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lundi 16 avril 2007

La soirée du KONPA animée par Gracia DELVA et Mass KONPA à Marseille.

Les fans du rythme haïtien ont du garder leur souffle jusqu’au dernier moment pour émettre un ouf! de soulagement avec les premières notes jetées de sa voix mélodieuse et unique annonçant l’entrée en scène en chair et en os d’un Gracia DELVA en pleine forme.
En effet, malgré les insistances rassurantes de l’organisateur de la soirée, Monsieur Michelet Louis, président de l’association Fanatik’s club, s’élevant au-dessus des rumeurs malveillantes qui prévoyaient un coup bas « kout ba » en bonne et due forme de l’ancien vocaliste du groupe ZENGLEN de retour depuis quelques années à Haïti ou il fait la pluie et le beau temps.
Ces rumeurs lui étant parvenues à l’oreille, il a eu, selon Michelet Louis, l’obligeance d’appeler à maintes reprises pour démentir et réaffirmer sa volonté et son désir de faire danser le public marseillais.
Comme on a coutume de dire en faisant usage de la langue de Cervantes « todo es segun el color del cristal con que se mire ». En fait il existe une liste assez longue de critères à analyser afin de mettre une étiquette à ce genre d’activité.
Comme fan du KONPA, assistant pour la première fois à une présentation live de Gracia DELVA et Mass KONPA je n’hésiterais pas une seconde à affirmer que la soirée en matière de performance et de prestation du groupe a été une très belle réussite.
Telle ne sera sûrement pas l’opinion des organisateurs en évaluant les recettes face aux dépenses encourues. Ce sont là aussi des critères d’évaluation différents mais qui rentrent de façon non négligeable dans le bilan final et définitif.
J’ai voulu expressément commencer par le moins bien car c’est un élément important capable de conditionner une prestation médiocre ou équivoque d’un groupe : l’affluence réduite du public. Oui en effet il a manqué du monde.
Il faut connaître le milieu marseillais avant d’augurer un succès palpitant contre un échec cuisant d’une activité de ce genre.
Il suffit de fréquenter une ou deux fois une soirée antillaise pour se rendre compte qu’il existe un contingent d’individus composant une clientèle fixe qui sillonne l’ensemble des soirées organisées dans la région. Dans ce domaine, ils sont peu nombreux les promoteurs détenteurs d’un pouvoir de convocation leur permettant de remplir de grandes salles à chaque présentation. Ils sont connus dans le milieu et tout porte à croire que les organisateurs de la septième soirée de Compas ne font pas partie de ce circuit.
D’autres groupes de renom ont joué devant un public peu nombreux. Nous avons été surpris d’assister à une soirée animée par le Skah Shah number one en 1990 devant une salle presque vide. Le système Band a connu la même mésaventure dans les salons de l’Alhambra, après une prestation fantastique du TABOU COMBO en 1995 au Florida Palace, le public marseillais avait fait grise mine la même semaine en boudant une prestation du groupe Zin au top de son art. La mésaventure essuyée par Alan Cavé, Abélard et son groupe était d’un ridicule notoire dans la mesure ou la soirée avait eu lieu dans les salons d’un hôtel de la ville et après minuit les résidents avaient exigé "plus de silence et moins de bruit" en demandant au groupe de baisser le volume des appareils.
Il ne faut pas croire que les gens boudent les soirées organisées par les groupes haïtiens. Loin de là ; rien que l’année dernière les promoteurs ont fait leur beurre avec des soirées très réussies avec des groupes du calibre du Tabou Combo, Djakout Mizik, Zenglen, Carimi et T-Vice.
Un autre élément qui n’a pas été pris en compte lors du choix de la date pour la venue de Gracia DELVA c’est la symbolique religieuse et régionale d’un samedi saint. En fait, pendant le week-end de Pâques saupoudré du congé du lundi, plusieurs personnes choisissent de partir. Juste à côté de Marseille, à Arles c’est pendant ce week-end que se célèbre la fameuse feria. Dans une ambiance très hispanique une fête populaire à même les rues se met en place et rappelle un évènementiel carnavalesque : torromachie, bodegas, musiques, sangria, femmes, fesses nichons. La concurrence restait de taille…
Avec ce tableau aussi dépeint on serait tenté d’imaginer à tort le marasme qui pourrait accompagner la prestation des musiciens habitués à évoluer devant des foules en délire. Détrompez vous. Mass KOMPA et Gracia DELVA ont maintenu en alerte les quelques centaines de personnes qui avaient répondu présent. En dehors des qualités intrinsèques des musiciens du groupe, la soirée qui s’est étalée sur six heures sans interruption a permis de respirer un air bon enfant, sympathique et jovial.
On ne ressentait pas cette atmosphère lourde et pesante qui accompagne souvent des groupes soucieux de trop bien faire. Les gens ont pu danser, chanter, et accompagner un Gracia DELVA des grands soirs, dans une prestation digne des meilleurs one-man-shows.
La gente féminine a dégusté à plein gosier son franc et large sourire que certaines ont catalogué de "rageur" et "craquant".
Le public a aussi entonné à chœur joie ses hits datant de son passage dans les différents groupes ou il a évolué durant ces dernières années. Il a su répondre aux demandes formulées par le public en communion avec des artistes disposés à tout donner pour faire plaisir et partager le bonheur d’offrir cette portion d’Haïti.
Il n’a surtout pas oublié de diriger un clin d’œil aux plus âgés en interprétant une composition du mythique groupe le DP-Express après l’ère Ti Manno. Ceux qui ont le même âge que moi ont du ressentir le frémissement que provoque le mouvement des poils qui s’hérissent pour donner de l’élan au transfert des sensations vers d’autres époques quand Mass KONPA entama les premières notes de « Pran Plezi nou »…
Hommage aux mamans, l’état d’un pays désordonné sans devant sans derrière, des sujets plus farfelus, il fallait bien un répertoire costaud et bien constitué pour animer et faire danser une foule pendant plus de six heures sans interruption.
Ma satisfaction aurait atteint son paroxysme si j’avais osé solliciter l’interprétation de « Héros », cette chanson originale de Enrique IGLESIAS, fils de l’immortel Julio IGLESIAS en version troubadour. Le "would you dance, if I asked you to dance, Would turn and never look back, would you cry if you saw me crying..." m'aurait transporté bien au-delà du septième ciel. En effet, à la fin de la soirée, je me suis approché de Gracia DELVA pour lui serrer la main en guise de remerciement pour nous avoir apporté cette saveur et couleur du pays cher à notre cœur. Quand je lui adressé le reproche de n’avoir pas joué Héros, il s’est montré plus désolé que moi et me l’a promis pour son prochain passage.
Pour une première prise de contact avec le public de la région, je suis en droit d’affirmer que Mass KONPA et Gracia DELVA ont laissé une excellente impression qui ne laissera pas indifférents les promoteurs venus en explorateurs. Pour la musique haïtienne, Marseille de par son caractère Cosmopolite représente une porte ouverte vers d’autres horizons, vers d’autres cultures… Le chemin s’ouvre sous les pas des représentants de ce calibre de notre KONPA national…
Pendant que les médias se « bidonnent » à présenter Haïti comme le pays le plus dangereux du monde, tandis que pour certains le pays à coups de crimes et de violence s’est forgé une réputation digne d’une succursale de l’enfer ou le diable peut modifier à tout moment les sentiers du destin, ces jeunes ont choisi non seulement de vivre en Haïti mais surtout de mettre leur talent au profit de la promotion de cette nation et de sa culture.
Au-delà de cette facette de musiciens charmeurs et créateurs de rêves, Gracia DELVA à l’instar des artistes issus de cette source intarissable, muse entre les muses, d’Haïti, éternelle, invincible et universelle tu es notre HEROS …
(Marseille le 16 Avril 2007, Thom GATO)

Mobilisation des duvaliéristes pour le centenaire de l’ancien tyran

La Fondation François Duvalier est officiellement créée avec parmi ses membres le fils de Jean-Claude Duvalier, Nicolas ; retour en force des barons de l’ancien régime
dimanche 15 avril 2007,
Radio Kiskeya

Le centième anniversaire de la naissance de François Duvalier a été marqué samedi par le lancement officiel de la fondation éponyme qui a permis le retour sous les feux de la rampe des collaborateurs, disciples et héritiers naturels de l’ancien dictateur.
Ils étaient nombreux et visiblement réunifiés dans les locaux de la Fondation François Duvalier à Pacot (centre-est de Port-au-Prince) où un hommage appuyé a été rendu à leur "père spirituel et référence suprême". Véronique Roy, l’actuelle compagne de nationalité française de Jean-Claude Duvalier, a porté la nouvelle institution sur les fonts baptismaux en compagnie du doyen des duvaliéristes, Lamartinière Honorat, 97 ans et du Dr Rony Gilot, leader d’une famille politique en quête de renouvellement.
On reconnaissait également dans l’assistance l’ancien ministre de l’intérieur, Edouard Berrouet, 95 ans, venu en fauteuil roulant, l’ex-colonel Franck Romain, qui fut chef de la police puis maire de Port-au-Prince, l’ancien préfet de la capitale, le Dr Bernardin Rosarion, l’ex-secrétaire particulier de François et Jean-Claude Duvalier, Gérard Prophète, l’ancien chef macoute Milice Midi, l’ancien colonel et commandant de la garde présidentielle, Christophe Dardonpré, l’ex-major Léonce Qualo, l’ancien ambassadeur Max Cavé, l’ex-consul d’Haïti à New York et à Montréal et ancien directeur de l’office national du tourisme, Fritz Day, l’ancien Député de Marigot, St-Voyis Pascal et ses fils Joubert et Georges Pascal et Jean-Marc Saint-Albin de la famille de l’ancien lieutenant-général Saint-Albin.
Parmi les invités d’honneur se trouvaient le sociologue Daniel Supplice du Parti Libéral Haïtien (PLH) et Secrétaire d’Etat à la jeunesse et aux sports sous Jean-Claude Duvalier ainsi que le Dr Turneb Delpé du Parti Nationaliste Démocratique Progressiste Haïtien (PNDPH), résolument engagé sur la voie de la réconciliation nationale dans le cadre de son projet de conférence nationale.
Dans son allocution de circonstance, Lamartinière Honorat dit "Mama Honorat", ancien ministre des Travaux publics sous "Papa Doc", a justifié la création de la fondation en revisitant l’ascension et le parcours politiques du Dr Duvalier. Revendiquant fièrement ses origines duvaliéristes, M. Honorat a rappelé l’appartenance de feu le Président à vie à "l’Ecole des Griots" aux côtés de Lorimer Denis et de Louis Diaquois et l’a placé dans la même lignée que les penseurs Jean-Price Mars et Philippe Thoby Marcelin.
Pour sa part, Edouard "Dadou" Berrouet, interrogé en marge de la cérémonie, a qualifié François Duvalier "d’homme exceptionnel", même s’il est diabolisé par beaucoup. Celui qui se présente comme un "éternel VSN" (Volontaire de la Sécurité Nationale), souligne l’importance historique de la "révolution duvaliériste" qui a permis, dit-il, l’émergence des "classes moyennes".
Véronique Roy a annoncé que la Fondation François Duvalier compte déjà une cinquantaine de membres dont François Nicolas Jean-Claude Duvalier, le fils aîné de l’ancien dictateur "déchouké" en 1986 qui pourrait faire bientôt son retour en Haïti. Le 22 avril, date fétiche des Duvalier, l’on rendra public le chronogramme d’activités de la fondation incluant notamment la création prochaine d’une bibliothèque à Carrefour.
Face aux manifestations de l’amnésie collective et à la démobilisation des forces d’avant-garde de la société civile, les fidèles de l’ancien régime ont pu donner libre cours samedi à leurs efforts de pérennisation de la mémoire d’un homme même s’il est loin le temps où ils avaient monopolisé le pouvoir d’Etat.
Le Dr Rony Gilot, ancien ministre et Député, a signé le même jour son livre "Au gré de la mémoire, François Duvalier le mal-aimé". Des écrits apologétiques et même révisionnistes pour tenter de réhabiliter moralement et politiquement Duvalier.
Né le 14 avril 1907 dans le voisinage du Palais National (siège de la Présidence), François Duvalier devait faire du lieu du pouvoir le symbole de l’une des dictatures les plus sanguinaires de l’histoire d’Haïti. Ce médecin et ethnologue ombrageux a régné sans partage sur le pays de 1957 jusqu’à sa mort en 1971, ne cédant la place qu’à l’héritier du trône, son fils Jean-Claude Duvalier, devenu à 19 ans Président à vie. spp/RK

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Commentaire :
On n’a pas besoin d’être un expert en politique haïtienne pour savoir que l’année 2007 devait être une année de célébration et surtout de renaissance du Duvaliérisme que beaucoup prétendent immortel et très ancré dans la façon de penser des haïtiens.
Nous avons assisté à la parution d’écrits apologétiques à visée esthétique pour donner un nouveau visage à une doctrine qui n’a su résister au « déchoukage » d’après 1986. L’annonce de la création de La Fondation François Duvalier n’avait pas suscité plus de débats dans le milieu politique.
La célébration du centenaire de la naissance de ce personnage sombre et énigmatique, revendiquant une place de choix sur l’autel des chiens de gardes anticommunistes qui ont semé la mort et la terreur pendant les années de la guerre froide, ne suscitera sans doute pas l’enthousiasme escompté car n’a été Duvaliériste que François Duvalier lui-même. Ses fervents alliés ont voulu contrefaire une type idéal de pensée dont lui seul savait et pouvait pénétrer les recoins et les profondeurs.
Ironie du sort, dans l’application du côté superficiel de sa doctrine son plus digne héritier n’est autre que l’ancien prêtre défroqué Jean Bertrand Aristide.
Le but non avoué de la création de cette fondation portée sous les fonds baptismaux par l’actuelle compagne de Jean Claude Duvalier avec l’omniprésence de son fils Nicolas Jean Claude Duvalier n’est sûrement pas la réhabilitation de ce personnage historique assez inconnu de nos jours sinon vise les enjeux non dissimulés d’un probable retour de Jean Claude en Haïti.
Au moment ou Haïti essaie de s’engager sur la voie de la stabilité politique appuyée par la communauté internationale, les voix qui prônent dans une cacophonie confuse et maladroite une réconciliation nationale avec le retour de tous les anciens bourreaux de la nation risquent de se voir imposer une sourdine voire un museau car il faudrait questionner l’éventuel apport des ces mercenaires – sans vision - de la politique qui n’ont su faire que du tort au pays.
(JoJo 16/04/07)

L’affaire SOCABANK revient sur le tapis : Interdiction de départ contre des ex-actionnaires et administrateurs

Le PDG de la HAITEL, Franck Ciné et l’ancien directeur de la banque, Charles Beaulieu particulièrement visés ; Me Joël Petit-Homme, avocat de la HAITEL, proteste et accuse personnellement le Président René Préval
dimanche 15 avril 2007,
Radio Kiskeya

L’affaire SOCABANK rebondit à nouveau dans l’actualité avec la décision des autorités compétentes d’émettre une interdiction de départ contre d’anciens actionnaires et hauts responsables de la banque pour leur implication présumée dans une faillite estimée à plusieurs dizaines de millions de dollars.
Selon Me Joël Petit-Homme, l’avocat de l’opérateur de téléphonie mobile HAITEL, le PDG de la compagnie, Franck Ciné, qui était l’actionnaire majoritaire de la SOCABANK, est l’une des personnes frappées d’interdiction de séjour à l’étranger. Une dizaine d’anciens membres du conseil d’administration de la banque dont l’ex-PDG Charles Beaulieu, Claudel Géhy et Joseph Saint-Louis font l’objet des mêmes dispositions.
Cependant, M. Beaulieu, officiellement en visite médicale prolongée à l’étranger, n’était pas jusqu’à récemment en mesure d’indiquer la date de son retour en Haïti.
Me Petit-Homme impute les mesures prises à l’encontre de Ciné, Beaulieu et consorts au Président René Préval. Il accuse nommément le chef de l’Etat d’être en train de "régler des comptes personnels" avec les personnes incriminées. L’avocat s’insurge contre une décision qu’il juge "illégale".
Au plus fort du scandale qu’avait provoqué le vote au Sénat -en pleine nuit et à la lueur des flashes de téléphones cellulaires- d’une résolution contre l’intervention de la Banque Centrale dans le processus de redressement financier de la SOCABANK, MM. Franck Ciné et Charles Beaulieu avaient clamé leur innocence et élevé de vives protestations contre les autorités monétaires.
De son côté, le Sénateur Gabriel Fortuné, à l’origine de révélations excessivement graves sur d’éventuels liens entre certains de ses pairs et les actionnaires et administrateurs de la SOCABANK, n’a jamais renoncé à ses allégations.
Après une décevante enquête parlementaire, qui avait renvoyé dos à dos accusateurs et accusés, le Sénat avait décidé de balayer comme un fétu de paille un dossier qui a pourtant largement entamé sa réputation. spp/RK

L'Histoire du KONPA racontée : Notes autour du KONPA….

Le 25 juillet 1955, le fondateur du Conjunto Internacional, le maestro Nemours Jean-Baptiste, se heurta à un petit groupe de musiciens qui ne voulaient pas de lui. Ces derniers prétendaient que Nemours avait galvaudé notre danse nationale, avec une certaine musique basée essentiellement sur des rythmes folkloriques joués pour la galerie depuis les temps immémoriaux, tels que: radas, pétros, congo... En d'autres termes, bien avant l'arrivée du jazz dominicain el Tipico Cibaeno à Port-au-Prince, notre musique de danse (le compas) existait déjà dans nos montagnes, une musique popularisé par les paysans haïtiens dans l'île tout entière. Cette musique avait subi déjà certaines modifications quand des paysans coupeurs de canne sont revenus de Cuba avec certains instruments musicaux (le banjo, le tré, le manoumba ou maniboula). Nous sommes au début des années 20.
Plus tard, il y eut inconsciemment un grand brassage culturel entre ces deux peuples frères et, c'est à partir de tout cela que naquit dans notre milieu toute une pléiade de troubadours qui se produisent jusqu'à nos jours dans les bals champêtres.
Au premier abord c'est dans la basse (manoumba ou maniboula) que réside notre compas (un-deux), un rythme qui servait de base pour nos jeunes musiciens qui voulaient se faire connaïtre à l'extérieur.
A vrai dire, rien n'a changé dans la cadence du compas direct jusqu'à présent, et le musicologue Gérald Merceron, de son vivant, avait essayé en vain de l'expliquer à travers une étude (le shampa) malheureusement trop sophistiquée pour être comprise. On comprendra peut-être un beau jour. Depuis toujours, c'est le plein succès pour notre musique entraïnante : aux bals, aux night-clubs, un peu partout. N'était le grand génie inventif de Nemours Jean-Baptiste, cette musique serait encore dans les oubliettes. Et pourtant, jadis, dans les fêtes champêtres, à la campagne, on ne parlait que de ces musiciens troubadours.
A l'époque, on ne pouvait trouver que des musiciens anba tonnel faisant la navette dans presque tous les secteurs du pays, et spécialement dans le Sud entre Jacmel, Petit-Goâve, Aquin, Saint-Jean du Sud, Cavaillon, Anse-a- Veau, etc. en vue de créer une certaine ambiance dans les fêtes champêtres, pour égayer les bats dans les provinces. Qui dit fêtes champêtres dit aussi fêtes religieuses : Sainte-Anne, Saint-Joseph, Saint-Antoine, Vierge Altagrâce...
A la fin des années 30-40, Nemours, pour gagner sa vie honnêtement, prit son vieux banjo et son bâton de pèlerin pour découvrir le sud du pays, spécialement Les Cayes, tout en jouant de la musique. Pour aller jusqu'aux Cayes, surtout en camion-boîte, on pouvait passer toute une journée en route. Mais quand il pleuvait, on pouvait passer plus de huit jours avant d'y arriver. Incroyable mais vrai. Il a fallu attendre jusqu'à la fin de 1971, début 1972, pour que les dirigeants de ce pays fassent quelque chose afin que la route nationale No 2 soit praticable, pour le grand bien de la collectivité.
C'est en parcourant tout le sud du pays que Nemours jouant du banjo (sorte de guitare ronde), Destinoble Barrateau à la clarinette et un certain Tolerme, au tambour, arrivèrent à gagner ensemble leur vie avec la musique. Nemours observait attentivement Destinoble afin de lui voler son métier de clarinettiste. Sans perdre de temps, Destinoble passa au saxophone tout en inculquant quelques notions à Nemours Jean-Baptiste. C'est en retournant à Port-au-Prince que celui-ci reçut son baptême de feu. Il fit sa première grande apparition dans l'Ensemble Atomique où il joua de la guitare en compagnie du grand maître du saxophone, le maestro Webert Sicot qui lui enseigna sans complexe la vraie et la bonne maîtrise de l'instrument.
Comme tous les Loctamar du grand Maurice A. Sixto (vol. IV Madan Sinvilus), Webert Sicot et Nemours Jean-Baptiste prirent tous deux le chemin de Saut d'Eau (Vierge Miracles). Au moment même où l'ensemble Tipico Cibaeno faisait la pluie et le beau temps dans notre beau pays d'Haïti, la nécessité d'un changement s'avérait plus que nécessaire pour une jeunesse qui se cherchait. On réclamait une note typiquement locale; personne ne voulait de cette acculturation musicale. Théodore Beaubrun (Languichatte), dans son petit journal Rasoir, critiquait sévèrement le Tipico Cibaeno afin qu'il se retire du pays. Bref, à chaque carrefour de notre histoire, tout comme dans bien d'autres cas similaires, nous voulons parler de l'Ecole patriotique de 1836 quand la littérature haïtienne était menacée, la devise pour tous nos écrivains et poètes à l'époque était : «Soyons nous-mêmes autant que possible» C'est dans ce grand courant d'idées, utilisant le créole comme langue de la pensée dans notre littérature, que sortit la fameuse Choucoune, l'une des plus belles pièces poétiques de notre barde national Oswald Durand.
Ce fut la même chose pour Nemours. Il réfléchissait calmement sur le sort de la musique haïtienne quand il voyait évoluer sous une tonnelle un petit groupe de musiciens troubadours grenn siwel. Soudain, jaillit au-dedans de lui une douce fraîcheur comme si c'était un torrent pour cette musique de danse dite paysanne que l'on méprisait depuis si longtemps. Sur ce, il suggéra à ce grand génie que fut Webert Sicot de transformer cette musique folklorique entraînante : «Monche Sicot, avek mizik sa a, nou kab fè yon bagay!» Après quelques jours d'ambiance chez Madame la Vierge, ils laissèrent ensemble Saut d'Eau dans le but de revoir leurs anciens amis musiciens pour les inciter à regarder d'une manière lucide vers d'autres horizons, cette fois-ci avec de nouvelles idées.
Arrivé à la capitale, Nemours Fonda le Conjunto Internacional 25 juillet 1955. C'était à la place Sainte-Anne, à l'endroit ou se trouve actuellement la grande boulangerie Chez Maggy. On peut facilement deviner pourquoi Nemours avait choisi un 25 juillet pour former son ensemble. Le lendemain, c'est la fête de grand-mère sainte Anne. Il pouvait donc mieux fêter avec les amis. Pourquoi ce nom espagnol: Conjunto Internacional? Parce qu'avant même l’ère de Nemours Jean-Baptiste, les Haïtiens avaient toujours eu une très grande passion pour la musique espagnole en particulier. De polémique en polémique, un calvaire commença pour l'ensemble avec les autres orchestres traditionnels du terroir. Certains disaient constamment que celui-ci avait écrasé notre danse nationale juste pour faire place à une certaine musique qui n'était pas du tout nôtre. De quelle danse nationale parlaient-ils? Parce que cette dernière n'a tout simplement pas été arrangée à la manière des orchestres dominicains el Tipico Cibaeno ? Hélas, les critiques fusaient de partout... Seul le grand maestro Raoul Guillaume avait compris le bien-fondé de Nemours Jean-Baptiste. Raoul Guillaume disait une fois : «Si ‘m te genyen de pe piston Nemou yo, Walter Thadal et Thalès Jabouin nan jazz mwen an, mwen, ta sove».
Après ce vibrant hommage venu du grand maestro, Nemours fit sortir la très belle chanson tube Aux Calebasses kanpe avec la voix mélodieuse de Louis Lahens.
A Quelques années plus tard, le 22 août, Webert Sicot présenta sur les fonds baptismaux sa fameuse cadence rampas dénommé la Flèche d'Or d'Haïti. Cet ensemble musical devait se révéler tout de suite le rival du compas direct de Nemours Jean Baptiste.
Depuis lors, une polémique fructueuse naquit entre les deux compères pour le bien de la musique haïtienne. Mais d' où venait cette grande confusion entre ces deux chefs d'orchestre qui réclamaient à cor et à cri la création d'un nouveau rythme ? Aucun des jeunes musiciens, après Nemours, ne pouvaient donner une explication concernant cette musique qu'ils jouaient au jour le jour et dont ils étaient devenus de plus en plus routiniers. Cette confusion existait aussi dans le grand public. Nemours exécutait une musique basée uniquement sur le compas direct, mis à part la contredanse et le boléro. Webert Sicot, de son côté, exécutait non seulement la cadence rampas mais jouait aussi d'autres rythmes locaux tels que le pétro, le boléro, le rada.
En fait, il n'y avait pas vraiment de grandes différences rythmiques entre les deux orchestres. Et quand Webert Sicot, au sommet de sa gloire, cria à tue-tête la supériorité de son rythme cadence rampas, il rappela à Nemours, dans une chanson polémique à succès, qu'il fut dans le passé le professeur du créateur du compas direct. Quelques années plus tard, au night-club Cabane Choucoune rempli comme un neuf, Nemours donna la réplique.
En principe, ils jouaient tous deux la même cadence. En d'autres termes, le compas direct et la cadence rampas sont deux frères siamois. Le maestro Webert Sicot, pour faire marcher sa cadence, au lieu de jouer en 1-2 avec sa basse comme son confrère Nemours, s'exécuta en 1-1-2 pour une même durée (soit deux cloches pour une noire). Malgré une flambée des groupes musicaux appelés communément «racines», le compas direct reste et demeure l'un des plus beaux rythmes dansants, une musique combinée d'une richesse inégalée et d'une simplicité sans pareille.
En toute vérité, Nemours Jean-Baptiste n'a jamais inventé le compas direct, musique ancestrale qui avait influencé nos frères dominicains qui créèrent une méringue haïtiano-dominicaine (Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme). En outre, par son génie musical inné, Nemours a orchestré ce rythme à la manière des orchestres dominicains. Le Conjunto Tipico Cibaeno, avec sa cadence (1-2), reste et demeure un rythme haïtien. Au départ, il l'a arrangé avec amour par une chance hors du commun, parce que son tambourineur favori, Coetzer Duroseau, ne pouvait battre d’autres rythmes à la mode, comme les autres percussionnistes du pays, seulement le compas, Toujou sou konpa. En fin de compte, Nemours a expliqué lors d'une interview accordée à Radio Métropole, comment il avait pu découvrir le compas direct, rythme commercial. C'est en allant à la fête de la Vierge miracle à Saut d'Eau qu'il put le découvrir en observant attentivement nos troubadours...
En matière d'innovation musicale, Nemours Jean-Baptiste restera toujours grave dans notre mémoire de peuple comme l'un des plus grands maestros que nous ayons eus jusqu'à présent. Hélas, comme beaucoup de nos artistes, il est mort esseulé, dans l'oubli et dans l'incompréhension. «Le génie n'a qu'un siècle, après quoi il faut qu'il dégénère.»
(Source: Le compas direct, la vraie musique entraînante de tous les temps de Thony Louis-Charles)

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Commentaires :
Ils ne sont pas légions les textes dignes de ce nom qui peuvent servir à encadre et fournir de bases théoriques à la compréhension de notre rythme national le KONPA (Compas). Nous devons cependant saluer les efforts qui sont réalisés au niveau des foires d’opinion ou le lecteur-fan peut puiser des éléments pour construire et retracer l’histoire de la musique populaire haïtienne. Dans ce contexte konpa magazine que l’on peut consulter sur le réseau est d’un apport singulier.
Il manque cependant une base écrite pouvant servir de référence suprême et absolue afin d’évaluer et corriger ce qui se dit et ce qui se croit.
C’est dans le but d’augmenter et d’assurer une plus grande expansion a ces éléments parus dans cet article de Thony Louis-Charles que nous le rediffusons après l’avoir lu sur le forum de moun.com (
http://www.moun.com)... Bonne lecture !

Défi à relever: (Suprimer) Ces médicaments qui tuent

La frontière haïtiano-dominicaine est poreuse. Nombre de médicaments contrefaits passent par cette frontière. Des facteurs, comme la déficience des structures frontalières, le manque flagrant d'information des consommateurs, la faiblesse de l'Etat rendent florissant le marché de la contrefaçon en Haïti.
200 000 décès par an pourraient être évités si les médicaments utilisés étaient efficaces, selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Récemment en Haïti, trois personnes sont mortes aux Gonaïves, parce que les médicaments achetés aux pharmacies Bric-à-brac même Amour, Star Pharma et Soleil étaient contrefaits.
Après la mort de ces trois personnes, le ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP) a déployé ses moyens. Dans six départements, Nord-ouest, Nord, Centre, Artibonite, Ouest et Sud, les inspecteurs du ministère sont intervenus dans plusieurs pharmacies, emportant des lots de médicaments contrefaits.
Violer allègrement la loiCes médicaments ne sont pas enregistrés et circulent sur le marché informel. Reconditionnés dans des flacons, ils attirent irrésistiblement les petites bourses. Ils courent les rues, dans les autobus et sur tous les toits. Certains produits médicamenteux sont sollicités : « Twa samdi », « Agase matlòt », « Dexaprostafen » séduisent les femmes désireuses de gagner de l'embonpoint afin d'attirer le regard des hommes. Les stimulants sexuels trafiqués, on ne sait dans quel laboratoire artisanal, circulent librement. « Sòs pwa », présenté dans un minuscule flacon, est très prisé chez les hommes qui brûlent de faire durer le plaisir de la chair. « Prenez ça, vous en avez pour deux heures », nous lance ce marchand dans une pompe à essence. D'autres nous proposent des stimulants pour l'appétit et des sirops pour la grippe. Les médicaments contrefaits fragilisent la population haïtienne. Eternelle victime de la faiblesse et de la faillite de l'Etat qui laisse le marché parallèle prospérer dans n'importe quelle condition, la population est prise entre l'enclume des contrefacteurs qui facilitent les petites bourses et le marteau des prix anarchiques dans les pharmacies. Les entrepôts d'un grand nombre de pharmacies de la place ne répondent pas aux critères établis par la Direction centrale de la Pharmacie du MSPP. Les conditions d'hygiène laissent à désirer : étagères remplies de poussière, de graisse que visitent les cafards qui viennent se repaître des restes d'aliments ; entrepôts à l'étroit, entretenant une chaleur étouffante, qui détériorent moult produits.
En face même de l'Hôpital de l'Université d'Etat, à la rue Mgr Guilloux, les boutiques des apothicaires sont alignées côte à côte. Sans nul doute, elles sont visibles pour les consommateurs et invisibles pour les responsables, constatent les observateurs. Ainsi, les propriétaires des pharmacies peuvent continuer à violer allègrement la loi.Autour des montagnes de toutes sortes d'immondices, les marchands ambulants dressent leurs étals chargés de médicaments. Ils fonctionnent à peu près de la même manière que les employés des pharmacies qui exécutent des ordonnances médicales verbales.
Dans une petite enquête que Le Nouvelliste a réalisé auprès des marchands ambulants de médicaments, à la question « pourquoi vendez-vous des médicaments dans les rues quand vous savez que ce que vous faites est illégal ? », la réponse fuse littéralement : « N ap degaje nou. Fòk nou fè komès pou nou viv.» Dans cette république où des membres de la population se transforment en commerçants, la moralité est reléguée au second plan. Tuer pour une bouchée de pain sous les yeux complices des responsables (irresponsables ?) n'est rien dans un pays qui ne sait trop que faire de sa population.
L'intention frauduleuse
« Un médicament contrefait est un faux médicament qui a été étiqueté frauduleusement de manière délibérée pour en dissimuler la nature et/ou la source », précise la directrice de la Direction de la Pharmacie, du Médicament et de la Médecine traditionnelle, Magalie Rosemond. Elle qualifie le sérum antitétanique (SAT) « de tueur silencieux, de faux médicament ».
Elle met un soin particulier à établir les caractéristiques des médicaments contrefaits. Ils sont, précise-t-elle, une spécialité pharmaceutique ou un générique avec soit des principes actifs authentiques/faux emballage, principes actifs incorrects /faux emballage ou faux emballage /faux principes actifs. Parfois, ils ont le vrai emballage mais avec les principes actifs incorrects ou encore le vrai emballage avec les principes actifs insuffisants ou sous-dosés.En fonction des caractéristiques, souligne la directrice de la Pharmacie, trois concepts bien différents se dégagent : celui de la qualité du médicament, celui de la légalité du produit et celui de l'intention frauduleuse.
Sources de médicaments contrefaitsLes médicaments contrefaits viennent de partout, a-t-elle indiqué. Cependant, les principales sources de contrefaçons sont la Chine et l'Inde. En Afrique, le Nigéria se hisse en tête. Dans la Caraïbe, la République dominicaine et Haïti ne sont pas en reste.Au niveau de chaque pays, les contrefacteurs investiront le marché suivant le besoin des consommateurs. Dans les pays riches, ils portent leur choix sur les médicaments coûteux, tels les hormones, les corticoïdes et les antihistaminiques.Dans les pays pauvres, ô comble de malheur ! ils jettent leur dévolu sur les antipaludéens, antituberculeux et antirétroviraux. C'est ainsi que l'on peut trouver des potions de composition douteuse dans un médicament destiné à une personne contaminée par le virus du SIDA. Ajoutons que les pays pauvres constituent le marché de prédilection des contrefacteurs.Soulignons que ces compositions douteuses qui ne possèdent pas de propriétés curatives et préventives face aux maladies humaines ou animales ont pour conséquence, l'échec thérapeutique et la résistance capable d'entraîner la propagation de la maladie.
Pays de consommationSelon les révélations d'une étude réalisée par REMED en Afrique, sur 429 médicaments analysés, 77 étaient non conformes, 41 étaient sous-dosés, 17 ne contenaient pas le bon principe actif, 19 avaient un problème de fabrication tels que : uniformité de masse, temps de désagrégation anormal, dégradation extérieure, poids variable des comprimés.
Selon la Food and Drug Administration (FDA) qui est l'autorité régulatrice pour les médicaments, les cosmétiques et les aliments aux Etats-Unis, 10% du marché mondial sont envahis par des médicaments contrefaits, dont 60% se trouvent dans les pays pauvres. D'après l'OMS (janvier1999/octobre 2000) 40% sont consommés par les pays industrialisés.Attend-on qu'une bonne partie de la population haïtienne soit décimée pour prendre des mesures en vue de contrôler nos frontières, débarrasser nos rues, nos pharmacies « bric-à-brac » des tueurs silencieux ?Claude Bernard Sérantserantclaudebernard@yahoo.fr
Le Viagra est la molécule la plus contrefaite dans le monde.

Etude en Asie du Sud est: 38% des médicaments contre le paludisme vendus en pharmacie ne contenaient aucun principe actif.

Assainissement des rues de Port-au-Prince: Le Conseil municipal à l'oeuvre


Dans le cadre du programme d'assainissement de la capitale, le conseil municipal de Port-au-Prince, présidé par Muscadin Jean Yves Jason, aidé de la Brigade d'Intervention rapide de la Mairie, du SMCRS, du ministère des Travaux publics, du commissariat de Port-au-Prince, du Service de la circulation et de la Police routière, a entrepris le nettoyage de la rue Mgr Guilloux, bloc stade Sylvio Cator.
Toutes les personnes qui occupaient les trottoirs pour leur négoce ont été déplacées, la chaussée nettoyée et une grande poubelle est placée au coin des rues Féquière et Mgr Guilloux.Selon le maire Jason, la rue Mgr Guilloux a été priorisée suite à une note émanant de la Fédération haïtienne de football selon laquelle le stade pourrait être interdit à toute compétition officielle si son environnement n'est pas assaini et sécurisé.
Le maire, dans le cadre de ses attributions, se propose de débarrasser les trottoirs de toutes les marchandes, de refaire le visage de la capitale. Dans cet ordre d'idées, il envisage de rencontrer à l'hôtel Le Plaza, le samedi 14 avril 2007, à 11 heures du matin, les marchands de poulets qui opèrent dans l'aire du Champ de Mars. A une heure (1hre) de l'après-midi, ce sera la rencontre avec les mécaniciens.
Des passants rencontrés à l'angle des rues Saint-Honoré et Mgr Guilloux ont poussé un ouf de soulagement pour ce début de nettoyage entrepris par le maire Jason et nourrissent l'espoir de voir l'aire du Champ de Mars (rue Capois) débarrassée de tous ses objets encombrants.
Source Journal le Nouvelliste sur
http://www.lenouvelliste.com
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Commentaires :
Le malade gît dans un état plus que critique. Un cas vraiment désespéré. Il faut être fort et ne pas avoir peur de faire des choix. Des choix qui dérangent. Des choix qui seront critiqués, des choix qui ne jouiront jamais d’aucune unanimité.
Les responsables doivent en avoir de bonnes paires si lourdes qu’elles leur dépassent les lignes du genou voire les chevilles.
Se lancer dans une logique de redressement indispensable au sein d’une société habituée à l’arbitraire de l’illégalité vécue et vénérée comme naturelle normale donc légale, revêt les caractéristique d’une prouesse portant sous les bras les excuses préfabriquées justificatives d’une chronique d’échec annoncé.
L’état de désorganisation anarchique de Port-au-Prince et ses rues avec la transformation sans vergogne des rues de la capitale en marché public reste un modèle du genre ; l’exemple à ne pas suivre présenté et gardé comme précieux modèle du résultat de l’incompétence, absence de vision et d’autorité qui peuvent marquer le pas si on perd de sa vigilance et de son bon sens dans le choix des élus locaux et nationaux.
Les dirigeants haïtiens ont toujours été les seuls à ne pas voir la nécessité d’actions concrètes visant à assainir la capitale de la nation et à humaniser la qualité de vie de ses habitants. Jean Claude Duvalier, Henri Namphy, Prosper Avril, Jean Bertrand Aristide, Raul Cédras, Réné Préval, Jean Bertrand Aristide version 2, Gérard Latortue et Boniface Alexandre aucun des ces chefs de gouvernement a osé prendre les mesures qu’imposent une situation d’urgence vitale pour la ville le pays et ces habitants. Tandis que par des manœuvres allant dans la stricte lignée de la corruption endémique habituelle, ils ont su assurer leur survie et celle de leurs descendances pour de longues années.
Les autorités municipales, ont-elles l’appui des forces vives de la nation pour épauler cette démarche qui va inexorablement les rendre impopulaires. ?
Assainir Haïti est primordial. Lui rendre un visage réellement humain doit se faire dans un esprit de civisme ou l’ensemble des citoyens consentirait des sacrifices importants pour sauver ce qui peut encore être sauvé.
Si la survie est le premier des droits fondamentaux de l’être humain, celle-ci ne saurait se faire au détriment des règles et des devoirs aussi élémentaires que cette même survie. Si nous continuons a scier nous-mêmes la branche qui nous sert de reposoir nous n’assurons point notre survie sinon nous accomplissons un acte suicidaire. (jOjO 6/04/07)

L'Industrie de la mangue haïtienne sur la bonne voie

L'industrie de la mangue apporte une contribution annuelle de 30 millions de dollars à l'économie haïtienne. Très apprécié aux Etats-Unis, ce produit est approuvé par le Département américain de l'agriculture.
« Je suis très impressionnée par tout ce que j'ai vu aujourd'hui. Ils ont fait un investissement important dans le pays. J'espère que cet effort soit un indicateur positif pour le futur d'Haïti », a déclaré ce vendredi, Janet A Sanderson, l'ambassadeur américain accrédité à Port-au-Prince, après une visite au centre de traitement des mangues « JMB Produce » situé à la Plaine du Cul-de-Sac.
La diplomate voulait s'enquérir du fonctionnement du projet de mangues pré-approuvé et financés par le gouvernement américain. Le département de l'agriculture américain travaille de concert avec l'USAID, l'association des exportateurs de mangues et le ministère de l'Agriculture en vue de développer un programme de surveillance.
La mangue haïtienne est très cotée sur le marché international. Haïti est aujourd'hui le deuxième plus grand exportateur aux Etats-Unis. « C'est un produit très apprécié dans mon pays, il est présent dans plusieurs marchés », a laissé entendre Mme Sanderson.L'industrie de la mangue apporte une contribution annuelle de plus de 30 millions de dollars américains à l'économie haïtienne. Plus de 500.000 planteurs et exportateurs vivent des denrées provenant des manguiers. Il existe plus de 140 variétés de mangues dans le pays, cependant, la Madame Francisque est la plus exportée.
Créée en 1983, la J.M.B Produce S.A s'est spécialisée dans l'exportation des produits agricoles d'Haïti, particulièrement les mangues. Elle travaille avec des coopératives de fermiers, de Gros-Morne, d'Ennery et de la Petite-Rivière de l'Artibonite. Jean Maurice Buteau, propriétaire de cette firme, indique qu'il y a une légère augmentation de cette production dans le pays. Il précise que des démarches sont en cours en vue d'intensifier la production et permettre l'exportation d'autres variétés de mangues. Ce programme d'appui à la production agricole haïtienne a été initié par l'USAID, qui finance un projet de plantation de mangues dans plusieurs endroits du pays dont Mirebalais, dans le Centre, Jacmel, dans le Sud-Est, et Petite-Rivière de l'Artibonite. Il a également obtenu la collaboration technique du Ministère de l'Agriculture, des Ressources naturelles et du Développement rural (MARNDR). Haïti est le premier exportateur de mangues dans la Caraïbe et le deuxième dans l'Amérique centrale.

Alain Gaillardgtilain@yahoo.fr
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=42158&PubDate=2007-04-13

HISTOIRE: Il y a cent ans naissait François Duvalier

Par Lyonel Trouillot
lyoneltrouillot@lematinhaiti.com
Cent ans après sa naissance, cinquante ans après son élection à la présidence de la République, trente-six ans après sa mort, François Duvalier fait encore peur.
Il est parfois de ces morts qui ne veulent pas mourir.
François Duvalier ne veut pas mourir. Pas seulement parce qu’il rêvait d’éternité. Pas seulement parce qu’il a versé beaucoup de sang et que l’Histoire garde la mémoire du sang. Il ne peut pas encore mourir, parce que tout n’a pas encore été dit sur ce qui l’a amené au pouvoir, sur ce qu’a été le régime politique qui porte son nom, sur la société haïtienne telle qu’elle fut avant son arrivée au pouvoir, telle quelle fut durant les années de « la révolution au pouvoir », telle qu’elle est aujourd’hui.

Il ne peut pas encore mourir, parce que nous avons choisi d’oublier, chacun sa parcelle d’histoire : des faits, des conjonctures, des pratiques. Parce qu’on ne peut pas se rappeler la période Duvalier en ne s’intéressant qu’à la personne du « bon docteur ». Pour comprendre cette période, c’est Haïti qu’il faut oser comprendre, et ce n’est pas chose facile. Cela demande beaucoup de courage, le tout, pour parodier Eluard, étant de tout dire. Quand il s’agit de Duvalier, du « duvaliérisme » (donc d’Haïti, puisque Duvalier, « le duvaliérisme », « le jean-claudisme » s’inscrivent dans ce tout qu’est la vie de la société haïtienne) les uns comme les autres aiment bien mentir par omission, privilégier tel aspect, occulter tel autre. Et souvent ce dont on parle n’a d’autre valeur que de faire oublier ce qu’on ne veut ni dire, ni voir, ni entendre.

Aujourd’hui, prétextant le marasme, les échecs politicoadministratifs de l’après-Duvalier, d’aucuns voudraient minimiser l’horreur du crime, oublier l’écrasement de la société civile par le totalitarisme, minimiser le poids du triomphalisme obscurantiste du macoutisme sur les vies. Le duvaliérisme a la légitimé, le droit de tuer et mérite ainsi sa place d’honneur dans le palmarès des régimes totalitaires, toutes époques et toutes géographies confondues. A-t-on le droit d’oublier cela, de le défendre ?

Il faut dire aussi, et c’est la seule façon honnête et intelligente de faire face à ses apologistes, que la présidence de François Duvalier a été combattue dès le début par des forces issues d’une logique de caste. Il faut dire aussi que c’est dans un contexte de quasi ségrégation, d’expression de frustrations légitimes contre les préjugés et des formes avilissantes d’exclusion sociale que Duvalier est arrivé au pouvoir. Il faut dire que l’une des contradictions du « duvaliérisme au pouvoir », c’est la cohabitation d’une volonté de créer des institutions sociales et de service public et d’un totalitarisme partisan et obscurantisme.

Dire cela, ce n’est pas faire l’apologie d’un régime totalitaire, mais analyser l’histoire. Car, en aucun cas, ceci, comme on dit, ne justifie cela. Les horreurs du duvaliérisme ne peuvent nous faire oublier la résistance farouche des pratiquants de l’exclusion sociale aux changements que sa présidence pouvait annoncer. Comme cette résistance et ces odieuses pratiques sociales ne peuvent justifier le brochage à la baïonnette d’un nourrisson, l’arrestation d’un professeur dans sa salle de classe, l’exil, la torture, la destruction de toutes les organisations civiles, l’inféodation de toutes les institutions, le dévoiement de la conscience individuelle de jeunes vite convertis par le régime à l’art de la délation, de la corruption et la répression… On ne peut jouer l’une contre l’autre les deux moitiés du pire…

Et puis, trop de gens instruits ont perpétué l’amalgame : duvaliérisme = noirisme = indigénisme. Cela aussi, il faudra l’admettre : c’est le mépris du populaire, du rural, de certaines composantes de l’haïtiannité qui a permis que le duvaliérisme glisse ses vagues éléments de doctrine dans le discours de la juste revendication de la promotion des composantes refoulées de la culture et de l’organisation sociale haïtienne.
Duvalier, c’était aussi un art de la caricature. Il nous en a laissé une preuve vivante, le régime de son fils, la grande réconciliation (si véritable querelle il y avait) entre le totalitarisme version liquénifiée et le pouvoir économique.

Cent ans après sa naissance, cinquante ans après son arrivée au pouvoir, vingt-sept ans après sa mort, il est grand temps que François Duvalier commence à mourir. Pour cela, il faut que l’histoire avance, l’histoire-récit qui doit tout dire, l’histoire de la pensée qui doit oser penser, l’histoire réelle qui doit mettre fin à toute possibilité que nos errements permettent qu’il ressuscite.
samedi 14 avril 2007

La première constitution duvaliériste

Par Claude Moïse
claudemoise@lematinhaiti.com
La réunion, le 18 octobre 1957, des Chambres législatives en Assemblée nationale inaugure officiellement les travaux de la 38e législature issue des élections du 22 septembre. Après les formalités d’usage …, le Parlement réuni à l’extraordinaire décrète la permanence. Au terme de la séance du samedi 19 octobre, deux importantes décisions sont prises : la fixation de la prestation de serment du président de la République au 22 octobre *, … et le décret de rétablissement de la Constitution de 1950, amputée de quelques dispositions incompatibles avec la situation présente. Elles ne sont pas adoptées sans quelques tiraillements et des discussions parfois houleuses. Ces premiers débats révèlent déjà les fortes têtes du Parlement (les sénateurs David, Bonhomme, Stéphen, Moreau, Saint-Louis, les députés Lahens, Armand, Moïse, Bélizaire, etc.) Ils offrent matière à réflexion à un Duvalier qui doit se préparer dans la plus grande discrétion à faire le tri dans son personnel politique et à distribuer les rôles. Le discours de prestation de serment de Duvalier se veut une synthèse cohérente des principales dimensions de l’histoire et de la vie nationales. Il exprime une volonté généreuse d’« affranchissement intégral des masses » et appelle cette « société politique et économique de l’égalité pour que la fraternité entre les Haïtiens coïncide avec la pratique de la démocratie réelle ». Il promet une réforme de l’État, la modernisation de l’appareil, « une rénovation totale et radicale » à la mesure de l’effort que l’on doit consentir pour résoudre la crise de structure qui mine la communauté haïtienne. «... Le salut viendra d’une restauration de la dignité de la politique, d’un approfondissement social et économique de l’idéologie de la Révolution de 1946, d’une interdépendance des pouvoirs conçue en fonction du bien-être physique et culturel... » Réforme de l’État, interdépendance des pouvoirs, démocratie réelle : dans quelle mesure et sous quelles formes ces propos se répercuteront-ils dans un Corps législatif presqu’exclusivement duvaliériste qui s’apprête à entamer l’élaboration d’une nouvelle Constitution ?


La réforme de l’État, une idée chère à Duvalier
Contrairement au mouvement de 1946, la question de la réforme constitutionnelle n’avait pas en 1956-57 fait l’objet de revendication explicite de la part des acteurs politiques... Comme l’a si judicieusement rappelé le bureau politique du candidat Déjoie, « au cours des événements politiques de cette époque..., c’est l’ordre constitutionnel existant que le peuple s’est évertué à défendre.» En effet, c’est en s’appuyant sur la Constitution que la révolte politique de 1956 eut raison de Magloire qui tenta d’escamoter l’article 81... Il parut alors surprenant que le décret électoral du 25 août 1957, sans aucun considérant explicatif ou justificatif et dans un simple article de ses dispositions transitoires, confiât au prochain Corps législatif le mandat de « donner à la Nation une nouvelle Constitution, laquelle devra être votée et promulguée dans les deux mois suivant la date de la prestation de serment du président de la République. »
À la vérité, il y a là une exigence de Duvalier. La nouvelle Constitution devra correspondre à sa conception de la réforme de l’État, la même expression, sinon la même argumentation, utilisée par le président Vincent en 1935 lorsqu’il se fut agi de régler son compte au Sénat récalcitrant et d’assujettir le Législatif à l’Exécutif. Aujourd’hui en 1957, l’autoritarisme présidentiel, même à prétention modernisatrice et libératrice, n’est pas de mise. On ne connaît pas encore tout à fait l’intention duvaliériste, mais il serait parfaitement incongru qu’un gouvernement qui se réclame de la Révolution de 1946 reprenne à son compte la « réforme de l’État » de Vincent violemment rejetée par 1946. Duvalier ne peut aller à contre-courant de son temps. Pas en 1957 en tout cas. Il a le temps de voir venir et de donner la mesure de sa pratique totalitaire. La nouvelle Constitution promulguée le 19 décembre 1957 est une construction cohérente qui intègre assez bien les matériaux du discours démocratique et une certaine vision de l’État développée par Duvalier pendant la campagne électorale. On peut en faire une synthèse à partir de ses discours d’investiture, le 22 octobre 1957 et de ceux qui ont suivi pendant la première moitié de 1958. En somme, il faudrait soumettre l’ensemble des textes – Duvalier en a laissé beaucoup – à un examen rigoureux pour en éprouver réellement la cohérence interne. Quelques idées-forces mises en évidence peuvent toutefois aider à dégager la vision d’un État duvaliérien : les classes moyennes doivent se remettre en situation de parachever la révolution de 1946 interrompue en 1950, leurs élites se substitueront aux élites dirigeantes historiques impuissantes, égoïstes et obscurantistes ; le peuple, fondamentalement le peuple paysan, doit se mettre debout pour arracher la victoire. Mais il n’y a pas d’exclusive : la régénération de la patrie postule, comme en 1802, l’unité nationale et la discipline. Le changement révolutionnaire (changement de mentalité, de méthode, de dirigeants, affranchissement de la misère) ne sera effectif que dans l’ordre et la discipline. Le pays « entre dans l’ère de la souveraineté populaire » : puisque le peuple s’est exprimé clairement à l’urne. (…)

Duvalier est confirmé comme le chef de cette révolution, le dépositaire des intérêts populaires. « Le peuple qui a brisé la dictature... saura matérialiser pour son affranchissement cette réforme de l’État sur laquelle repose la construction rationnelle ». Ainsi, l’opération de légitimation est double : paternaliste et rationnelle. Cette réforme de l’État, souvent annoncée, on en aura une première livraison dans la Constitution de 1957. Le reste viendra avec le cours d’une histoire chaotique dont les phases, explosive ou stabilisatrice, feront déboucher sur le totalitarisme duvaliérien.


Une constitution libérale
La Constitution de 1957 n’a rien à envier à ses devancières libérales. Elle en élargit même le contenu démocratique par la protection sociale qu’elle entend accorder aux plus démunis. Elle part du modèle de 1946, certes, mais se nourrit copieusement de 1950 dont elle conserve les acquis, reproduit les dispositions les plus libérales et les étend dans les clauses nouvelles pour créer de nouveaux droits qui caractérisent l’énoncé constitutionnel duvaliérien. Le préambule les consigne déjà lorsqu’il définit les objectifs du pacte constitutionnel et les ponctue par une formule empruntée à la Constitution de 1950 : « pour constituer une Nation haïtienne socialement juste, économiquement libre et politiquement indépendante.» Comme en 1946, on proclame d’entrée de jeu que « la vie et la liberté des Haïtiens sont sacrées et doivent être respectées par les individus et par l’État, et on ajoute : « L’État a l’obligation d’assurer en outre aux citoyens de la République la culture, le bien-être économique et la justice sociale. » (article 5) Concluant les travaux de l’Assemblée nationale constituante, le sénateur Hugues Bourjolly s’écrira : « Ce que nous voulons depuis 1946, c’est la démocratie sociale postulant le contrôle, par l’État, de toutes les libertés ».
En examinant la structure de cette constitution et, à travers elle, la succession des titres et chapitres, on est frappé par le souci des auteurs d’y inclure quelques idées cardinales préconisées par Duvalier. Pour la première fois, on relève dans une constitution haïtienne des titres spécifiques définissant le régime économique, le régime social, la place de la culture, l’obligation de l’État de protéger la santé des habitants du territoire et de procurer aux malades une assistance médicale. Le régime administratif met l’accent sur l’autonomie communale et innove en consacrant un chapitre au Service Civil. La Constitution de 1957 ne le cède en rien à nos meilleures chartes en ce qui concerne les droits civils et politiques... L’article 9 établit définitivement les droits civils et politiques de la femme, complétant ainsi l’article 4 de la Constitution de 1950 et la loi du 27 janvier 1957 accordant plein et entier exercice de ses droits politiques à la femme. Elle proclame également l’égalité économique des conjoints dans le nouveau chapitre sur la famille (article 161). Elle avait déjà prévu en son article 28 que la loi devrait protéger spécialement la femme haïtienne … On accorde également une protection particulière aux mineurs, eu égard à leur santé physique et mentale, à leur droit à l’éducation et à l’assistance de l’État.
Pour la première fois, le créole accède explicitement à la dignité constitutionnelle. Certes, la Constitution de 1879 recommandait vaguement l’enseignement de toutes les langues usitées dans le pays ; et c’est seulement en 1932, après l’occupation, que le français fut proclamé langue officielle. En 1957, le français est encore langue officielle. Mais on fait une avancée vers le créole en permettant l’usage officiel de la langue nationale dans certains cas : «La loi viendra déterminer les cas et les conditions dans lesquels l’usage du créole sera permis et même recommandé pour sauvegarder les intérêts matériels et moraux des citoyens qui ne connaissent pas suffisamment la langue française » (Article 35).


Responsabilité des fonctionnaires
Par ailleurs aucune constitution haïtienne n’avait autant insisté sur le devoir civique et la responsabilité des fonctionnaires. Sous un titre unique, le principe du devoir civique est posé et défini comme « l’ensemble des obligations du citoyen dans l’ordre moral, politique, social et économique vis-à-vis de l’État et de la Patrie » (article 39). Mais ici, les fonctionnaires sont particulièrement visés. Dorénavant, avant de prendre possession de leur charge, ils doivent prêter serment, selon une formule légale, et s’engager ainsi, sur leur honneur, à être fidèle à la République, à exécuter et faire exécuter la Constitution (article 40). Obligation leur est faite d’informer les autorités compétentes lorsqu’ils ont connaissance des infractions contre le fisc sous peine d’être poursuivis comme receleurs s’ils ne le font pas (article 41). L’enrichissement illicite, désigné comme un très grave délit pour lequel le fonctionnaire coupable encourra de très graves sanctions, pourra être établi par des indices et se déduira notamment de tous faits et circonstances indiquant une disproportion marquée entre les moyens (capital mobilier et immobilier du fonctionnaire) et le montant qu’il a accumulé du traitement ou des émoluments de la fonction qu’il a occupée. On envisage comme formant un bloc, pour la détermination de cette augmentation, le capital du fonctionnaire ou employé, celui de sa femme, et ceux de ses enfants-mineurs. Les fonctionnaires et employés qu’indique la loi sont tenus de déclarer l’état de leur patrimoine au greffe du tribunal civil dans les soixante jours qui suivent leur entrée en fonction. Le commissaire du gouvernement compétent peut prendre toutes les mesures qu’il juge nécessaires pour vérifier l’exactitude de la déclaration.


Sous le titre « Du service civil » on pose clairement que « les fonctionnaires sont au service de l’État et non d’une faction politique déterminée ; ils ne peuvent se prévaloir de leurs charges pour faire de la politique électorale. L’article 137, une nouveauté, procure au gouvernement une arme efficace contre la subversion… En effet, non seulement «la grève des fonctionnaires et employés publics est interdite, ainsi que l’abandon collectif de leurs fonctions », mais encore « la militarisation des Services Publics ou la mobilisation générale peut être décrétée dans le cas de péril national ou de troubles civils graves, tels que les grèves générales illégales ou à caractère politique. » De même, « l’ordre de mobilisation générale, en vertu de la loi sur le service militaire, peut être décrété en cas de troubles civils graves par le Pouvoir exécutif.»

Ces dispositions nouvelles sur la sûreté publique et la sauvegarde de la sécurité gouvernementale sont complétées par les articles 185 et 186 sur l’État de siège qui peut être déclaré désormais dans le cadre de troubles civils, non plus seulement dans celui d’une menace d’invasion étrangère. Les troubles civils, notion très vague, peuvent englober n’importe quoi : grèves, manifestations, complots, rumeurs, etc. …
Équilibre des pouvoirs
Du point de vue des rapports entre les trois Pouvoirs, quelques modifications sont à signaler. Le Corps législatif a les mêmes droits et responsabilités, mais il peut désormais infliger le blâme à un ou des ministres, ce qui entraîne automatiquement leur renvoi. En contrepartie, le droit de dissolution du Parlement est accordé à l’Exécutif dans les conditions suivantes :

À la suite de deux crises ministérielles provoquées par un vote de blâme du Parlement, si après l’épuisement des deux ajournements prévus, au cours de la même session, le conflit persiste entre les deux Pouvoirs et paralyse toutes activités exécutives, le décret de dissolution sera pris par l’Exécutif après avis du Conseil des secrétaires d’État.
Le même décret ordonnera de nouvelles élections qui auront lieu dans un délai de trois mois. La publication de ce décret entraînera le renvoi de tous les membres du cabinet ministériel qui ne pourront, en aucun cas, faire partie de la prochaine composition gouvernementale. Tout décret de dissolution du Parlement pris en dehors de la forme prescrite dans le présent article demeure nul et inopérant (article 60).
Une telle forme vise théoriquement à contenir l’arbitraire présidentiel. La dissolution n’est pas laissée à la discrétion du président de la République, comme ce fut le cas dans la Constitution de 1846, et les conditions d’application sont plus strictes que celles prévues par les Constitutions de 1935 et 1950. De plus, elle est une contrepartie d’un droit, le vote de blâme assorti de sanction automatique, que les constituants dans le passé hésitaient à reconnaître au Corps législatif. Par ces dispositions – blâme et dissolution – les deux Pouvoirs exerceraient l’un sur l’autre une influence dissuasive. Ce qui, évidemment dans la pratique duvaliérienne, se révélera un leurre. Une nouvelle structure du Pouvoir législatif naît avec l’introduction du monocaméralisme considéré par Duvalier et les siens comme la principale conquête constitutionnelle. La Charte de 1957 en effet rompt avec une vieille tradition qui date de 1816 … La suppression du Sénat et de la Chambre des députés remplacés par la Chambre législative devrait, dans l’esprit des constituants, réduire les marges de manœuvre politicienne et les effets déstabilisateurs des jeux de pouvoir dont pâtit l’Exécutif. Ne dit-on pas que tout sénateur est un candidat à la présidence en puissance, que sitôt parvenu à cette dignité, il ne peut viser que le fauteuil présidentiel ?

Historiquement, les démêlés de l’Exécutif avec le Législatif concernaient autant, sinon plus, la Chambre des députés que le Sénat. La vérité est que Duvalier a surtout été frappé par le rôle du Sénat dans la chute d’Estimé et en a tiré des enseignements. Il a dû également méditer sur la signification et les conséquences du conflit qui opposa le président Vincent à la majorité du Sénat entre 1930 et 1932. Le monocaméralisme institué en 1957 ne va pas plus contre l’une ou l’autre Chambre. Il vise à réduire le jeu des contradictions entre deux Pouvoirs et à simplifier la tâche du chef du Pouvoir exécutif dans sa manipulation du Corps législatif…

Enfin, la réélection du chef d’État n’est pas formellement interdite comme auparavant. Il est dit tout simplement que la « durée du mandat présidentiel est de six ans, et cette période commencera et se terminera le 15 mai sans qu’il soit possible au chef du Pouvoir exécutif de continuer à exercer ses fonctions un jour de plus », à moins que le président élu comble une vacance, auquel cas son mandat prendra fin le 15 mai de la sixième année de son élection. En accord avec cet article 87, la disposition transitoire a fixé la fin du mandat de Duvalier le 15 mai 1963. Les événements n’auront pas permis de mettre à l’épreuve l’article 87.

Droits sociaux, dignité culturelle et développement régional
L’article 159 déclare d’intérêt social la construction de logis d’habitation. Le but visé est que le plus grand nombre possible de familles haïtiennes devienne propriétaire de leur habitation et que les entreprises industrielles et agricoles assurent à leurs travailleurs une demeure hygiénique et commode.

D’autres dispositions complémentaires de caractère général se rapportent à la famille, « base fondamentale de la société », au Régime social où la fonction sociale du travail est mise en évidence. On annonce « un code du Travail dont l’objectif principal est d’harmoniser les rapports du Capital et du Travail». Les indigents, tous ceux qui, frappés d’incapacité physique ou mentale, ou affaiblis par l’âge, sont « inaptes au travail », doivent être pris en charge par l’État.

Dans le domaine de la Culture, la Constitution réaffirme le devoir de l’État de fournir gratuitement, outre l’instruction primaire à tous les enfants, une éducation de base « en vue de réduire le nombre des illettrés absolus et permettre à tous de remplir consciemment leur rôle de travailleurs, de pères de famille et de citoyens ». Toute discrimination dans l’accès à un quelconque établissement d’éducation est interdite lorsqu’elle est fondée sur la nature de l’union des parents ou tuteurs, sur des différences sociales, raciales, politiques ou religieuses. La Constitution reconnaît l’éminente dignité de la Culture et de l’Éducation pour le plein épanouissement des individus appelés à apporter « une coopération constructive à la société, à contribuer à inculquer le respect des droits de l’homme, à combattre tout esprit d’intolérance et de haine et à développer l’idéal d’unité morale, nationale et panaméricaine ». Le patrimoine national dans toutes ses composantes est placé sous la sauvegarde de l’État et soumis à des lois spéciales.

Il faut enfin signaler la part faite, comme en 1950, au développement régional : reconfirmation de l’autonomie communale, rôle accru des Conseils d’arrondissements, création de Conseils d’administration des sections rurales et des Conseils et Sousconseils techniques. C’est un nouvel organisme que l’on substitue au Conseil des notables de la section rurale créé par la Constitution de 1950 et auquel on donne des objectifs ambitieux. Il est en effet prévu à l’article 131 que « la section rurale sera régie par un conseil d’administration présidé par un leader de la commune et organisé pour relever les conditions de vie dans les campagnes ainsi que le niveau social, moral et intellectuel du paysan. Les systèmes coopératifs, communautaires et d’éducation de base, de même que l’organisation du petit crédit agricole et artisanal aideront à atteindre les objectifs ».
***Il y a un peu de tout dans la première Constitution duvaliérienne : des vœux pieux, des énoncés moraux et politiques, la projection de l’organisation de l’État, les droits et les devoirs et des pièges. La Charte de 1957 est donc à la fois la transposition institutionnelle d’une vision idéologique (rôle et responsabilité des classes moyennes, promotion de la paysannerie, discipline politique, unité nationale, éthique administrative, etc.) et un dispositif stratégique, c’est-à-dire un répertoire de réponses à des situations imprévues, … (l’article sur la durée du mandat présidentiel, le droit de dissolution, le monocaméralisme, la primauté du pouvoir civil, l’assouplissement de la clause sur l’État de siège). On se demande comment aurait fonctionné cette machine constitutionnelle si Duvalier n’avait pas de bonne heure fait tomber le pays sous le joug du totalitarisme macoute. Il est vraisemblable que dès 1957 Duvalier pensait à la pérennité de son pouvoir. La Charte est construite de manière à l’armer contre les adversaires. Il peut chercher à les dissuader ou à les éliminer en mettant en veilleuse les clauses gênantes.

L’aménagement constitutionnel est tel qu’il pourrait faire renouveler son mandat indéfiniment sans connaître ces controverses constitutionnelles qui ont été néfastes à Estimé et à Magloire. Mais. en politique haïtienne, un tel exploit ne peut réussir qu’à la condition que les classes dirigeantes soient subjuguées, que le gouvernement confirme sa légitimité formelle par des succès économiques et des réalisations significatives aux plans de la justice sociale, de la modernisation et de l’efficacité administratives, à condition surtout qu’il neutralise toutes les sources traditionnelles du pouvoir (bourgeoisie, clergé, armée, gouvernement américain). Il ne pouvait réconcilier toutes les exigences qui découlent des dimensions économiques, sociales et politiques d’une telle ambition, ni forcer les solutions. Duvalier sait que la Constitution la mieux conçue et la mieux pourvue ne le prémunira pas contre les dangers auxquels s’expose un pouvoir en quête de stabilité. Il choisit alors d’assurer avant tout la sauvegarde de son gouvernement, étant pleinement convaincu de sa légitimité. Tant pis pour les intentions généreuses. Les dispositions libérales, les propositions démocratiques, les projets de modernisation disparaîtront dans le fracas des luttes politiques que Duvalier portera à un niveau d’intensité dramatique rarement atteint en temps de paix.1 Extraits de Constitutions et luttes de pouvoir en Haïti, t 2 , pp 368-380 Édition du CIDIHCA, Montréal, 1990* Le 22 est le chiffre fétiche de Duvalier ; il datera tous les grands événements du règne, tels qu’ils seront provoqués par le président, y compris l’entrée en fonction de son successeur Jean-Claude Duvalier.
samedi 14 avril 2007

NÉS EN 1907 / Paul Magloire et François Duvalier : les enfants de Vincent

Par Michèle Oriol
En 1907, Tonton Nord, Alexis Nord, est au pouvoir depuis 1902, après avoir combattu, ville après ville, les hommes de Firmin : à Plaisance, au Limbé, à Saint-Michel de l’Attalaye, à Port-Margot, à Petit-Goâve. Firmin avait dû se résoudre à embarquer sur un navire américain, le Cincinatti, en rade des Gonaïves où le Crête-à-Pierrot s’était sabordé quelques semaines plus tôt.
1907 est l’année de toutes les promesses.
Thrasybulle Laleau, ministre de l’Education nationale, met en place, pour la première fois, l’examen du baccalauréat ; Fernand Hibbert publie Les Thazar ; l’école professionnelle pour jeunes filles, Elie Dubois, ouvre ses portes sous la direction de Mme Lamartine Camille ; l’École de Médecine inaugure un nouveau bâtiment. Le Racing Club Haïtien est fondé ; des mesures sont prises pour construire au Champ de Mars un parc public et une piste de courses. C’est aussi la fondation de la Chambre de Commerce d’Haïti et la mise en route dans la plaine des Cayes d’une des toutes premières machines à vapeur pour la fabrication du sucre. La voie ferrée Port-au-Prince/Carrefour est inaugurée ; on commence la construction du chemin de fer Port-au-Prince/Pétion-Ville passant par Caradeux, Frères et Bois Mouquette. Le chantier d’une usine d’éclairage électrique est ouvert au « Parc des Herbes » : la capitale va être électrifiée.1907 est l’année de tous les dangers. Les Américains prennent officiellement le contrôle des douanes dominicaines. Le gouvernement fait arrêter des Syriens Américains (Gebara, Gousse, Jaar, etc.) accusés de violer la loi sur le commerce de détail. Mauvais perdant, Anténor Firmin n’a pas renoncé à conquérir la présidence. Le 25 décembre, le général Jean Jumeau, qui a été le bras armé de Firmin en 1902 et a connu l’exil avec lui, quitte l’île de SaintThomas, avant-garde d’une invasion qui doit prendre pied aux Gonaïves et renverser le président Nord. Cette invasion finira de façon sanglante avec notamment la mort de Massillon Coicou en 1908.Trois hommes naissent cette année-là. Trois hommes dont les destins vont se croiser à plusieurs reprises pendant le xxe siècle : Jacques Roumain (4 juin 1907-18 août 1944), Paul Magloire (19 juillet 1907-12 juillet 2001) et François Duvalier (14 avril 1907-21 avril 1971). Le monde entier rend hommage au premier, homme de lettres et précurseur de l’école ethnologique haïtienne. Je vous invite ici à vous pencher sur le destin des deux autres.Paul Magloire
Il est né par hasard à Port-auPrince. Paul Vincent Magloire est le fils de François Eugène Magloire, commandant de la Grande Rivière du Nord, en visite à Port-au-Prince avec sa femme enceinte. À la mode paysanne, nous nous sommes habitués à le désigner en rajoutant à son premier prénom le premier prénom de son père – Paul Eugène Magloire. Il est, profondément, un homme du Nord, enraciné au Quartier Morin et il a fait toutes ses études au Cap. Sa femme Yolette Leconte est de la famille de Cincinnatus Leconte. C’est un homme bien bâti, qui mesure 6 pieds de haut et dont le tour de poitrine fait 44 pouces. Uniforme à l’ancienne avec plumet, botte à éperons et épaulettes, membre du Cercle Bellevue, du Cercle Port-au-Princien, habitué du casino international, il se déplace le plus souvent sans escorte. C’est un bon vivant, qui aime le jeu, les bals, l’alcool et les femmes. On lui prête bien des enfants illégitimes. Mais c’est aussi un cadre qui travaille onze heures par jour avec un souci du détail et de la chose bien faite.
C’est le premier président militaire depuis Davilmar Théodore. « Le plus civil des militaires » a dit le journaliste Hubert Carré. Il est de la 5e promotion de l’Ecole militaire et quand il devient président en 1950, il est arrivé au grade de colonel et a derrière lui vingt ans de carrière militaire qu’il couronne avec le commandement du département militaire du palais national (qui comprend le commandement des casernes Dessalines). Il a toujours été proche du pouvoir politique mais il ne se lance vraiment dans la politique qu’à la chute d’Estimé.
Paul Magloire a créé des précédents. Ministre de l’Intérieur du gouvernement provisoire qui organise les élections pour remplacer Estimé, il pousse au vote d’une constitution qui institutionnalise l’élection du président de la République au suffrage universel direct. Il devient ainsi le premier président haïtien élu par scrutin populaire. Il n’y avait guère en face de lui qu’un candidat fantoche dont nous avons tous oublié le nom : Fénelon Alphonse.

Devenu président, il fait entrer l’institution militaire tout entière dans le jeu politique : président de la République, il se fait nommer général de division par l’Assemblée nationale et garde le commandement effectif de l’armée.Sa présidence commence bien. Le tourisme est en progrès, la guerre de Corée a fait monter le prix du sisal, emprunts et impôts permettent de lancer une politique de travaux publics qui marque le paysage dans plusieurs villes du pays, et notamment au Cap. Magloire se veut l’homme de l’apaisement social, après les débordements politiques de 1946. Il interdit le MOP et Chantiers pour arrêter l’élan des noiristes, il interdit le PSP et La Nation pour brider les communistes. Il ne veut entendre parler ni de classe ni de couleur. La référence au « coumbite » national est constant : c’est lui qui invente le "pote kole". Il y a peu de squelettes dans les placards de Magloire : pas de répression d’envergure contre la presse, pas de prisonniers politiques qui traînent ou meurent en prison. Les données économiques vont changer avec les années et changer ainsi l’ambiance sociale et politique. Les opposants à Magloire diront que ses six années de présidence sont des années de « bamboche » mais ils s’en mordront les doigts.
Paul Magloire est en couverture du Times le 22 février 1954. Le journal américain lui trouve un air royal. À la conférence de l’OEA, à Panama, en juillet 1956, il paraît invincible parmi les nombreux chefs d’état du continent issus de l’armée, notamment le président américain Eisenhower. Mais les élections législatives de 1955 qui ont vu disparaître par la magie des urnes la plupart des opposants à son régime font déjà vaciller le régime. La constitution de 1950 ne permet pas la réélection immédiate du président mais celui-ci commence des manœuvres perçues par l’opposition comme devant mener à un deuxième mandat. Abandonné de tous ses alliés, même au sein de l’armée, ayant raté un tour de passe-passe qui devait le faire aller de la présidence à la tête de l’armée, il doit quitter le pays après cinq ans de mandat.

François Duvalier
Les Archives Nationales permettent aujourd’hui d’établir que François Duvalier Lamy, plus connu sous le nom de Duval Duvalier, étudiant en droit, reconnaît en 1907 son fils naturel né d’une couturière de 17 ans, Ulyssia Abraham, et le déclare sous le nom de François Duvalier. Duvalier Lamy deviendra par la suite juge de paix. Il a épousé Simone Ovide, infirmière, fille naturelle non reconnue de Jules Faine, philologue de l’Anse-à-Veau et sénateur sous Lescot.
Né et élevé à Port-au-Prince, médecin de santé publique, François Duvalier a une vie intellectuelle intense : articles, poèmes, brochures. L’idéologie duvaliériste a marqué et marque encore profondément la vie politique haïtienne. Duvalier se présente comme un membre de « la classe », défenseur-né des masses noires. Il veut créer une bourgeoisie noire. Pour lui, l’esclave marron est le fondateur de l’indépendance et un modèle politique. Il se revendique « dessalinien » et croit ferme dans la souveraineté nationale. Dans l’Église, dans l’armée, dans l’administration publique, dans la diplomatie, la couleur de peau devient le critère d’éligibilité. Duvalier, membre actif des Griots et du Bureau d’Ethnologie, sort de la clandestinité le vodou considéré comme l’expression la plus achevée de la culture authentiquement haïtienne.
Il entre dans la bataille politique en 1946 avec le MOP de Fignolé. Sous Estimé, il devient secrétaire d’État du Travail. Candidat aux premières vraies élections présidentielles haïtiennes au suffrage universel direct de 1957, Duvalier est proclamé vainqueur mais les passions soulevées par la campagne ne retomberont pas. Les candidats entrés dans la clandestinité y restent, les arrestations de leurs partisans continuent, la loi martiale reste en vigueur. Candidats malheureux et exilés font cause commune. Une première invasion, spectaculaire, est réalisée neuf mois après l’élection par des anciens officiers proches de Magloire et de Déjoie. Les invasions se multiplient les années suivantes. Elles alternent avec les complots des proches du régime, comme l’attentat contre les enfants de Duvalier réalisé par Barbot en 1963 ; la répression prend alors la forme de l’élimination de familles entières.
Élu pour six ans, Duvalier anticipe la fin de son mandat et se fait réélire par surprise à l’occasion des législatives d’avril 1961. Malgré les menaces du gouvernement américain (il y a 2 000 marines dans la baie de Port-au-Prince au moment théorique de l’expiration de son mandat en mai 1963), il reste au pouvoir et se fait même désigner président à vie le 14 juin 1964. De même, anticipant sa mort, il désigne en janvier 1971 son fils Jean-Claude comme son successeur – ce qui deviendra une réalité à sa mort, des suites de son dernier accident cérébro-vasculaire. Une foule impressionnante l’accompagne jusqu’à sa tombe au cimetière extérieur… qui sera profanée le 7 février 1986.
Petit homme d’aspect inoffensif voire insignifiant, grosses lunettes d’écaille, affectionnant le style terne (costume et chapeau noirs). C’est le portrait du candidat à la présidence de 1956. Cinq ans plus tard, Duvalier n’est plus que l’ombre de lui-même. L’exercice de la présidence et la maladie (diabétique, il a fait une crise cardiaque doublée d’un problème de prostate en 1959) ont transformé l’homme au physique comme au moral.
La vie politique change de rythme, des paramètres. Les prêtres entrent en politique : le père Georges, le père Papailler, ministres de l’Education, les pères Bissainthe et Bajeux, liés de près ou de loin aux différentes invasions. Les coups portés à l’Église sont nombreux : expulsion de trois évêques, des Jésuites et des Pères du Saint-Esprit, fermeture du grand séminaire de Manrèse et de Saint-Martial. On débouche, dans un premier temps, sur l’excommunication de Duvalier par le Vatican puis, dans un deuxième temps, par la reconstitution d’un épiscopat haïtianisé en 1966. Duvalier a gagné la bataille pour un clergé indigène. Les purges se succèdent dans le personnel militaire, l’école militaire est fermée. Une milice est créée en face de l’armée haïtienne ; les deux structures sont forcées à la cohabitation. Les quelques difficultés posées par le Parlement sont résolues avec l’institution d’une Chambre unique.
Arc-bouté sur un nationalisme volontiers menaçant, Duvalier est en conflit avec tous ses voisins. Le gouvernement américain assiste à la dérive autoritaire du gouvernement. Lorsque l’ambassadeur Thornston est rappelé en juin 1963 et les relations avec Haïti suspendues, Duvalier fait bloquer au sol pendant plusieurs heures le DC-3 de l’aviation américaine qui doit ramener l’Américain chez lui par les trois vieux Mustang P-51 de l’armée haïtienne. Au fur et à mesure des événements politiques, l’aide américaine va se raréfier jusqu’à s’arrêter presque totalement en 1963. Les fonctionnaires sont payés « par fois ». La présidence de Duvalier laissera quelques outils institutionnels importants (code du travail et code rural notamment) et des réalisations dont on bénéficie encore aujourd’hui (centrale hydro-électrique de Péligre, aéroport international). Mais il ne peut faire face aux problèmes de fond : une inquiétante augmentation de population dans un espace de plus en plus dégradé et une économie qui n’arrive pas à trouver les voies de la modernité.
Une école politique
En 1907, Sténio Vincent est maire de Port-au-Prince. Né à Port-auPrince, il est docteur en droit et sciences politiques de Paris. Il a exercé comme avocat, a été diplomate et secrétaire d’État, sénateur, a ouvert la première école de commerce d’Haïti. Journaliste, il a introduit l’interview dans le journalisme haïtien. Intellectuel accompli, il a laissé plus de vingt titres en histoire, en droit, en politique. Membre fondateur de l’Union Patriotique, il mène sa campagne présidentielle en 1930 au nom du nationalisme. Il est le créateur d’un style politique, fait d’ambiguïté, de cynisme et de légalisme qui a de nombreux héritiers. Lescot, Estimé, Magloire et Duvalier sont, quelque part, les enfants de Vincent. On peut lire notre histoire politique jusqu’en 1986 comme une longue période de continuité, dans laquelle Magloire est un peu en retrait et où Duvalier pousse jusqu’à ses ultimes conséquences les lignes tracées par Vincent.
Le style Vincent est fait à la fois d’innovations institutionnelles et de décisions politiques rapides. Il change trois fois la constitution en dix ans de mandat : pour prolonger son mandat, pour supprimer la séparation des trois pouvoirs, pour se donner le pouvoir de renvoyer les Chambres, pour faire des décrets pendant les vacances parlementaires. On retrouvera ces armes politiques dans les bagages de tous ses successeurs. Il sait anticiper : quand les généraux Baptista, Trujillo et Somoza renversent les présidents civils de Cuba, de République Dominicaine et du Nicaragua. Il profite du premier incident venu pour compromettre Démosthènes Calixte, chef de la Garde, comme ses collègues latino-américains. Il institue un pouvoir à deux têtes à l’intérieur de la hiérarchie militaire qui sera déterminante dans la vie de l’institution militaire haïtienne. Il maîtrise la rue depuis l’organisation des manifestations de l’Union Patriotique…
Le plus proche de Vincent par ses fonctions est certainement Paul Magloire. Jeune lieutenant, il est choisi par le président comme aide de camp et deviendra le chef de sa maison militaire. Il deviendra major et reste le chef de la maison militaire du président Lescot, dauphin et successeur de Vincent. Vincent est son parrain de noces, comme il est le parrain de noces d’Estimé. Ils ont le même goût des grands travaux publics. Mais c’est certainement le moins doué des élèves de Vincent : il n’en aura jamais la rouerie. Duvalier est entré dans la carrière politique sous Estimé, dont il a été l’élève au lycée. Sa première visite de président élu est pour le président Vincent, retiré à Pétion-Ville. Son premier ministre de l’Intérieur, Frédéric Duvigneaud, est un homme de Vincent.
Vincent a mis en avant des jeunes gens d’origine modeste. Il fait un sénateur d’Estilus Estimé, petit notable de Verrettes, et, du neveu de celui-ci, Dumarsais, un jeune secrétaire d’État. Dans son cabinet, à Haïti Journal, il réunit des jeunes loups qui marqueront la politique de l’époque : Julio Jean-Pierre Audain, Léon Laleau, Jean Fouchard, Lorimer Denis, Jules Blanchet, René Piquion… Autour d’Estimé, d’abord un petit groupe de parlementaires qui « vendent » sa candidature à la présidence : Philippe Charlier, Thomas Désulmé, Jean David, Jean Bélizaire, Castel Demesmin. Puis des hommes qui ont écrit avec lui dans le journal Le Glaneur, Georges Honorat, Louis Raymond dont les fils deviendront de grandes figures du duvaliérisme : Lamartinière Honorat, Claude et Adrien Raymond. Ce sont tous des notables de province, comme le président lui-même, comme Joseph D. Charles qui sera son ministre à Washington. On retrouve aussi avec lui des fidèles de Vincent : Timoléon Brutus, Lucien Hibbert. Tous ces hommes se retrouveront autour de Duvalier, certains pour un temps, d’autres de façon durable. C’est une impressionnante constante dans les hommes que l’on retrouve quand on s’attarde sur le fonctionnement politique interne de ces régimes que nous avons pris l’habitude de voir comme antagoniques. 1907-2007. Une occasion de relire cent ans d’histoire d’Haïti que le journal Le Matin a raconté au quotidien…

*L’auteur est historienne et sociologue.
vendredi 30 mars 2007
Source Journal Le Matin sur http://www.lematinhaiti.com