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lundi 16 avril 2007

La première constitution duvaliériste

Par Claude Moïse
claudemoise@lematinhaiti.com
La réunion, le 18 octobre 1957, des Chambres législatives en Assemblée nationale inaugure officiellement les travaux de la 38e législature issue des élections du 22 septembre. Après les formalités d’usage …, le Parlement réuni à l’extraordinaire décrète la permanence. Au terme de la séance du samedi 19 octobre, deux importantes décisions sont prises : la fixation de la prestation de serment du président de la République au 22 octobre *, … et le décret de rétablissement de la Constitution de 1950, amputée de quelques dispositions incompatibles avec la situation présente. Elles ne sont pas adoptées sans quelques tiraillements et des discussions parfois houleuses. Ces premiers débats révèlent déjà les fortes têtes du Parlement (les sénateurs David, Bonhomme, Stéphen, Moreau, Saint-Louis, les députés Lahens, Armand, Moïse, Bélizaire, etc.) Ils offrent matière à réflexion à un Duvalier qui doit se préparer dans la plus grande discrétion à faire le tri dans son personnel politique et à distribuer les rôles. Le discours de prestation de serment de Duvalier se veut une synthèse cohérente des principales dimensions de l’histoire et de la vie nationales. Il exprime une volonté généreuse d’« affranchissement intégral des masses » et appelle cette « société politique et économique de l’égalité pour que la fraternité entre les Haïtiens coïncide avec la pratique de la démocratie réelle ». Il promet une réforme de l’État, la modernisation de l’appareil, « une rénovation totale et radicale » à la mesure de l’effort que l’on doit consentir pour résoudre la crise de structure qui mine la communauté haïtienne. «... Le salut viendra d’une restauration de la dignité de la politique, d’un approfondissement social et économique de l’idéologie de la Révolution de 1946, d’une interdépendance des pouvoirs conçue en fonction du bien-être physique et culturel... » Réforme de l’État, interdépendance des pouvoirs, démocratie réelle : dans quelle mesure et sous quelles formes ces propos se répercuteront-ils dans un Corps législatif presqu’exclusivement duvaliériste qui s’apprête à entamer l’élaboration d’une nouvelle Constitution ?


La réforme de l’État, une idée chère à Duvalier
Contrairement au mouvement de 1946, la question de la réforme constitutionnelle n’avait pas en 1956-57 fait l’objet de revendication explicite de la part des acteurs politiques... Comme l’a si judicieusement rappelé le bureau politique du candidat Déjoie, « au cours des événements politiques de cette époque..., c’est l’ordre constitutionnel existant que le peuple s’est évertué à défendre.» En effet, c’est en s’appuyant sur la Constitution que la révolte politique de 1956 eut raison de Magloire qui tenta d’escamoter l’article 81... Il parut alors surprenant que le décret électoral du 25 août 1957, sans aucun considérant explicatif ou justificatif et dans un simple article de ses dispositions transitoires, confiât au prochain Corps législatif le mandat de « donner à la Nation une nouvelle Constitution, laquelle devra être votée et promulguée dans les deux mois suivant la date de la prestation de serment du président de la République. »
À la vérité, il y a là une exigence de Duvalier. La nouvelle Constitution devra correspondre à sa conception de la réforme de l’État, la même expression, sinon la même argumentation, utilisée par le président Vincent en 1935 lorsqu’il se fut agi de régler son compte au Sénat récalcitrant et d’assujettir le Législatif à l’Exécutif. Aujourd’hui en 1957, l’autoritarisme présidentiel, même à prétention modernisatrice et libératrice, n’est pas de mise. On ne connaît pas encore tout à fait l’intention duvaliériste, mais il serait parfaitement incongru qu’un gouvernement qui se réclame de la Révolution de 1946 reprenne à son compte la « réforme de l’État » de Vincent violemment rejetée par 1946. Duvalier ne peut aller à contre-courant de son temps. Pas en 1957 en tout cas. Il a le temps de voir venir et de donner la mesure de sa pratique totalitaire. La nouvelle Constitution promulguée le 19 décembre 1957 est une construction cohérente qui intègre assez bien les matériaux du discours démocratique et une certaine vision de l’État développée par Duvalier pendant la campagne électorale. On peut en faire une synthèse à partir de ses discours d’investiture, le 22 octobre 1957 et de ceux qui ont suivi pendant la première moitié de 1958. En somme, il faudrait soumettre l’ensemble des textes – Duvalier en a laissé beaucoup – à un examen rigoureux pour en éprouver réellement la cohérence interne. Quelques idées-forces mises en évidence peuvent toutefois aider à dégager la vision d’un État duvaliérien : les classes moyennes doivent se remettre en situation de parachever la révolution de 1946 interrompue en 1950, leurs élites se substitueront aux élites dirigeantes historiques impuissantes, égoïstes et obscurantistes ; le peuple, fondamentalement le peuple paysan, doit se mettre debout pour arracher la victoire. Mais il n’y a pas d’exclusive : la régénération de la patrie postule, comme en 1802, l’unité nationale et la discipline. Le changement révolutionnaire (changement de mentalité, de méthode, de dirigeants, affranchissement de la misère) ne sera effectif que dans l’ordre et la discipline. Le pays « entre dans l’ère de la souveraineté populaire » : puisque le peuple s’est exprimé clairement à l’urne. (…)

Duvalier est confirmé comme le chef de cette révolution, le dépositaire des intérêts populaires. « Le peuple qui a brisé la dictature... saura matérialiser pour son affranchissement cette réforme de l’État sur laquelle repose la construction rationnelle ». Ainsi, l’opération de légitimation est double : paternaliste et rationnelle. Cette réforme de l’État, souvent annoncée, on en aura une première livraison dans la Constitution de 1957. Le reste viendra avec le cours d’une histoire chaotique dont les phases, explosive ou stabilisatrice, feront déboucher sur le totalitarisme duvaliérien.


Une constitution libérale
La Constitution de 1957 n’a rien à envier à ses devancières libérales. Elle en élargit même le contenu démocratique par la protection sociale qu’elle entend accorder aux plus démunis. Elle part du modèle de 1946, certes, mais se nourrit copieusement de 1950 dont elle conserve les acquis, reproduit les dispositions les plus libérales et les étend dans les clauses nouvelles pour créer de nouveaux droits qui caractérisent l’énoncé constitutionnel duvaliérien. Le préambule les consigne déjà lorsqu’il définit les objectifs du pacte constitutionnel et les ponctue par une formule empruntée à la Constitution de 1950 : « pour constituer une Nation haïtienne socialement juste, économiquement libre et politiquement indépendante.» Comme en 1946, on proclame d’entrée de jeu que « la vie et la liberté des Haïtiens sont sacrées et doivent être respectées par les individus et par l’État, et on ajoute : « L’État a l’obligation d’assurer en outre aux citoyens de la République la culture, le bien-être économique et la justice sociale. » (article 5) Concluant les travaux de l’Assemblée nationale constituante, le sénateur Hugues Bourjolly s’écrira : « Ce que nous voulons depuis 1946, c’est la démocratie sociale postulant le contrôle, par l’État, de toutes les libertés ».
En examinant la structure de cette constitution et, à travers elle, la succession des titres et chapitres, on est frappé par le souci des auteurs d’y inclure quelques idées cardinales préconisées par Duvalier. Pour la première fois, on relève dans une constitution haïtienne des titres spécifiques définissant le régime économique, le régime social, la place de la culture, l’obligation de l’État de protéger la santé des habitants du territoire et de procurer aux malades une assistance médicale. Le régime administratif met l’accent sur l’autonomie communale et innove en consacrant un chapitre au Service Civil. La Constitution de 1957 ne le cède en rien à nos meilleures chartes en ce qui concerne les droits civils et politiques... L’article 9 établit définitivement les droits civils et politiques de la femme, complétant ainsi l’article 4 de la Constitution de 1950 et la loi du 27 janvier 1957 accordant plein et entier exercice de ses droits politiques à la femme. Elle proclame également l’égalité économique des conjoints dans le nouveau chapitre sur la famille (article 161). Elle avait déjà prévu en son article 28 que la loi devrait protéger spécialement la femme haïtienne … On accorde également une protection particulière aux mineurs, eu égard à leur santé physique et mentale, à leur droit à l’éducation et à l’assistance de l’État.
Pour la première fois, le créole accède explicitement à la dignité constitutionnelle. Certes, la Constitution de 1879 recommandait vaguement l’enseignement de toutes les langues usitées dans le pays ; et c’est seulement en 1932, après l’occupation, que le français fut proclamé langue officielle. En 1957, le français est encore langue officielle. Mais on fait une avancée vers le créole en permettant l’usage officiel de la langue nationale dans certains cas : «La loi viendra déterminer les cas et les conditions dans lesquels l’usage du créole sera permis et même recommandé pour sauvegarder les intérêts matériels et moraux des citoyens qui ne connaissent pas suffisamment la langue française » (Article 35).


Responsabilité des fonctionnaires
Par ailleurs aucune constitution haïtienne n’avait autant insisté sur le devoir civique et la responsabilité des fonctionnaires. Sous un titre unique, le principe du devoir civique est posé et défini comme « l’ensemble des obligations du citoyen dans l’ordre moral, politique, social et économique vis-à-vis de l’État et de la Patrie » (article 39). Mais ici, les fonctionnaires sont particulièrement visés. Dorénavant, avant de prendre possession de leur charge, ils doivent prêter serment, selon une formule légale, et s’engager ainsi, sur leur honneur, à être fidèle à la République, à exécuter et faire exécuter la Constitution (article 40). Obligation leur est faite d’informer les autorités compétentes lorsqu’ils ont connaissance des infractions contre le fisc sous peine d’être poursuivis comme receleurs s’ils ne le font pas (article 41). L’enrichissement illicite, désigné comme un très grave délit pour lequel le fonctionnaire coupable encourra de très graves sanctions, pourra être établi par des indices et se déduira notamment de tous faits et circonstances indiquant une disproportion marquée entre les moyens (capital mobilier et immobilier du fonctionnaire) et le montant qu’il a accumulé du traitement ou des émoluments de la fonction qu’il a occupée. On envisage comme formant un bloc, pour la détermination de cette augmentation, le capital du fonctionnaire ou employé, celui de sa femme, et ceux de ses enfants-mineurs. Les fonctionnaires et employés qu’indique la loi sont tenus de déclarer l’état de leur patrimoine au greffe du tribunal civil dans les soixante jours qui suivent leur entrée en fonction. Le commissaire du gouvernement compétent peut prendre toutes les mesures qu’il juge nécessaires pour vérifier l’exactitude de la déclaration.


Sous le titre « Du service civil » on pose clairement que « les fonctionnaires sont au service de l’État et non d’une faction politique déterminée ; ils ne peuvent se prévaloir de leurs charges pour faire de la politique électorale. L’article 137, une nouveauté, procure au gouvernement une arme efficace contre la subversion… En effet, non seulement «la grève des fonctionnaires et employés publics est interdite, ainsi que l’abandon collectif de leurs fonctions », mais encore « la militarisation des Services Publics ou la mobilisation générale peut être décrétée dans le cas de péril national ou de troubles civils graves, tels que les grèves générales illégales ou à caractère politique. » De même, « l’ordre de mobilisation générale, en vertu de la loi sur le service militaire, peut être décrété en cas de troubles civils graves par le Pouvoir exécutif.»

Ces dispositions nouvelles sur la sûreté publique et la sauvegarde de la sécurité gouvernementale sont complétées par les articles 185 et 186 sur l’État de siège qui peut être déclaré désormais dans le cadre de troubles civils, non plus seulement dans celui d’une menace d’invasion étrangère. Les troubles civils, notion très vague, peuvent englober n’importe quoi : grèves, manifestations, complots, rumeurs, etc. …
Équilibre des pouvoirs
Du point de vue des rapports entre les trois Pouvoirs, quelques modifications sont à signaler. Le Corps législatif a les mêmes droits et responsabilités, mais il peut désormais infliger le blâme à un ou des ministres, ce qui entraîne automatiquement leur renvoi. En contrepartie, le droit de dissolution du Parlement est accordé à l’Exécutif dans les conditions suivantes :

À la suite de deux crises ministérielles provoquées par un vote de blâme du Parlement, si après l’épuisement des deux ajournements prévus, au cours de la même session, le conflit persiste entre les deux Pouvoirs et paralyse toutes activités exécutives, le décret de dissolution sera pris par l’Exécutif après avis du Conseil des secrétaires d’État.
Le même décret ordonnera de nouvelles élections qui auront lieu dans un délai de trois mois. La publication de ce décret entraînera le renvoi de tous les membres du cabinet ministériel qui ne pourront, en aucun cas, faire partie de la prochaine composition gouvernementale. Tout décret de dissolution du Parlement pris en dehors de la forme prescrite dans le présent article demeure nul et inopérant (article 60).
Une telle forme vise théoriquement à contenir l’arbitraire présidentiel. La dissolution n’est pas laissée à la discrétion du président de la République, comme ce fut le cas dans la Constitution de 1846, et les conditions d’application sont plus strictes que celles prévues par les Constitutions de 1935 et 1950. De plus, elle est une contrepartie d’un droit, le vote de blâme assorti de sanction automatique, que les constituants dans le passé hésitaient à reconnaître au Corps législatif. Par ces dispositions – blâme et dissolution – les deux Pouvoirs exerceraient l’un sur l’autre une influence dissuasive. Ce qui, évidemment dans la pratique duvaliérienne, se révélera un leurre. Une nouvelle structure du Pouvoir législatif naît avec l’introduction du monocaméralisme considéré par Duvalier et les siens comme la principale conquête constitutionnelle. La Charte de 1957 en effet rompt avec une vieille tradition qui date de 1816 … La suppression du Sénat et de la Chambre des députés remplacés par la Chambre législative devrait, dans l’esprit des constituants, réduire les marges de manœuvre politicienne et les effets déstabilisateurs des jeux de pouvoir dont pâtit l’Exécutif. Ne dit-on pas que tout sénateur est un candidat à la présidence en puissance, que sitôt parvenu à cette dignité, il ne peut viser que le fauteuil présidentiel ?

Historiquement, les démêlés de l’Exécutif avec le Législatif concernaient autant, sinon plus, la Chambre des députés que le Sénat. La vérité est que Duvalier a surtout été frappé par le rôle du Sénat dans la chute d’Estimé et en a tiré des enseignements. Il a dû également méditer sur la signification et les conséquences du conflit qui opposa le président Vincent à la majorité du Sénat entre 1930 et 1932. Le monocaméralisme institué en 1957 ne va pas plus contre l’une ou l’autre Chambre. Il vise à réduire le jeu des contradictions entre deux Pouvoirs et à simplifier la tâche du chef du Pouvoir exécutif dans sa manipulation du Corps législatif…

Enfin, la réélection du chef d’État n’est pas formellement interdite comme auparavant. Il est dit tout simplement que la « durée du mandat présidentiel est de six ans, et cette période commencera et se terminera le 15 mai sans qu’il soit possible au chef du Pouvoir exécutif de continuer à exercer ses fonctions un jour de plus », à moins que le président élu comble une vacance, auquel cas son mandat prendra fin le 15 mai de la sixième année de son élection. En accord avec cet article 87, la disposition transitoire a fixé la fin du mandat de Duvalier le 15 mai 1963. Les événements n’auront pas permis de mettre à l’épreuve l’article 87.

Droits sociaux, dignité culturelle et développement régional
L’article 159 déclare d’intérêt social la construction de logis d’habitation. Le but visé est que le plus grand nombre possible de familles haïtiennes devienne propriétaire de leur habitation et que les entreprises industrielles et agricoles assurent à leurs travailleurs une demeure hygiénique et commode.

D’autres dispositions complémentaires de caractère général se rapportent à la famille, « base fondamentale de la société », au Régime social où la fonction sociale du travail est mise en évidence. On annonce « un code du Travail dont l’objectif principal est d’harmoniser les rapports du Capital et du Travail». Les indigents, tous ceux qui, frappés d’incapacité physique ou mentale, ou affaiblis par l’âge, sont « inaptes au travail », doivent être pris en charge par l’État.

Dans le domaine de la Culture, la Constitution réaffirme le devoir de l’État de fournir gratuitement, outre l’instruction primaire à tous les enfants, une éducation de base « en vue de réduire le nombre des illettrés absolus et permettre à tous de remplir consciemment leur rôle de travailleurs, de pères de famille et de citoyens ». Toute discrimination dans l’accès à un quelconque établissement d’éducation est interdite lorsqu’elle est fondée sur la nature de l’union des parents ou tuteurs, sur des différences sociales, raciales, politiques ou religieuses. La Constitution reconnaît l’éminente dignité de la Culture et de l’Éducation pour le plein épanouissement des individus appelés à apporter « une coopération constructive à la société, à contribuer à inculquer le respect des droits de l’homme, à combattre tout esprit d’intolérance et de haine et à développer l’idéal d’unité morale, nationale et panaméricaine ». Le patrimoine national dans toutes ses composantes est placé sous la sauvegarde de l’État et soumis à des lois spéciales.

Il faut enfin signaler la part faite, comme en 1950, au développement régional : reconfirmation de l’autonomie communale, rôle accru des Conseils d’arrondissements, création de Conseils d’administration des sections rurales et des Conseils et Sousconseils techniques. C’est un nouvel organisme que l’on substitue au Conseil des notables de la section rurale créé par la Constitution de 1950 et auquel on donne des objectifs ambitieux. Il est en effet prévu à l’article 131 que « la section rurale sera régie par un conseil d’administration présidé par un leader de la commune et organisé pour relever les conditions de vie dans les campagnes ainsi que le niveau social, moral et intellectuel du paysan. Les systèmes coopératifs, communautaires et d’éducation de base, de même que l’organisation du petit crédit agricole et artisanal aideront à atteindre les objectifs ».
***Il y a un peu de tout dans la première Constitution duvaliérienne : des vœux pieux, des énoncés moraux et politiques, la projection de l’organisation de l’État, les droits et les devoirs et des pièges. La Charte de 1957 est donc à la fois la transposition institutionnelle d’une vision idéologique (rôle et responsabilité des classes moyennes, promotion de la paysannerie, discipline politique, unité nationale, éthique administrative, etc.) et un dispositif stratégique, c’est-à-dire un répertoire de réponses à des situations imprévues, … (l’article sur la durée du mandat présidentiel, le droit de dissolution, le monocaméralisme, la primauté du pouvoir civil, l’assouplissement de la clause sur l’État de siège). On se demande comment aurait fonctionné cette machine constitutionnelle si Duvalier n’avait pas de bonne heure fait tomber le pays sous le joug du totalitarisme macoute. Il est vraisemblable que dès 1957 Duvalier pensait à la pérennité de son pouvoir. La Charte est construite de manière à l’armer contre les adversaires. Il peut chercher à les dissuader ou à les éliminer en mettant en veilleuse les clauses gênantes.

L’aménagement constitutionnel est tel qu’il pourrait faire renouveler son mandat indéfiniment sans connaître ces controverses constitutionnelles qui ont été néfastes à Estimé et à Magloire. Mais. en politique haïtienne, un tel exploit ne peut réussir qu’à la condition que les classes dirigeantes soient subjuguées, que le gouvernement confirme sa légitimité formelle par des succès économiques et des réalisations significatives aux plans de la justice sociale, de la modernisation et de l’efficacité administratives, à condition surtout qu’il neutralise toutes les sources traditionnelles du pouvoir (bourgeoisie, clergé, armée, gouvernement américain). Il ne pouvait réconcilier toutes les exigences qui découlent des dimensions économiques, sociales et politiques d’une telle ambition, ni forcer les solutions. Duvalier sait que la Constitution la mieux conçue et la mieux pourvue ne le prémunira pas contre les dangers auxquels s’expose un pouvoir en quête de stabilité. Il choisit alors d’assurer avant tout la sauvegarde de son gouvernement, étant pleinement convaincu de sa légitimité. Tant pis pour les intentions généreuses. Les dispositions libérales, les propositions démocratiques, les projets de modernisation disparaîtront dans le fracas des luttes politiques que Duvalier portera à un niveau d’intensité dramatique rarement atteint en temps de paix.1 Extraits de Constitutions et luttes de pouvoir en Haïti, t 2 , pp 368-380 Édition du CIDIHCA, Montréal, 1990* Le 22 est le chiffre fétiche de Duvalier ; il datera tous les grands événements du règne, tels qu’ils seront provoqués par le président, y compris l’entrée en fonction de son successeur Jean-Claude Duvalier.
samedi 14 avril 2007

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