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mercredi 11 janvier 2012

Haïti, la reconstruction inachevée

Deux ans après le séisme, l'île est toujours sous perfusion humanitaire.
Il y a deux ans, le 12 janvier 2010, un séisme dévastateur ravageait Port-au-Prince, la capitale d’Haïti, et ses environs. On se souvient des images relayées par les médias et les réseaux sociaux à travers le monde. Il n’est nullement besoin de revenir sur les destructions et les souffrances accumulées. Sinistres souvenirs.
Présentée par certains comme une opportunité «pour reconstruire Haïti en mieux», la tragédie a fonctionné comme un miroir de la pauvreté préexistante dans un pays déjà à terre avant même le séisme, livré au clientélisme, sans système éducatif réel, sans accès aux soins pour le plus grand nombre, les plus pauvres, qui vivaient déjà avec moins d’1 ou 2 dollars par jour et par personne; un pays déjà dépendant de l’assistance internationale.
La mobilisation mondiale pour venir au secours des victimes de la catastrophe du 12 janvier 2010 aura été rapide et exceptionnelle. Les donateurs individuels en particulier — mais aussi les bailleurs publics au premier rang desquels les Etats-Unis voisins — ont ainsi soutenu le déploiement de moyens sans précédent par les secouristes internationaux pour aider les rescapés. Cela a permis, ces deux dernières années, d’assurer la survie des sinistrés, démunis de tout, sans abris ou vivant dans des camps de fortune, sans travail, sans ressources, sans accès aux services les plus essentiels.
A Port-au-Prince, mais aussi dans d’autres zones plus rurales du pays, des programmes d’assistance essentiels ont été développés et se poursuivent encore aujourd’hui, compensant, faute de mieux, l’absence d’état fort et organisé, dans l’attente hypothétique de la mise en œuvre des programmes de reconstruction promis.
Car en Haïti les solutions temporaires, prises pour faire face à l’urgence de la situation et aux nouvelles urgences qui se succèdent, deviennent malheureusement durables… Voire définitives.
C’est là tout le dilemme. Les Haïtiens l’ont eux bien compris et ne se font aucune illusion. «La reconstruction n’avance pas assez», nous répètent-ils. Ils savent mieux que d’autres qu’il n’appartient pas à des ONG de reconstruire leur pays. Sans plan international digne de ce nom, rien ne sera possible. Mais déjà l’attention de certains des bailleurs étatiques se détourne d’Haïti.
Comme le constatent nos équipes chaque jour, les Haïtiens sont décidés à reprendre leur destin en main. Dans les quartiers de Port-au-Prince, mais aussi dans les zones rurales de Petit-Goâve ou de Grande-Anse, débordant d’énergie et de détermination, ils font preuve d’un courage remarquable pour contourner les difficultés du quotidien, et pour tenter de se construire un autre avenir. Peu importe l’immensité de la tâche et la précarité des conditions de vie. Deux ans après le séisme, il nous appartient de leur rendre hommage.

haiti
Certes la dépendance à l’aide humanitaire s’est encore accrue suite au séisme. Le reconnaître, c’est, d’une certaine façon, assumer de redonner aux Haïtiens le pouvoir de décision et d’action, et de refuser, autant que cela est possible, de se substituer à eux, à l’état haïtien, qui se reconstruit peu à peu. C’est aussi, pour les acteurs étrangers de l’aide, accepter de s’effacer progressivement.
Même si cela prend du temps, ne soyons pas naïfs; il nous faudra accompagner leurs efforts sur la durée. Mais c’est ce que l’on peut souhaiter de mieux pour l’avenir d’Haïti et des Haïtiens, en reconnaissant toutes les limites de l’aide humanitaire étrangère, perfusion nécessaire mais qui devrait rester temporaire.
Médecins du Monde n’envisage pas son action, aussi modeste soit-elle, autrement, poursuivant ses actions en Haïti en coopération constante avec les autorités de santé nationales et locales.
Pierre Salignon , directeur général de Médecins du Monde
Dessins Rémi Courgeon pour Médecins du Monde. DR
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http://www.slate.fr/tribune/48499/haiti-reconstruction-inachevee

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