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dimanche 18 octobre 2015

POUR UNE RÉHABILITATION DE JEAN JACQUES DESSALINES

Que dirait on de Jean Jacques Dessalines s’il vivait aujourd’hui ?

Fort heureusement d’ailleurs que le monde a bien changé. Beaucoup d’eau a bien coulé sous les ponts depuis que le monde est monde.
Sans vouloir suivre le courant révisionniste qui cherche surtout à démonter des colosses et aller jusqu’au négationnisme, j’ai souvent envie de replacer des idées d’avant dans le contexte de maintenant.
Aujourd’hui tout se retrouve enfermé et encadré dans une espèce de coffret à codes édité par ceux là qui veulent changer le monde ou imaginé par ceux là dont la vision de ce monde prend l’air de l’antichambre du paradis. Sans pleur, sans grincement de dents.
Un exemple reste la notion de « guerre propre ».
A défaut de pouvoir justifier certains conflits ou certaines interventions armées, des idéologues ont inventé ce concept qui adoucit les angles et force à accepter une certaine façon de guerroyer proprement. On avertit l’ennemi d’une attaque ou d’un raid, on identifie bien les cibles pour s’assurer que les ennemis s’y trouvent, que ce sont surtout des hommes en âge de faire la guerre, qu’il n’y ait ni femme, ni enfant ni vieillard ; que parmi les bâtiments il n’y ait ni église ni hôpital ni école, ni crèche … tout ça avant de bombarder.
Si l’attaque touche un élément de cette liste d’intouchables l’opinion condamne cette guerre qui devient sale.
Dernièrement est apparu le concept de la nationalité des considérés comme ennemis. Les russes qui interviennent en Syrie doivent bien vérifier que dans le camp de « daech » ne se trouvent pas enrôlés des citoyens russes.
Bon je ne suis pas sûr que Vladimir Poutine soit en mesure de s’élever aussi haut dans la pensée parfaite du monde idéal et arriver à se dire que les autres nationalités intégrant l’armée islamique sont irrécupérables tandis que les russes oui.
Il y en a d’autres états qui tiennent compte de cette possibilité et qui semblent vouloir extraire leurs nationaux avant de bombarder les autres.
Récemment aussi le concept violence a été revu et corrigé pour absoudre des syndicalistes qui ont pris à partie des cadres d’une très grande entreprise française. Des cadres qui ont dû échapper au lynchage en escaladant un grillage torse nu et la veste à la main après avoir été contraint d’abandonner la chemise en lambeaux entre les mains de syndicalistes agités.
Devant un tel scénario, malheur à celui qui oserait ouvertement condamner ces faits. On peut si on veut les considérer comme violents certes mais plus violente encore reste l’acte de vouloir licencier 2900 personnes.
Donc les premiers coupables de violence seraient la direction de la dite entreprise et le pseudo lynchage orchestré par les syndicalistes est en quelque sorte justifié sinon compris.
En ce 17 octobre 2015, le jour de l’anniversaire de l’assassinat de Jean Jacques Dessalines, premier chef d’état de la nation Haïtienne créée par lui-même, j’essaie de faire du passé présent et futur pour analyser son œuvre et comprendre pourquoi son nom ne figure pas parmi les grands hommes de l’histoire universelle.
Pourtant son œuvre est grandiose et devrait être cité avec une grandiloquence dithyrambique comme exemple de manifestation humaine et universelle. Qui a fait mieux que le général Jean Jacques Dessalines ?
Qui a pu insuffler un à un peuple opprimé dont l’existence a été scellée dans la partie la plus basse de la pyramide parmi les animaux inférieurs et les choses, la doctrine les rendant humains, le goût du droit à la liberté et le devoir de la conquérir au prix de sa propre vie ?
Qui dans l’histoire du monde a su infliger par son œuvre ses dons et ses compétences, le plus cuisant revers à la toute puissante armée expéditionnaire ?
Qui a su conduire au début du XIX ème siècle une révolution de nègres esclaves jusqu’à à la victoire concrétisée dans la constitution d’une République noire ?
Avec le recul je me rends compte que j’ai été endoctriné et la manipulation a eu gain de cause sur ma raison. Au lieu de vénérer Jean Jacques Dessalines je me suis accroché au personnage du précurseur, lui aussi très grand, parce que nous avons appris notre histoire rédigée par ceux que nous avions vaincus et chassés.
Si on est capable de se griser jusqu’à l’érection en lisant des phrases comme « le premier des noirs » il est évident que l’on risque de lire avec indifférence les récits dédaigneux qui présentent Jean Jacques Dessalines comme un vulgaire criminel qui s’abreuvait volontiers du sang des blancs. Et sa grande victoire sur l’armée française a été tout simplement due à un concours de circonstances dont et surtout une épidémie de fièvre jaune !
Voilà la version de l’histoire que j’ai apprise.
La version des vaincus.
La version française.
Après avoir inauguré en mai dernier une statue à la mémoire de Toussaint Louverture à la Rochelle, les autorités ont organisé une séance de travail avec des professeurs d’histoire venant d’Haïti pour élaborer des fiches pour l’enseignement au niveau des écoles en Haïti du personnage Toussaint Louverture ! Bien entendu l’esprit critique des professeurs haïtiens risquent de s’embuer devant les promesses et les dons de cahiers, crayons, livres démodés et mobiliers inadaptés.
Ainsi ce sont les français qui disent aux haïtiens ce qu’il faut retenir de la vie, l’œuvre la vision du personnage clé de notre identité de peuple. De Toussaint Louverture ! En contrepartie le nom de Dessalines est banni et si jamais on l’évoque c’est pour en faire ce criminel détestable sauvage et ignorant.
En fait Jean Jacques Dessalines, général de l’armée française (malgré elle) et chef de l’armée indigène, dans sa stratégie de guerre, n’a pas fait une guerre propre.
L’ancien esclave portant dans sa chair, dans son cœur et dans son esprit la cruelle et l’inhumaine réalité de l’esclavage, devenu révolutionnaire, chef de guerre aurait dû faire une guerre propre avec condescendance et humanité contre ceux-là qui lui ont nié cette appartenance à la race humaine et qui s’opposaient armes à la main à cette accession à l’humanité dont la liberté reste le corollaire indispensable.
Les colonisateurs qui ont fait usage de la plus bestiale des cruautés dans le traitement des esclaves ont des places dans le panthéon des grands hommes.
Qui, en dehors des descendants des aborigènes, a traité Nicolas de Ovando de criminel celui qui par traîtrise captura puis assassina Anacaona, Caonabo et bon nombre d’indigènes de l’île d’Haïti ?
Quelle étiquette posée aujourd’hui à Christophe Colomb qui avec une horde de criminels notoires et d’autres espagnols mal famés ont participé au génocide de ces indigènes de l’île, ces gens qui ne demandaient pas à être découverts ?
Devrais-je énumérer les châtiments corporels prescrits et ordonnés par les lois contre les esclaves par ceux-là même qui font de Dessalines un criminel ?
Et quid du « pacificateur de la Vendée » envoyé à Saint Domingue pour mater la révolution des esclaves ? Que dire de ce Rochambeau que l’histoire cite pour son incomparable cruauté envers les esclaves ?
Celui qui prenait un plaisir jubilatoire à faire dévorer sous ses yeux des nègres esclaves par ses chiens, n’est pas moins criminel que ceux qui utilisent les moyens à leur disposition pour se libérer pour se libérer du joug de ceux qui oppriment un groupe d’hommes se basant sur une vision raciste qui déshumanisé et chosifie au profit d’un intérêt purement mercantile ?
Jean-Jacques Dessalines était bien en avance sur ces hommes à la pensée courte et à vision adultérée qui ne pouvaient concevoir la portée de son action. Pour eux il a été beaucoup plus facile d’emprunter un raccourci que de s’aventurer dans les sentiers éclairés qui menaient vers les dimensions de son œuvre universelle.
Il avait bien avant eux compris que le jugement de la postérité risquait de lui être défavorable. Mais que pouvait valoir un jugement contre lui prononcé, face à son œuvre qui se résumait à la réhumanisation d’une race par la liberté et l’égalité ?
Dans aucune région dans le monde, existait un espace où tous les noirs pouvaient vivre libres et sans maître. La Nation noire des caraïbes s’offrait comme temple pour certains et défi pour d’autres.
Jean Jacques Dessalines en était conscient son idéal était de créer puis protéger cette nation. L’ensemble de son action restait rivé à cet objectif. Et comme il l’avait si bien dit : « peu importe le jugement de la postérité, pourvu que je sauve mon pays ».
Ceux qui ont écrit notre histoire comme ceux qui ont contribué à configurer l’esprit de ceux qui l’ont écrite, ont voulu retenir cet aspect de guerres sales dans la stratégie des actions menées par Dessalines.
Comment demander de parler et de dire du bien du chef de l’armée indigène qui a vaincu et mis en déroute la grande et toute puissante armée expéditionnaire du régime de Napoléon ?
Il faudrait un altruisme d’une valeur jusqu’à ce jour inédite pour voir la nation qui se réclame championne des droits de l’homme réhabiliter celui qui s’est révolté pour traduire en actions et en faits les préceptes de cette déclaration universelle des droits de l’homme, celui qui a refusé et répudié au péril de sa vie ce qui est reconnu aujourd’hui comme crime contre l’humanité.
Mais comme il l’avait dit, peu importe ceux qui préfèrent le juger, à défaut d’une reconnaissance universelle de ceux qui en fin de compte admettent sans hypocrisie la portée de son œuvre, nous autres citoyens de cette nation fruit de sa vision, nous avons le devoir de le placer au sommet le plus élevé du panthéon des grands hommes.
Aujourd’hui que la nation toute entière titube et cherche encore son chemin 209 ans après son sacrifice, nous les fils des descendants de Dessalines nous devons faire le voyage dans l’autre sens pour revenir aux bases et aux fondamentaux du rêve dessalinien et pour inscrire le projet-pays dans une vision et dans une procédure de marche en avant. Le pays que nous subissons aujourd’hui est aussi le fruit de notre éloignement et de notre égarement.
La solution réside dans un retour vers cet idéal et l’application des préceptes prônés par Jacques Premier.
Dr Jonas Jolivert sur http://www.jonasjolivert.net