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vendredi 25 mai 2007

UN LIVRE .... DEUX ECRIVAINS... POLITIQUE ET CULTURE A L'HAITIENNE

Deux complices en écritureCastel Germeil et Marie Marcelle Ferjuste signeront « Politique et Culture à l'haïtienne » le 7 juin prochain à Livres en folie.
Personne ne pourra les accuser de manquer de constance dans leurs idées.

Le Nouvelliste : Père Castel Germeil, vous vous adonnez à l'écriture depuis près de vingt-cinq ans, vous avez déjà publié une dizaine de recueils de poèmes, un recueil de nouvelles et un extrait de votre thèse de doctorat sur Simone Weil. Vous collaborez de temps à autre à des quotidiens et à des revues en Haïti, comme à l'étranger, plus particulièrement en Italie où vous avez poursuivi vos études de philosophie. Comment expliquez-vous cette passion pour l'écriture ?
Castel Germeil : Je dirais plutôt un intérêt ininterrompu pour l'écriture. Car, si je suis passionné, c'est des êtres et des hommes que je le suis. Ma complicité avec l'écriture n'est que la conséquence d'un tel attachement. Dès mon plus jeune âge, je me suis découvert cet intérêt manifeste pour les personnes et la réalité environnante, voire la réalité tout court. Je ne l'ai sans doute pas toujours traduit en actes concrets et visibles. Je n'ai pas aménagé les domaines ni cultivé les terres auxquels j'ai rêvé, je n'ai pas aidé mes voisins à faire fructifier les leurs, je n'ai pas transmis mes connaissances à leurs rejetons. Je n'ai pas non plus défendu la cause nationale pour n'avoir pas été là quand ses défenseurs étaient hésitants et je ne l'ai point fait à mon tour quand l'obligation s'est présentée à ma porte. Voilà la vocation ratée qui m'a sincèrement poussé vers l'écriture. Toutefois, je ne la considère pas comme un simple palliatif, j'ai aussi une grande vénération pour elle. En peu de mots, j'aime écrire parce que j'aime les choses et les gens.

L. N : Marie Marcelle Ferjuste, vous vous êtes fait connaître très jeune, à tout juste seize ans si je ne m'abuse, avec la publication de deux recueils "Le premier jet" et "Jets de mots". Ils ont eu une très large diffusion à travers la presse culturelle et l'élite intellectuelle. Et depuis, on n'a plus rien lu de vous. Comment expliquer ce silence interminable de près de trente ans de même que ce regain d'intérêt soudain pour l'écriture ?
Marie Marcelle Ferjuste : A cet amour de jeunesse, je suis pourtant restée fidèle. J'ai eu dans la vie une saison morte, j'étais absente de la scène littéraire. L'entracte ayant pris fin, me revoilà avec vous tous.

L. N : Aujourd'hui, vous publiez un ouvrage au titre évocateur « Politique et Culture à l'haïtienne », quelle thèse développez-vous dans ce précieux essai sur notre culture ?
C. G : Nous vous savons gré de juger le titre évocateur. Du reste, tout le monde n'est pas du même avis que vous. L'un ou l'autre de nos amis, informé de l'imminence de la publication, nous a révélé n'avoir pas franchement bien compris la locution adverbiale "à l'haïtienne". D'autres incriminent notre volonté, obstinée à leur sens, de conjuguer la politique à la culture au lieu que naturellement ils ne feraient point bon ménage. Nous sommes loin d'acquiescer à leurs points de vue. Pour ne faire allusion qu'à des ouvrages assez récents, nous évoquons le texte de l'analyste politique et critique Pierre Raymond Dumas, "La transition d'Haïti vers la démocratie", les essais des sociologues Micial Nérestant et Claude Souffrant, "Religions et politique en Haïti "et "Littérature et Société en Haïti", l'étude du politologue Kern Delince, "Les forces politiques en Haïti", les ouvrages de l'anthropologue Laënnec Hurbon, "Dieu dans le vaudou haïtien", "Culture et dictature en Haïti" : "l'imaginaire sous contrôle", "Comprendre Haïti", etc. Haïti est peut-être le pays dont le nom et l'attribut reviennent le plus en page de couverture. En ce qui nous concerne, quand nous avons choisi de faire usage de la locution « à l'haïtienne », nous voudrions insister par-dessus tout sur le fait régulièrement avéré qu'il y a bien une manière haïtienne de comprendre, d'envisager et de peupler le monde de la culture, mais aussi d'explorer le territoire de la politique et d'en faire.

M. M. F : Les questions de politique et de culture, si elles ne sont pas toujours indissociables, ne sont jamais indépendantes les unes des autres. La politique est l'expression souveraine de la régulation de la vie sociale et la culture est le moteur, l'âme, le coeur de toute société. Un moteur déréglé ne peut pas donner sa pleine mesure, une âme débridée finit par se perdre et le coeur, dont les battements sont sans cesse irréguliers, finit par flancher tôt ou tard, plutôt tôt que tard. Par ailleurs, je me reprocherais de ne pas souligner que le titre, comme l'aventure même de "Politique et Culture à l'haïtienne", n'est pas dû tout juste à la simplicité du hasard. Après son retour en Haïti en 1994, le Père Castel Germeil a été invité par le rédacteur en chef du Nouvelliste d'alors Carlo Désinor et son ami et son collaborateur Pierre Raymond Dumas à alimenter dans les colonnes du journal à l'occasion un espace de réflexion sur la vie politique surtout mais aussi sur l'actualité culturelle à partir de sa vision ou même de celle que les Haïtiens s'en font habituellement. La rubrique a ainsi conservé le titre de 'Politique à l'haïtienne" pendant plusieurs années. Toutefois, les thèmes débattus n'étaient pas exclusivement d'ordre politique. Je me souviens bien d'un texte fort étoffé sur la première rentrée littéraire française du troisième millénaire, d'ailleurs repris dans l'ouvrage (pp. 49-53), d'un compte-rendu de la disparition de Xavier Orville, très bon poète et romancier martiniquais et par-dessus tout d'un mémorable reportage sur la visite du Nonce apostolique Luigi Bonazzi au Pic La Selle au début de mars 2002.

L. N : Mais alors, Marie Marcelle Ferjuste, expliquez-nous votre contribution dans la rédaction de cet ouvrage.

M. M. F : C'est étrange !... Par où commencer ?.... Le Père Castel Germeil et moi, nous sommes complices au niveau de l'écriture et de la recherche académique depuis fort longtemps. Quand après avoir été ordonné prêtre, il a cessé de se retrouver à Port-au-Prince et est retourné en mission dans son diocèse d'origine des Cayes, j'ai été son principal pourvoyeur de revues et de journaux. J'en éprouvais une vraie satisfaction parce que je savais qu'il était omnivore en matière de lecture et que sa digestion n'était pas mauvaise. Au cours de son séjour à Rome, notre correspondance s'agrémentait également de découpures et de photocopies d'informations et d'articles intéressants. A son retour en Haïti, Dieu seul sait combien de fois nous nous sommes retrouvés entre nous ou avec des amis pour partager, dialoguer, échanger sur le cinéma, la religion, le folklore, la presse, la politique, etc. Je n'oublierai pas de préciser que depuis la maladie et la disparition de Carlo Désinor, le Père Castel Germeil avait interrompu ses analyses dans Le Nouvelliste. C'est à la faveur du Second Tour des élections générales de l'année écoulée et d'une anecdote cocasse que nous avons décidé de ressusciter la rubrique et de la co-écrire dorénavant. En effet, Castel a été à la maison tout au cours de la matinée du vendredi 21 avril 2006. Dans l'après-midi, aux environs de deux heures, il a voulu à tout prix prendre congé de nous pour se rendre à son bureau de vote et accomplir son devoir de citoyen. Le soir, quand je l'appelle pour m'informer du dénouement de son projet, quelle n'a pas été ma surprise d'apprendre qu'il n'avait pas voté ? A son arrivée à 3h 30 au seuil de la barrière du siège du scrutin, l'entrée a été interdite et la barrière carrément fermée au grand dam de quelques votants potentiels. Alors, on s'est mis d'accord que c'était inacceptable et que par-dessus tout ça vaudrait mieux de le souligner. Il m'a alors proposé de co-écrire pour réalimenter Politique à l'haïtienne. J'avoue encore, après avoir hésité un moment, avoir sauté sur l'occasion d'autant plus qu'il ne s'agissait point d'un ballon d'essai, étant donné que nous avions déjà relevé le défi de la collaboration dans l'écriture d'une fiction romanesque intitulée " La teigne sous le képi ".

L. N : Concrètement, quelle politique culturelle proposez-vous dans cet essai aux décideurs du pays ?
Comment peut-on arriver à l'expliquer en Haïti ?

C. G : Pour être équitable, nous devons reconnaître que nous n'avons pas procédé avec la rigueur méthodique d'un anthropologue consommé à une analyse en bonne et due forme du thème de la culture, de ses aspects sociopolitiques ou de la nécessité pour nos décideurs, tant du secteur privé que public, de la prendre à bras-le-corps et de l'ensemble des moyens y afférents. Nous avons épilogué à son sujet plus ou moins à notre manière dans l'essai particulier dédié à sa nature et à celles de l'éducation et de la civilisation (op. cit., pp. 79-82). La culture est l'âme d'un peuple, son trésor inestimable, son bien le plus précieux. Elle avoisine la transcendance et le sacré. Quand bien même son exploitation peut contribuer à l'agrandissement de notre assiette de consommation, la culture, en tant que telle n'est pas négociable pour de l'argent, de l'influence ou des titres honorifiques

M. M. F : J'ajouterais que l'identité culturelle, plus que le folklore, les traditions, les coutumes, les usages, les manifestations et les produits culturels, a partie liée avec la mentalité. Nous avons été trop longtemps habitués en Haïti à une atmosphère de violence, de façade et de faire-valoir. Nous n'avons pas su protéger nos acquis, nous n'avons pas su consolider l'authenticité de notre patrimoine ni restaurer non plus les murailles lézardées. Nous avons trop souvent répondu aux sirènes de l'acculturation. Il nous faudrait nous ré-approprier et être nous-mêmes le plus complètement possible, comme l'a si bien dit Jean Price Mars.

C. G : Pour cela, il faudrait que nos vaillants décideurs, en tout premier lieu et nous à leur suite, nous agissions beaucoup sur le facteur incontournable de la mentalité. Nos dictatures et nos gouvernements irresponsables successifs ne nous ont jamais facilité la tâche. En Haïti, personne n'est dupe de rien mais presque tout le monde agit comme si son voisin était le plus nigaud de la bande. Nous sommes un peuple pauvre, mais digne de respect et capable de se faire respecter. Notre peuple est débrouillard, généralement bon, tant soit peu libertin. Il est alors impossible de comprendre que nous soyons du nombre des premiers parmi les peuples ou plutôt les nations les plus corrompues. A cette enseigne, il faut conclure que la gangrène de la corruption vient d'en haut et non d'en-bas. Les gardiens du troupeau, férus de corruption, de manipulations, de méchants tours d'adresse, de désirs insatiables de grandeur, de luxe, d'ascendant malséant et d'opulence, trahissent le troupeau et contribuent à sa perte. C'est ainsi qu'il faut comprendre la colère de Frankétienne contre l'intelligentsia à l'haïtienne dans " Pèlen tèt ". La charité bien ordonnée commence par soi-même, dit le proverbe. La lutte contre la mentalité corruptrice, philistine et opportuniste doit commencer par chacun de nous et continuer naturellement avec la modification de celle de nos concitoyens et de nos concitoyennes.

L. N : Ecrivez-vous ce livre pour vendre l'image du pays ou promouvoir la culture haïtienne ?

C. G : Comme il me plairait que le contact et la familiarité avec notre ouvrage contribuent à une reconquête de la confiance des uns et des autres dans l'avenir et la destinée du pays ! Nous, les intellectuels et les universitaires haïtiens, nous avons le devoir, pour ne pas prêcher dans le désert, d'être exemplaires. Notre témoignage de cohérence, de générosité, de disponibilité, de sagesse et de perspicacité vaudra mieux que notre verbe. Jamais, plus jamais le Verbe sans le témoignage et l'engagement. Nous avons la réputation, non tout à fait tort, d'être de beaux parleurs. "Pale franse pas vle di lespri !" Cessons cette habitude de parler tout juste pour parler, enchanter et distraire. Parlons bien mais parlons vrai !

M. M. F : Le livre n'a pas été spécifiquement rédigé pour vendre l'image du pays ou promouvoir la culture haïtienne. Cependant, il ne demeure pas moins une analyse de l'existant dans les domaines qui ont été abordés et à ce titre c'est tout au bénéfice du pays et des compatriotes d'ici et d'outre-mer.

L. N : Vous écrivez de beaux poèmes à la Rimbaud, à la Bernanos ou à la Claudel. Avez-vous lu ces poètes ou d'autres poètes français de la même génération qu'Arthur Rimbaud ?

L. N : Entretenez-vous des relations avec des écrivains haïtiens ou de l'étranger ?

C. G : Je suis un lecteur insatiable de poésie en tous genres. Vous allez- vous en rendre compte ou vous vous en êtes sans doute rendu compte en vous arrêtant sur le dernier essai de notre ouvrage consacré à la poésie du terroir et en particulier de celle de deux auteurs qui nous sont familiers mais qui évoluent un peu en marge de l'activité poétique port-au-princienne. Il s'agit de Jean-Patrick Louis-Jacques et d'Armoce Dugé. Je lis toute la poésie et tous les commentaires autour des poètes qui me tombent sous les yeux. Marie Marcelle le sait bien, elle que j'alimente en recueils étrangers et qui met à ma disposition son répertoire de titres haïtiens que je n'ai pas eu le loisir de m'acquérir. Je crois avoir lu tout Rimbaud qui a cessé d'écrire à moins de vingt-deux ans, mis à part ses lettres à ses amis et sa correspondance commerciale comme explorateur français au Harar, en Afrique de l'est. J'ai aussi lu certains ouvrages de Bernanos qui est plutôt romancier, Journal d'un curé de campagne, l'Imposture, Sous le soleil de Satan, Monsieur Ouine, Le dialogue des Carmélites. J'ai aussi lu une bonne partie du théâtre, de la poésie de synthèse et d'élaboration cosmique et transcendante de Claudel avec notamment Partage de Midi, L'annonce faite à Marie, La Jeune fille Violaine et par-dessus tout son oeuvre maîtresse, Le soulier de satin. J'en ai fait d'ailleurs allusion dans l'un des poèmes de La passion de l'@utre, Promesse (cit. p. 76) en y associant les héros (dona Prouhèze) à ceux de " Gouverneurs de la rosée " et de " L'espace d'un cillement " (Annaïse, Manuel, La Nina, el Gaucho). Les poètes-maudits de la génération de Rimbaud, Verlaine, Baudelaire, Lautréamont, mais également Albert Samain et Jules Laforgue frappés de malédiction davantage par leur disparition précoce que par leur orientation existentielle libérale et déréglée sont aussi connus de nous autant que nous avons entendu parler ou lu certains de la plupart des poètes anglais, russes, américains, allemands, italiens et espagnols de la fin du dix-neuvième et du vingtième siècle. Mais il y a aussi et surtout une génération maudite en Haïti, celle d'Haïti-Littéraire de 1960, suivie par celle des condamnés à mort, à la prison perpétuelle, à l'exil et au silence par le duvaliérisme. Elle aura exercé sur nous une grande et belle fascination par sa vénération de l'inspiration et des sublimes composantes de l'univers, par son courage de résistance et conviction et par-dessus tout par son patriotisme et ses vertus nationales.

C. G : Malgré les apparences trompeuses et déconcertantes, Haïti n'est pas un pays en panne de patrimoine littéraire. Il y a des trésors d'écriture et les écrivains sont de divers ordres : critique, littéraire proprement dit, scientifique. Nous n'avons pas encore atteint le niveau de foisonnement, de communication et de brassage littéraires attendu. Dans le monde de la littérature et de la critique, je connais bien Georges Castera fils avec qui j'ai eu des échanges fructueux, Pierre Raymond Dumas, Pierre Clitandre, Willems Edouard, Marc Exavier, Mona Guérin, Rudolph Muller (qui malheureusement observe depuis des années un silence sépulcral), Christophe Charles, St John Kauss. J'ai dans le métier de grands amis disparus : Pradel Pompilus, Gérard Dougé, René Belance, Max Dominique. Il y a également de bons auteurs académiques et scientifiques qui me sont des interlocuteurs privilégiés : Hérold Toussaint, Legrand Bijoux, Gasner Joint, Micial Nerestant, Jean Elie Larrieux, Ernst Mirville, Claude Souffrant, Kawas François, pour ne citer que ceux-là. D'autres bons auteurs amis tels que François Sildor, Pierre André Voltaire, Serge Jules Audate ont malheureusement jeté l'éponge. A l'étranger, nous gardons des contacts avec le critique et poète jésuite français Jean Mambrino de même qu'avec les écrivains italiens Antonio Nocera, Attilio Danese, Giulia Paola di Nicola.

M. M. F : Plus ou moins les mêmes contacts que ceux de Père Castel. J'ajouterais la familiarité avec Verly Dabel et, en revanche, je regrette d'avoir perdu la piste de beaucoup d'interlocuteurs littéraires de jadis, en particulier Adyjeangardy, Kern Grand-Pierre, Riollet Senat Celestin, Marie Claude Guichard, Yolande Jean-Baptiste et du critique littéraire Roland Thadal.

L. N : Mise à part l'écriture et la prêtrise, que faites-vous dans la vie ?

C. G : J'enseigne la philosophie, la méthodologie et les techniques de composition dans une institution en terminale et dans des facultés et des instituts à Port-au-Prince et à Jérémie.L. N : Comment conciliez-vous votre intérêt pour l'écriture avec la prêtrise ?

C. G : Mon intérêt soutenu pour l'écriture et ma vocation de prêtre ne s'importunent pas vraiment. Je cherche régulièrement à m'arranger pour que mes activités respectives ne se troublent point. Un temps pour chaque chose, comme dit si bien l'Ecclésiaste.

L. N : Avez-vous des projets d'écriture en cours ?

C. G : Nous tous, nous en avons toujours. En ce qui concerne l'écriture immédiate, je rédige des histoires merveilleuses en collaboration avec Marie Marcelle Ferjuste. Nous leur donnerons le titre suivant : " Les ombres de la fascination ". Je travaille lentement depuis un an à la rédaction d'un essai philosophique : « La dimension plurielle de la philosophie ». Il y a aussi une petite fondation d'entraide et de possibilités de communication et d'échange que des amis, Marie Marcelle et moi sommes en train d'envisager. Elle s'appellerait Madre di Tutti. Ce n'est encore qu'un voeu pieux.

M. M. F : Comme l'a dit le Père Castel, nous avons en commun " Les ombres de la fascination " en phase de rédaction ; j'ai déjà mentionné notre fiction romanesque " La teigne sous le képi " et personnellement j'ai d'autres titres que je compte publier au fur et à mesure tels " Adresse au féminin ".

L. N : Avez-vous un souhait ?

C. G : Je laisse le soin à la sensibilité féminine de l'exprimer à notre compte.

M. M. F : Trois petits points : 1) Le souhait de voir dans ce pays de véritables maisons d'édition.

2) Une pensée pieuse à l'égard de nos amis disparus : Frère Raphaël Berrou, Roger Gaillard, Edris St Amand, Dennery Ménelas, Dr Carlo A. Désinor, Jacques Roche et Michel Denejour.

3) Un merci sincère et spécial au quotidien Le Nouvelliste qui nous a toujours offert cet espace de communication et de partage. Grand merci à vous, M. Jobnel Pierre et à tous nos lecteurs.

Castel Germeil : Né aux Anglais, en 1961, Castel Germeil fit ses études classiques au Petit Séminaire Collège de Mazenod à Camp-Perrin et au Collège St Jean des Cayes. Il étudia ensuite la philosophie et la théologie au Grand Séminaire Notre Dame d'Haïti, l'anthropologie et la sociologie à la faculté d'Ethnologie. En 1989, il s'en alla à Rome pour des études approfondies en Philosophie jusqu'au doctorat qu'il obtint en 1993 avec une thèse sur la vie et l'oeuvre de Simone Weil. A son retour en Haïti, il a enseigné à l'Ecole Normale Supérieure, au Grand Séminaire Notre Dame, au CREFI, à la Faculté de Droit de Jérémie (ESCDROJ) et à l'UPH (Université Polyvalente d'Haïti). Son intérêt pour les lettres est manifeste par la publication de poèmes, de récits (L'Evasion et autres récits) et d'essais dans des revues en Haïti et à l'étranger. Cet ouvrage co-signé est un stimulant supplémentaire vers d'autres explorations philosophiques et littéraires.OEuvres de Castel Germeil :
• La valse des chandelles, poèmes, Imprimerie des Scouts d'Haïti, Port-au-Prince, 1983
• Projet d'innocence, poèmes, Imprimerie la Phalange, Port-au-Prince, 1985
• Paroles sans frontières, poèmes, Imprimerie la Phalange, Port-au-Prince, 1988
• Les chemins de l'absolu. Une analyse de leur impact sur la vie et l'oeuvre de Simone Weil (thèse de doctorat en philosophie), Rome, 1993 (extraits).
• L'évasion et autres récits, nouvelles et récits, Editions Fleur-Yo, Port-au-Prince, 1997
• L'automne incertain, poèmes, Editions Fleur-yo, Port-au-Prince, 1998
• La flamme de chaque éveil, poèmes, Editions Fleur-yo, Port-au-Prince, 1998.
• Les derniers soupirs de Sébastien, poèmes, Editions Fleur-yo, Port-au-Prince, 2000.
• La passion de l'autre, poèmes, Fleur-Yo, 2002.
• AA. VV (Sous la direction de Claude Souffrant), Haïti à l'ère des ordinateurs, Port-au-Prince, Editions Henri-Deschamps, 2004.
• Le dilemme de Théo (roman, inédit)• Une année de grâce (roman, inédit)
• L'expulsion (roman, inédit)
• La philosophie de la méthode (essai en préparation)
• La dimension plurielle de la philosophie (essai en préparation)
• Une alliance en sursis (roman, en préparation)
• La teigne sous le képi (roman en collaboration, inédit)
• Les ombres de la fascination (récits fantastiques en collaboration, en préparation)

Marie Marcelle FerjusteNée aux Cayes en 1961, Marie Marcelle Ferjuste commença ses études classiques chez les Soeurs de l'Immaculée Conception à Camp-Perrin pour les terminer au Collège des Soeurs de la Charité de St Louis (CSL) à Bourdon. Elle est diplômée en Secrétariat Bilingue chez les Soeurs du Christ-Roi (CK), a décroché, au terme de la soutenance de son mémoire de sortie Pour une dynamique de Gestion des Avantages Sociaux dans les Entreprises Publiques Haïtiennes, une Licence en Administration, à l'Institut National d'Administration, de Gestion et des Hautes Etudes Internationales (INAGHEI) et a étudié le Droit à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques (FDSE). Lorsqu'elle publia en 1977, son premier poème dans le quotidien Le Nouvelliste (28 et 29 mai), on soupçonnait bien que couvait chez elle un vif intérêt pour les lettres. La publication de Le premier jet (1978) et de Jets de mots (1980), bien accueillie dans le milieu littéraire haïtien, devait confirmer la promesse. En se mettant à tous les genres, elle a enfin décidé de publier ces essais co-signés dans la perspective de faire paraître d'autres textes.

Oeuvres de Marie Marcelle Ferjuste :
• Le Premier jet (Poèmes, 1978)
• Jets de mots (Poèmes, 1980)
• Maîtresse d'elle-même (roman, inédit)
• Adresse au féminin (roman, inédit)
• Sans commune mesure (roman en préparation)
• La tétralogie (portraits, en préparation)
• L'éprouvé (roman, en préparation)
• La teigne sous le képi (roman en collaboration, inédit)• Les ombres de la fascination (récits fantastiques en collaboration, en préparation)

Deux ouvrages incontournables aux Editions Coicou:


Les Editions Nationales A Coicou présente, cette année, deux ouvrages qui couvrent l'histoire d'Haïti. De la captivité et de la mort de Toussaint Louverture aux événements lourds de conséquences du 25 mai 1957, les férus d'histoire seront enchantés.
Le Nouvelliste: Parlez-nous des deux livres d'histoire que vous venez d'éditer à l'Imprimeur II.Robert A. Coicou : Le premier est "l'Histoire de la captivité et de la mort de Toussaint Louverture" par le colonel Nemours.

Ce livre fait référence aux derniers jours du précurseur de l'Indépendance, depuis son arrestation par traîtrise effectuée par le général Brunet, (qui depuis cette date a été surnommé péjorativement par ses confrères, le gendarme), sur l'instigation du capitaine général Leclerc, chef de l'armée expéditionnaire. Il relate l'embarquement de Toussaint sur Le Héros, le voyage, le débarquement à Brest, la traversée de la France jusqu'à la frontière suisse où il fut incarcéré au Fort de Joux dans les hauteurs du Jura.

L'auteur nous fait une chronique quasi quotidienne de toutes les souffrances et humiliations endurées par Toussaint. Il rapporte la visite de Caffareli le tentateur. Toussaint Louverture n'a droit à d'autres égards qu'à ceux que confère l'humanité. Il ne doit pas sortir de sa cellule, l'interdiction de parler, l'interdiction d'écrire, de sorte que l'isolement, le froid, associés aux fouilles nocturnes, au manque d'aliments constitués de fromage, de viande salée et de biscuit, servis froid le matin pour toute la Journée ont fini par détériorer la santé de Toussaint Louverture.

L'auteur nous apprend comment ces vexations et ces privations ont été endurées par Toussaint Louverture stoïquement, de sorte que même malade avec le bras gauche en écharpe, atteint d'accès de fièvre et de toux sèche, il n'a jamais proféré aucun plainte et même son bourreau, le geolier Amiot, dut l'admettre : « Il ne m'a jamais demandé de médecin »- Enfin dans la matinée du 7 avril, à 11 heures du matin, on le retrouve assis, sans vie, la tête appuyée contre la cheminée du cachot.

Cet ouvrage est appelé à dissiper bien des doutes. Notamment sur les causes de la mort de Toussaint, car il publie la copie de l'autopsie de Toussaint Louverture.
L'ouvrage « L'Histoire de la captivité et de la mort de Toussaint » est sans nul doute un chef-oeuvre de l'Histoire d'Haïti tant par l'intérêt du sujet traité, la rigueur dans la recherche documentaire, l'auteur n'avance rien qu'il ne prouve, et la pureté du style. Le président Vincent disait que le général Nemours « est l'une des plus belles plumes de la République », et dans ce livre, l'auteur donne toute la mesure de son talent.
C'est vraiment un livre qui mérite de figurer dans toutes les bibliothèques.


Le deuxième livre d'histoire est intitulé « Les Forces du Bien contre les Forces du Mal ». Il relate les événements de la Journée du 25 mai, que je considère comme étant la date la plus déterminante de l'histoire politique des 50 dernières années, particulièrement celles allant du 22 mai 57 au 7 février 86.
Ce jour-là, un groupe de militaires conduits par le colonel Armand, à la solde d'un parti politique, décida d'attaquer à l'aide de l'artillerie, de l'aviation et des garde-côtes les casernes Dessalines. Ce fut la guerre civile durant une journée qui se solda par la mort de trois officiers artilleurs et d'un soldat parmi les assaillants et de nombreux civils, et le sac de plusieurs stations de radio, de journaux et de maisons privées.
Cette journée tire son importance du fait de ses conséquences immédiates et lointaines.Sur le plan politique, pour calmer les esprits et le peuple, en majorité fignoliste qui avait gagné les rues et brisait tout sur son passage, on décida d'accorder la présidence provisoire au professeur Daniel Fignolé qui fut installé le 26 mai 1957.
Pour accepter la présidence, Fignolé exigea qu'on lui donne le colonel Kébreau comme chef d'état-major, et dix neuf jours plus tard, celui-ci allait le renverser du pouvoir.

En 1957 il existait quatre candidats majeurs capables de remporter les élections : Clément Jumelle, Daniel Fignolé, Louis Déjoie et François Duvalier.
Jumelle avait été le dernier ministre des Finances du gouvernement de Paul Magloire. Il était compromis dans une affaire de gestion frauduleuse et eût des démêlés avec la justice. Donc, il était pratiquement éliminé de la campagne électorale.

Fignolé renversé le 14 juin et exilé par l'armée n'était pratiquement plus dans la course.
Déjoie en faveur de qui les événements du 25 mai avaient été réalisés, avait perdu la faveur d'une bonne partie de l'électorat et de la majorité des officiers, qui avaient juré de se faire justice, à la suite de cette journée.
Donc, en conclusion, à partir du 25 mai Duvalier devenait l'élément incontournable et pratiquement restait le seul en course dans la marche à la présidence.

Sur le plan institutionnel, le 25 mai a créé un précédent dans la nouvelle armée, celle d'après 1915. Même si l'armée était intervenue dans l'arène politique le 11 janvier 1946 et le 10 mai 1950, c'était toujours contre des civils. Ainsi, c'est la première fois (depuis 1915, je le souligne) qu'une faction de l'armée se tournait vers une autre faction de l'armée dans une guerre ouverte - malheureusement cet exemple sera suivi par la suite, mais c'est une autre histoire.
Les officiers dissidents, membres d'un secteur de la société, furent jugés et écartés de l'armée, ce qui changea notablement la composante et la physionomie de l'Institution.

Deux (2) éléments rescapés du 25 mai (parmi les plus actifs) le capitaine Alix Pasquet et le lieutenant Philippe Dominique aidés du capitaine Henry Perpignan et de mercenaires américains revinrent attaquer les casernes le 29 juillet 1958. Les duvaliéristes s'armèrent pour défendre leur pouvoir menacé, ce fut la création de la milice VSN - qui devait causer tant de ravage dans les 30 prochaines années.

Le 25 mai, tout en donnant une idée de l'organisation et de la richesse de l'armée d'Haïti, qui disposait à l'époque de l'aviation, de la marine, de l'infanterie, d'un service de santé, de l'artillerie, d'un corps de génie, d'une académie militaire et même d'une cavalerie, marque vraiment la date la plus déterminante de l'histoire des cinquante dernières années.
Nous pensons sincèrement que tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de ce pays doivent s'imprégner des événements du 25 mai et de leurs conséquences sur la vie politique des 50 dernières années.


L.N: Allez-vous signer ces deux livres d'histoire?
R.A.C: Etant donné qu'il s'agit d'un lancement promotionnel où ces livres seront vendus à prix réduit, et étant donné qu'il s'agit de la fête du livre, je vais les signer en qualité d'éditeur, car le premier est l'oeuvre du colonel Nemours, celui qui a étonné le monde et la Société des Nations (SND) et le second est un document historique, que je soumets à l'attention de la jeunesse intellectuelle et aux politiciens de ce pays.


L.N: Avez-vous des projets d'éditer d'autres ouvrages?
R.A.C: Notre voeu est de continuer à offrir des ouvrages rares et introuvables aux têtes pensantes. Nous sommes convaincus que c'est en revisitant notre passé que nous trouverons les réponses nous permettant de sortir ce beau pays de ce bourbier dans lequel il se trouve.


L.N: M. Robert A. Coicou, un dernier mot
Merci au journal Le Nouvelliste, et que la fête soit belle!
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Un avis
Nous sommes heureux de prolonger sur ce blog ces publications du Nouvelliste afin de permettre à ceux qui, pris dans le train-train agité des activités de tous les jours avaient négligé la lecture de ces documents. Le Nouvelliste nous rappelle la disponibilité sur le marché de deux œuvres brûlantes d’actualité. Un des livres traite des derniers instants de la vie du Précurseur justement au moment ou certains secteurs maintiennent une vive polémique autour d’un projet de réalisation d’un film autour de ce personnage universellement légendaire parrainé par des pointures de la taille de Danny Glover et Le Président de la République Bolivarienne du Vénézuela.
Le second ouvrage parle des évènements de l’année 1957, le point de départ des déboires des 50 dernières années. Au moment ou les nostalgiques Volontaires de la Sécurité Nationale « froubissent » leurs uniformes « cannies » par les affres de l’oubli dans une tentative de renaissance pour parader dans les principales rues du pays le 22 septembre prochain ; renaissance offerte par la suite dédaigneuse et irresponsable de la gestion du pouvoir d’après Duvalier, ceux qui ont moins de 50 ans scrutent depuis des années l’horizon littéraire historique en quête de cette lumière-vérité absolue et objective sur cette période.
Les écrits ou apologétiques destinés à redonner vie à un banni, les œuvres noires cherchant la pure et simple diabolisation des meneurs de cette période de l’histoire se rangent dans les mêmes rayons pour ceux qui sont mus par la recherche de la vérité.
Nous voulons espérer que ces ouvrages sauront assouvir notre saine curiosité.








RENCONTRE AVEC UNE ROMANCIERE JESSICA FIEVRE

Jessica Fièvre: "Ecrire, c'est lever toutes les censures"Des fantasmes sexuels, nous en avons tous! Ceux de Sophie, brûlants, se révèlent sans tabous ni censure. L'héroïne du roman, emportée au gré d'aventures tendres et épicées, fait du lecteur le complice de sa démesure. Rencontre avec Jessica Fièvre, une romancière décidément pas comme les autres.

Le Nouvelliste: Comment êtes-vous venue à l'écriture ?

Jessica Fièvre: J'ai toujours eu la fibre de l'écriture. Même avant de savoir écrire, j'inventais des histoires. Mes premiers travaux « littéraires » (petites nouvelles) remontent à mon enfance. En ce temps-là, je ne pensais pas devenir un jour un écrivain professionnel, c'était hors de l'horizon de mes rêves: je voulais plutôt devenir médecin ou enseignante... J'ai commencé à écrire mon premier roman pour me distraire et amuser mes amis. Je ne considérais pas cela très sérieusement.

L.N : L'écriture est-elle pour vous un moyen d'exprimer vos joies et vos regrets, vos haines et vos amours ?J.F: Cette question revient souvent au cours de beaucoup d'entretiens que les journalistes réalisent avec moi. Et ma réponse semble toujours laisser le lecteur insatisfait et soupçonneux: je ne m'identifie jamais (volontairement, du moins) aux personnages de mes romans. Leurs joies, leurs regrets, leurs haines et leurs amours ne sont pas forcément les miens. L'écriture, c'est l'inconnu. Sous ma plume, les personnages mènent leur vie propre. Mes textes naissent sans que je m'en aperçoive. Ils sont là, cachés quelque part en moi et finissent par prendre forme sur le papier ou sur l'écran. Magie?
L'écriture, c'est surtout un défi à relever. Cette fois, par exemple, je voulais me prouver ma versatilité. J'ai donc entrepris d'écrire deux histoires à la fois : Le Fantôme de Lisbeth (Roman Jeunesse) et Les Fantasmes de Sophie (réservé aux adultes). Je peux non seulement me mettre dans la peau d'une adolescente rêvant de devenir un petit rat de l'opéra, mais également dans celle d'une femme sexy et sensuelle. C'est cela la magie de la création.


L.N : Vous étudiez aux Etats-Unis et vous continuez à écrire. Comment arrivez-vous à concilier le métier de l'écriture avec vos études ?
J.F: Il y a deux ans, j'ai obtenu mon Bachelor's Degree en éducation spécialisée. Je viens d'être acceptée à la Florida International University pour une maîtrise en «Creative Writing » (Création Littéraire)... Alors pas de problème pour concilier ma passion et mes études.De toute façon, l'écriture fait partie de ma routine quotidienne. J'écris tous les jours de 6 heures à 8 heures du matin, après avoir promené mes chiens. Je prends aussi sur mes soirées, mes nuits et mes vacances pour trouver le temps d'écrire. Mes heures libres sont nourries d'écriture... dans des petits carnets, sur des petits bouts de papiers... Tout comme un musicien ou un athlète doit s'entraîner quotidiennement pour garder sa technicité, un écrivain écrit tous les jours pour se perfectionner. Je ne crois pas à la fée Inspiration penchée au-dessus de mon épaule; lorsque j'écris dix pages, il n'en reste parfois que trois utilisables.
L'écriture est un travail solitaire avec aussi des crises de nerfs. J'ai besoin de m'asseoir dans le calme pour écrire mes histoires. Certaines personnes ont l'air de penser que mes romans surgissent par génération spontanée sans que j'aie à m'en occuper. Eh bien, non!


L.N : Vous écrivez plus de romans que de poésie, peut-on dire que l'écriture du roman vous est plus facile?
J.F: J'écris de tout. En Floride, j'ai publié plusieurs nouvelles, telles que Ghost Phone et Brush with a Star. J'ai également publié plusieurs poèmes en anglais.


L.N : En lisant « Les fantasmes de Sophie », à quoi les lecteurs peuvent-ils s'attendre ?

J.F: En 2006, j'ai décidé que j'avais assez d'assurance personnelle et d'expérience littéraire pour me lancer dans une nouvelle aventure. Pour me donner un nouveau challenge, j'ai fait quelque chose d'inouï pour la personne réservée et timide que je suis: j'ai commencé un roman érotique. Le sexe reste très tabou; j'ai commencé une sorte d'escalade dans la "désinhibition littéraire" en écrivant Les Fantasmes de Sophie, un roman érotique. Sophie, le personnage principal, intelligente, curieuse et insatiable, a de nombreux atouts pour séduire. Avec Christian, elle vit une relation sensuelle et sexuelle riche en aventures, en interrogations sur ses propres désirs, sur le regard posé sur soi et sur autrui.
Les Fantasmes de Sophie, ce n'est pas simplement un catalogue de fantasmes et de positions acrobatiques. C'est également un roman psychologique et une réflexion sur la situation en Haïti. Je ne publierais jamais de l'érotisme pour l'érotisme. J'ai voulu créer un roman érotique réussi dans lequel le lecteur non seulement se trouve plongé dans des scènes plus excitantes les unes que les autres, mais où les personnages sont assez complexes pour qu'on s'intéresse réellement à eux, pour qu'ils incitent à poursuivre plus avant la lecture. Ce livre peut troubler, par son évocation régulière, mais non obsédante, de scènes sensuelles éveillant ou réveillant chez le lecteur des désirs enfouis parfois sous des couches de pudeur, de honte de soi, de silence par rapport aux plaisirs sensuels.

Le livre parle de politique, d'amour, de haine, de désespoir, de crime et châtiment. Ecrire, c'est lever toutes les censures. Pour dire après Renée Dunan : «Il faut oser dire n'importe quoi ! La morale est ailleurs que là où on l'imagine.»
L.N : L'amour revient souvent dans votre oeuvre, est-ce une obsession ?

J.F: Par amour, entendez-vous érotisme? C'est difficile d'écrire un roman érotique, parce qu'on court toujours le risque de laisser entendre que ce qu'on raconte, c'est son érotisme à soi, alors qu'évidemment ce n'est pas toujours vrai. L'érotisme est partout, non?Des fantasmes, nous en avons tous! Ceux de Sophie sont brûlants, marquants, se révèlent sans tabous ni censure. L'héroïne, emportée au gré d'aventures à la fois tendres et épicées, fait du lecteur le complice de sa démesure.
Une obsession? Disons que savoir que mes mots font naître une résonance chez d'autres personnes peut être amusant. Je vais citer le Marquis de Sade: « L'érotisme est un pouvoir sans bornes, illimité, démesuré.»


L.N : Quels sont vos auteurs préférés ?

J.F: D'abord Gary Victor. A part ça, mes préférences vont surtout au roman noir, où la distance entre le bon et le méchant est très subtile.

L.N : Le dernier mot.
J.F: Moins de 18 ans? Lisez Le Fantôme de Lisbeth.
Plus de 18 ans? Attrapez Les Fantasmes de Sophie.
1) FIEVRE (Jessica), Les fantasmes de Sophie, L'Imprimeur II, Port-au-Prince, 2006, 86 p.
(2) FIEVRE (Jessica), Le fantôme de Lisbeth, Média Texte, Port-au-Prince, 2007, 78 p.

L'opinion de Gary Victor sur Les Fantasmes de Sophie:"Pour son nouveau roman, Jessica Fièvre nous surprend en nous livrant un texte brûlant de sensualité. Un récit qui explore sur un mode mi intimiste les sentiments d'une jeune femme n'arrivant pas encore à assumer son divorce et qui dans le tumulte de ses relations éphémères cherche désespérément à renouer avec l'essentiel. Mais au-delà du fracas des sentiments, c'est aussi le regard lucide d'un jeune auteur sur un moment qui est encore dans toutes les mémoires, les mois ayant suivi le départ de celui qui, nous l'espérons tous, soit le dernier dictateur de notre histoire. Une intrigue forte qui plonge dans la folie et l'inhumanité du moment. Un livre à lire certainement. Un livre qui nous permet aussi de découvrir Jessica Fièvre dans un tout autre registre".
(Propos recueillis par Rébecca S. Cadeau)
Source le Nouvelliste sut
http://ww.lenouvelliste.com

JACQUES ROUMAIN A L'HONNEUR A NEW YORK

Jacques Roumain à l'honneur à New York
Jacques Roumain (1907-1944) a été à l'honneur les 18 et 19 mai 2007 à Brooklyn College (N.Y). La Fondation Mémoire, en collaboration avec HABETAC (Haitian Bilingual Technical Assistance Center), DASWI (Department of Africana Studies of the Wolfe Institute) et HASA (Haitian American Student Association), a organisé un collogue international sur cette figure emblématique de la littérature haïtienne. Ecrivains, chercheurs, enseignants d'ici et d'ailleurs ont croisé leurs regards sur l'oeuvre profonde et diffuse de Roumain dont l'année 2007 ramène le centenaire de naissance.

«Figure légendaire de la littérature haïtienne, Jacques Roumain dont l'oeuvre dépasse les frontières ne cesse de retenir l'attention. Le colloque international que nous lui consacrons s'inscrit dans la logique de restaurer sa mémoire d'écrivain, de visionnaire, d'idéologue qui aimait son pays plus que tout». Par ces propos, le Dr Hugues Saint Fort, président de la Fondation Mémoire, a déclaré ouverte la première session du colloque.

A l'instar de Nicole B. Rosefort, directrice de HABETAC, Darnell Joseph, président de la HASA, il a placé dans son contexte cette conférence internationale qui a réuni des chercheurs, écrivains, poètes et professeurs de littérature d'horizons divers. «J'invite l'assistance à un voyage exploratoire autour des oeuvres de Roumain qui contribuent largement à la promotion de la culture haïtienne», a indiqué Frantz Antoine Leconte de la Fondation Mémoire.

Des thématiques variées et diversifiées ont été développées par des chercheurs, écrivains, poètes, professeurs (de littérature) d'horizons divers. Le Dr Frantz Antoine Leconte, de Kingsbrough Community College et chargé des Relations publiques à la Fondation Mémoire, a cerné les thèmes de la migration, du retour et de la culture haïtienne dans "Gouverneurs de la Rosée".
Clément Mbom, du Brooklyn College, a abordé, pour sa part, la question relative à la problématique du retour dans ce même roman de Roumain.

Michel Acacia, de l'Université d'Etat d'Haïti (UEH), a fait ressortir, du mieux qu'il a pu, l'allure de provocation dans certaines évocations de Roumain: auteur prolifique qui publia coup sur coup. De "La montagne ensorcelée" (traduit de l'anglais par F.A Leconte et Alfonso Garcia Osuna) préfacé par Jean Price-Mars, à "Les Fantoches" en passant par "La Proie et l'Ombre" (roman auquel Robenson Bernard a consacré une étude critique d'importance selon Josaphat-Robert Large), Roumain a mis un accent particulier sur la question des couleurs, à en croire Acacia qui estime que la question de la couleur est très prononcée chez Roumain. «Si Jacques Roumain n'était pas mulâtre, certaines de ses remarques d'une extrême pertinence auraient été taxées de noirisme par des critiques étrangers», a lancé le sociologue Michel Acacia qui déplore le fait que « l'Analyse Schématique» de Roumain ait été attribuée injustement à Etienne Charlier et Christian Beaulieu.

«Jacques Roumain parle aux enfants», tel est le titre d'un recueil de contes présenté par Jocelyne Trouillot Lévy, toute heureuse d'apprendre aux enfants à découvrir des aspects moins connus du romancier-conteur.

Roumain dans les lunettes de Bernard DelpêcheBernard Delpêche, professeur à l'Université de la Nouvelle Ecosse, et auteur d'un brillant essai sur Dépestre, a traité du merveilleux dans "Gouverneurs de la Rosée". «Jacques Stéphen Alexis a présenté une théorie du réalisme merveilleux. Jacques Roumain, à l'instar de Fanon Glissant, est allé avec facilité vers l'universalisme», indique le Dr Delpêche qui dénonce à son compte l'intertextualité et la redondance chez Roumain qu'il croit colonialiser la pensée.

Bernard Delpêche ne mâche pas ses mots : «Analyser l'oeuvre de Roumain permet de minimaliser la vision de l'idéologie exportée du socialisme prolétaire, athée, voyant, bourgeois», note-t-il en se demandant si Roumain était communiste ou déviationniste pour son époque ou du moins s'il était pour la disparition des classes sociales en Haïti.

Apprendre aux enfants à découvrir Roumain
Pour Mme Trouillot-Lévy, Jacques Roumain fut un écrivain qui a pu s'adapter à différents niveaux d'âge, et sous des formes variées (conte et poésie). «Ça témoigne de son génie créateur», juge-t-elle en faisant remarquer que ce sont des oeuvres posthumes présentant un aspect intéressant du père qui écrivait pour son petit garçon Daniel.

Pour sa part, Jean-Yves Plaisir a animé un atelier dans lequel il visait à initier les enfants à la poésie. Explorant les oeuvres d'auteurs haïtiens et étrangers comme Price-Mars, Dépestre, Alexis, Langston Hughes, Nicolas Guillen (Cuba), le Dr Plaisir a présenté Roumain comme « la voix des sans voix » (Voice to Haiti's Voiceless). Il a donc plaidé pour une meilleure diffusion des oeuvres de cet auteur qui, aux côtés de Hughes et Guillen, a pris fait et cause pour la lutte des Noirs en faveur de la liberté.

Etienne Télémaque pour une politique de l'habitat humainLa question de l'aménagement du territoire dans l'oeuvre de Roumain a particulièrement intéressé l'urbaniste Etienne Télémaque qui relève le concept de village agricole chez l'auteur de "Gouverneurs de la Rosée". «Sans être agronome, Roumain a frayé avec le monde agricole», fait-il remarquer en attirant l'attention sur le fait que le monde rural se meurt, faute d'un plan d'aménagement qui repose sur les valeurs défendues par Délira. «Il faut bâtir sans casser le paysage», lance M. Télémaque qui dénonce l'absence d'une politique conséquente d'aménagement du territoire.
Katell Colin et Rodney St-Eloi : regards croisés sur Roumain

«Lecture socio-pragmatique de Jacques Roumain», tel est le titre de la réflexion de Katell Colin de l'Université d'Ottawa. Très intéressée à la littérature haïtienne en général et à l'oeuvre de Roumain en particulier, Madame Collin a mis en relation la trajectoire de l'écrivain avec des constantes discursives. Analysant Les Fantoches, elle a montré que les personnages de ce roman sont écartelés entre leurs aspirations à l'idéal et le cynisme, comme Roumain d'ailleurs qui fut un enfant ayant grandi sous l'occupation.

Rodney St-Eloi, poète et éditeur, a poétisé de fort belle manière le mythe roumainien : «En Roumain, je garderai le dieu», un titre cher à l'écrivain haïtien bien connu Anthony Lespès, a-t-il lancé. Pour St-Eloi, l'écriture de Roumain est une exigence esthétique permettant de dépasser la tentation schizophrénique de Léon Laleau.

Soulignant le sens de la révolte et de la vie chez l'auteur de "Gouverneurs de la Rosée", M. St-Eloi n'a pas caché son attachement viscéral à celui qu'il considère comme son héros, tout en dénonçant ce qu'il appelle « l'imbécillité bourgeoise ». «Je veux lire Roumain pour comprendre la vie ; lui qui voulait construire la société sur une nouvelle base, lui qui prenait parti contre l'atmosphère de déchéance de l'absurdité et de l'univers clos», précise-t-il en citant, non sans une certaine émotion dans l'âme, des extraits de textes d'Alexis, d'Ollivier, de Nicolas Guillèn et d'Anthony Lespès. «Jacques Roumain est mort, mais nous garderons le dieu», conclut le poète qui voit Roumain comme un modèle d'éclairage, la mythologie littéraire haïtienne.
Et dire que les interventions successives de Patrick Sylvain de University of Massachusetts, Franck Laraque de City College of N.Y, de Serge Madhère de Howard University ont tout aussi retenu l'attention d'une assistance composée majoritairement de chercheurs, écrivains, étudiants haïtiens et étrangers d'horizons divers.

EducaVision, Les Editions de l'Université Caraïbes, des auteurs ont exposé leurs ouvrages. Les membres du Collectif Jacques Roumain 2007 dont Frantz Antoine Leconte, Hugues Saint-Fort et Robenson Bernard, en ont profité pour signer le livre Collectif titré « Jacques Roumain au pluriel ». Le Colloque international sur Jacques Roumain ? Une aventure qui valait bien la peine d'être tentée.


De notre envoyé spécial
Robenson Bernard
robernard@yahoo.fr

N.B- Remerciements spéciaux à FOKAL, UNIQ, OFATMA qui ont rendu possible notre participation à ce colloque international sur Jacques Roumain.
Source LE Nouvelliste sur
http://www.lenouvelliste.com


Réprobation générale en Haïti après l’assassinat de François Latour

Les artistes, les intellectuels et la communauté des médias fortement secoués ; le gouvernement déplore la disparition du célèbre comédien et publicitaire exécuté peu après son enlèvement
jeudi 24 mai 2007,
Radio Kiskeya
L’odieux assassinat mardi soir à Port-au-Prince du célèbre artiste et publicitaire haïtien, François Latour, 63 ans, suscite indignation, colère et désolation dans les milieux artistiques, intellectuels et médiatiques en Haïti.
De Caracas où il participe au IVe Festival mondial de la poésie, l’écrivain et peintre Frankétienne, ami de longue date de la victime, s’est déclaré "profondément choqué, bouleversé et renversé par ce coup de poignard ". La terrible nouvelle lui a été annoncée par sa femme Marie-André qui, sous le coup de l’émotion, n’a pu s’empêcher de l’appeler.
"Je ne sais pas ce qu’il faut penser d’une telle situation, je n’ai aucune certitude sur l’avenir de ce pays. C’est terrible qu’on assassine des valeurs comme Latour", a déclaré au bord des larmes Frankétienne dans une interview exclusive à Radio Kiskeya. Le célèbre écrivain haïtien s’est gravement interrogé sur "l’utilité de ses œuvres et de celles d’autres créateurs face à la puissance d’une arme à feu entre les mains d’un bandit" capable d’engendrer les pires barbaries.
Rappelant les études très avancées en art dramatique qu’avait suivies le disparu en France, il l’a présenté comme son "initiateur au théâtre" et le principal artisan de sa popularité actuelle. Les succès de "Pèlen Tèt" (la tête prise au piège), notamment auprès de jeunes gens issus de couches sociales modestes, ont, en effet, valu à Frankétienne une énorme reconnaissance au-delà des frontières du monde théâtral.
A la mort de Franck Foucher, un important auteur dramatique haïtien tué dans un accident au Canada, François Latour s’était donné pour mission de porter l’autre Franck à assurer la relève afin d’empêcher "la disparition du théâtre en Haïti".
Frankétienne met en relief les performances et l’intelligence remarquables de l’homme de théâtre qui avait le secret de la "mise en scène à la fois sobre et éclatée". Il avait réalisé le tour de force de mettre en scène et d’interpréter des pièces aussi difficiles que "L’exception et la règle" et "La somme et la différence" de Berthold Brecht.
Vers les années 1959-1960, François, Franck et Gérard Etienne, un écrivain haïtien vivant au Canada, animaient sur les ondes de Radio Port-au-Prince une émission dominicale très prisée consacrée à la poésie.
Frankétienne a tenu à rappeler sa récente réconciliation avec François Latour grâce à un ami commun, le comédien et journaliste Fritz Valescot. Après de longues années de brouille, nées de divergences profondes entr’autres sur le théâtre, les deux hommes recommençaient à se fréquenter avec assiduité.
Le cinéaste haïtien de renommée internationale Raoul Peck a, dans un hommage posthume intitulé "Les lâches", évoqué la grandeur, la verticalité, le patriotisme et la personnalité sublime de François Latour.
"Un acteur inégalable, si rarement utilisé, trop grand pour notre pays qui n’a su qu’en faire. Un homme, souvent déçu et blessé, fuyant amateurisme, médiocrité, et plus que tout la malveillance. Un homme grand, droit, sincère, entier, modeste, drôle, généreux. Un homme seul aussi, sans place pour ceux comme lui", écrit Raoul Peck dans ce texte envoyé à Radio Kiskeya.
En réaction à l’exécution du comédien, l’écrivain et historien Michel Soukar a dénoncé "une Haïti mangeuse d’hommes" qu’il attribue à la politique criminelle menée à la tête de l’Etat au cours de ces dernières années.
"Un François Latour ne naît pas tous les jours", a poursuivi Soukar qui se souvient des années de sa jeunesse lorsqu’il rencontrait régulièrement le défunt chez le dramaturge Robert Bauduy, en compagnie des acteurs Roland Dorfeuille dit "Pyram" et Fritz Valescot alias "Pitit Fèy".
Qualifiant d’inaceptable l’insécurité chronique qui sévit en Haïti, l’historien a mis en garde contre les conséquences néfastes que l’assassinat de François Latour pourraient avoir sur l’économie nationale qui était sur le pont d’amorcer une timide reprise.
Pour sa part, Fritz Valescot, ami personnel et compagnon de scène de M. Latour, révèle que la victime était quotidiennement confrontée à l’insécurité économique et n’a possédé qu’une seule fois dans sa vie un véhicule neuf. Ces derniers temps, il devait constamment lever les pannes à répétition de son Isuzu Trooper déglinguée.
Valescot, qui était l’invité de l’émission "Pale Pou n Vanse" à diffuser dimanche sur Radio Kiskeya, se console à l’idée que François Latour est mort debout malgré la volonté des assassins de lui enlever sa dignité en l’humiliant. Même ses souliers ont été volés.
L’historien et ancien ministre de l’éducation nationale, Pierre Buteau, avoue ne pas comprendre un crime aussi gratuit qui a emporté l’une des grandes figures du théâtre haïtien. Il affirme que la résurgence du cycle infernal de la violence, qui a récemment fait d’autres victimes dont l’architecte Nadim Hyppolite William, le responsable de média et enseignant Alix Joseph et deux policiers, risque d’anéantir tous les efforts déployés depuis un certain temps en vue d’une normalisation de la situation du pays.
Pierre Buteau rend hommage à François Latour comme celui qui a appris sa génération à apprécier le théâtre et qui concevait "des messages publicitaires dont le langage était porteur d’une grande théâtralité".
Le responsable du Centre œcuménique des droits humains, Jean-Claude Bajeux, également écrivain, a indiqué s’être réveillé mercredi "dans la colère et l’indignation" en apprenant qu’un homme aussi talentueux avait été exécuté par des bandits. "Il semble qu’il n’y a pas de vaccin contre cette maladie qui frappe Haïti" s’est exclamé avec désespoir Bajeux qui explique s’être vu contraint de limiter ses activités personnelles en raison de l’insécurité.
Le défenseur des droits humains en a profité pour dénoncer l’émergence des gangs sous l’ancien gouvernement de Jean-Bertrand Aristide. Ils seraient à l’origine de la majorité des 2 à 3.000 assassinats enregistrés en Haïti au cours des trois dernières années.
Le bâtonnier par intérim de l’Ordre des avocats de Port-au-Prince, Me Gérard Gourgue, a qualifié François Latour de "grand citoyen". Il a fait remarquer que sa fin tragique est arrivée au moment où le Président René Préval dansait mardi soir au Palais National.
"Il faut que la bête de l’insécurité meure", a martelé l’éminent juriste qui appelle les habitants de Port-au-Prince à se réveiller comme l’ont fait ceux des Gonaïves après l’assasinat d’Alix Joseph. Me Gourgue s’est moqué des propos de responsables d’Etat et diplomates proclamant la fin de l’insécurité à Port-au-Prince alors que les infrastructures des bandes armées restent opérationnelles. Il estime qu’un corps de 15 à 20.000 hommes devrait assurer la sécurité publique à la capitale.
La Primature et le ministère de la culture ont également condamné le meurtre de l’artiste en soulignant que cet acte a "plongé la Présidence et le gouvernement dans la consternation et l’indignation". Ils saluent le départ d’un "fils du pays aux talents multiples et d’une grande générosité".
Une minute de recueillement à la mémoire de M. Latour a été observée mercredi au stade Sylvio Cator lors du match international amical Haïti-Chili auquel assistait le Président René Préval.
Le Théâtre National d’Haïti, où Latour travailla dans le temps, a particulièrement rappelé la contribution du disparu à la vie théâtrale et la longue liste de pièces qu’il avait créées.
Les Députés Steven Benoît et Accluche Louis-Jeune de même que le PDG de la station privée Radio Ibo, Hérold Jean-François et le rédacteur en chef de Radio Vision 2000, une autre station privée, Valéry Numa, ont fermement réprouvé ce crime abominable. Ils réclament des autorités des mesures urgentes visant à stopper la recrudescence des activités criminelles.
Jeudi, les stations de radio continuaient à diffuser à profusion les spots publicitaires du créateur avec un accent d’hommage qui rencontrait les exigences commerciales des commanditaires
Kidnappé mardi en début de soirée par des inconnus armés au moment où il regagnait sa résidence à Delmas 31 (nord de Port-au-Prince), l’illustre comédien a été tué d’une balle au ventre. Son cadavre a été découvert en caleçon près des magasins Bâtimat (entrée nord) mercredi aux premières heures.
Les ravisseurs exigeaient une rançon de 100.000 dollars américains.
Né vers la fin de 1943, François Latour était un metteur en scène, acteur, diseur, homme de radio et publicitaire de haut vol. spp/RK

Intempéries à Port-au-Prince : Au moins quatre morts, une dizaine de blessés et d’importants dégâts

Une famille entière victime de l’effondrement d’un mur à Carrefour-Feuilles
vendredi 25 mai 2007,
Radio Kiskeya
Les pluies diluviennes qui se sont abattues ces dernières heures sur Port-au-Prince et ses environs ont fait au moins quatre morts et d’importants dégâts matériels entre mercredi soir et jeudi matin, a appris Radio Kiskeya de sources combinées.
Un enfant de douze ans prénommé Junior a été tué et onze autres personnes blessées par l’effondrement d’un mur qui a détruit trois maisonnettes jeudi matin à Carrefour-Feuilles (banlieue sud-est de la capitale). Selon le porte-parole de la protection civile, Dieufort Desloges, interrogé par Radio Kiskeya, les blessés ont été transportés d’urgence dans un hôpital administré par Médecins Sans Frontières (MSF).
Les victimes, qui appartiendraient à une seule famille, se trouvaient pour la plupart dans un état grave, ont affirmé des témoins. Des jeunes filles ont notamment eu la hanche fracturée par des blocs de béton.
Alors que la protection civile intervenait dans des quartiers inondés et collectait des informations en vue d’établir un bilan exhaustif, des données déjà disponibles ont fait état d’autres victimes.
A Delmas 95, dans le secteur appelé communément Jacquet-Toto (est), un jeune homme non identifié a été retrouvé enseveli sous les décombres d’une maison qui s’est effondrée. Plusieurs autres personnes ont été blessées, selon des témoins.
A Morne Lazard, un bidonville situé à l’entrée de Pétion-Ville (banlieue est), Yolande Jeudi, 41 ans, a été tuée par l’effondrement d’un mur, a confirmé son mari en état de choc. La victime rentrait de son travail.
A Désermite, un autre bidonville de la même commune, un garçon de dix ans, connu sous le nom d’Assonnié, a été emporté par des eaux en furie. Il tentait de regagner le domicile de ses parents après avoir assisté chez des voisins au match international de football Haïti-Chili qui avait été retransmis à la télévision mercredi soir.
Des maisonnettes construites dans un ravin ont été touchées à Désermite.
Des dégâts considérables ont été également enregistrés dans d’autres secteurs de la capitale. Dans la zone de Truitier, à Carrefour (banlieue sud), une dizaine de maisonnettes ont été endommagées.
Au wharf de Jérémie, sur le boulevard La Saline (nord), un amas de boue et des trombes d’eau ont paralysé la circulation et ralenti les activités.
Sur la route de Frères (est), à hauteur de Vivi Mitchell et à Tabarre (nord), la circulation était très difficile jeudi à cause des nombreux alluvions qui jonchaient la chaussée.
Au Canapé-Vert (est), la circulation automobile avait été suspendue pendant de longues heures mercredi soir et jeudi matin sur l’un des principaux axes routiers reliant Port-au-Prince et Pétion-Ville à cause de la chute de deux pylônes électriques.
Le Centre national de météorologie a indiqué que ces intempéries ont été provoquées par la présence d’un nouveau système dans la mer des Caraïbes. Les populations des zones à risques sont appelées à la prudence.
Le mois de mai, qui ouvre la saison pluvieuse en Haïti, a été marqué par une pluviométrie particulièrement abondante.
La saison cyclonique -dont le début généralement en juin a été avancé de trois semaines- risque d’être très active dans l’Océan Atalantique et pourrait donner naissance à une dizaine de tempêtes tropicales, selon les prévisions du Centre national des ouragans (NHC), basé à Miami. spp/RK

Réactions du journaliste Adyjeangardy à l’assassinat de François Latour

Un texte envoyé de l’étranger à la rédaction de Radio Kiskeya qui soulève des interrogations sur l’origine de cet acte barbare et restitue à l’artiste sa stature de géant et d’éternel révolté
vendredi 25 mai 2007,
Radio Kiskeya
ENQUETES : QUI A ORDONNE L’EXECUTION DU JOURNALISTE FRANCOIS LATOUR ?
Il ne s’agit pas d’un simple assassinat mais d’une exécution. Plusieurs indices : d’une part les ravisseurs semblaient avoir été placés devant la maison de Francois Latour,attendant pendant des heures son retour en fin de journée en vue de le kidnaper et l’emmener vers la rue Barbé de Marbois (Delmas 31) ou il allait trouver un autre groupe de mercenaires . D’autre part ils n’ont attendu aucune négociation de rancon , apres avoir éxigé pour la forme 100,000 dollars US , en prenant le soin d’utiliser le téléphone de leur victime . Ils ont emmené leur butin vivant dans la région quasi déserte de Batimat pour le descendre sans autre forme de proces apparemment deux heures apres. Autre indice : la balle dans le ventre. Apparemment Francois Latour aurait tenté de faire face aux criminels , de se battre, dans un dernier corps à corps, se souvenant de cette folle soirée apres l’assassinat sous Baby Doc de son ami le journaliste Gasner Raymond quand ses copains de la presse indépendante monterent une armada à la recherche des assassins, les armes et le coeur à la main , les yeux inondés de larmes , comme de jeunes oiseaux fous. Il aurait essayé de survivre . Jouant au mort comme dans la tragédie grecque d’Antigone, n’a-t-il pas ensuite essayé en vain d’appeler à son secours, en signalant ou on l’avait jeté ? Autre indice : on n’arrivait pas à le localiser. On l’a abandonné. On a été le chercher uniquement le lendemain, il est mort des suites de ses blessures et de la lacheté des autres. On a fini par l’avoir...
Francois Latour a survécu pourtant à l’assassinat de la plupart de ses amis de la presse et du theatre : 40 ans apres on a fini par l’avoir lui aussi ! Merde ! On a tué Francois Latour. C’est toute une génération qu’on vient de tuer. C’est toute une époque. C’est un pays, je veux dire, tout un patrimoine qui vient de tomber . Il faisait partie de ces ainés qu’on ne pouvait que respecter. Vers la fin des années soixante dix et le début des années quatre vingt tout adolescent qui apprenait comme moi à lire et à ecrire enfin tout seul avait une vénération sans borne pour de tels noms : Ezechiel Abellard ( de Radio Metropole dont on ne retrouva jamais le corps), Gasner Raymond (du journal le Petit samedi Soir étranglé et jeté sur la route de Braches), Ricot Jean Baptiste (qui finit par "se suicider", brulé vif, apres une émission de radio), Jean Dominique (criblé de balles devant Radio Haiti), et tous ces journalistes cartésiens, Marie Gerty Aimé, Pierre Clitandre, Anthony Pascal, les freres Jean Robert et Gabriel Herard, Michel Soukar, Jean Claude Fignolé, Marcus Garcia, Bob Lemoine, Dany Laferriere, et par dessus tout Francois Latour le philosophe . Nom de Dieu ils n’avaient que vingt ans et c’était nos seules references. Grace à eux on avait un pays et on se sentait fier , fiers tous d’avoir leur nationalité. Et aujourd’hui qu’en reste-il ? Autour de ces noms des cadavres , rien que des cadavres et des memoires de cadavres. Les survivants n’ont pas vu passer le temps, à 60 ans ils ont encore vingt ans. Au fond de nous leurs pauvres héritiers, monte une rage à peine contenue, difficile à etre retenue , un cri énorme, le cri des oiseaux fous comme aurait dit Dany Laferriere , dans ce merveilleux roman qui fait pleurer de la premiere page jusqu’a la fin. Dany raconte en efftet l’histoire des journalistes traqués, qu’on tue sans arret dans ce pays et qui ressassent des reves sans fin, il cite nommément ce jeune journaliste qui s’appelait Francois Latour et qui intriguait tout le monde par sa grandeur et sa profonde humilité. Un jeune homme surperprotégé par sa mere nous dit Dany qui n’avait peur de rien sauf de mourir sous la pluie... 40 ans apres il meurt sous la pluie, abandonné, dans son sang . On a fini par l’avoir...
Francois Latour était plus qu’un publiciste. C’est le journaliste que j’ai toujours connu et admiré, le journaliste des chroniques radiophoniques au quotidien, qui pour faire face à la médiocrité ambiante, en réel géant, se refugiait dans le rire, les calembours, les jeux de mots, juste pour passer le temps. Il est né là , dans un mauvais temps , le temps des chauves souris. Il est né à une epoque ou il n’y a plus de geants, parmi nous, une majorité de petits nains, et dans ce cas il devenait facile à voir. Difficile à défendre. Difficile aussi apres de rendre le coup pour le coup. Ainsi personne n’est plus à l’abri. Serions nous tous devenus si laches de ne pouvoir organiser la resistance au nom de la liberté , pour que nous puissions vivre enfin en paix et pour permettre aux enfants de grandir heureux ? C’est la derniere idée soulevée à Miami au local d’une télévision hatienne, entre des amis par Francois Latour il y a quelques mois. En fait Francois a toujours été considéré comme dangereux pour toutes les dictatures. Parce qu’il a toujours su penser et aider les autres à se panser ou se passer de l’ignorance... Francois Latour a fait ce qu’il a pu pour donner à sa patrie en tant que journaliste et homme de parole toute la dimension qu’elle méritait. Aui nom de la liberté d’expression.
Francois Latour à 20 ans apres la mort de Papa Doc, entra à l’université pour participer activement à la création d’un mouvement de prise de conscience revolutionnaire de masse en utilisant le créole comme une arme . Il lanca l’idée de la naissance d’une presse indépendante en utilisant comme base de lancement les cercles de reflexion culturelle, alliant autour de lui des fils de paysans qui réclamaient le retour à la liberté et à la démocratie . Là ou Exechiel Abellard de Radio Metropole avail échoué, il allait réussir. Il parvint à entrainer apres lui les jeunes de la SNAD (Societe Nationale des Arts Dramatiques) et à leur donner une orientation revolutionnaire. Le pays allait connaitre l’ere des Comperes : Compere Filo (un fervent d’Exechiel ) Compere Roro, Compere Plume, Compere Jojolafleur. Ces camarades creoles allaient creer une opposition radicale à la dictature à la radio et sur les planches de theatre en drainant des foules entieres , à leur tour, derriere eux . Francois Latour a toujours identifié deux endroits pour atteindre les foules : le théatre et la radio. Il prit à la fois la direction de la TNH (Theatre National d’Haiti) et celle de Radio Port-au-Prince pour mieux coordonner le mouvement à la barbe de la milice. Il finira par entrer dans la clandestinité échappant plusieurs fois à la mort. Intellectuel tres érudit, ce jeune homme fit circuler ensuite par ses fideles de precieux livres dans les lycées tel le volumineux "Question de Methodes" de Jean Paul Sartre, les fameux "Principes Elementaires de philosophie" de Pullitzer , et certains auteurs contestataires russes que lui seul pouvait trouver secretement. C’est lui qui apportera à Francketienne, une celebre piece de dissidents russes traduite en francais "Les immigrés" qui deviendra"Pelen Tete" , une formidable mise en accusation de la nomenclatura duvalieriste. A la chute du regime en février 1986 il produisit a Transvision Studio un documentaire journalistique de television de haute qualité, distribué par milliers à travers le pays concernanto sur les dérives autoritaires de la dictature et la quete populaire de la démocratie. C’est a partir de cette epoque que le journaliste se consacra davantage sur demande de Jean Dominique à la production de spots publicitaires en creole en leur donnant un autre ton , un autre tonus alliant l’intellectualité au populisme, un pari qu’il réussit...
Les années 1986-1990 qu’il appela avec humour "les années malfini" (du nom d’un oiseau rapace) voient un Latour encore plus mordant dans ses chroniques. Il envoyait de la vitriole sur les régimes de mort, allant parfois jusqu’a improviser des phrases de colere contre "les mangeurs d’innocents qui boivent du sang en se lavant les dents avec" . Il explosa ainsi dans "Troufoban" de Frankétienne, nous livra un "Caligula" creole (traduit d’Albert Camus) qui rappellait ses sorties inattendues dans "Bouki Nan Paradi" de Franck Foucher,"Monsieur De Vastey"( de René Philoctète) ,"Montserrat" de l’algérien Emmanuel Roblès ou "Lamiral" de Syto Cavé.Au cinema avec "Map Pale Nèt" de Raphaël Stines ou "L’homme sur les quais" de Raoul Peck, il démolit davantage tous les styles de dictature et mit en garde contre la resurgeance des nouveaux dictateurs en Haiti. Francois Latour n’était pas simpliste , si vous preferez, il n’était pas "simple". Au cours des années 1991 - 2001 qu’il denomme "années de la longue nuit" dans une ses chroniques il démontrait son souci de rester éveillé, de ne pas se laisser zombifier. Il se faisait écouter tous les matins à la radio dans sa rubrique "Port-au Prince au cours des Zins" dans laquelle sur Radio Metropole, il pourfendait les dirigeants et les moeurs de la nouvelle société obscurantiste. Entre 2001 et 2007 qu’il présentait comme "le temps de la folie furieuse" il enregistrait et interpretait des poetes de la rage tels un Anthony Phelps, se demandant comme lui si "le temps est revenu de se parler en signe". Sur les ondes de Radio Caraibes il offrait enfin une serie d’analyses critiques et ironiques sur les orientations actuelles du pays, sans égard pour quiconque rappelant qu’il refusera jusqu’à sa mort "d’acheter la figure de quiconque" ou de se faire acheter, préferant garder son compte en banque secret pour que les corrompus bien armés ne viennent tirer ce qu’il n’a pas...apres tant de refus. Finalement ils sont venus tirer sur lui, pour nous voler sa vie. Francois Latour a refusé de se faire acheter est resté integre et jusqu’à la fin portant bien haut le flambeau de la liberté de la presse. Qui a ordonné son execution ? Les premieres versions sont liées à des rumeurs : une stratégie pour détourner les regards des Gonaives qui menacaient apres l’assassinat d’un autre journaliste Alix Joseph, d’inaugurer de nouvelles émeutes de nature à ébranler les assises de Port-au-Prince. Cette stratégie serait nous dit-on purement trostskiste : solutionner un probleme en créant un autre probleme . Si cette version a un sens quelconque, pourquoi choisir Francois ? La meme rumeur voudrait que son nom nom ait été sur une liste de mauvaises tetes à cause de ses critiques ouvertes à la barbe de Fidel "qui aurait maintenant deux pays à gerer Cuba et Haiti" . Capacité sournoise de mobilisation ou non , on prétend aussi de prétendues consultations internationales dans lesquelles il aurait dénoncé un ensemble de crimes en Haiti et ses relations avec le brillant cinéaste Raoul Peck en exil considéré comme l’un des plus farouches détracteurs du pouvoir actuel au niveau de la communauté internationale. Que ne dit-on pas ? Maintenant il reste à trouver les veritables mobiles de cet assassinat et leurs auteurs pour que la justice puisse agir, meme si la justice s’amuse ces jours ci à liberer des criminels notoires. Serions nous revenus aux temps de se parler en signe ? La lumiere doit etre faite sur ce crime, meme si les comédiens font semblant de s’époumonner maintenant. Et ceci n’arrivera pas tout seul. Il nous faut réfléchir à une stratégie de survie. C’est l’avenir de tout un pays et de chacun de nous qui se trouve en danger...
Adyjeangardy Fondateur et Président d’Honneur de la Fédération de la Presse Haitienne
P.S Texte parvenu à la rédaction de Radio Kiskeya le vendredi 25 mai 2007