Google

vendredi 25 mai 2007

JACQUES ROUMAIN A L'HONNEUR A NEW YORK

Jacques Roumain à l'honneur à New York
Jacques Roumain (1907-1944) a été à l'honneur les 18 et 19 mai 2007 à Brooklyn College (N.Y). La Fondation Mémoire, en collaboration avec HABETAC (Haitian Bilingual Technical Assistance Center), DASWI (Department of Africana Studies of the Wolfe Institute) et HASA (Haitian American Student Association), a organisé un collogue international sur cette figure emblématique de la littérature haïtienne. Ecrivains, chercheurs, enseignants d'ici et d'ailleurs ont croisé leurs regards sur l'oeuvre profonde et diffuse de Roumain dont l'année 2007 ramène le centenaire de naissance.

«Figure légendaire de la littérature haïtienne, Jacques Roumain dont l'oeuvre dépasse les frontières ne cesse de retenir l'attention. Le colloque international que nous lui consacrons s'inscrit dans la logique de restaurer sa mémoire d'écrivain, de visionnaire, d'idéologue qui aimait son pays plus que tout». Par ces propos, le Dr Hugues Saint Fort, président de la Fondation Mémoire, a déclaré ouverte la première session du colloque.

A l'instar de Nicole B. Rosefort, directrice de HABETAC, Darnell Joseph, président de la HASA, il a placé dans son contexte cette conférence internationale qui a réuni des chercheurs, écrivains, poètes et professeurs de littérature d'horizons divers. «J'invite l'assistance à un voyage exploratoire autour des oeuvres de Roumain qui contribuent largement à la promotion de la culture haïtienne», a indiqué Frantz Antoine Leconte de la Fondation Mémoire.

Des thématiques variées et diversifiées ont été développées par des chercheurs, écrivains, poètes, professeurs (de littérature) d'horizons divers. Le Dr Frantz Antoine Leconte, de Kingsbrough Community College et chargé des Relations publiques à la Fondation Mémoire, a cerné les thèmes de la migration, du retour et de la culture haïtienne dans "Gouverneurs de la Rosée".
Clément Mbom, du Brooklyn College, a abordé, pour sa part, la question relative à la problématique du retour dans ce même roman de Roumain.

Michel Acacia, de l'Université d'Etat d'Haïti (UEH), a fait ressortir, du mieux qu'il a pu, l'allure de provocation dans certaines évocations de Roumain: auteur prolifique qui publia coup sur coup. De "La montagne ensorcelée" (traduit de l'anglais par F.A Leconte et Alfonso Garcia Osuna) préfacé par Jean Price-Mars, à "Les Fantoches" en passant par "La Proie et l'Ombre" (roman auquel Robenson Bernard a consacré une étude critique d'importance selon Josaphat-Robert Large), Roumain a mis un accent particulier sur la question des couleurs, à en croire Acacia qui estime que la question de la couleur est très prononcée chez Roumain. «Si Jacques Roumain n'était pas mulâtre, certaines de ses remarques d'une extrême pertinence auraient été taxées de noirisme par des critiques étrangers», a lancé le sociologue Michel Acacia qui déplore le fait que « l'Analyse Schématique» de Roumain ait été attribuée injustement à Etienne Charlier et Christian Beaulieu.

«Jacques Roumain parle aux enfants», tel est le titre d'un recueil de contes présenté par Jocelyne Trouillot Lévy, toute heureuse d'apprendre aux enfants à découvrir des aspects moins connus du romancier-conteur.

Roumain dans les lunettes de Bernard DelpêcheBernard Delpêche, professeur à l'Université de la Nouvelle Ecosse, et auteur d'un brillant essai sur Dépestre, a traité du merveilleux dans "Gouverneurs de la Rosée". «Jacques Stéphen Alexis a présenté une théorie du réalisme merveilleux. Jacques Roumain, à l'instar de Fanon Glissant, est allé avec facilité vers l'universalisme», indique le Dr Delpêche qui dénonce à son compte l'intertextualité et la redondance chez Roumain qu'il croit colonialiser la pensée.

Bernard Delpêche ne mâche pas ses mots : «Analyser l'oeuvre de Roumain permet de minimaliser la vision de l'idéologie exportée du socialisme prolétaire, athée, voyant, bourgeois», note-t-il en se demandant si Roumain était communiste ou déviationniste pour son époque ou du moins s'il était pour la disparition des classes sociales en Haïti.

Apprendre aux enfants à découvrir Roumain
Pour Mme Trouillot-Lévy, Jacques Roumain fut un écrivain qui a pu s'adapter à différents niveaux d'âge, et sous des formes variées (conte et poésie). «Ça témoigne de son génie créateur», juge-t-elle en faisant remarquer que ce sont des oeuvres posthumes présentant un aspect intéressant du père qui écrivait pour son petit garçon Daniel.

Pour sa part, Jean-Yves Plaisir a animé un atelier dans lequel il visait à initier les enfants à la poésie. Explorant les oeuvres d'auteurs haïtiens et étrangers comme Price-Mars, Dépestre, Alexis, Langston Hughes, Nicolas Guillen (Cuba), le Dr Plaisir a présenté Roumain comme « la voix des sans voix » (Voice to Haiti's Voiceless). Il a donc plaidé pour une meilleure diffusion des oeuvres de cet auteur qui, aux côtés de Hughes et Guillen, a pris fait et cause pour la lutte des Noirs en faveur de la liberté.

Etienne Télémaque pour une politique de l'habitat humainLa question de l'aménagement du territoire dans l'oeuvre de Roumain a particulièrement intéressé l'urbaniste Etienne Télémaque qui relève le concept de village agricole chez l'auteur de "Gouverneurs de la Rosée". «Sans être agronome, Roumain a frayé avec le monde agricole», fait-il remarquer en attirant l'attention sur le fait que le monde rural se meurt, faute d'un plan d'aménagement qui repose sur les valeurs défendues par Délira. «Il faut bâtir sans casser le paysage», lance M. Télémaque qui dénonce l'absence d'une politique conséquente d'aménagement du territoire.
Katell Colin et Rodney St-Eloi : regards croisés sur Roumain

«Lecture socio-pragmatique de Jacques Roumain», tel est le titre de la réflexion de Katell Colin de l'Université d'Ottawa. Très intéressée à la littérature haïtienne en général et à l'oeuvre de Roumain en particulier, Madame Collin a mis en relation la trajectoire de l'écrivain avec des constantes discursives. Analysant Les Fantoches, elle a montré que les personnages de ce roman sont écartelés entre leurs aspirations à l'idéal et le cynisme, comme Roumain d'ailleurs qui fut un enfant ayant grandi sous l'occupation.

Rodney St-Eloi, poète et éditeur, a poétisé de fort belle manière le mythe roumainien : «En Roumain, je garderai le dieu», un titre cher à l'écrivain haïtien bien connu Anthony Lespès, a-t-il lancé. Pour St-Eloi, l'écriture de Roumain est une exigence esthétique permettant de dépasser la tentation schizophrénique de Léon Laleau.

Soulignant le sens de la révolte et de la vie chez l'auteur de "Gouverneurs de la Rosée", M. St-Eloi n'a pas caché son attachement viscéral à celui qu'il considère comme son héros, tout en dénonçant ce qu'il appelle « l'imbécillité bourgeoise ». «Je veux lire Roumain pour comprendre la vie ; lui qui voulait construire la société sur une nouvelle base, lui qui prenait parti contre l'atmosphère de déchéance de l'absurdité et de l'univers clos», précise-t-il en citant, non sans une certaine émotion dans l'âme, des extraits de textes d'Alexis, d'Ollivier, de Nicolas Guillèn et d'Anthony Lespès. «Jacques Roumain est mort, mais nous garderons le dieu», conclut le poète qui voit Roumain comme un modèle d'éclairage, la mythologie littéraire haïtienne.
Et dire que les interventions successives de Patrick Sylvain de University of Massachusetts, Franck Laraque de City College of N.Y, de Serge Madhère de Howard University ont tout aussi retenu l'attention d'une assistance composée majoritairement de chercheurs, écrivains, étudiants haïtiens et étrangers d'horizons divers.

EducaVision, Les Editions de l'Université Caraïbes, des auteurs ont exposé leurs ouvrages. Les membres du Collectif Jacques Roumain 2007 dont Frantz Antoine Leconte, Hugues Saint-Fort et Robenson Bernard, en ont profité pour signer le livre Collectif titré « Jacques Roumain au pluriel ». Le Colloque international sur Jacques Roumain ? Une aventure qui valait bien la peine d'être tentée.


De notre envoyé spécial
Robenson Bernard
robernard@yahoo.fr

N.B- Remerciements spéciaux à FOKAL, UNIQ, OFATMA qui ont rendu possible notre participation à ce colloque international sur Jacques Roumain.
Source LE Nouvelliste sur
http://www.lenouvelliste.com


Aucun commentaire: