mois après la création de la CIRH.
Au cours du processus, une autre querelle a éclaté, provoquée par l’attribution du contrat pour diriger le PAO à Price, Waterhouse et Coopers (PwC) qui, dans un conflit d’intérêts évident, avaient lancé un appel d’offre. Plusieurs représentants des pays où étaient basées les cinq compagnies présélectionnées avaient raté cet appel et étaient furieux.
Mais dans leur fureur, aucun d’entre eux n’a relevé l’ironie de la situation : cette nomination s’était déroulée d’une façon qui violait toutes les règles fixées au départ. Cela soulevait une question cruciale : quelles autres violations tout aussi monstrueuses avaient bien pu avoir lieu pendant l’année où il n’y avait pas encore ce mécanisme de surveillance ?
[1] Publication de Haiti Support Group (www.haitisupportgroup.org / Numéro 69, janvier 2012
http://www.alterpresse.org/spip.php?article12189