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dimanche 16 mai 2010

LECTURE DOMINICALE: LA POUDRE QUI TUE

Aujourd’hui dimanche, le lendemain du premier mai, tout paraît ralenti. Les agences de presse ont chômé ce week-end. Les nouvelles sur Haïti ne sont pas légions. On est seulement à 110 jours du tremblement de terre. Il serait prématuré de dire que la rareté des informations corresponde déjà à une sorte de lassitude des médias par rapport à la situation d’Haïti.
Fort heureusement d’ailleurs. Nous avions pu disposer d’un peu plus de temps pour revoir les éphémérides et surtout vérifier ce qui faisait l’actualité surtout en 2008 en pleine crise politique suite à l’éviction du gouvernement de Jacques Edouard Alexis, suite aux émeutes de la faim du 8 avril.
La découverte ou redécouverte de certains détails reste assez….rassurante dira-t-on. Par exemple que le gouvernement des Etats –Unis d’Amérique avait déboursé une enveloppe de 20.000.000 de dollars pour Cité Soleil, que le gouvernement canadien avait alloué une enveloppe de 50.000.000 de dollars supplémentaires pour à Haïti, que le directeur du PAM avait annoncé un plan génial pour la restructuration de l’agriculture haïtienne pour réduire l’insécurité alimentaire. Plusieurs dépêches allaient dans ce sens ou le sens du Document National Pour la Réduction de la Pauvreté. Oui aussi bizarre que cela puisse vous paraître un tel document a existé chez nous en Haïti avant le 12 janvier 2010.
Soyons indulgents. Ne me forcez surtout pas à répondre à la question bi-syllabique, trop dérangeant dans certains cas. Alors ? Merde…Il ne fallait surtout pas le répéter…
Mon attention fut attirée et retenue par une dépêche émanant du service de presse de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haïti, MINUSTAH. En fait la mission internationale annonçait le décès d’un de ses sous-officiers de nationalité brésilienne dans un hôpital De Santo Domingo. Le soldat avait succombé à une hémorragie cérébrale. Donc une hémorragie scientifiquement due soit à une rupture d’un anévrisme intracrânien ou d’une Malformation Vasculaire d'un autre type. Rien de bien important jusque la dans le contenu de la dépêche. Mais le journaliste de la MINUSTAH a poursuivi en faisant savoir qu’il s’agissait d’une maladie imprévisible et indétectable. Il voulait par la signifier que le jeune sous officier, avant son hémorragie, n’avait présenté aucun signe qui aurait pu conduire au diagnostique de sa pathologie.
Mais une maladie imprévisible et indécelable ou indétectable, traduit dans l’univers colloquial haïtien, veut dire tout autre chose. Une maladie venant d’un autre monde. Une maladie inconnue.
Cela me ramène à repenser à une histoire que m’avait racontée un compatriote et ami.
Un vendredi saint, je cherchais éperdument un repas adapté dans le milieu haïtien de la ville. Je me suis fait inviter carrément chez l’ami Tony. Là j’étais sur de pouvoir déguster poissons en sauce à base d’oignons et d’huile d’olive, haricots blancs en sauce, salade de betterave et riz blanc parfumé.
Pendant l’apéritif, après avoir parlé de tout et de rien nous nous sommes retrouvés automatiquement en Haïti. Le pays d’avant-hier. Le pays d’hier. Le pays d’un temps qui a fui trop vite s’enlisant dans la brume et dans ses traces.
A un moment donné il était question de la Minustah, mission de stabilisation pour certains. Force d’occupation pour d’autres.
- Doc, me dit Tony, savez-vous que les soldats de la Minustah ne rentrent jamais dans la Ville de Léogane ?
- Ah bon ? Non Je ne le savais pas. Lui répondis-je en me préparant à écouter un de ces récits à dormir ou faire dormir debout. Mais des récits tout à fait crédibles et éventuellement prouvés dans le contexte de la légende urbaine haïtienne.
- Ils ont très peur et ils ont même été interdits de s’approcher des habitants de cette ville.
- Et pourquoi donc ?
- Doc vous êtes au moins au courant de l’histoire des chèvres.
- Je sais que les haïtiens ont pris l’habitude de les appeler voleurs de cabris.
En fait en Haïti, dans certains villages de l’arrière pays, les paysans élèves des cabris. Ces animaux souvent maigres sont lâchés dans la nature dans des zones très sèches, avec peu de végétation. Ils s’éloignent donc de leurs habitats à la recherche de quoi ruminer. Souvent on les voit perchés sur des rochers dans des régions très accidentées. Très loin des habitations.
Les soldats de la minustah sillonnant le pays ont vite fait de les assimiler à des cabris sauvages et ils ont commencé à les capturer pour agrémenter leur barbecue. Delà ils ont donc mérité en fait leurs pseudonymes de voleurs de cabris.
- En fait Doc, reprit Tony, les gens de Léogane se sont dits qu’ils n’allaient pas se laisser faire. Et chaque soldat de la Minustah qui osait s’aventurer dans la ville recevait un « coup de poudre ».
Tony continua son récit avec le ton le plus convainquant possible. Il me raconta que quelques temps plus tard, quand la poudre a commencé à faire de l’effet c'est-à-dire en provoquant ou déclenchant des maladies bizarres indétectables, il fut intimé l’ordre aux soldats de ne pas trop s’approcher des habitations. Là encore, les haïtiens ont utilisés des animaux domestiques, plus particulièrement les chiens comme vecteur pour faire arriver la poudre jusqu’aux soldats de la Minustah. Les étrangers ne se souciant pas des chiens continuaient à jouer, à toucher et à alimenter les chiens. Même les chiens les plus galleux. Les soldats de l’occupation subissaient encore le même sort sous la forme de maladies incurables.
La pratique, a-t-il poursuivi, a été utilisée de façon intensive par des jeunes nationalistes qui enrageaient à l’idée de voir le sol d’Haïti Thomas, la terre de nos ancêtres, foulée par des bottes étrangères.
Les soldats de la Minustah ont fini par comprendre et ils évitent de séjourner à Léogane.
Malgré le côté incongru et incohérent de l’histoire, je fis semblant d’accepter le récit comme une arole d’évangile. Car toute mécréance ou désaccord de ma part l’aurait poussé à me parler de cas encore plus incroyables d’histoire de personnes chevauchant d’autres personnes converties en chevaux la nuit.
En fait j’ai compris car je suis un haïtien natif-natal…
Docteur Jonas Jolivert
Oui…Il y aura élections présidentielles en Haïti à la fin de l’année. Plus précisément le 28 Novembre 2010. La communauté internationale a considéré que même dans un pays résumé en un tas de ruines et décombres on peut réaliser des élections présidentielles pour renforcer notre démocratie. Le secrétaire général adjoint de l’OEA (Organisation des Etats Américains) Monsieur Albert Ramdin l’a déclaré hier, au lendemain d’une réunion tenue dans le siège de l’organisation du Groupe des Amis d’Haïti. Celui-ci considère que d’un point de vue technique la réalisation des élections présidentielles est faisable avant la fin de l’année si toute fois les bonnes décisions politiques sont prises à temps.

Cette déclaration aura au moins la vertu de calmer les esprits des politiciens de l’opposition que se sont lancés dans une chasse ouverte à René Préval utilisant arguments fous et prétextes boiteux.
Justement le président Préval suite à cette déclaration a souligné qu’il serait prêt à laisser le pouvoir le 7 février comme le prescrit la Constitution.
L’OEA garantit l’appui logistique nécessaire pour la réalisation des joutes.
Il faut savoir qu’il faudra débourser plus de 60.000.000 de dollars pour les élections présidentielles dans lesquelles le nombre de candidats sans aucune chance de faire plus de 5 pour cent sera très important.
Ce sera un peu burlesque et pitoyable de voir aussi des candidats faire leurs campagnes dans des camps de réfugiés ; au lieu de promesses vides et de t-shirt avec photos et slogans, les candidats donneront des petits sachets de riz, de lait ou de sucre.
Il faut finalement retenir qu’il y aura élections présidentielles en Haïti en novembre prochain.
Les amis d’Haïti l’auront ainsi décidé. Et il faut admettre que tenant compte de la tournure des choses politiques du pays. Ce n’est pas la moins bonne des solutions.
JJ

Le sens commun

Le sens commun

Dans quel monde vivons-nous ?
Dans un article précédent, (Vigile, « On nous "explique" la Grèce ! » ) je cite Monsieur Mikis Theodorakis disant : « ce que je dis, je le dis avec mon sens commun. »
Le sens commun. ça se perd, comme si ça ne valait plus rien. C’est comme si ça n’existait plus, comme si personne ne pouvait voir la réalité autrement qu’à travers les "études" et les yeux desdits "experts".
Le sens commun c’est le bon sens, le sens des réalités, le jugement, bref, la jugeote. Avec ce journalisme ne rapportant que les discours "d’experts" et les fameuses « études-qui-révèlent » au détriment de la simple réalité flagrante, on en vient à déconsidérer la saine jugeote. Ce simple bon sens qui est bien souvent désarmant de logique pragmatique.
Pour faire accepter l’inacceptable, pour étouffer le sens commun, on s’applique à faire lustrer les titres de ceux qui nous endorment. Combien de fois on pavane le titre en locomotive du propos comme pour justifier sans beaucoup d’efforts ce qui est bien souvent totalement aberrant.
Prenons simplement lorsqu’on "justifie" la hausse de l’essence à la pompe, on nous sort "l’expert" qui nous dit absolument n’importe quoi pour étouffer le sens commun. Imaginez qu’on nous sortirait le bilan financier des pétrolières ! Imaginez qu’on nous sortirait le tableau du cours du brut versus le prix à la pompe versus le profit réalisé. Je crois que le sens commun deviendrait en ébullition et "l’expert" au titre lustré aurait affaire à tenir des propos conséquents sinon, le lustre de son titre en prendrait pour son rhume.
On parle du prix à la pompe, mais on pourrait parler de bien des dossiers, entre autres, politiques où le bon sens est évacué.
Comme le notait monsieur Christian Lambert dans son excellent texte « Des mots pour le dire » :" Je suis ni, ni, ni. mais, j’ai réussi quand même a atteindre une certaine maturité, je suis assez conscient et éveillé pour comprendre en parti la situation dans laquelle nous vivons sur cette planète."
Je crois que nous devons tous retrouver notre salutaire « sens commun ». Il faut utiliser ce que nous avons entre les deux oreilles, même si on ne cesse de nous répéter que les "experts", les "intellectuels" et les "études" sont là pour nous livrer la pensée-clef-en-main.

Il faut cesser de prendre cette opinion-clef-en-main que nous livre les canons médiatiques. Nous sommes en pleine guerre du bon sens où la bataille se fait entre les valeurs (sic) de l’église économique et les valeurs humaines élémentaires.
Plusieurs exemples illustrent cette guerre des valeurs qui se fait à l’aide des canons médiatiques et des spécialistes de l’image et de la perception.
- La crise virtuelle de la Grèce en est un excellent exemple.
- La crise du H1N1 en est un autre.
- La terrible (sic) crise économique de 2008 encore un autre.
Souvenez-vous de la crise "alimentaire" où le riz pourrissait sur les tablettes parce que l’utilisateur-payeur n’avait plus les moyens de manger. (Crise "alimentaire" qu’on disait ! Dans une crise "alimentaire" on manque d’aliments, mais lors de cette crise, on manquait "d’argent". Et où est-elle passée cette crise ? A-t-on mis de nouveaux territoires en culture pour nourrir les affamés ? Non, nous avons nourri les Nestlé de la planète pour qu’il "donne" (sic) leur maigre pitance aux affamés).
- Autre exemple : Les explications clef-en-main des 40 milliards disparues des coffres de notre caisse de dépôt. 40 milliards volatilisés. dans les poches de qui ? (Rien ne se perd rien ne se crée. En tout cas en physique.)

Beaucoup de dossiers méritent que nous dépoussiérions notre salutaire « sens commun ». Il faut suivre l’exemple de Monsieur Lambert et de Monsieur Theodorakis.
On nous endort. Il faut nous réveiller.
Que se passe-t-il en Grèce ?
Que se passe-t-il dans pratiquement toutes les économies des États du monde ?
Sommes-nous fatalement destinés à devenir des esclaves de la sainte trinité de l’église économique (FMI, BM et OMC) ?
L’Être Humain doit-il accepter de se faire mettre au pas en fonction des "commandements" de l’église économique ?
Ou si au contraire, l’Être Humain devrait se révolter et mettre à leur place ces dieux tout puissants de l’économie ? Ces dieux (sic) mus par la cupidité la plus totale et la plus abjecte.
Notre « sens commun » devrait nous guider vers l’économie RÉELLE et nous libérer de l’économie virtuelle qui nous assujettit. Cette économie où l’on transige du vide, cette économie où le jeu dépravé de la spéculation vise la cupide croissance infinie.
Partout on dit aux gens : vous n’avez plus les moyens de bien vivre. Vos États "providences" n’ont plus les moyens. Vous devez, en tant qu’utilisateurs-payeurs payer ou crever dans votre merde.
Les demandes syndicales sont présentées comme des absurdités, les citoyens qui protestent comme des anarchistes enragés. Bref, le monde nous est présenté uniquement à travers les yeux et les lunettes des prédateurs économiques.
Pourquoi donc nos États n’ont plus les moyens ?
Parce qu’ils nous donnent trop de services ou parce qu’ils n’ont plus le pouvoir de collecter et répartir la richesse ?
Nul besoin de créer de la richesse, elle existe. Il n’y a qu’à dresser les bilans financiers des compagnies qui nous exploitent. En commençant par les pétrolières (Exxon-Mobil, Total, BP, etc.), puis les pharmacies (Pfizer, Merck La Roche, Aventis, GlaxoSmithKline, etc.), puis les banques (JP Morgan, Royal Bank, Citigroup, Goldman Sachs, etc.) et finalement l’industrie agroalimentaire mondiale (Monsanto, Nestlé et Cie).
Nos États n’ont plus les moyens parce qu’ils se font escroqués (avec leur propre aide) par les agences de cotations et les magouilles économiques mondiales (Moodys, Standard & Poor’s, Enron, Goldman Sachs, AIG, FMI, BM, OMC, etc.).
Nos États n’ont plus les moyens parce qu’ils offrent les pays sur un plateau d’argent aux prédateurs économiques mondiaux (ressources naturelles et main-d’ouvre bon marché).
Nos États n’ont plus les moyens parce qu’ils ferment les yeux et même « favorisent » les paradis fiscaux (se souvenir du G20 de Londres. Qu’a-t-on dit ? Et qu’a-t-on fait ?).
Nos États n’ont plus les moyens non pas parce qu’ils dépensent trop, mais plutôt parce qu’ils ne collectent plus.
Et de l’argent, il y en a (Exxon : 45 milliards de profits en 2008, Shell : 26 milliards, Chevron : 24, BP : 21. En voyant ces PROFITS, ça fait plaisir (sic) de payer son essence, avec une bonne taxe "pour sauver l’environnement" !).
L’argent existe, elle est tout simplement honteusement concentrée et ceux qui contrôlent le monde n’ont pas du tout l’intention de partager quoi que ce soit.
La réalité des choses c’est l’église économique qui asservit l’Être Humain tandis que ce devrait être l’Être Humain qui devrait dire aux prêtres économiques : Vos gueules. On en a marre de vos lois. Elles sont injustes, inhumaines et INJUSTIFIABLES. La réalité, ce n’est pas une cote de crédit. La réalité c’est notre sueur, NOS richesses naturelles, NOTRE créativité, NOTRE imagination, NOTRE productivité et cesser de nous faire chier avec la compétitivité à l’échelle mondiale. Nous allons remettre en place nos essentiels outils de protection (protectionnisme) pour compenser les différences propres aux régions aux cultures et à la RÉALITÉ du monde. Le monde N’EST PAS un grand village.
Les peuples et les nations devraient tous se reprendre en main et se réapproprier leur économie réelle. L’économie locale : protectionnisme, nationalisation.
On devrait envoyer notre armée, non pas en Afghanistan, mais saisir les comptes en banques dans les paradis fiscaux de ces fraudeurs légalisés.
Suis-je en plein délire ? Possible, mais il n’empêche que des milliards d’individus survivent à peine (1 ou 2 $ par jour : moins de 1000 $ PAR ANNÉE) et des prédateurs s’approprient les richesses du monde entier pour étancher leur soif insatiable de profit scandaleux, pendant que d’autres n’ont pas d’eau pour boire et se laver ni de chiottes pour chier.
Quand on regarde le monde. 1000 milliards pour sauver l’euro. L’an dernier c’était 1500 milliards pour sauver les banques et les "pauvres" compagnies.
Combien pour sauver Haïti ? Et pire, cet argent qui sauve Haïti, elle enrichit qui ?
Combien pour le Chili ? Vous aviez oublié le Chili ?
Non, c’est scandaleux ! Et pourtant certains coins du monde nous enseignent la sagesse et tentent de modeler plus humainement le monde. À certains endroits, l’économie n’est plus une église, mais un outil.
La création du "Sucré" par l’Union des pays sud-américains (UNASUR) est un exemple à suivre. Plusieurs de ces pays ont mis à la porte le FMI et ont repris leurs économies en main. Les ressources naturelles sont exploitées non pas pour servir la cupidité des prédateurs économiques mondiaux, mais pour servir les besoins des populations et le développement des pays.
Il faut prendre conscience que nous devons être maîtres chez nous en étant maîtres de nos ressources et de nos industries. Nationalisation et gestion publique des secteurs vitaux de nos sociétés (eau, énergie, ressources naturelles, éducation, santé). Il faut élire des dirigeants au service des citoyens et non au service de l’oligarchie mondiale.
Il ne faut pas nous laisser endormir par le discours de ces fourbes qui se foutent éperdument de la misère des gens et qui ne jurent que par la "croissance" de leur portefeuille.
Il faut se rendre compte que ces crises sont virtuelles et créer pour servir ce monde de la spéculation et de l’exploitation sans limites.
Il faut appuyer le courage des Grecs dans la rue, comme celui des Népalais ou encore ces chemises rouges qui demandent plus de justice sociale.
Partout les populations demandent plus de justice sociale, comme nous ici, suite au budget Bachand/Charest protégeant le capital des riches et vidant les minces portefeuilles de la classe jadis moyenne.
Il y a une constante partout à travers le monde capitaliste. Quelques-uns ont tout et des milliards d’individus n’ont rien. Et le pire c’est que cette situation qui semble inéluctable pourrait être corrigée rapidement si une volonté réelle de partage existait (prenons simplement le budget de la défense US : 800 milliards. Imaginez si on dépensait 2000 millions par jour pour corriger les inégalités. Ou si on utilisait les 1000 milliards servant à sauver l’euro ou ces 2000 milliards de l’an dernier.)
Et dire que l’on parle de la crise virtuelle grecque avec le plus grand sérieux !
Serge Charbonneau
Québec
URL de cet article
http://www.legrandsoir.info/La-Grece-et-la-virtualite.html
http://www.lepost.fr/article/2010/05/15/2074448_la-grece-et-la-virtualite.html

Il ne faut pas reconstruire Haïti.

Dans sa chronique du Devoir des 24-25 avril 2010, Gilles Courtemanche pose la question : Faut-il reconstruire Haïti ? Sa réponse, c’est qu’il ne faudrait pas reconstruire le pays dysfonctionnel d’avant le séisme mais d’abord investir dans l’éducation, en en faisant si nécessaire une condition imposée par les bailleurs de fonds.
Pour une rare fois, je ne suis pas du tout d’accord avec lui. D’abord, de qui est-il question dans cette question ? De Nous : faut-il que Nous reconstruisions Haïti ? Il n’en peut être autrement lorsque les choix à faire sont ceux des « bailleurs de fonds ». Sur ce point crucial, je pense que nous sommes enfoncés jusqu’au cou dans l’erreur et l’illusion. L’illusion que nous, avec notre argent et notre culture supérieure, pourrions, si nous le voulions, faire les bons choix et reconstruire un pays viable qui serait mis à la disposition des Haïtiens.
Où, dans le monde ou dans l’histoire, avons-nous vu un pays être construit ou reconstruit par d’autres que ses habitants ? Un pays, ce n’est pas un territoire et des bâtiments. Ce n’est pas non plus une collection de lois qui règlent le fonctionnement des institutions politiques ou économiques. C’est un peuple et la culture qu’il s’est donnée. Penser que nous pourrions reconstruire Haïti, c’est exactement le genre de rêve fou du docteur Frankenstein qui voulait insuffler la vie à une créature obtenue en recousant des parties de corps humains. Et pourtant, dans ce cas, le concepteur pouvait à tout le moins mener son projet farfelu avec la cohérence normale qu’un individu peut fournir, ce qui n’est absolument pas le cas avec les projets farfelus menés par « l’aide internationale » ou « les bailleurs de fonds ».
Les tremblements de terre ne détruisent pas les pays.
Après la dernière guerre mondiale, l’Allemagne et le Japon, bien plus détruits qu’Haïti par les bombardements, ont bénéficié de plans de financement extérieurs de la part des « bailleurs de fonds » pour faciliter leur reconstruction matérielle mais ils n’ont jamais eu besoin d’être reconstruits en tant que pays, pour la bonne raison que le bombes n’avaient pu détruire que du matériel. Pas la culture ou les institutions. Les Haïtiens ne sont pas moins intelligents que les Allemands ou les Japonais, même si leurs institutions avaient déjà été sabotées bien avant qu’un séisme ne détruise en plus une partie de leurs infrastructures matérielles.
Avant de discuter des choix que Nous pourrions faire pour l’avenir d’Haïti, il faudrait d’abord se demander pourquoi ce pays a pu être désorganisé à ce point, bien avant le séisme du 12 janvier. Cette question demanderait de longs développements, tant notre compréhension générale du sous-développement est viciée par les manipulations et la propagande menées par les vrais maîtres du monde qui tentent de nous faire croire que la pauvreté découle de la surpopulation, du climat ou des catastrophes naturelles, de la culture ou des institutions locales, mais jamais des règles qu’ils ont eux-mêmes imposées dans le jeu des échanges économiques et politiques internationaux.
Depuis qu’ils ont été systématisés aux XVIIIe et XIXe siècles, les rapports internationaux de domination créent de la pauvreté dans certaines zones de la planète, en même temps et pour les mêmes raisons qu’ils accumulent la richesse dans d’autres zones. C’était le cas dans les empires coloniaux et c’est toujours le cas de nos jours, même si la géographie de la richesse s’est un peu complexifiée, mais à partir du milieu du XXe siècle, les choses se sont drôlement aggravées. C’est que les colonies, jusqu’alors gérées par un seul maître à la fois, pouvaient être exploitées à volonté mais elles n’avaient pas à supporter les conséquences désastreuses du régime d’incohérence qui a été établi au moment où elles sont devenus « indépendantes » sur papier mais en réalité soumises à la prédation de n’importe quelle grande puissance politique ou économique. Comme un grand nombre de pays d’Afrique ou d’ailleurs, Haïti a sombré dans les affres d’un nouveau type de sous-développement, issu principalement de l’incohérence des décisions imposées par des maîtres qui s’ignorent les uns les autres : les Grandes Puissances, les multinationales, les organisations internationales, les dizaines de milliers d’ONG (1), les réseaux mafieux, le Pape, etc., et bien sûr aussi les mafias locales et la plupart des gouvernements locaux.
La vraie question
La véritable question qu’il faudrait poser est la suivante : croyons-Nous que, si Nous leur en laissions la chance, les Haïtiens auraient l’intelligence requise pour organiser une société viable et prendre en charge leurs besoins matériels ou autres ?
Du bout des lèvres, tout le monde répondrait « oui » mais les « mais » suivraient rapidement : pas tout de suite, pas sans support, pas sans le concours de la diaspora, etc. Bref, peut-être des Haïtiens le pourraient-ils mais il faudrait d’abord que, d’une façon ou d’une autre, quelqu’un leur apporte un quelconque ingrédient magique tel que « l’éducation ».
Et pourtant, dans l’histoire de l’humanité, la grande majorité des pays ont été créés par des humains sans « éducation », au sens où nous l’entendons de nos jours…
En observant de loin la mise en œuvre des secours dépêchés en Haïti en janvier dernier, il m’a semblé clair que pour la quasi totalité des intervenants et commentateurs, « les Haïtiens » étaient des corps souffrants ou indemnes, affamés ou pas, et aussi des êtres dotés d’émotions humaines mais jamais des personnes douées de compétences qui auraient pu être mises à profit dans l’organisation des secours. Ainsi, plus de deux semaines après le séisme, le maire de Port-au-Prince confiait à un journaliste de La Presse qu’il devait s’en remettre à la gentillesse de tel ou tel employé de l’ONU pour pouvoir utiliser un moment un ordinateur ou faire quelques appels téléphoniques. On avait transporté sur place des dizaines de milliers de secouristes et des tonnes d’équipements mais personne, semble-t-il, n’avait cru utile de fournir des équipements de base à un leader élu pour qu’il puisse mettre ses compétences à profit.
Plus récemment, quand les « bailleurs de fonds » ont annoncé le total de leurs investissements à venir (plus de dix milliards de dollars), la même logique prévalait, même si on a pu demander la signature du Président ou du Premier ministre sur un quelconque document d’acceptation. Tout le problème d’Haïti est là, dans son statut de bénéficiaire n’ayant pas un mot à dire dans les décisions qui le concernent. En attendant, l’avenir qui lui est préparé est à peu de choses près celui du plus grand camp de réfugiés sur la planète – des réfugiés dans leur propre pays.
Les Haïtiens, comme tous les autres peuples de la planète, possèdent de façon innée les compétences nécessaires pour créer des cultures, façonner des institutions et prendre en charge leurs propres besoins – c’est là un simple constat factuel. Ils l’ont fait aussi longtemps qu’ils n’en ont pas été empêchés. Ils n’ont besoin que de liberté, de responsabilité réelle et d’une dignité reconnue mais si on les prive de ces trois ingrédients essentiels pour les réduire à l’état de dépendance, leurs compétences sont momentanément réduites ou anéanties. Si Nous souhaitions vraiment qu’ils puissent prendre leur destin en main, Nous ferions en sorte de reconnaître et de respecter cette dignité, cette liberté et cette responsabilité. Nous cesserions de tout leur imposer, en prétendant assumer nous-mêmes, par pure grandeur d’âme, la responsabilité de leur bien-être ou de leur simple survie.
Nous pourrions faire preuve de solidarité en cas de coup dur, comme nous le faisons lorsqu’une tempête de verglas désorganise temporairement nos services, mais nous n’en profiterions pas pour remettre en place des régimes de dépendance et de déresponsabilisation qui sont ultimement fondés sur la croyance inavouée en l’inaptitude des assistés.
Denis Blondin
Anthropologue
(1) Seulement en Haïti, leur nombre est évalué entre 10,000 et 15,000 mais personne n’en connaît le nombre exact. Dès lors, comment penser que leurs interventions puissent être coordonnées à l’intérieur d’un plan global de développement ?
URL de cet article
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