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vendredi 8 juin 2012

Haïti-Ressources minières : A qui profiteront les milliards du sous-sol haïtien ? (I)

P-au-P, 5 juin 2012 [AlterPresse] --- Haïti connait une ruée vers l’or. Or, les reportages dans certains médias haïtiens ou étrangers, ainsi que certaines déclarations d’entreprises minières et de politiciens haïtiens ont induit le public en erreur, révèle une nouvelle enquête d’Ayiti Kale Je (Akj).
La ruée vers l’or, qui se dessine peu à peu depuis quelques années en Haïti, promet de rapporter des bénéfices de quelque 20 milliards de dollars américains (US $ 1.00 = 43.00 gourdes ; 1 euro = 58.00 gourdes aujourd’hui).
Mais, où cet argent ira-t-il ? À qui profitera-t-il ? Et à quel coût ?
Au cours d’une enquête, qui a duré dix mois, une équipe d’étudiantes et d’étudiants, de journalistes et de membres d’une radio communautaire, a fait des découvertes surprenantes :
• Près de 3,885 kilomètres carrés de territoire haïtien, soit 15 pour cent de tout le pays, sont déjà sous une licence de recherche, d’exploration ou d’exploitation, ou sont soumis à une convention contrôlée par des firmes américaines et canadiennes ;
• À elle seule, l’Eurasian Minerals, une des firmes en question, a prélevé 44,000 échantillons ;
• La Newmont Mining, deuxième productrice d’or au monde et qui exploite la plus grande mine en Amérique, a largement investi auprès d’Eurasian. Elle envisage la possibilité d’exploiter au moins cinq sites miniers ;
• L’ancien ministre haïtien de l’économie et des finances (Mef), Ronald Baudin, travaille aujourd’hui comme consultant pour la compagnie minière Newmont ;;
• Deux ministres haïtiens ont récemment signé avec Newmont et Eurasian un « protocole d’entente », selon lequel – et en violation de la loi haïtienne – les compagnies peuvent commencer le forage dans un des sites en exploration. Or, la loi haïtienne stipule qu’aucun forage ne peut être entrepris sans une convention minière ;
• Équipée de quelques géologues et d’une poignée de véhicules, l’agence d’État, en l’occurrence le bureau des mines et de l’énergie (Bme), n’a pas les moyens de superviser les opérations de forage et de recherche, en cours au Nord du pays ;
• Personne ne semble enclin à parler, aux communautés, de ce qui se passe dans le Nord et des ententes conclues derrière des portes closes.
Ruée vers l’or, d’un pays vers sa perte
Haïti est peut-être le « pays le plus pauvre des Amériques », mais cette nation est également assise sur une mine d’or.
Le nouveau premier ministre Laurent Salvador Lamothe dit miser sur les richesses qui se trouvent dans les montagnes du Nord d’Haïti, pour sortir le pays de la pauvreté.
Mais, si le passé est garant de l’avenir, l’exploitation de l’or, de l’argent et du cuivre, cachés dans les montagnes, profitera principalement aux actionnaires étrangers, tout en défigurant un paysage déjà dénudé et fragile.
Haïti a peut-être quelque chose à gagner, mais elle a également beaucoup à perdre.
Alors qu’une poignée de cultivateurs gagnent cinq dollars américains par jour à construire des chemins miniers, et pendant que les journalistes parlent d’un ou deux sites de forage, une entreprise canadienne, Eurasian Minerals, accapare, discrètement et minutieusement, les permis d’exploration – 53 pour être précis – et conclut des ententes secrètes, vraisemblablement avec l’aide d’un ancien ministre de haut rang, aujourd’hui stipendié.
L’aubaine est si belle, pour les compagnies minières et tellement néfaste pour Haïti, que le directeur de l’agence nationale - responsable des mines -les a récemment dénoncées lors d’une entrevue exclusive avec Ayiti Kale Je (AKJ), appelant son gouvernement à rectifier le tir :
« Je leur ai dit de laisser les minerais sous terre, les générations futures pourront les exploiter ».
« Les mines font partie du patrimoine national [...] Elles appartiennent à la population, elles n’appartiennent pas aux gens au pouvoir, même pas au propriétaire du terrain », ajoute l’ingénieur géologue Dieuseul Anglade, alors directeur du bureau des mines et de l’énergie (Bme).
Eurasian et son entreprise associée, Newmont Mining, deuxième productrice aurifère mondiale, forent illégalement, de connivence avec certains membres du gouvernement, dans le secteur de Lamielle, dans le Nord-Est du pays.
La loi haïtienne diffère de celle de nombre d’autres pays. Elle est nettement plus bureaucratique, mais elle prévoit également, au prime abord, un minimum de protection. Pour pouvoir forer – même à des fins d’exploration –, les entreprises doivent obtenir une convention d’exploitation minière, signée par le premier ministre et l’ensemble des ministres. Cette convention établit les modalités pour toute exploitation minière.
Eurasian et Newmont attendent actuellement l’approbation finale d’une convention couvrant un vaste territoire, soit environ 1,350 kilomètres carrés.
Toutefois, la convention n’a pas encore été signée, en partie parce que, pendant le plus clair des 12 derniers mois (mai 2011 - mai 2012), Haïti n’avait pas de premier ministre.
Les richesses d’Haïti secrètement liquidées ?
« Nous sommes prêts à forer », déclarait Daven Mashburn de Newmont Mining, vers la fin de 2011, en parlant de Lamielle.
« Puisque le gouvernement d’Haïti s’en fout […], il nous est impossible de mettre en œuvre nos concessions. Cela signifie que les gens ne peuvent trouver d’emplois ».
Pourtant, le gouvernement est loin de s’en foutre.
Peu après cette entrevue, les concessions ont été consenties, quoique d’une manière pas tout à fait légale.
« Le gouvernement leur a accordé une sorte de dérogation », explique Ronald Baudin (ministre des finances d’Haïti de 2009 à 2011 et ancien directeur général du ministère), qui a supervisé les négociations avec Eurasian alors qu’il occupait cette puissante position.
« Ils sont conscients du tort qu’ils font à la compagnie… Celle-ci a plusieurs bases, plusieurs camps partout dans le pays, avec une très importante logistique. Elle dépense beaucoup d’argent. Et voilà qu’elle arrive à une étape et reste bloquée, du seul fait que la convention n’a pas encore été signée ».
Baudin, qui a quitté ses fonctions lorsque le nouveau gouvernement de Joseph Michel Martelly a été mis en place en 2011, est aujourd’hui un conseiller rétribué du partenariat Eurasian-Newmont, qui porte le nom de « Newmont Ventures ».
Toutefois, un protocole d’entente ne saurait l’emporter sur une loi. Aucune dérogation n’est possible en matière de législation.
« Il y a ce qu’on appelle la hiérarchie des lois. D’après cette hiérarchie, un protocole est plus faible qu’une loi. Un protocole ne peut pas annuler une loi. Il ne peut pas autoriser à faire quelque chose que la loi n’autorise pas », relève l’avocat des droits humains, Patrice Florvilus.
Le directeur de l’agence responsable des mines – le Bme – n’a pas signé le protocole d’entente.
« Je n’étais pas d’accord, pour la simple et bonne raison que si la loi n’autorise pas quelque chose, … vous n’avez pas le droit de le faire ! », souligne Anglade au cours d’une entrevue le 24 mai 2012.
Son bureau n’en a même pas reçu un exemplaire.
Ce refus a été, peut-être, l’une des raisons pour que l’un des premiers actes officiels, du nouveau gouvernement Lamothe, ait été de destituer Anglade.
Anglade, âgé de 62 ans, compte près de 30 années de service au Bme, qu’il a dirigé de près au cours des 20 dernières années. Il a une réputation d’honnêteté.

La loi mise sous la torture
Malgré le refus d’Anglade, le protocole d’entente a été signé par le précédent ministre des finances et celui des travaux publics vers la fin du mois de mars 2012. Ainsi, le 23 avril, Eurasian a-t-elle pu joyeusement rapporter à ses actionnaires que « le partenariat a obtenu la permission de forer pour certains projets, grâce au protocole d’entente ; et le forage se poursuit présentement ».
Eurasian et Newmont, qui n’ignorent point la législation, semblent croire qu’Anglade a signé le document. selon une correspondance avec Akj en date du 25 mai 2012.
Mais tel n’a pas été le cas.
Anglade est également en désaccord avec une convention d’exploitation minière, qui risque d’être signée sous peu, vu qu’après trois mois d’attente, Haïti a enfin un Premier ministre, Laurent Lamothe, qui s’est engagé à rendre la législation du pays plus favorable aux affaires.
Selon Anglade, la version finale – qu’il a rejetée par l’entremise d’une lettre officielle au président de l’époque, René Garcia Préval, et au ministre des finances à ce moment-là, Ronald Baudin – est beaucoup plus faible que les deux plus petites conventions minières existantes d’Haïti (pour 50 kilomètres carrés chacune), parce que les principales clauses de sauvegarde ont été supprimées.
L’article 26.5 – des conventions antérieures – plafonnait les dépenses qu’une entreprise pouvait déclarer à 60 pour cent des revenus. Il est à présent caduc, selon le directeur du Bme.
« Ce qui veut dire que la compagnie peut venir dire qu’elle a dépensé 90 dollars, qu’il ne reste plus que 10 dollars », dit Anglade.
Une deuxième clause a également été supprimée, dit-il : l’Article 26.4, qui garantissait un partage, à parts égales, des profits entre les entreprises minières et le gouvernement.
« Durant les 2 années, passées à négocier ; ma position était claire [...] », dit cet homme de 62 ans, qui, ayant passé toute sa vie dans la fonction publique, enseigne aussi les mathématiques à l’université d’État d’Haïti (Ueh).
« Ces 2 articles, le bureau des mines n’a jamais voulu les enlever [...] C’est lorsque le dossier a quitté le bureau des mines, qu’ils ont négocié et enlevé ces articles. Ce n’est point moi qui les ai enlevés. Après le bureau des mines [...], ils ont fait une réunion au ministère des finances [...] C’est le ministre lui-même qui les a ôtés, le ministre Baudin ».
Interrogé à propos de la convention, Baudin déclare qu’il ne pouvait pas entrer dans les détails.
« Ce que, moi personnellement, je puis vous dire, à présent, nous avons un texte qui a obtenu le consensus de la compagnie, du ministère des travaux publics, du bureau des mines, du ministère des Finances », reconnaît-il néanmoins.
Pas, d’après Anglade.
« Pour rien au monde, je n’enlèverais ces articles », précise-t-il.
Le ministre des travaux publics, Jacques Rousseau, est le supérieur d’Anglade. Son ministère, qui supervise le Bme, est en possession de la convention pendante.
Rousseau a refusé cinq (5) demandes d’entrevue. C’est pourquoi, l’absence des clauses de sauvegarde dans le document ne peut pas être confirmée.
Cela dit, Anglade jure que les mesures sont absentes.
Entre-temps, le protocole d’entente, illégal, a été rendu public. Et Baudin est ostensiblement à la solde de Newmont.
« Je veux que ce soit clair pour la nation : le Bme n’est pas responsable de ce qui a été fait au profit de l’entreprise jusqu’à maintenant », affirme Anglade.
Lorsque Baudin a été interrogé à propos du conflit d’intérêts potentiel, découlant du fait qu’il a occupé les fonctions de ministre des finances avant de se recycler immédiatement en consultant à la solde de Newmont, il est resté de marbre.
« Il existe d’autres pays où, lorsque quelqu’un a fini d’exercer de telles responsabilités, il y a une période de temps, au cours de laquelle il n’a pas le droit de travailler pour le privé. Mais, en la circonstance, il a une compensation. Nous autres, nous n’avons pas cela dans notre législation », accouche Baudin.
« Et aujourd’hui, au moment où je vous parle, depuis mon départ du ministère des finances, je ne reçois pas une gourde de l’État. Ensuite, je dois manger, n’est-ce pas ? Je dois m’habiller [...] » [akj apr 05/06/2012 12:00]

Ressources minières : Que recèlent les collines d’Haïti ? (II)


Enquête
Dans le cadre du partenariat médiatique « Ayiti Kale Je »*, dont AlterPresse fait partie
P-au-P, 06 juin 2012 [AlterPresse] --- Pourquoi Newmont, Eurasian et d’autres entreprises minières ont-elles attendu des années pour obtenir la signature d’une convention, pour ensuite violer la loi haïtienne avec le protocole d’entente ?
Si les calculs des géologues disent vrai, les montagnes au Nord d’Haïti contiennent des centaines de millions d’onces d’or. Puisqu’une once d’or est actuellement négociée à 1,000.00 dollars américains (US $ 1.00 = 43.00 gourdes ; 1 euro = 58.00 gourdes aujourd’hui) , une estimation chiffre la cagnotte à 20 milliards.
La mine de Pueblo Viejo, directement de l’autre côté de la frontière, en République Dominicaine, dans la même « ceinture de minéralisation » qui s’étend d’un bout à l’autre de l’île, renferme la plus grande réserve aurifère des Amériques. Ayant déjà permis de produire 5,5 millions d’onces d’or, elle en contient au moins 23,7 millions de plus. Elle est également riche en argent : 25,2 millions d’onces déjà et 141,8 millions à extraire.
Vu les réserves apparemment vastes d’Haïti (et son faible gouvernement), il n’est pas étonnant que le géant minier Newmont se soit associé avec Eurasian, dirigée par un ancien cadre de Newmont. Eurasian, par l’entremise de son associée locale, l’entreprise Marien Mining, contrôle différents types de concessions représentant une plus grande partie du territoire d’Haïti que toute autre entreprise : l’équivalent d’un dixième du pays.
Une petite entreprise minière haïtiano-étasunienne, VCS, et son entreprise associée locale, Delta Mining, possèdent ou contrôlaient, jusqu’à tout récemment, des concessions couvrant 300 kilomètres carrés dans le Nord ; l’entreprise canadienne Majescor et ses partenaires haïtiens possèdent des licences pour 450 kilomètres carrés de plus.
Ensemble, les entreprises étrangères possèdent des permis de recherche ou d’exploration pour un tiers du Nord d’Haïti, 15 pour cent du territoire du pays.
Majescor a plusieurs longueurs d’avance sur ses rivales, ayant récemment entamé la phase d’ « exploitation » pour l’une de ses concessions. Cependant, VCS et Newmont-Eurasian la talonnent. Toutes ces entreprises reconnaissent le potentiel d’Haïti.
« Haïti est le géant endormi des Caraïbes ! », a dit un partenaire de Majescor récemment, alors que le président d’Eurasian, David Cole, s’est vanté, lors d’une émission de radio, de : « […] contrôler plus de 1,100 milles carrés de terres ».
Un investisseur qui se qualifie de « géologue mercenaire » a écrit : « il est évident qu’il existe un risque géopolitique important en Haïti. Mais la géologie est simplement trop bonne ».
La géologie est en effet très bonne. Un seul petit site d’Eurasian, le gisement de Grand-Bois, pourrait contenir au moins 339,000 onces d’or (d’une valeur de 5 milliards 400 millions de dollars américains au prix d’aujourd’hui) et 2 milliards 300 millions d’onces d’argent.
Bonne en effet, mais il y a un prix élevé à payer.
Mines à ciel ouvert à l’horizon
Parce que, dans la majorité des endroits, les gisements de cuivre, d’argent et d’or sont pour la plupart répartis comme de minuscules grains dans la boue et les pierres – ce qui est parfois appelé « or invisible » – ,cette onéreuse exploitation minière à ciel ouvert est souvent la seule option, mais l’entreprise associée d’Eurasian, Newmont, connaît bien ce mode d’exploitation.
Le géant minier a ouvert la première mine à ciel ouvert au Nevada, en 1962, et a ensuite creusé au Ghana, en Nouvelle–Zélande, en Indonésie, et dans d’autres pays.
Au Pérou, Newmont exploite l’une des plus grandes mines aurifères à ciel ouvert du monde : la mine de 251 kilomètres carrés de Yanacocha. Il y a peu de temps, Newmont a été accusée de trafic d’influence, lorsque la lumière a été faite sur ses liens avec l’ancien maître espion péruvien Vladimiro Montesinos.
Après avoir présumément aidé Newmont à négocier des termes favorables, un ancien employé du Département d’État des États-Unis d’Amérique est devenu salarié de Newmont. L’entreprise a également été accusée d’avoir déversé du mercure et du cyanure.
Imperturbable, Newmont a récemment entrepris la mise en chantier d’une mine d’envergure, la « Minas Conga ».
Cependant, les cultivatrices et cultivateurs, les écologistes et les autorités locales ont jusqu’à maintenant contrecarré ses plans à l’aide de manifestations massives et devant les tribunaux.
Le mois dernier, une table ronde d’experts européens, mandatée par le gouvernement pour étudier les plans, a indiqué à Newmont qu’elle ne serait pas autorisée à drainer deux lacs des hautes Andes pour la nouvelle mine.
Le 28 mai 2012, Newmont n’avait pas encore décidé de la voie à suivre, mais une dépêche du 27 avril de l’Associated Press citait Richard O’Brien de Newmont, disant que « si ce projet de 4,8 milliards de dollars ne peut être mis en œuvre “de façon responsable au point de vue sécuritaire, social et environnemental”, tout en rapportant aussi des “dividendes acceptables” aux actionnaires, Newmont réallouera ce capital à d’autres projets de développement de notre portfolio ».
Newmont a également eu des problèmes dans d’autres pays, plus récemment au Ghana. La mine « Ahafo South » est située dans une région agricole connue comme le « grenier à vivres » du Ghana.
À cette date, elle a déplacé environ 9,500 personnes, dont 95 pour cent vivaient de l’agriculture, selon Environmental News Service.
Outre l’expulsion de cultivateurs de la terre, Newmont a contaminé l’approvisionnement local d’eau au moins une fois, de son propre aveu.
En 2010, cette compagnie acceptait de payer 5 millions de dollars US de compensation au gouvernement pour un déversement de cyanure en 2009 qui a tué du poisson et pollué l’eau potable.
Newmont concédait que les procédures en vigueur n’avaient pas été suivies, et que son personnel avait aussi omis d’aviser, comme il se doit, les autorités gouvernementales ghanéennes.
Tout en accueillant les bénéfices éventuels, que des mines bien construites et bien supervisées pourraient apporter à Haïti, Dieuseul Anglade, ancien directeur du bureau des mines et de l’energie (Bme) et d’autres experts haïtiens se montrent préoccupés à l’effet qu’une mine à ciel ouvert - qui, à toutes fins utiles, s’approprie d’importantes quantités de cyanure pour séparer le minerai d’or de la gangue -, pourrait s’avérer dangereuse pour l’environnement déjà fragile d’Haïti.
En République Dominicaine voisine, une mine d’or - contrôlée par le gouvernement - a causé tellement de contamination que les rivières de la région coulent encore avec une eau rougeâtre, à mesure que la pluie rejette des métaux du minerai laissé aux alentours.
« L’exploitation minière peut causer de graves problèmes environnementaux », fait remarquer l’ancien ministre haïtien de l’environnement à l’occasion d’une récente entrevue.
À ce poste au milieu des années mille neuf cent quatre-vingt-dix (1990), Yves-André Wainwright signait les deux conventions minières existantes.
Outre les soucis qu’il se fait concernant les métaux lourds, certaines des surfaces de concession sont formées de « montagnes humides », indiquait cet ingénieur-agronome de formation.
Ce qui signifie qu’elles jouent « un rôle important pour la biodiversité et doivent être protégées, dès la phase de prospection ».
C’est là aussi que vivent des dizaines de milliers de familles de cultivatrices et cultivateurs.
Cependant, on n’a jamais vu l’ombre d’un membre du personnel du ministère de l’environnement sur les sites miniers, d’après des journalistes des stations de radios communautaires dans les zones affectées.
En fin de compte, ce qui inquiète Wainwright, aussi bien qu’Anglade et d’autres observateurs, c’est l’incapacité de « l’État faible » haïtien d’exercer un contrôle sur les compagnies minières et les dégâts environnementaux potentiels.
« Nous avons un personnel compétent au bureau des mines, mais ils n’ont pas les moyens de mener à bien leurs tâches, », souligne Wainwright.
« Tout l’argent, qui provient des carrières de sable et d’autres mines, aboutit directement au ministère des Finances. De ce fait, même si c’est un secteur qui fait entrer de l’argent, le Bme est dans la dèche ».

Le jugement de Wainwright semble se vérifier.
Un audit des véhicules du Bme, dévoilé au mois de janvier 2012, montrait que, des 17 véhicules, seulement cinq (5) étaient en condition de rouler. Douze (12) étaient hors d’usage.
Et, avec un budget d’environ 1 million de dollars, le Bme est aussi à court de personnel. Seulement le quart des 100 employés détient un diplôme universitaire. Un autre 13 pour cent est formé de « techniciens ». Le reste est constitué par le secrétariat et le personnel de « soutien ».
« Le gouvernement ne nous donne pas les moyens nécessaires pour être à même de superviser les compagnies », confirmait Anglade à l’occasion d’une entrevue accordée, alors qu’il était toujours à la tête du Bme.
« Le gros de notre budget va pour les salaires. Nous n’avons pas réellement un budget d’opération ».
La branche d’investissement pour le secteur privé de la Banque mondiale – la société financière internationale (International Finance Corporation) – a investi dans Eurasian pour l’exploration en Haïti. La Banque affirme qu’Eurasian et Newmont ont de bons antécédents, mais est également consciente des éventuels effets négatifs de l’exploitation minière et reconnaît les défis auxquels font face le gouvernement haïtien et d’autres « États faibles ».
« Souvent le gouvernement du pays hôte n’a pas beaucoup de possibilités, spécialement en ce qui a trait aux aspects environnementaux et sociaux, » expliquait Tom Butler, responsable à l’échelle internationale des investissements miniers de la société financière internationale.« (Mais) une des choses qu’on ne fait pas, c’est dire au gouvernement quoi faire avec l’argent qu’il reçoit ». [apr akj 06/06/2012 0:14]
http://www.alterpresse.org/spip.php?article12937

Ressources minières : Haïti, classée dernière dans la « course aux royalties » (III)

P-au-P, 07 juin 2012 [AlterPresse] --- Combien d’argent rentrera, et quand ? Des articles récents ont cité toutes sortes de chiffres prometteurs, mais, omettant les petits caractères dans les conventions existantes, ils ne mentionnent même pas la convention en instance.
Aussi, quelle que soit la qualité de la convention, à part les mises de fonds initiales, une mine ne commencerait-elle probablement pas à rapporter de revenus – taxes et royalties – avant cinq ou même dix ans.
Car, c’est le temps nécessaire pour construire une mine à ciel ouvert, étant donné qu’il est permis aux compagnies d’amortir d’abord leur équipement, remettant, à plus tard, le « passage du rouge au noir ».
« Cela pourrait aisément prendre une décennie. Cela prend habituellement une décennie pour mettre ces choses en marche », confirmait Daven Mashburn de Newmont.
« Il est fort probable qu’une grande entreprise minière déclare des pertes année après année, même après dix ans, si le système de déductions est trop généreux et que les contrôles font défaut, » indiquait récemment l’experte en fiscalité minière et royalties, Claire Kumar, dans une entrevue avec AKJ.
« C’est quelque chose de très courant ».
Chercheuse à l’organisme Christian Aid et auteure du rapport de 38 pages paru en 2009, Undermining the Poor – Mineral Taxation Reforms in Latin America (« Miner » les pauvres – Réformes de la taxation minière en Amérique latine), Kumar disait que les deux petites conventions existantes (d’Haïti) paraissent bien, étant donné qu’elles promettent un partage équitable des profits et prévoient un plafond pour les dépenses.
Ce qui n’est pas si bon, faisait-elle remarquer, c’est le taux des royalties d’Haïti : 2.5 pour cent.
Ce taux est l’un des plus bas de l’hémisphère, signalaient Kumar et de récentes dépêches d’agences.
« Une redevance de 2.5 pour cent est beaucoup trop basse », ajoute Kumar.
« Toute redevance de moins de 5 pour cent est tout simplement ridicule pour un pays comme Haïti. On ne devrait même pas en tenir compte. Pour un pays avec un État faible, les royalties sont le moyen le plus sûr de toucher les sommes attendues. Il existe une marge de manipulation pour l’entreprise, mais elle n’est pas aussi vaste que vous pourriez le penser ».
Le taux des royalties d’Haïti a encore du chemin à faire pour rattraper ce que les investisseurs miniers déplorent comme une « course aux royalties » et un « nationalisme des ressources ».
Dans son rapport annuel "Business Risks Facing Mining and Metals", présenté en août 2011, la firme comptable et d’investissement Ernst & Young place le « nationalisme des ressources » en « tête de liste des risques pour les affaires ». Cette agence disait qu’à la fin de l’année 2010 et en 2011, on pouvait compter 25 pays qui avaient augmenté les taux ou menaçaient de le faire.
Beaucoup de pays, qui ont élevé les taux pour l’or, se trouvent en Amérique latine. L’Équateur exige, à présent, entre 5 et 8 pour cent, le Pérou en est jusqu’à 12 pour cent et le Brésil menace également d’augmenter son taux.
En août 2011, le Venezuela est allé plus loin et a nationalisé l’industrie Dans un texte sur le « nationalisme des ressources » du mois de mars aurifère. 2012, Reuters concluait que (cela) « a laissé aux sociétés minières tellement peu d’options [qu’elles doivent] se lancer vers d’autres territoires encore plus à risque politiquement, y compris des régions agitées de l’Afrique ».
Ou… Haïti.
Car, avec un taux de royalties de 2.5 pour cent, une force de casques bleus de l’organisation des Nations Unies (Onu) - de 10 000 soldats cantonnés à travers le pays - et des indications que les nouvelles conventions minières seront plus avantageuses pour les sociétés étrangères, les risques aujourd’hui sont vraisemblablement moindres qu’au cours des récentes décennies. [akj apr 07/06/2012 0:50]

[A suivre]

Les mines d’Haïti, « ouvertes aux affaires » ? (IV)

P-au-P, 08 juin 2012 [AlterPresse] --- Les compagnies minières semblent savoir que le temps est venu de s’installer en Haïti : les redevances du pays sont très basses, les casques bleus sont postés partout dans le pays, on construit dans le Nord une immense zone de libre-échange et un nouveau port en eaux profondes, et tous les signes indiquent que le nouveau gouvernement va adopter des lois favorables au commerce. Il n’est pas surprenant que Dan Hachey, le Pdg de Majescor, applaudissant l’élection, à la présidence en 2011, de Joseph Michel Martelly, disait : « Martelly a déclaré que (Haïti) est ouverte pour les affaires. Nous avons vu beaucoup de changement depuis son accession à la présidence ».
Le système de la porte tournante, qui a permis à l’ancien ministre des finances Ronald Baudin de s’engager dans l’équipe Newmont, pourrait être l’une des raisons de ce changement. Alors qu’il était encore au pouvoir, il acceptait de transiger un bail gratuit de 50 ans pour un terrain avec une société française dans le Nord.
« Non, nous ne l’avons même pas loué. Nous l’avons mis à sa disposition, car, lorsque c’est quelque chose qui est bon pour l’économie qui se fait, l’État a pour devoir de l’encourager ».
Le nouveau premier ministre haïtien, Laurent Salvador Lamothe, est aussi très favorable au milieu des affaires. Entrepreneur en télécommunications et dans l’immobilier avec des sociétés en Afrique et en Amérique latine, il s’est engagé à faire avancer une législation favorable aux affaires dans tous les secteurs, y compris les mines.
« L’information au sujet de nos réserves nationales, indique que notre terre regorge de minéraux et que c’est maintenant le moment propice pour les exploiter », déclarait Lamothe dans sa déclaration de politique générale devant le sénat le mardi 8 mai 2012.
Lamothe a aussi promis de modifier la législation minière.
Au cours d’une récente interview avec l’Associated Press, Lamothe s’est engagé à ce que la nouvelle loi assure que « l’État reçoive sa juste part » et qu’elle protège également l’environnement et les communautés locales.
Mais, il bifurquait, ajoutant que la nouvelle législation permettrait ceci « autant que possible sans nuire aussi aux revenus de l’autre partie, pour lui permettre de faire des affaires ».
Même avant la prise de fonction de Lamothe, le mercredi 16 mai 2012, l’ingénieur Dieuseul Anglade du bureau des mines et de l’énergie (Bme) confiait à Akj être au courant des pressions faites pour une modification de la loi existante.
« Je dois vous dire que les entreprises font toutes sortes de pressions pour faire modifier la législation, afin que cela leur donne plus d’avantages. Mais ils ont déjà trop d’avantages » disait-il.
Un gouvernement, dont la devise est « Haïti est ouverte aux affaires » et qui parie sur des manufactures d’assemblage et un salaire minimum de 5 dollars américains (US $ 1.00 = 43.00 gourdes ; 1 euro = 58.00 gourdes aujourd’hui) par jour (le plus bas de l’hémisphère), peut-il être digne de confiance quant à la protection des intérêts du pays ?
Les entreprises géantes de l’industrie minière ont eu constamment le dessus face à des États beaucoup plus forts et obtenu des contrats, profitables principalement à leurs actionnaires.
Quelle garantie ont donc les Haïtiens que le pro business Lamothe obtiendra un meilleur traitement que les gouvernements du Pérou, du Ghana ou d’autres pays pauvres ?
Les éventuels revenus miniers et les quelques emplois à bas salaire semblent de bon augure pour plusieurs en Haïti, où la plupart des gens doivent survivre avec moins de 2 dollars américains par jour et où le chômage et le sous-emploi atteignent 66 pour cent. Mais l’industrie minière est-elle la réponse aux malheurs d’Haïti ?
Pour Laurent Bonsant, un entrepreneur minier canadien travaillant pour Newmont Ventures dans le Nord, la réponse est « Oui ».
« L’une des choses qu’il faut à ce pays, c’est un produit d’exportation. Ils n’ont rien. Si l’industrie minière peut faire quelque chose de bon, c’est ici qu’elle le fera, » affirmait-il, tout en supervisant un site où une équipe forait, 24 heures par jour, des échantillons de minerai à 330 mètres sous terre.
Mais, Haïti a plusieurs produits d’exportation et, de plus, l’industrie minière n’a pas fait grand bien par le passé.
Au cours des récentes décennies, des sociétés étrangères ont extrait de la bauxite et du cuivre. Des dizaines de milliers de familles ont perdu leurs terres, des milliers d’hectares ont été soumis à la déforestation, et dans certains cas, la terre a été contaminée.
Le professeur Alex Dupuy, professeur titulaire des Études africaines américaines et de sociologie de la Wesleyan University, doute fortement que les résultats des nouvelles entreprises s’avèrent bien différents des précédents. Même si Haïti n’est plus régie par une dictature aussi brutale et corrompue que celle des Duvalier, il existe peu de transparence, et aucun moyen apparent de vérification ou de contrôle des investisseurs locaux et étrangers.
« Je pense qu’il va se produire la même chose », anticipait Dupuy, auteur de Haiti in the World Economy – Class, Race and Underdevelopment, au cours d’une interview au téléphone avec Akj.
« L’industrie minière n’utilise pas beaucoup de main-d’œuvre, et les nationaux - qui seront engagés - seront des travailleurs non spécialisés. Les cadres viendront de l’étranger, car habituellement ces compagnies arrivent avec leur propre technologie ».
« Comme par le passé, elles exproprieront les terres des paysans. De sorte qu’il en sera de même, tout comme précédemment. Les contrats, en passe d’être signés, le seront au gré de la compagnie étrangère, pas nécessairement ce qui est dans les meilleurs intérêts du pays, même s’ils les présentent au public comme quelque chose de bon pour le pays. » [Voir La sombre histoire d’une Haïti « ouverte aux affaires »]
Le Guatemala – un pays socialement, économiquement et politiquement similaire – pensait que les mines pouvaient « faire du bien » et autorisait Goldcorp à ouvrir la Marlin Mine. Mais, en 2010, la commission interaméricaine des droits humains enjoignait au gouvernement de la fermer temporairement, à cause des risques pour la santé, l’environnement et les droits humains.
Un rapport, présenté en 2011 par des experts miniers associés à la Tufts University, recommandait au Guatemala : de changer, de façon significative, les règles du jeu, d’exiger des royalties plus élevées et d’autres revenus, d’assurer une meilleure protection environnementale et le nettoyage, et de garantir qu’une somme donnée parvienne aux communautés hôtes.
« Sans une bonne gouvernance et des investissements productifs, l’héritage pour les lieux de la Marlin Mine pourrait bien être une dévastation écologique et l’appauvrissement, » écrivaient les auteurs.
Anglade s’inquiétait, de l’effet que quelque chose de semblable pourrait arriver en Haïti, où le contrôle gouvernemental est virtuellement inexistant.
Par exemple, bien qu’il soit illégal de couper des arbres, du bois fraîchement scié est empilé pour être vendu dans les marchés partout à travers le pays. De nos jours (en 2012), la couverture forestière d’Haïti n’est que de 1.5 pour cent.
Plus au Nord, nombre de cultivatrices et cultivateurs - qui auraient pu tirer profit en louant leurs terres aux sociétés minières - les ont, depuis longtemps, vendues à des requins opportunistes et accapareurs de terres, et aux hommes d’affaires associés à de précédentes entreprises minières à Grand-Bois, un site d’Eurasian. Plus d’une dizaine de familles cultivent à présent un terrain qui ne leur appartient plus.
Anglade s’en souvient bien : « Quand j’ai appris ce qui se passait, je me suis rendu sur les lieux personnellement. J’ai dépensé mon propre argent, parce que le bureau (des mines et de l’énergie / Bme) n’en avait pas. J’y suis allé pour réunir les gens et leur dire que leurs terres ont des ressources minières, et de ne pas les vendre. Malgré tout, ils les ont vendues ».
À présent, les familles pauvres - qui cultivent encore ces terres à titre de locataires - et des centaines de leurs voisins s’inquiètent quant à la pollution et au risque de se voir expulsées de leurs lotissements.
En 2011, plus de 200 familles ont été chassées d’un plaine fertile, située non loin de la zone, quand le gouvernement Martelly a inauguré une nouvelle zone franche.
Dans une région, Newmont a initié des « œuvres sociales », selon Anglade.
L’entreprise a fait bâtir un petit pont, une route pour son petit véhicule tout-terrain et payé des frais de scolarité. Les cultivateurs sont cependant toujours nerveux.
« D’après ce qui est prévu, on nous dit que la compagnie utilisera l’eau de la rivière pour vingt années. De plus, personne ne pourra boire l’eau qui coule de notre côté », explique la cultivatrice et organisatrice paysanne Elsie Florestan, qui vit près du site de Grand-Bois.
« De plus, avec ce qui va être fait, il y a des gens qui ne pourront pas rester dans la zone. »
« Le petit groupe qui s’enorgueillit de travailler, ce n’est pas la population. A bien regarder, il n’y a, tout au plus, que 50 personnes qui ont trouvé du travail pour une population qui compte 64 habitations [...] », signale cette personne de 41 ans, membre du mouvement paysan Tèt Kole Ti Peyizan Ayisyen.
« D’après ce que je constate, si le peuple ne s’organise pas pour frapper du pied, pour dire qu’il lui faut obtenir quelque chose, il n’aura rien », prévient-elle.
Florestan et d’autres cultivatrices et cultivateurs ont constamment pu observer des équipes venir prélever des dizaines de milliers d’échantillons de chaque colline et vallon pendant des années, à travers tout le Nord.
« Sans poser de questions, à savoir à qui appartient le terrain, ils entrent, procèdent à des fouilles, prennent les pierres, les mettent dans leurs sacs, et s’en vont avec », fait remarquer l’organisateur paysan Arnolt Jean, qui habite à Lakwèv, près de la frontière dominicaine.
« Tous les Haïtiens observent, car ils savent que ce qui pourrait nous aider, c’est si nous avions un gouvernement qui serait à même de nous dire : ‘Cette zone est à vous, il vous faut donc ouvrir les yeux’. Mais nous en tant qu’ Haïtiens, nous ne pouvons rien dire [...] L’État est irresponsable dans ce dossier. »
Dans cette communauté, les gens orpaillent et creusent leurs propres tunnels depuis des générations. Une journée ou une semaine de travail peuvent ne rien rapporter ou rapporter 50 dollars d’or, même si les acheteurs de la République Dominicaine ne paient que la moitié du cours du marché.
En outre, avec la plupart des familles, trop pauvres pour même se permettre d’envoyer tous leurs enfants à l’école, ils sont nombreux les gens qui vont du côté des collines et des berges, dès qu’ils ont fini de planter leurs semences. Le paysage est parsemé de trous. La rivière est couleur de boue.
« Le pays est pauvre. Mais, ce qui est dans le sous-sol pourrait nous sortir de la pauvreté à tout jamais », espère Arnolt.
« Mais puisque notre richesse reste sous terre, ce sont les gens les plus riches qui viennent chercher des moyens de les exploiter. Ceux qui habitent la terre restent pauvres, et les riches s’enrichissent davantage ». [akj apr 08/06/2012 0:11]
* « Ayiti Kale Je » (http://www.ayitikaleje.org/) est une initiative de partenariat médiatique en vue d’assurer des investigations journalistiques sur la reconstruction d’Haïti suite au séisme dévastateur qui a frappé le pays et fait 300.000 morts et autant de blessés.
Le Groupe Médialternatif (GM) est un des partenaires de cette initiative, à travers son agence multimédia AlterPresse (http://www.alterpresse.org/), avec la société pour l’animation de la communication sociale (Saks - http://www.saks-haiti.org/). Deux réseaux participent également : le réseau des femmes animatrices des radios communautaires haïtiennes (Refraka) et l’association des médias communautaires haïtiens (Ameka), qui est composée de stations de radios communautaires à travers le pays. Les étudiants du laboratoire de journalisme de la faculté des sciences humaines (Fasch) de l’Université d’État d’Haïti (Ueh) contribuent également à cette ininitiative.
http://www.alterpresse.org/spip.php?article12942

six Haïtiens dans l'antichambre de londres


 L'équipe nationale prépare les Jeux dans le Pas-de-CalaisL'air marin a des vertus vivifiantes et la délégation haïtienne d'athlétisme est là pour en profiter. Six sportifs ont posé leurs valises le 30 mai dans le Pas-de-Calais. Ils n'en repartiront que le 24 juillet, direction Londres, ou pas… Seul Moïse Joseph, spécialiste du 800 m a son ticket pour les Jeux. Les autres vont tenter d'en obtenir un, et ça commence ce week-end au meeting de Villeneuve d'Ascq. Malgré le décalage horaire récent, leur journée s'organise autour du sport. « Entraînement, repas, dodo », récite Pascale Delaunay, championne du triple saut. Et aussi quelques mondanités dans la mesure où la délégation est totalement invitée par la Fédération, le conseil général et les communes. «Nous sommes beaucoup sollicités pour rencontrer des gens, serrer des mains, embrasser des bébés, plaisante le décathlonien Josue Louis. Je suis d'abord là pour m'entraîner.»

Du talent et de l'humilité
Haïti n'a que très peu de sportifs aux Jeux. «Entre les problèmes politiques et le séisme, le pays n'a pas les moyens d'avoir des athlètes», explique Moïse. Lui, comme les autres, est né aux Etats-Unis de parents Haïtiens. Porter les couleurs d'un pays dans lequel ils n'ont jamais ou quasiment pas mis les pieds? «Assurément un choix, confirme Josue. Je vois de la fierté et de la passion dans les yeux de mes parents quand je concoure sous les couleurs d'Haïti.» Plus encore, Moïse parle de modèle et de l'envie de faire boule de neige. C'est déjà en partie fait pour ce trentenaire déjà présent à Athènes 2004. Le Stade du Souvenir, la salle toute neuve de Marck… le comité départemental met à disposition les meilleures structures «comme si nous étions leurs propres athlètes». La semaine prochaine, ils quitteront Calais pour Le Touquet. Ils n'y trouveront peut-être pas le 3 étoiles des Bleus. «Un lit nous suffira», affirme Moïse. Parce qu'en plus d'avoir du talent, ils ont de l'humilité.
fanny destombes
http://www.20minutes.fr/article/949221/six-haitiens-antichambre-londres

MICHEL MARTELLY HONORE LES ECRIVAINS ET ARTISTES DANS LE CADRE DE LIVRES ENF OLIE

Discours du Président Michel Martelly :

« Mesdames, messieurs,
Nous voilà aujourd'hui devant le devoir et le plaisir d'honorer un véritable bouquet d'écrivains de chez nous. Ils sont aussi fameux que célèbres, divers par la qualité de leur talent, ils représentent chacun une facette de l'idéal de l'intellectuel et de l'artiste. En chacune de ces personnalités, la nation reconnait un modèle, une figure de proue, une référence ; une étoile qui témoigne dans le vaste ciel de l'univers des grands guides de l'humanité, l'existence d'une Haïti vivace. Que donc aujourd'hui, reconnaissance leur soit solennellement accordée par Haïti et devant le monde.
Oui, ils sont grands et beaux par leur travail d'intellectuel et d'artiste et leur contribution au rayonnement de l'humanité a fait, hier, la fierté du peuple haïtien, la nourrit aujourd'hui et la renforcera demain.
Chère Madame Odette Roy Fombrun, une vie dédiée comme la votre avec tant de constance, tant de passion et tant d'intelligence à l'éducation est exemplaire. Et pourtant, au cours des ans, vous avez vu et souffert nombre de dérives de notre société, mais toujours avez-vous mis votre énergie à indiquer des moyens de sortie en puisant avec clairvoyance dans les ressources de notre culture. Essayiste perspicace, votre verbe résonnant comme un tambour nous invite au konbit, inlassablement vous argumentez avec justesse et, j'ai envie de dire avec un entêtement raisonnable, la nécessité de reprendre en main notre destin de peuple. Cet admirable plaidoyer ne s'arrête pourtant pas là, icône du civisme et de l'éducation en Haïti, comme titrait justement le journal Le Matin à votre sujet, vous n'avez pas cessé de vous investir et de créer pour l'amélioration de l'éducation des jeunes et des moins jeunes. Madame, votre foi me fait penser à Noé construisant son arche. Un jour nous direz-vous d'où vous vient-elle ?
Pour ma part, je n'ai pas attendu la réponse pour inviter le peuple haïtien à suivre vos leçons de civisme pour un mieux-vivre ensemble dans un environnement physique, social et économique sain.
Vous avez follement raison de croire dans l'éducation, follement raison de croire que notre pays est le centre culturel de la Caraïbe, follement raison de croire que nous pouvons nous relever de toutes les catastrophes qui jalonnent notre histoire, follement raison de croire dans ce rêve d'une Haïti juste, prospère, accueillante, consolante... Moi aussi j'y crois. Madame Fombrun d'où vous vient cette foi inouïe ?
M. Georges Corvington, mémoire vivante de notre chère Port-au-Prince. Pour vous aussi j'ai une question : Comment tant de savoir peut-il tenir dans autant d'humilité ? Pardonnez-moi, vous êtes si discret qu'on se demande comment vous faites pour écrire cette ville si bruyante par endroits, si paisible par d'autres, si orgueilleuse, débridée, sérieuse, changeante... on pourrait allonger des qualificatifs tout le long de la rue des Miracles. Frankétienne dirait "si chaotique" et pourtant Georges Corvington assure. L'histoire de Port- au-Prince est un dédale, on s'y perdrait comme on pourrait se perdre dans les corridors de ses quartiers populaires, si Corvington n'assurait pas le maintien du fil de l'histoire. Nous le savons tous, plus de quarante années de flux migratoire accéléré de la province vers la capitale a non seulement modifié considérablement l'aire métropolitaine, mais aussi a profondément affecté le rapport de ses habitants à son environnement. Nous devons nous l'avouer, les rues de Port-au-Prince, ses monuments, ses places publiques n'ont pas tout à fait le même sens pour tous ses habitants. Les générations avant nous parlent par exemple du Bicentenaire avec nostalgie ou de tramway avec regret. Celles à venir ne connaitront pas le Palais National, le Palais de Justice et le Palais des Ministères. Elles ne sauront peut-être pas que le Marché Hyppolite a été reconstruit à l'identique. Mais le plus important encore une fois, c'est que l'histoire nous permet de donner du sens. Ce n'est peut être pas la meilleure occasion de signaler cela, mais, rendez-vous compte que récemment encore la statue du Nègre Marron a été vandalisée. Comment alors ne pas être interpellé et reconnaitre qu'un travail d'éducation important reste à faire ? Que "Port-au-Prince au cours des ans" a besoin d'être diffusé au maximum. L'histoire de Port-au-Prince est notre histoire à tous. Elle va se poursuivre avec la reconstruction, mais il faudra garder précieusement en mémoire ce qui a défiguré notre capitale, conserver ce qui cristallise en symbole des moments forts de notre évolution et projeter un avenir meilleur dans des aménagements urbains modernes et non aliénants.
Le travail de Corvington préparait le terrain pour tout cela. Ce sage savait-il qu'un tremblement de terre allait terrasser la ville ? En tout cas, il nous a fourni les matériaux indispensables à la reconstruction de notre capitale. A nous, nous tous d'en faire un Port-au- Prince bien nommé.
Vous le voyez bien, le Port-au-Prince de Georges Corvington prend toute la place et pour un peu ferait oublier l'auteur. Peut-être avons-nous là une réponse à notre question du début. Ce n'est pas vous, Monsieur Corvington, qui êtes trop humble, c'est Port-au-Prince, qui malgré ses déboires est trop séduisante à nos yeux et vous ravit la vedette. Mais sachez que nous savons bien que c'est aussi grâce à vous que nous partageons pour elle votre passion. Merci de nous faire aimer encore plus Port-au-Prince.
Anthony Phelps, oserai-je le dire : la voix du poète fait la texture de ma conscience politique. Votre inoubliable « mon pays que voici », acte politique de poète à l'adresse, non pas seulement du peuple haïtien, mais à tous les peuples qui ont été contraints de se parler par signes, est une contribution sans prix à notre patrimoine. Partageons la joie de nous parler aujourd'hui avec le verbe.

Aubain ? Non, vous ne serez plus étranger dans votre propre pays. Votre verbe a déchiré les muselières et nous voici aujourd'hui à pouvoir à claire voix, dire et chanter notre fraiche fraternité !
Poète, vous êtes de partout et d'ici fondamentalement, de Port-au-Prince que nous venons d'évoquer. Dois-je vous faire la promesse de nommer autrement le boulevard Harry Truman ? Vous nous avez beaucoup donné d'où que vous soyez à travers le monde, mais je vous demande encore, je vous dis encore. Encore Pierrot le fou, encore Pierrot le noir, encore. Ne m'en voulez pas de ne faire référence qu'à ces deux oeuvres magistrales de votre production littéraire. Il faudrait vous consacrer toute une étude car votre parcours personnel est en soi un long poème tracé sur la terre. Vous êtes ici avec nous aujourd'hui et la joie que provoque cette présence ne s'accommode pas trop de cet exercice sérieux.
Merci de n'avoir pas seulement parlé par signes.

Frankétienne, romancier, poète, dramaturge, comédien et peintre. L'oeuvre est aussi étourdissante dans sa diversité, qu'elle l'est dans chaque pièce. De l'oeuf à l'oeuvre l'homme aussi est étourdissant. Spirale, chaos, il fait craquer les mots comme un dieu réveillant un monstre du fond de la terre, explose les concepts en lançant son verbe dans le tourbillon et nous rend nos situations existentielles avec une brutalité et une pureté d'essence. Fankétienne est celui qui a su créer le miroir de nos folies. Nous avons comme une douleur que contrebalance une sidération à maintenir le regard sur ce qu'il donne à voir. Mesdames, messieurs, cela tient du génie !
Mais ce génie n'est pas un Zarathoustra qui se retire dans sa montagne, il est là avec nous en permanence, dans le feu crépitant de notre quotidien, il y entre et nous alerte et nous ravit. Frankétienne, vous êtes un kanzo ! Mais ce serait peu dire et me faire reprocher une tentative de réduction de la dimension universelle d'un artiste incomparable. En effet le nombre de ses publications, représentations ou de toiles est si considérable que sans doute cet homme est-il habité par une énergie spéciale. Une braise le garde en constante ignition et peut-être est-ce ce feu qui déforme tout ce qu'il manipule pour en faire oeuvre d'art. Frank, dis-moi, dors-tu parfois ?
« Ultravocal », cela s'entend, « Pèlen Tèt », se comprend, « L'Oiseau Schizophone », avec un effort on accepte, « Dezafi », c'est tout naturel à nos oreilles, « Foukifoura », c'est bien de chez nous, ça va encore et je pourrais citer encore nombre de vos titres, mais Fleurs d'insomnie ? D'où vous vient-il de telles combinaisons improbables et à la sonorité aussi juste en même temps ? Je ne connais pas d'artiste qui soit à la fois aussi sophistiqué, aussi prolifique et aussi populaire. C'est un mérite considérable car cela veut dire que l'exigence artistique ne le cède en rien au besoin de communiquer. Bravo !
Je voudrais aussi dire mon admiration personnelle et s'il en était besoin encore, justifier ma reconnaissance envers Frankétienne en signalant son apport significatif à notre langue créole.
Jodi a si kreyol se yon lang ofisyèl, DEZAFI ak PELEN TET patisipe nan sa. Pou sa selman Frankétienne mete plas li nan mitan pi gwo non nan istwa d'Ayiti. Non selman nan literati an kreyol, men tou pou jan liv sa ak pyès teyat sa te reveye konsyans tout yon jenerasyon sou pwoblèm eksistansyel e sosyal ayisyen.
Gen ochan toujou pou Franketienne e m ap fini sou karyè li fè nan edikasyon kom pwofesè syans sosyal. An verite le yon sosyete gen yon pitit kou Frank, li rich.
Mesi Frank pou richès ou ban nou.
Nan ki lang pou m pale ak Georges Castera pou m di lonè respè pou ou, samba powèt san repwoch. Ou ban nou JOF nan tou de lang yo, kisa nou ka mande anplis ?
La reconnaissance et l'affection que nous vous témoignons aujourd'hui, je les veux à la mesure de votre mérite en tant que poète. Mais, mesdames et messieurs, qu'est ce qu'un poète ? Est-ce quelqu'un qui met du rose là ou il y a du gris ? De la lumière là ou il fait sombre ? De la musique pour décorer le silence ? Un poète c'est tout cela et sans doute bien plus encore, un poète c'est comme Georges Castera, c'est-à-dire quelqu'un qui peut parler de l'intestinale splendeur des arbres. Se rend-on compte de l'effet que peut avoir une telle expression, qu'on soupçonne à peine ce qu'il faut de qualité à un esprit pour la concevoir. Ce bel amour que nous ressentons avec nos tripes pour notre pays, Georges Castera, à mon sens, nous a donné un moyen en plus de le dire.
Depuis plus d'une semaine, des textes du poète sont régulièrement publiés dans le Nouvelliste, et ils parlent mieux que je ne saurais le faire de son talent, de son engagement et de la diversité de son oeuvre. Comparaison n'est pas raison, et je m'en veux de citer d'autres noms, mais juste pour dire ma considération : Omar Khayyam pour les Arabes, Jacques Prévert pour les francophones.
Georges Castera, tu es à nous, pour les francophones, pour la Caraïbe et pour le monde entier !
Georges Anglade. Il est parti. Le tremblement de terre nous l'a enlevé. Enseveli sous les décombres de sa maison avec sa femme. On voudrait encore entendre sa voix. Ceux qui le fréquentaient disent qu'il dégustait les mots. Un "laudianceur" de première qualité. En plus de ses qualités nous retenons de lui un scientifique qui a travaillé à faire prendre en considération les données statistiques dans la planification des politiques publiques. Chroniqueur, le ton de Georges Anglade mettait de côté le fatalisme pour inviter ses lecteurs avec humour à regarder le monde tel qu'il est.
Un échantillon d'Haïtien tel qu'il en manque, qu'il soit honoré aujourd'hui et servir d'exemple aux nouvelles générations.
Paulette Poujol-Oriol a observé et décrit une frange de la société de Port-au-Prince avec perspicacité, humour et équilibre. "Mi-figue mi-raisin" reste dans nos souvenirs comme un moment délicieux de lecture. Elle a abordé avec la plus grande simplicité et la plus grande honnêteté des problèmes aussi importants que les préjugés de couleur dans notre société, le combat pour l'égalité des genres et l'éducation des jeunes. Ce personnage attachant par sa franchise et sa générosité nous a aussi laissés. Nous l'aimions tous et avons, pour le dévouement qu'elle mettait à former à l'art théâtrale les jeunes, respect et admiration.
Honneur à cette figure de notre Haïti qui a laissé un exemple admirable.
Mesdames, messieurs, c'est donc avec fierté et bonheur qu'en tant que Président de la République je vous remets cette décoration.
En honorant les écrivains, il était tout naturel de penser à ceux qui les font connaitre et les encouragent ainsi à poursuivre leur travail d'éclaireurs de la cité. Depuis 18 ans, bon an mal an, Le Nouvelliste et la Unibank, en organisant la foire Livres en folie contribuent de façon déterminante à la diffusion de la production intellectuelle dans notre pays. Cette opération connaît un tel succès que pour répondre à la demande elle se transforme en Quinzaine du livre. Qui sait quelle dimension prendra cet événement dans 18 ans encore. Je ne peux que féliciter ces initiateurs et profiter aussi de les présenter en exemple de ce que des entreprises nationales peuvent faire pour la promotion de notre culture. Heureusement, nous observons d'autres initiatives dans la même direction et les encourageons. Unibank et Le Nouvelliste, vous avez tracé une voie et elle est suivie.
Honneur et mérite à vous pour cela, car c'est un plus à votre actif déjà enviable.
Merci »