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lundi 10 juin 2013

Commémoration de la fin de l'esclavage...DISCOURS DE GERARD BISSAINTHE

Cette cérémonie de commémoration de la fin de l’esclavage est pour nous tous, une occasion de regarder le passé. Ce passé nous offre la pénible histoire d’êtres humains que nous appelons des colons et qui, se basant sur la conviction de leur supériorité raciale, ont traité comme des animaux d’autres êtres humains simplement différents d’eux et plus faibles qu’eux, auxquels on a donné le nom d’esclaves.
Or aujourd’hui le fait que des descendants des colons d’autrefois des descendants des esclaves d’autrefois se trouvent rassemblés ici de manière fraternelle, montre tout le chemin qui a été parcouru.

Disons que maintenant le pire est derrière nous.
Plutôt cependant que de passer notre temps à flageller les coupables, les esclavagistes, les racistes qui ont rendu possibles les horreurs du passé, rendons plutôt hommage aux grands lutteurs dont les noms sont liés à l’abolition de l’esclavage.
En France le plus connu de ces lutteurs est Victor Schœlcher. Mais avec le décret d'abolition de l'esclavage pour lequel il s’était battu, nous sommes au 27 avril 1848. Bien avant lui, dès 1791, la France a eu ceux qui sont sans doute les deux plus grands héros de la lutte contre l’esclavage, à savoir un Noir dont le nom est Toussaint Louverture et un blanc dont le nom est Léger-Félicité Sonthonax.
Tous les deux étaient français. On a tendance à les oublier parce que tous les deux avaient mis l’accent sur le fait que la liberté est liée à la lutte armée, que la liberté, comme le disait Che Guevara, est dans le canon du fusil.
En effet, le Blanc Sonthonax avait en 1793 distribué des fusils aux esclaves en leur disant: “Je vous donne cette arme. Gardez-la toujours avec vous. Et si quelqu’un veut vous la prendre des mains, considérez-le comme votre pire ennemi.”
Toussaint Louverture avait de son côté commencé la guerre de l’indépendance d’Haïti qui s’est terminée victorieusement en 1804.
Dieu merci, les luttes armées pour la libération de l’esclavage sont terminées. Dieu merci, nous n‘avons plus à choisir entre ce qu’on a appelé “la voie des Balles” et “la voie des Bulletins de vote”. Estimons-nous heureux d’être aujourd’hui les enfants de l’ère démocratique, nous qui connaissons la force d’un Bulletin de vote.
Mais il faut que nous sachions l’utiliser à bon escient pour terminer la lutte, car cette lutte n’est pas terminée. Si l’essentiel est acquis, il reste les séquelles de la maladie esclavagiste que nous pouvons appeler les dépendances. Et ces séquelles se retrouvent partout.
Ce n’est plus aujourd’hui un homme qui domine un autre, ce sont des collectivités qui dominent d’autres collectivités.
N’est-ce pas cela que le président de la région Paca, M. Michel Vauzelle, a voulu dénoncer dans le programme de sa campagne électoral où il a qualifié le pouvoir central dominant de la France sur les régions françaises de “système d’ancien régime”?
Ce système réussit-il?
Si peu, semble-t-il que la France est en crise. Dans un grand quotidien français on a pu lire cette exhortation surprenante : “Jeunes de France, barrez-vous. L’avenir est ailleurs”.

Mais quel ailleurs?
Dans les pays dont les habitants ont trouvé le secret de générer des biens et de créer la croissance?
Aller s’asseoir sur les lauriers des autres?
Profiter de ce qu’ailleurs ils ont pu faire ce qu’on n’a pas pu faire en France, ou qu’on ne saurait plus faire en France?
En Haïti aussi nous sommes en crise, une crise ô combien pire que celle de la France. Comme nous avons un passé commun et, que cela nous plaise ou pas, nos sorts sont encore communs par mile liens qui se sont tissés entre nous, pourquoi ne pas nous donner la main pour que les damnés de la terre d’Haïti cessent de rêver d’aller chercher leur subsistance hors d’Haïti ?
Et pourquoi les jeunes de France souvent surqualifiés au lieu de se marcher sur les pieds dans un Hexagone exigu ne vont-ils aider à défricher les terres d’Haïti avec une présence qui ne soit plus tutélaire, mais partenaire et solidaire?
Je suis de ceux qui pensent qu’au lieu de tenter de mettre sur rail sans vraiment y parvenir, ce train de l’Europe dont la locomotive est et reste l’Allemagne pour le plus grand bien de l’Allemagne, la France aurait du mettre sur pied avec ses anciennes colonies autour d’une Table Ronde égalitaire une Union Francophone, ou l’Hexagone aurait pu, par la force des choses, être “Primus inter pares”, premier parmi ses pairs et qui aujourd’hui aurait pu avoir au moins le dynamisme de ces tigres bigarrés d’Asie?

Est-il trop tard pour le tenter?
Comme Marseille est plus proche du Sud que Paris, pourquoi Marseille ne le tenterait-il pas ?
M. Vauzelle, Président de la région Paca, qui êtes aujourd’hui citoyen d’honneur d’Haïti depuis quelques années, comme le salut ne semble être nulle part ailleurs, pourquoi ne pas tenter cette voie?
C’est l’audace qui prend le pouvoir. Si vous voulez relever ce défi, nous le relèverons avec vous.
L’esclavage est maintenant depuis longtemps derrière nous. Nous tous, d’une part les descendants des colons d’autrefois et d’autre part les descendants des esclaves d’autrefois, ou même simplement les descendants des colonisés d’autrefois, donnons-nous la main pour sortir la France et nos pays du sud des dangers qui les menacent.
Jeunes de France, jeunes d’Haïti et jeunes du Tiers-Monde qui vous côtoyez tous les jours sur les trottoirs de Marseille, ne vous barrez nulle part. Donnez-vous rendez-vous partout où vous pourrez ensemble créer la synergie pour que nos pays deviennent plus productifs, plus habitables et qu’au lieu de rêver d’ailleurs nous puissions trouver dans nos pays mêmes la justice et le bonheur qui sont les buts de l’existence.

Gerard Bissainthe
gerardbissainthe@gmail.com
10 mai 2013