Google

dimanche 16 mai 2010

LECTURE DOMINICALE: LA POUDRE QUI TUE

Aujourd’hui dimanche, le lendemain du premier mai, tout paraît ralenti. Les agences de presse ont chômé ce week-end. Les nouvelles sur Haïti ne sont pas légions. On est seulement à 110 jours du tremblement de terre. Il serait prématuré de dire que la rareté des informations corresponde déjà à une sorte de lassitude des médias par rapport à la situation d’Haïti.
Fort heureusement d’ailleurs. Nous avions pu disposer d’un peu plus de temps pour revoir les éphémérides et surtout vérifier ce qui faisait l’actualité surtout en 2008 en pleine crise politique suite à l’éviction du gouvernement de Jacques Edouard Alexis, suite aux émeutes de la faim du 8 avril.
La découverte ou redécouverte de certains détails reste assez….rassurante dira-t-on. Par exemple que le gouvernement des Etats –Unis d’Amérique avait déboursé une enveloppe de 20.000.000 de dollars pour Cité Soleil, que le gouvernement canadien avait alloué une enveloppe de 50.000.000 de dollars supplémentaires pour à Haïti, que le directeur du PAM avait annoncé un plan génial pour la restructuration de l’agriculture haïtienne pour réduire l’insécurité alimentaire. Plusieurs dépêches allaient dans ce sens ou le sens du Document National Pour la Réduction de la Pauvreté. Oui aussi bizarre que cela puisse vous paraître un tel document a existé chez nous en Haïti avant le 12 janvier 2010.
Soyons indulgents. Ne me forcez surtout pas à répondre à la question bi-syllabique, trop dérangeant dans certains cas. Alors ? Merde…Il ne fallait surtout pas le répéter…
Mon attention fut attirée et retenue par une dépêche émanant du service de presse de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haïti, MINUSTAH. En fait la mission internationale annonçait le décès d’un de ses sous-officiers de nationalité brésilienne dans un hôpital De Santo Domingo. Le soldat avait succombé à une hémorragie cérébrale. Donc une hémorragie scientifiquement due soit à une rupture d’un anévrisme intracrânien ou d’une Malformation Vasculaire d'un autre type. Rien de bien important jusque la dans le contenu de la dépêche. Mais le journaliste de la MINUSTAH a poursuivi en faisant savoir qu’il s’agissait d’une maladie imprévisible et indétectable. Il voulait par la signifier que le jeune sous officier, avant son hémorragie, n’avait présenté aucun signe qui aurait pu conduire au diagnostique de sa pathologie.
Mais une maladie imprévisible et indécelable ou indétectable, traduit dans l’univers colloquial haïtien, veut dire tout autre chose. Une maladie venant d’un autre monde. Une maladie inconnue.
Cela me ramène à repenser à une histoire que m’avait racontée un compatriote et ami.
Un vendredi saint, je cherchais éperdument un repas adapté dans le milieu haïtien de la ville. Je me suis fait inviter carrément chez l’ami Tony. Là j’étais sur de pouvoir déguster poissons en sauce à base d’oignons et d’huile d’olive, haricots blancs en sauce, salade de betterave et riz blanc parfumé.
Pendant l’apéritif, après avoir parlé de tout et de rien nous nous sommes retrouvés automatiquement en Haïti. Le pays d’avant-hier. Le pays d’hier. Le pays d’un temps qui a fui trop vite s’enlisant dans la brume et dans ses traces.
A un moment donné il était question de la Minustah, mission de stabilisation pour certains. Force d’occupation pour d’autres.
- Doc, me dit Tony, savez-vous que les soldats de la Minustah ne rentrent jamais dans la Ville de Léogane ?
- Ah bon ? Non Je ne le savais pas. Lui répondis-je en me préparant à écouter un de ces récits à dormir ou faire dormir debout. Mais des récits tout à fait crédibles et éventuellement prouvés dans le contexte de la légende urbaine haïtienne.
- Ils ont très peur et ils ont même été interdits de s’approcher des habitants de cette ville.
- Et pourquoi donc ?
- Doc vous êtes au moins au courant de l’histoire des chèvres.
- Je sais que les haïtiens ont pris l’habitude de les appeler voleurs de cabris.
En fait en Haïti, dans certains villages de l’arrière pays, les paysans élèves des cabris. Ces animaux souvent maigres sont lâchés dans la nature dans des zones très sèches, avec peu de végétation. Ils s’éloignent donc de leurs habitats à la recherche de quoi ruminer. Souvent on les voit perchés sur des rochers dans des régions très accidentées. Très loin des habitations.
Les soldats de la minustah sillonnant le pays ont vite fait de les assimiler à des cabris sauvages et ils ont commencé à les capturer pour agrémenter leur barbecue. Delà ils ont donc mérité en fait leurs pseudonymes de voleurs de cabris.
- En fait Doc, reprit Tony, les gens de Léogane se sont dits qu’ils n’allaient pas se laisser faire. Et chaque soldat de la Minustah qui osait s’aventurer dans la ville recevait un « coup de poudre ».
Tony continua son récit avec le ton le plus convainquant possible. Il me raconta que quelques temps plus tard, quand la poudre a commencé à faire de l’effet c'est-à-dire en provoquant ou déclenchant des maladies bizarres indétectables, il fut intimé l’ordre aux soldats de ne pas trop s’approcher des habitations. Là encore, les haïtiens ont utilisés des animaux domestiques, plus particulièrement les chiens comme vecteur pour faire arriver la poudre jusqu’aux soldats de la Minustah. Les étrangers ne se souciant pas des chiens continuaient à jouer, à toucher et à alimenter les chiens. Même les chiens les plus galleux. Les soldats de l’occupation subissaient encore le même sort sous la forme de maladies incurables.
La pratique, a-t-il poursuivi, a été utilisée de façon intensive par des jeunes nationalistes qui enrageaient à l’idée de voir le sol d’Haïti Thomas, la terre de nos ancêtres, foulée par des bottes étrangères.
Les soldats de la Minustah ont fini par comprendre et ils évitent de séjourner à Léogane.
Malgré le côté incongru et incohérent de l’histoire, je fis semblant d’accepter le récit comme une arole d’évangile. Car toute mécréance ou désaccord de ma part l’aurait poussé à me parler de cas encore plus incroyables d’histoire de personnes chevauchant d’autres personnes converties en chevaux la nuit.
En fait j’ai compris car je suis un haïtien natif-natal…
Docteur Jonas Jolivert

Aucun commentaire: