CFHCI/POINT PAYS / Haïti fait jour à Paris Par notre envoyé spécial, Thomas Lalimethomaslalime@lematinhaiti.com
« Journées d’Haïti » est le thème retenu par la Chambre franco- haïtienne de commerce et d’industrie (CFHCI) pour le « point pays » qu’elle organise en concertation avec le gouvernement haïtien du lundi 5 au mardi 13 mars 2007 en France et en Belgique. Le « point pays » facilite la rencontre entre des représentants des secteurs public et privé haïtiens et leurs homologues français et fait suite à la visite en France en juin dernier du président René Préval. Le lancement se fera ce soir par la Chambre franco-haïtienne et ses partenaires qui recevront les représentants du gouvernement français dans une salle mise à sa disposition par le Sénat français au Palais de Luxembourg. La presse française notamment Le Monde, Le Figaro, Libération assurera la couverture médiatique de « Journée d’Haïti » de même que la presse économique à travers Les échos, La Tribune. Les rendez-vous se donnent à Paris, Bordeaux, Nice et Bruxelles. La délégation haïtienne composée d’hommes d’affaires et d’officiels, assistés par des membres de la presse,Présentera des projets aux entrepreneurs et au gouvernement français afin de les convaincre de l’opportunité d’y apporter leurs supports techniques et financiers. Au menu de « journées d’Haïti » : quatorze projets touchant les secteurs tourisme, agro-industrie, énergie, transport… La construction des zones franches tant à Port-au-Prince que dans certaines villes de province occupe aussi une place de choix dans les discussions. Aujourd’hui à 13 h, le déjeuner offert à la délégation haïtienne par la ministre française déléguée à la Coopération, au Développement et à la Francophonie, Mme Brigite Girardin, sera suivi d’une réunion avec le Club de Paris au ministère de l’Économie et des Finances à Bercy. Une séance de travail avec le directeur général de l’Agence française de développement (AFD), Jean Michel Severino, viendra clôturer la première des journées d’Haïti à Paris. La deuxième journée, le mardi 6 mars 2007, s’ouvrira par une réunion avec le Mouvement des entreprises françaises (Medef) et se terminera par la soirée de la diaspora haïtienne, organisée par l’ambassade d’Haïti à Paris. Une rencontre est prévue le mercredi 7 mars avec le directeur des Affaires économiques et internationales au ministère des Transports, de l’Équipement, du Tourisme et de la Mer, M. Dominique Bureau. Au cours de cette même journée, la délégation haïtienne doit s’entretenir avec M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’Aménagement du territoire auprès de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur français. Dans l’après-midi, la délégation rencontrera des représentants de l’Assemblée nationale, certains ministres du gouvernement français, des entrepreneurs et promoteurs du tourisme. Elle laissera Paris pour Bordeaux, Nice où elle visitera Sophia Antipolis jeudi et vendredi. La délégation s’envolera vers Lille le lundi 12 mars et sera à Bruxelles le mardi 13 mars 2007.Les projetsLes quatorze projets qui seront présentés font tous l’objet d’une description sommaire incluant le contexte de leur réalisation, leur localisation, leur mise en œuvre, les coûts et financements ainsi que les indicateurs de performances au niveau économique, social et environnemental. À titre d’illustration, nous soumettons à l’attention de nos lecteurs le projet visant la construction d’un complexe hôtelier et touristique à Montrouis sur la côte des Arcadins. La description sommaire des autres projets sera présentée tout au cours de la semaine. Le tourisme a été identifié comme un secteur susceptible de contribuer au développement économique et social d’Haïti. Ainsi, le gouvernement de la République a choisi de poursuivre la mise en œuvre du Plan directeur du tourisme élaboré en 1996 et révisé entre 2003 et 2005. Quatre zones touristiques sont classées prioritaires, dont la Côte des Arcadins. Le projet offre un produit touristique hôtelier haut de gamme de type « resort », avec des zones de plage, de ski nautique, de sports et de campagne. Il comprend 250 chambres et 6 suites, et offre un service prépayé de navette aller-retour entre l’hôtel et l’aéroport, des programmes pour famille, y compris les enfants, sous forme d’excursions, de promenades quotidiennes et d’autres attractions organisées, des activités récréatives comme les jeux de casino et les spectacles, ainsi que la possibilité d’organiser des réunions et des banquets. Le tourisme balnéaire y est associé avec le tourisme culturel et l’écotourisme, grâce à des excursions vers l’intérieur du pays. Ce projet permettra de boucler le circuit triangulaire Cuba - République dominicaine - Haïti, dans le cadre des voyages multidestination.Il sera érigé sur un terrain de 12 ha. Au niveau de la phase d’exploitation, le marché haïtien, particulièrement celui de la plaine de l’Arcahaïe, sera la principale source d’approvisionnement des produits agricoles nécessaires à la restauration des touristes. Il en est de même de certains produits industriels légers. Les coûts d’investissement du projet sont estimés à environ 25,17 millions de dollars américains répartis comme suit : environ 15,5 millions de dollars pour le coût des travaux, 5 millions pour les équipements et 1,6 million pour les honoraires au titre des services professionnels. Ces montants tiennent compte des avantages dont bénéficiera le projet durant sa phase de construction, et qui , selon le Code des investissements du pays, se rapportent à « la franchise douanière et fiscale sur les importations de biens d’équipements et de matériels nécessaires à la prospection, l’implantation, l’aménagement ou le réaménagement, quand ce matériel ou ces équipements ne peuvent pas être trouvés localement dans les mêmes conditions de quantité, de qualité et de prix ». Les investissements seront financés par fonds propres, à hauteur de 11 millions de dollars et par dettes bancaires pour un montant de 14 millions de dollars. Pour Edouard Clément qui a travaillé sur la rédaction et la mise en forme des différents projets présentés, « Journées d’Haïti » représente une excellente opportunité pour stimuler l’investissement en Haïti à travers la recherche de partenariat stratégique entre les secteurs privés français et haïtien. La dynamique ainsi créée devrait contribuer à remettre Haïti sur la carte mondiale des affaires. *Reportage réalisé grâce au support de la Comcel
Legende 1) : Vue d’un quartier proche des Champs ÉlyséesLegende 2) : Vue d’un hôtel hébergeant une partie de la délégation haïtienne.
lundi 5 mars 2007
Source Journal le matin sur http://www.lematinhaiti.com
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
lundi 5 mars 2007
Il y a trois ans, Aristide faisait ses malles
par Ladenson Fleurival ladenson@lematinhaiti.com
Des sympathisants Lavalas, fidèles à leur leader Jean- Bertrand Aristide, ont manifesté dans les rues de Port-au-Prince ce mercredi 28 février pour le retour de l’ex-président déchu du pouvoir le 29 février 2004, et le départ des forces onusiennes, présentes depuis deux ans dans le pays. Des hommes, des femmes, et même des gamins ont marché depuis le quartier volatile de Cité Soleil, en passant par Bel-Air, afin d’atteindre le Champ de Mars, siège du palais présidentiel.Quelques pancartes, frappées à l’effigie de l’ancien prêtre président, étaient brandies, tandis que sur d’autres se lisaient des messages tels : « Vive la paix » ou encore « Cité Soleil veut la paix ». Les manifestants ont profité de l’occasion pour lancer des flèches à l’endroit du président de la République, René Préval, qui « n’a rien fait pour soulager leur misère ». Ils ont encore une fois accusé les États-Unis d’Amérique d’implication dans la chute d’Aristide qui, selon eux, aurait été « kidnappé », le 29 février 2004.Arrivés au Champ de Mars où régnait une chaleur torride, les manifestants ont plongé sous les principaux jets d’eau de la place, ôtant leurs t-shirts ou chemises comme pour un véritable bain.Bref historique du départLa chute d’Aristide fut provoquée par un soulèvement populaire qui traduisait l’ensemble des frustrations de la société. Les évènements sanglants du 5 décembre 2003 à la faculté des Sciences humaines et à l’INAGHEI radicaliseront l’opposition contre celui qui a dominé la scène politique haïtienne durant plus d’une décennie (1990-2004). Mais toujours est-il que l’homme charismatique de la Saline n’a pas su terminer aucun des deux mandats présidentiels de 5 ans qu’il a obtenus aux élections de décembre 1990 et novembre 2000. Le premier a été interrompu suite à un coup d’État militaire sanglant après seulement sept mois, et le second, après deux ans, conséquence de la contestation orchestrée par tous les secteurs du pays. Alors que les manifestations pacifiques de rues peinaient à faire fléchir le régime, les actions de groupes d’hommes armés, venus du nord du pays, avec en tête Guy Philippe, ancien directeur départemental du Nord de la Police nationale d’Haïti (PNH), allaient faire changer les donnes. En quelques jours, la bande de Guy Philipe, qualifiée de « rebelles » par Aristide et ses proches, avait pris le contrôle de toute la région du grand Nord (Artibonite, Nord, Nord-Est, Nord-Ouest, Hinche) et menaçait de marcher sur Port-au-Prince si Aristide refusait d’entendre raison. Les menaces sans cesse croissantes des « rebelles » de déloger l’occupant du palais national de ses fonctions, la conjonction et la détermination des forces sociales dans le pays, les actes de terreur des partisans armés d’Aristide allaient finalement motiver la communauté internationale à faire pression sur ce dernier et à obtenir sa démission. Le 28 février 2004, le bruit courait que les troupes de Guy Philipe étaient dans les parages de la capitale. Les rumeurs se sont intensifiées dans la nuit du 28 au 29 février 2004 et les habitants de Port-au-Prince ont veillé, accrochés à leur téléphone et à leur poste de radio, sensibles à toutes nouvelles informations. Tôt le 29 février, la nouvelle du départ d’Aristide était annoncée sur les ondes des stations de radios du pays. Et au cours de la matinée, l’international, sous le leadership des États-Unis d’Amérique du Nord, allait confirmer qu’Aristide avait choisi de démissionner. « Jean-Bertrand Aristide a choisi de démissionner face à la menace des insurgés armés qui s’apprêtaient à marcher sur Port-au-Prince », avait soutenu James B. Foley, ambassadeur des États-Unis en Haïti en mars 2004, quelques jours après le départ du président lavalas .« À preuve, 24 heures après le départ pour l’exil de monsieur Aristide, les rebelles étaient déjà dans la capitale haïtienne », avait poursuivi l’ambassadeur.Et, de son exil, Aristide de rétorquer : « Les États-Unis et leurs alliés m’ont kidnappé dans la nuit du 28 au 29 février 2004 et m’ont démis du pouvoir ». Il y a déjà trois ans… Mais le discours de l’ex-président n’a pas changé.
jeudi 1 mars 2007
Source Journal Le Matin sur http://www.lematinhaiti.com
Des sympathisants Lavalas, fidèles à leur leader Jean- Bertrand Aristide, ont manifesté dans les rues de Port-au-Prince ce mercredi 28 février pour le retour de l’ex-président déchu du pouvoir le 29 février 2004, et le départ des forces onusiennes, présentes depuis deux ans dans le pays. Des hommes, des femmes, et même des gamins ont marché depuis le quartier volatile de Cité Soleil, en passant par Bel-Air, afin d’atteindre le Champ de Mars, siège du palais présidentiel.Quelques pancartes, frappées à l’effigie de l’ancien prêtre président, étaient brandies, tandis que sur d’autres se lisaient des messages tels : « Vive la paix » ou encore « Cité Soleil veut la paix ». Les manifestants ont profité de l’occasion pour lancer des flèches à l’endroit du président de la République, René Préval, qui « n’a rien fait pour soulager leur misère ». Ils ont encore une fois accusé les États-Unis d’Amérique d’implication dans la chute d’Aristide qui, selon eux, aurait été « kidnappé », le 29 février 2004.Arrivés au Champ de Mars où régnait une chaleur torride, les manifestants ont plongé sous les principaux jets d’eau de la place, ôtant leurs t-shirts ou chemises comme pour un véritable bain.Bref historique du départLa chute d’Aristide fut provoquée par un soulèvement populaire qui traduisait l’ensemble des frustrations de la société. Les évènements sanglants du 5 décembre 2003 à la faculté des Sciences humaines et à l’INAGHEI radicaliseront l’opposition contre celui qui a dominé la scène politique haïtienne durant plus d’une décennie (1990-2004). Mais toujours est-il que l’homme charismatique de la Saline n’a pas su terminer aucun des deux mandats présidentiels de 5 ans qu’il a obtenus aux élections de décembre 1990 et novembre 2000. Le premier a été interrompu suite à un coup d’État militaire sanglant après seulement sept mois, et le second, après deux ans, conséquence de la contestation orchestrée par tous les secteurs du pays. Alors que les manifestations pacifiques de rues peinaient à faire fléchir le régime, les actions de groupes d’hommes armés, venus du nord du pays, avec en tête Guy Philippe, ancien directeur départemental du Nord de la Police nationale d’Haïti (PNH), allaient faire changer les donnes. En quelques jours, la bande de Guy Philipe, qualifiée de « rebelles » par Aristide et ses proches, avait pris le contrôle de toute la région du grand Nord (Artibonite, Nord, Nord-Est, Nord-Ouest, Hinche) et menaçait de marcher sur Port-au-Prince si Aristide refusait d’entendre raison. Les menaces sans cesse croissantes des « rebelles » de déloger l’occupant du palais national de ses fonctions, la conjonction et la détermination des forces sociales dans le pays, les actes de terreur des partisans armés d’Aristide allaient finalement motiver la communauté internationale à faire pression sur ce dernier et à obtenir sa démission. Le 28 février 2004, le bruit courait que les troupes de Guy Philipe étaient dans les parages de la capitale. Les rumeurs se sont intensifiées dans la nuit du 28 au 29 février 2004 et les habitants de Port-au-Prince ont veillé, accrochés à leur téléphone et à leur poste de radio, sensibles à toutes nouvelles informations. Tôt le 29 février, la nouvelle du départ d’Aristide était annoncée sur les ondes des stations de radios du pays. Et au cours de la matinée, l’international, sous le leadership des États-Unis d’Amérique du Nord, allait confirmer qu’Aristide avait choisi de démissionner. « Jean-Bertrand Aristide a choisi de démissionner face à la menace des insurgés armés qui s’apprêtaient à marcher sur Port-au-Prince », avait soutenu James B. Foley, ambassadeur des États-Unis en Haïti en mars 2004, quelques jours après le départ du président lavalas .« À preuve, 24 heures après le départ pour l’exil de monsieur Aristide, les rebelles étaient déjà dans la capitale haïtienne », avait poursuivi l’ambassadeur.Et, de son exil, Aristide de rétorquer : « Les États-Unis et leurs alliés m’ont kidnappé dans la nuit du 28 au 29 février 2004 et m’ont démis du pouvoir ». Il y a déjà trois ans… Mais le discours de l’ex-président n’a pas changé.
jeudi 1 mars 2007
Source Journal Le Matin sur http://www.lematinhaiti.com
ENTRETIEN DE MONSIEUR L'AMBASSADEUR DE LA REPUBLIQUE DOMINICAINE MONSIEUR JOSE SERRULLE RAMIA AVEC LE JOURNAL LE MATIN
« Construisons l’avenir ensemble » « Le bien-être des Haïtiens, c’est le bonheur des Dominicains »
Par Marc-Kenson Josephjmarckenson@lematinhaiti.com
Dans une interview exclusive accordée au Matin, l’ambassadeur dominicain, Jose Serulle Ramia, homme « de foi et d’enthousiasme », a fait un vibrant plaidoyer pour le renforcement des relations entre les peuples dominicain et haïtien. Construisons l’île ensemble, n’a-t-il cessé d’exhorter tout au cours de l’entretien qui s’est déroulé autour des différents sujets qui marquent quotidiennement l’actualité haitiano-dominicaine. L’ambassadeur dominicain a répondu aux questions de notre éditorialiste en chef, Claude Moise, de notre rédacteur en chef, Clarens Fortuné, de l’éditorialiste Roody Edmé et du reporter Marc-Kenson Joseph.
Le Matin : Ce 27 février ramène le 163è anniversaire de l’indépendance de votre pays. Pourriez-vous faire un survol historique ?
José Serulle Ramia : Dès sa naissance, la nation dominicaine a connu des heures très difficiles. Il faut rappeler que l’île Quisqueya n’a pas été divisée par les Dominicains ni par les Haïtiens. Ce sont les puissances coloniales qui ont fragmenté ce territoire. Elles ont créé des conditions différentes des points de vue culturels, socio- économique, d’exploitation du territoire. Plus de 600 000 esclaves ont été recensés en Haïti où il y avait un système de plantation très cruel depuis le transport des Noirs à partir d’Afrique en 1503. L’économie était basée sur l’exploitation intensive. La division de l’île à travers les luttes de puissances colonialistes de l’époque a marqué son histoire.
À partir de 1800 des intérêts distincts se sont manifestés d’un côté comme de l’autre. Il y avait déjà des commerçants espagnols dans le Saint-Domingue espagnol qui avaient leurs propres intérêts. Des classes sociales étaient nées chez nous. L’église catholique s’imposait. La langue espagnole s’était taillée une place. De l’autre côté, il y avait le français puis le créole patois qui s’est tissé au niveau des plantations, en même temps que des croyances propres aux esclaves. Un synchrétisme très particulier était remarqué chez ces derniers qui recherchaient une voie de libération sous l’empire de l’esclavage.
On a créé des circonstances pour que des cultures plus ou moins différentes surgissent sur une même île. Un phénomène unique dans le monde. Plus unique au moment de la formation de l’État haïtien en 1804 et celle de l’État dominicain en 1834. Il n’existe aucune île au monde où il y a deux États indépendants. Cela enrichit la vie même des deux peuples qui ont des traditions différentes, des couleurs différentes à tous les niveaux. On a deux systèmes politiques, économiques qui se sont définis à travers l’histoire dans des circonstances totalement différentes. Mais, on a aussi des racines communes : Afrique, Espagne, France, États- Unis, Angleterre. On a connu les interventions des Etats-Unis (1815 en Haïti, 1816 en République dominicaine) qui ont marqué la vie économique, sociale, politique et culturelle des deux pays. Il y a eu encore en 1965 une autre intervention des États-Unis en République dominicaine. Nos histoires ont été construites sur la base de circonstances indépendantes de la volonté de nos peuples. Il faut réécrire cette histoire. C’est très important pour l’éducation de nos enfants, de nos populations, afin que celles-ci puissent combattre toute sorte de préjugés.
LM : Que faut-il retenir de la période de séparation?
JSR : À l’époque de notre indépendance, il y a eu une certaine séparation vis-à-vis d’Haïti. Mais, c’étaient des circonstances très spécifiques. Par exemple, le président Boyer s’était rendu en République dominicaine sur la demande des commerçants qui se sentaient abandonnés par l’Espagne. Alors qu’ils voyaient en Boyer une façon de faire recette, ce dernier, malheureusement, appliquait de mauvaises politiques. Il appliquait de bonnes politiques d’un côté parce qu’il avait mis fin à l’esclavage dans la partie Est et distribué des terres mais il posait des actions non convenables d’un autre côté, notamment la fermeture de l’université de Saint-domingue, la première université du Nouveau Monde. Il s’était mis aussi en contradiction avec l’Église catholique qui était une puissance spirituelle mais également une puissance sociale du point de vue de propriété. Le peuple haïtien était un peu fatigué car son dirigeant s’était transformé en despote. L’avènement du général Geffrard au pouvoir (1859-1868) coïncidait avec l’annulation de l’indépendance de la République dominicaine par la puissance espagnole qui occupait une fois de plus le territoire national avec un mauvais gouvernement. L’économie était basée sur une exploitation libre du bétail et du bois. En 1834, c’était le secteur le plus conservateur qui avait pris le pouvoir. Pedro Santana– premier président dominicain – cherchait constamment le prétexte de l’invasion haïtienne pour rattacher la République dominicaine à l’Espagne. Ce rattachement fut contesté et le 16 août 1863, la guerre de Restauration éclata. C’est ce que j’appelle la véritable guerre de l’indépendance qui dura plus de deux ans. En 1865, grâce, entre autres, au général Gregorio Luperón qui combattit Santana, l’indépendance fut restaurée. L’histoire de la République dominicaine est très bouleversée. Elle n’est pas rectiligne. Mais, un constat : à partir de la séparation en1844, il n’ y a pas eu de vraie guerre entre les deux républiques. On a connu la guerre de la restauration et il y a eu certes des problèmes. La nation dominicaine et la nation haïtienne se sont construites.
LM : À quoi faut-il s’attendre ?
JSR : Ce qu’il faut chercher maintenant c’est voir comment les deux nations peuvent partager un avenir d’où le préjugé sera totalement éliminé. Le véritable patriotisme, c’est construire l’île (Quisqueya). Construire chaque nation dans un esprit de paix, de dialogue permanent, de réalisations concrètes. Il faut des coopérations aux niveaux économique, technique, éducatif et sanitaire. Il faut penser à rétablir une politique migratoire. Construire une politique commune comme l’Europe. Les États ont commencé petit à petit. Ils étaient 2, 6 puis 25. Avec toutes leurs différences. Nous sommes une petite île, alors pourquoi ne pouvons-nous pas vivre en paix en construisant un avenir ?.La solution ne sera jamais dans la division, la guerre. Vous vous imaginez une guerre entre les deux républiques. Qu’est-ce que cela peut apporter ?
LM : Selon vous, quelle est la pierre d’achoppement au fonctionnement de la commission mixte binationale ?
JSR : On doit multiplier les contacts. C’est cela le problème. L’instabilité (minimum de sécurité) aussi chez le peuple haïtien en est un autre. Il faut que les relations soient transparentes, honnêtes. Il y a de bonnes conditions pour que la commission mixte puisse démarrer. Elle doit être dynamique et non bureaucratique. Récemment, j’ai assisté à une conversation téléphonique franche entre les présidents Préval et Fernandez. Ils ont parlé comme des frères. Ce sont deux chefs d’État, deux interlocuteurs valables qui se comprennent. Ils ont conscience de la nécessité d’œuvrer pour l’établissement de bons rapports entre les deux pays. Vraiment, c’est une occasion historique qui nous est offerte. Il faut en profiter. Les ministres, les maires, les sociétés civiles, les institutions des deux pays doivent se jumeler. Les citoyens des deux pays ont pour obligation de connaître l’île entière. Je suis ici depuis deux ans et j’ai voyagé à travers les dix départements d’Haïti sans avoir été sujet au moindre geste d’hostilité. On doit changer l’image d’Haïti. On a exagéré au cours de l’histoire en présentant une image négative de ce coin de l’île. Il faut la contribution de la République dominicaine. Mais, il faut surtourt que le peuple haïtien s’unisse pour projeter une autre image. Haïti a une richesse extraordinaire, une puissance créative aux points de vue culturel et artistique. La biodiversité et les potentialités éco- touristiques de l’île sont énormes. Et, avec une commission mixte efficace et efficiente nous pouvons ensemble faire avancer les choses. Le bien-être des Haïtiens, c’est le bonheur des Dominicains. Nous n’avons pas de conflit individuel. Vous savez, les populations ont moins de problème, moins de conflit sur la ligne frontalière. Quand il y a une grande migration dans un pays, c’est normal que l’on enregistre des conflits personnels, familiaux entre nationaux et immigrés. Mais, ce n’est pas au niveau de la frontière que l’on rencontre ces problèmes. On constate une relation d’harmonie entre les gens de la frontière. Toutefois, on constatera des indices de pauvreté des deux côtés. Il faut reconstruire et sécuriser la frontière entre les deux pays. Les Forces armées dominicaines le font mais cela ne suffit pas. L’État haïtien doit lui aussi œuvrer en ce sens.
LM : N’y a-t-il pas un projet de l’Union européenne relative à cette situation ?
JSR : En effet, il y a un projet très important de l’Union européenne (UE) en cours au niveau de Ouanaminthe-Dajabon qui doit être inauguré bientôt. On considère aussi la possibilité de construire probablement des bureaux de douane en commun. La construction de la route entre Dajabon et Cap-Haïtien est en cours. Cela va ouvrir un grand marché sur le Nord des deux pays. Je dis que c’est la voie à des échanges de plus de 400 millions de dollars par an, tenant compte du nombre de résidents dans cette zone. On peut faire des villages touristiques avec des itinéraires touristiques communs (Citadelle, Labadee, la baie de l’Acul…).J’ai déjà parlé au ministre des Affaires étrangères extérieures, M. Jean-Raynald Clérismé qui m’a exposé le désir du gouvernement de construire des commissariats dans la zone frontalière afin d’avoir une présence véritable. Le ministre des Travaux publics Frantz Verella, s’est exprimé en faveur de la construction de route pouvant relier toutes les villes frontalières. Des efforts qui vont améliorer les échanges commerciaux, culturels, sont en train de se faire
LM : Avez-vous une idée du chiffre des exportations entre les républiques dominicaine et haïtienne ?
JSR : Officiellement on parle de 147-250 millions de dollars américains. Moi, en tant qu’économiste et observateur, je parle de plus de 500 millions de dollars américains, un chiffre qui a tendance à augmenter de plus en plus. Pour- quoi Haïti doit importer d’autres pays lointains s’il y a un marché tout près, des frères et des sœurs dominicains. Ce que je souhaite en tant que citoyen de cette île, c’est qu’Haïti augmente son offre en exportation également. Certains disent que « les Dominicains ferment leurs barrières aux produits haïtiens », ce n’est pas vrai. Il y a un système de tarif douanier un peu différent de celui d’Haïti, mais tout cela peut être négocié entre les gouvernements. On doit s’asseoir pour autoriser le passage des marchandises libres, les tarifs que l’on va mettre sur chaque produit haïtien, etc. L’économie haïtienne s’est beaucoup plus libéralisée que celle de la Dominicanie. Ça fait peut-être du bien mais ça fait peut-être du mal aussi. C’est à vous d’analyser cela. On (République dominicaine) applique une libéralisation progressive, car il faut appliquer des politiques commerciales qui protègent les producteurs nationaux. De ce fait, on décide d’augmenter nos tarifs afin de rendre beaucoup plus compétitifs les producteurs nationaux.
Puis, graduellement on baisse les prix. On a vu au cours des dernières années une croissance du produit intérieur brut à 12 %. Je vois que l’économie haïtienne aspire à une croissance de 4 %. Si cela se maintient pendant 3 à 5 ans ou augmente, on dira qu’Haïti commencera vraiment à s’en sortir et est devenue un pays prospère socio économiquement.
LM : Les intellectuels dominicains dans le temps faisaient la promotion de l’histoire commune entre les deux peuples. Quel rôle jouent-ils aujourd’hui dans la perception de l’histoire de l’île ?
JSR : Ces intellectuels continuent à faire leur boulot. Certains nationalistes dominicains croient qu’ils ont une vision correcte du monde. Ils défendent leurs intérêts. Faut pas les diaboliser. Ce sont des gens qui contribuent au dialogue et qui sont conscients de l’importance des rapports harmonieux entre les deux pays. C’est pour cela que j’appelle les deux peuples à se battre pour que leurs relations soient véritablement améliorées, basées sur le respect des identités, la diversité. Il y a une chose commune que personne ne peut nier : le territoire. Ce sont nos rivières nos montagnes, nos oiseaux, nos cultures comme a parlé René Depestre. Ce dernier a parlé de peuple de culture, pas une culture. Moi, j’aimerais bien qu’il y ait une matière commune au niveau de l’enseignement sur la géographie et l’histoire. Parce que les gens doivent connaître la géographie de l’île. Pour qu’ils comprennent l’importance du vivre ensemble. On a un privilège, Quisqueya est la troisième île du monde riche en biodiversité. Il faut faire des programmes de sauvegarde de la nature, développer l’écotourisme, construire des routes écotouristiques : route des paysages, route des indiens, route pour observer les plantes et nos montagnes qui sont si belles. Avant, il n’y avait pas de foire écotouristique et de production binationale. Cela met en mouvement toute une série d’institutions de la société civile, des intellectuels dominicains, des producteurs. Pour la première foire réalisée à Fonds-Parisien, plus de 60 000 Dominicains s’y étaient rendus. Plus de 150 000 Haïtiens s’étaient rendus à Dajabon pour la deuxième édition. Les Dominicains ne savaient pas s’il y avait le lac Azueï. Une beauté curieuse. Les premiers jeux de l’amitié étaient un grand succès en dépit d’une faible participation.La 4ème édition de la Foire binationale qui se prépare pour le 24 novembre au mois de décembre à Belladères touchera tout le Plateau central et quatre provinces dominicaines. Les maires, les intellectuels des deux pays vont se côtoyer. Faut pas considérer seulement les intellectuels de la capitale. Il faut démocratiser ces initiatives.
LM : Et le problème migratoire est un point sensible ?
JSR : Les deux gouvernements doivent discuter franchement. Il y aura toujours des rapatriements tant que le problème migratoire n’est pas résolu. La migration n’est pas un mal. Les États-Unis se sont construits grâce aux immigrants. Aujourd’hui, plus d’un million de migrants haïtiens et plus d’un million de migrants dominicains sont recensés là-bas. Les migrants haïtiens en République dominicaine apportent beaucoup (300-400 millions de dollars par an) à l’économie haïtienne. L’État dominicain, conscient de cette situation, a consacré 27 % de son budget aux travailleurs (population haïtienne vivant en république voisine).Environ 90 % des Haïtiens travaillent dans tous les secteurs en République dominicaine. L’apport de ces travailleurs à l’économie dominicaine est considérable. Il faut cependant identifier chaque citoyen haïtien qui rentre en République dominicaine, établir une carte de séjour. Si les deux États restent à l’écart des solutions, ce problème persistera. Cependant, l’immigration haïtienne a beaucoup changé, il faut expliquer au peuple haïtien que ce n’est pas l’immigration des années 60,70, voire même 80 qui était destinée aux bateyes.
LM : Le sommet contre la drogue aura lieu prochainement en République dominicaine. Les préparatifs sont au point ?
JSR : Il y a une délégation – le ministre de la Justice en fait partie– qui part dans les prochains jours pour une réunion préparatoire du sommet contre la drogue (initié par le président René Préval). On (les deux pays) est envahi par la drogue. Mais, nous ne sommes pas responsables ni en tant que producteur ni en tant que consommateur. Nous ne sommes pas des producteurs de drogue, ni de grands consommateurs. Nonobstant, nos enfants, nos populations payent les conséquences. Et nos États n’ont pas de ressources pour combattre ce fléau. Il faut établir une politique commune là-dessus. Les deux États sont très affectés.
LM : Comment sont les relations entre l’ambassade et le ministère de l’Environnement ?
JSR : Je crois qu’il y a de très bonnes relations entre les deux peuples. Nous avons de très bonnes relations avec M. Germain, le ministre de l’Environnement et avec tous les autres ministres. J’essaie de stimuler les ministres haïtiens pour qu’ils aillent en République dominicaine et vice-versa. C’est un effort permanent que je fais. Je m’arrange afin que le président Leonel Fernandez soit en contact de plus en plus étroit avec le président Préval. Mon rôle est de contribuer à l’amélioration des rapports entre les deux pays, des facteurs d’unité dans l’action concrète pour résoudre les problèmes. Je suis pour l’élimination des facteurs discordants.
LM : Que préconisez-vous ?
JSR : Je prône la construction d’une route écotouristique au niveau de la frontière. On y remarquera le parc de Bahoruco, la forêt des pins, Duverge, etc. Il faut construire des villages modèles où les services de base (l’accès à l’éducation, la santé, la production agricole, l’élevage de bétail…), sont offerts dans le but de regrouper les populations qui sont isolées. C’est ainsi que l’on construit la patrie. En fait, ce qui sépare les êtres humains, c’est l’indigence. Il faut éliminer la pauvreté, le trafic illégal de marchandises, celui des travailleurs et des armes. Si on met de l’ordre dans nos relations, on verra combien d’Haïtiens vont en République dominicaine, combien y resteront et combien retourneront en Haïti. On verra, en outre, combien de marchandises circulent d’un côté à l’autre car il y a 64 postes frontaliers et personne n’en parle. Pourquoi ? Je ne sais pas et je n’accepterai jamais que l’on cache des choses aux deux peuples.
LM : Votre impression du peuple haïtien ?
JSR : J’ai une immense admiration pour le peuple dominicain et je ressens la même chose pour le peuple haïtien, sa culture, ses intellectuels, ses poètes, ses romanciers... C’est un peuple valeureux ; La manière dont les Haïtiens et les Haïtiennes travaillent avec dévouement, voir les femmes haïtiennes qui se réveillent à 4 heures du matin pour envoyer leurs enfants à l’école. Elles ne veulent pas que leurs progénitures vivent dans les mêmes conditions qu’elles ont vécues. Les travailleurs haïtiens sont vraiment responsables.Quand on parle des écrivains haïtiens, on décrit l’âme et la culture de tout un peuple. Quand on voit un tableau naïf haïtien, c’est vraiment la richesse culturelle concentrée. C’est un peuple qui veut le bonheur. Il faut que les artistes dominicains viennent en Haïti. D’ailleurs, ce 2 mars, le festival de l’île aura lieu en République dominicaine. On prépare un festival de la musique qui aura lieu cette année à Jacmel. J’établis les contacts pour que les artistes dominicains puissent y participer. On a la foire écotouristique binationale qui se tiendra du 22 mars au 1er avril. L’État et le peuple haïtien sont invités. Le ministère haïtien de la Culture et l’ambassade dominicaine en Haïti sont en train de discuter sur une éventuelle rencontre entre intellectuels et artistes haïtiano-dominicains au Cap-Haïtien au cours de cette année. Le ministre du Tourisme a proposé qu’elle se réalise à la Citadelle Laferrière.Les ministres de la Culture des deux pays ont de très bons rapports. Ils vont signer prochainement un important accord de travail. Ce vendredi, le ministre de l’Éducation se rendra en République dominicaine pour rencontrer le ministre dominicain de l’Éducation supérieure, science et technologie.
LM : La presse dominicaine vulgarise-t-elle les actions entreprises pour l’amélioration des relations entre les deux peuples ?
JSR : La presse dominicaine vulgarise plus que la presse haïtienne les progrès qui se réalisent dans les deux pays. Je fais appel, avec beau- coup de respect, à la presse des deux pays pour mettre en évidence tout ce travail collectif qui se fait. J’ai remarqué qu’elle monte le ton particulièrement quand il y a crise. Donnons peu d’importance aux choses qui peuvent affecter négativement les relations entre les deux pays. Il faut changer l’image, montrer au monde que Haïti et la République dominicaine peuvent travailler ensemble tout en respectant leur indépendance, leur identité respective. Des entrepreneurs dominicains sont en train de venir en Haïti. J’ai déjà fait trois rencontres avec environ une cinquantaine d’entre- preneurs haïtiens à l’ambassade. Cela se fait conjointement avec la ministre du Commerce et de l’Industrie, Maguy Durcé qui est une femme très dynamique. On a fait aussi des voyages pour voir comment marche le plan de compensation sociale à Ouanaminthe. C’est un projet d’entrepreneurs dominicains qui vise l’amélioration des conditions de vie des travailleurs au niveau de la zone franche.
On a également des entreprises dominicaines qui participent dans la construction des routes. Nous voudrions que ces compagnies qui ont beaucoup d’expériences en République dominicaine, viennent de plus en plus et soient jumelées avec les entreprises haïtiennes. Le ministre des Travaux publics, Frantz Verella, a précisé que des 300 millions de dollars qu’on peut investir dans la construction du réseau routier de la République d’Haïti, les compagnies haïtiennes sont en mesure de s’en approprier 80 millions. Ensemble, on peut absorber ces 300 millions si on procède au jumelage des compagnies de l’île. Je n’adhère pas à l’idée qu’une entreprise dominicaine vienne ici et fasse seule un travail. Il faut que ce soit avec une entreprise haïtienne, laquelle acquerra l’expérience pour qu’après Haïti devienne de plus en plus indépendante à tous les niveaux.
LM : Parlez-nous un peu de votre expérience dans la mise en œuvre des accords entre les deux pays et la perception du peuple dominicain?
JSR : Vous savez, les églises catholiques des deux pays ont de très bons rapports. D’ailleurs, les conférences épiscopales font des rencontres régulières. Chaque fois que l’Église catholique dominicaine sort un document relatif au rapport haïtiano-dominicain, elle le fait avec beaucoup de maturité, d’équilibre. L’Église catholique dominicaine a fait des avancées extraordinaires. Elle se prépare pour le progrès de notre pays en comprenant que le monde change. Je crois que le peuple et l’État dominicains ont apprécié les derniers changements qui ont lieu et ont salué la réalisation d’élections démocratiques en Haïti. Et la presse dominicaine assure le suivi en venant faire des reportages, des interviews avec le chef de l’État haïtien qui a un incontestable charisme. Mais, vous savez que le président Fernandez a amélioré son français. Je m’imagine que c’est parce qu’il savait qu’il allait avoir beaucoup plus de rapports avec le président Préval.
vendredi 2 mars 2007
Source Journal Le Matin sur http://www.lematinhaiti.com
Pronto la version en castellano disponible en http://haitirectoverso.blogspot.com
Par Marc-Kenson Josephjmarckenson@lematinhaiti.com
Dans une interview exclusive accordée au Matin, l’ambassadeur dominicain, Jose Serulle Ramia, homme « de foi et d’enthousiasme », a fait un vibrant plaidoyer pour le renforcement des relations entre les peuples dominicain et haïtien. Construisons l’île ensemble, n’a-t-il cessé d’exhorter tout au cours de l’entretien qui s’est déroulé autour des différents sujets qui marquent quotidiennement l’actualité haitiano-dominicaine. L’ambassadeur dominicain a répondu aux questions de notre éditorialiste en chef, Claude Moise, de notre rédacteur en chef, Clarens Fortuné, de l’éditorialiste Roody Edmé et du reporter Marc-Kenson Joseph.
Le Matin : Ce 27 février ramène le 163è anniversaire de l’indépendance de votre pays. Pourriez-vous faire un survol historique ?
José Serulle Ramia : Dès sa naissance, la nation dominicaine a connu des heures très difficiles. Il faut rappeler que l’île Quisqueya n’a pas été divisée par les Dominicains ni par les Haïtiens. Ce sont les puissances coloniales qui ont fragmenté ce territoire. Elles ont créé des conditions différentes des points de vue culturels, socio- économique, d’exploitation du territoire. Plus de 600 000 esclaves ont été recensés en Haïti où il y avait un système de plantation très cruel depuis le transport des Noirs à partir d’Afrique en 1503. L’économie était basée sur l’exploitation intensive. La division de l’île à travers les luttes de puissances colonialistes de l’époque a marqué son histoire.
À partir de 1800 des intérêts distincts se sont manifestés d’un côté comme de l’autre. Il y avait déjà des commerçants espagnols dans le Saint-Domingue espagnol qui avaient leurs propres intérêts. Des classes sociales étaient nées chez nous. L’église catholique s’imposait. La langue espagnole s’était taillée une place. De l’autre côté, il y avait le français puis le créole patois qui s’est tissé au niveau des plantations, en même temps que des croyances propres aux esclaves. Un synchrétisme très particulier était remarqué chez ces derniers qui recherchaient une voie de libération sous l’empire de l’esclavage.
On a créé des circonstances pour que des cultures plus ou moins différentes surgissent sur une même île. Un phénomène unique dans le monde. Plus unique au moment de la formation de l’État haïtien en 1804 et celle de l’État dominicain en 1834. Il n’existe aucune île au monde où il y a deux États indépendants. Cela enrichit la vie même des deux peuples qui ont des traditions différentes, des couleurs différentes à tous les niveaux. On a deux systèmes politiques, économiques qui se sont définis à travers l’histoire dans des circonstances totalement différentes. Mais, on a aussi des racines communes : Afrique, Espagne, France, États- Unis, Angleterre. On a connu les interventions des Etats-Unis (1815 en Haïti, 1816 en République dominicaine) qui ont marqué la vie économique, sociale, politique et culturelle des deux pays. Il y a eu encore en 1965 une autre intervention des États-Unis en République dominicaine. Nos histoires ont été construites sur la base de circonstances indépendantes de la volonté de nos peuples. Il faut réécrire cette histoire. C’est très important pour l’éducation de nos enfants, de nos populations, afin que celles-ci puissent combattre toute sorte de préjugés.
LM : Que faut-il retenir de la période de séparation?
JSR : À l’époque de notre indépendance, il y a eu une certaine séparation vis-à-vis d’Haïti. Mais, c’étaient des circonstances très spécifiques. Par exemple, le président Boyer s’était rendu en République dominicaine sur la demande des commerçants qui se sentaient abandonnés par l’Espagne. Alors qu’ils voyaient en Boyer une façon de faire recette, ce dernier, malheureusement, appliquait de mauvaises politiques. Il appliquait de bonnes politiques d’un côté parce qu’il avait mis fin à l’esclavage dans la partie Est et distribué des terres mais il posait des actions non convenables d’un autre côté, notamment la fermeture de l’université de Saint-domingue, la première université du Nouveau Monde. Il s’était mis aussi en contradiction avec l’Église catholique qui était une puissance spirituelle mais également une puissance sociale du point de vue de propriété. Le peuple haïtien était un peu fatigué car son dirigeant s’était transformé en despote. L’avènement du général Geffrard au pouvoir (1859-1868) coïncidait avec l’annulation de l’indépendance de la République dominicaine par la puissance espagnole qui occupait une fois de plus le territoire national avec un mauvais gouvernement. L’économie était basée sur une exploitation libre du bétail et du bois. En 1834, c’était le secteur le plus conservateur qui avait pris le pouvoir. Pedro Santana– premier président dominicain – cherchait constamment le prétexte de l’invasion haïtienne pour rattacher la République dominicaine à l’Espagne. Ce rattachement fut contesté et le 16 août 1863, la guerre de Restauration éclata. C’est ce que j’appelle la véritable guerre de l’indépendance qui dura plus de deux ans. En 1865, grâce, entre autres, au général Gregorio Luperón qui combattit Santana, l’indépendance fut restaurée. L’histoire de la République dominicaine est très bouleversée. Elle n’est pas rectiligne. Mais, un constat : à partir de la séparation en1844, il n’ y a pas eu de vraie guerre entre les deux républiques. On a connu la guerre de la restauration et il y a eu certes des problèmes. La nation dominicaine et la nation haïtienne se sont construites.
LM : À quoi faut-il s’attendre ?
JSR : Ce qu’il faut chercher maintenant c’est voir comment les deux nations peuvent partager un avenir d’où le préjugé sera totalement éliminé. Le véritable patriotisme, c’est construire l’île (Quisqueya). Construire chaque nation dans un esprit de paix, de dialogue permanent, de réalisations concrètes. Il faut des coopérations aux niveaux économique, technique, éducatif et sanitaire. Il faut penser à rétablir une politique migratoire. Construire une politique commune comme l’Europe. Les États ont commencé petit à petit. Ils étaient 2, 6 puis 25. Avec toutes leurs différences. Nous sommes une petite île, alors pourquoi ne pouvons-nous pas vivre en paix en construisant un avenir ?.La solution ne sera jamais dans la division, la guerre. Vous vous imaginez une guerre entre les deux républiques. Qu’est-ce que cela peut apporter ?
LM : Selon vous, quelle est la pierre d’achoppement au fonctionnement de la commission mixte binationale ?
JSR : On doit multiplier les contacts. C’est cela le problème. L’instabilité (minimum de sécurité) aussi chez le peuple haïtien en est un autre. Il faut que les relations soient transparentes, honnêtes. Il y a de bonnes conditions pour que la commission mixte puisse démarrer. Elle doit être dynamique et non bureaucratique. Récemment, j’ai assisté à une conversation téléphonique franche entre les présidents Préval et Fernandez. Ils ont parlé comme des frères. Ce sont deux chefs d’État, deux interlocuteurs valables qui se comprennent. Ils ont conscience de la nécessité d’œuvrer pour l’établissement de bons rapports entre les deux pays. Vraiment, c’est une occasion historique qui nous est offerte. Il faut en profiter. Les ministres, les maires, les sociétés civiles, les institutions des deux pays doivent se jumeler. Les citoyens des deux pays ont pour obligation de connaître l’île entière. Je suis ici depuis deux ans et j’ai voyagé à travers les dix départements d’Haïti sans avoir été sujet au moindre geste d’hostilité. On doit changer l’image d’Haïti. On a exagéré au cours de l’histoire en présentant une image négative de ce coin de l’île. Il faut la contribution de la République dominicaine. Mais, il faut surtourt que le peuple haïtien s’unisse pour projeter une autre image. Haïti a une richesse extraordinaire, une puissance créative aux points de vue culturel et artistique. La biodiversité et les potentialités éco- touristiques de l’île sont énormes. Et, avec une commission mixte efficace et efficiente nous pouvons ensemble faire avancer les choses. Le bien-être des Haïtiens, c’est le bonheur des Dominicains. Nous n’avons pas de conflit individuel. Vous savez, les populations ont moins de problème, moins de conflit sur la ligne frontalière. Quand il y a une grande migration dans un pays, c’est normal que l’on enregistre des conflits personnels, familiaux entre nationaux et immigrés. Mais, ce n’est pas au niveau de la frontière que l’on rencontre ces problèmes. On constate une relation d’harmonie entre les gens de la frontière. Toutefois, on constatera des indices de pauvreté des deux côtés. Il faut reconstruire et sécuriser la frontière entre les deux pays. Les Forces armées dominicaines le font mais cela ne suffit pas. L’État haïtien doit lui aussi œuvrer en ce sens.
LM : N’y a-t-il pas un projet de l’Union européenne relative à cette situation ?
JSR : En effet, il y a un projet très important de l’Union européenne (UE) en cours au niveau de Ouanaminthe-Dajabon qui doit être inauguré bientôt. On considère aussi la possibilité de construire probablement des bureaux de douane en commun. La construction de la route entre Dajabon et Cap-Haïtien est en cours. Cela va ouvrir un grand marché sur le Nord des deux pays. Je dis que c’est la voie à des échanges de plus de 400 millions de dollars par an, tenant compte du nombre de résidents dans cette zone. On peut faire des villages touristiques avec des itinéraires touristiques communs (Citadelle, Labadee, la baie de l’Acul…).J’ai déjà parlé au ministre des Affaires étrangères extérieures, M. Jean-Raynald Clérismé qui m’a exposé le désir du gouvernement de construire des commissariats dans la zone frontalière afin d’avoir une présence véritable. Le ministre des Travaux publics Frantz Verella, s’est exprimé en faveur de la construction de route pouvant relier toutes les villes frontalières. Des efforts qui vont améliorer les échanges commerciaux, culturels, sont en train de se faire
LM : Avez-vous une idée du chiffre des exportations entre les républiques dominicaine et haïtienne ?
JSR : Officiellement on parle de 147-250 millions de dollars américains. Moi, en tant qu’économiste et observateur, je parle de plus de 500 millions de dollars américains, un chiffre qui a tendance à augmenter de plus en plus. Pour- quoi Haïti doit importer d’autres pays lointains s’il y a un marché tout près, des frères et des sœurs dominicains. Ce que je souhaite en tant que citoyen de cette île, c’est qu’Haïti augmente son offre en exportation également. Certains disent que « les Dominicains ferment leurs barrières aux produits haïtiens », ce n’est pas vrai. Il y a un système de tarif douanier un peu différent de celui d’Haïti, mais tout cela peut être négocié entre les gouvernements. On doit s’asseoir pour autoriser le passage des marchandises libres, les tarifs que l’on va mettre sur chaque produit haïtien, etc. L’économie haïtienne s’est beaucoup plus libéralisée que celle de la Dominicanie. Ça fait peut-être du bien mais ça fait peut-être du mal aussi. C’est à vous d’analyser cela. On (République dominicaine) applique une libéralisation progressive, car il faut appliquer des politiques commerciales qui protègent les producteurs nationaux. De ce fait, on décide d’augmenter nos tarifs afin de rendre beaucoup plus compétitifs les producteurs nationaux.
Puis, graduellement on baisse les prix. On a vu au cours des dernières années une croissance du produit intérieur brut à 12 %. Je vois que l’économie haïtienne aspire à une croissance de 4 %. Si cela se maintient pendant 3 à 5 ans ou augmente, on dira qu’Haïti commencera vraiment à s’en sortir et est devenue un pays prospère socio économiquement.
LM : Les intellectuels dominicains dans le temps faisaient la promotion de l’histoire commune entre les deux peuples. Quel rôle jouent-ils aujourd’hui dans la perception de l’histoire de l’île ?
JSR : Ces intellectuels continuent à faire leur boulot. Certains nationalistes dominicains croient qu’ils ont une vision correcte du monde. Ils défendent leurs intérêts. Faut pas les diaboliser. Ce sont des gens qui contribuent au dialogue et qui sont conscients de l’importance des rapports harmonieux entre les deux pays. C’est pour cela que j’appelle les deux peuples à se battre pour que leurs relations soient véritablement améliorées, basées sur le respect des identités, la diversité. Il y a une chose commune que personne ne peut nier : le territoire. Ce sont nos rivières nos montagnes, nos oiseaux, nos cultures comme a parlé René Depestre. Ce dernier a parlé de peuple de culture, pas une culture. Moi, j’aimerais bien qu’il y ait une matière commune au niveau de l’enseignement sur la géographie et l’histoire. Parce que les gens doivent connaître la géographie de l’île. Pour qu’ils comprennent l’importance du vivre ensemble. On a un privilège, Quisqueya est la troisième île du monde riche en biodiversité. Il faut faire des programmes de sauvegarde de la nature, développer l’écotourisme, construire des routes écotouristiques : route des paysages, route des indiens, route pour observer les plantes et nos montagnes qui sont si belles. Avant, il n’y avait pas de foire écotouristique et de production binationale. Cela met en mouvement toute une série d’institutions de la société civile, des intellectuels dominicains, des producteurs. Pour la première foire réalisée à Fonds-Parisien, plus de 60 000 Dominicains s’y étaient rendus. Plus de 150 000 Haïtiens s’étaient rendus à Dajabon pour la deuxième édition. Les Dominicains ne savaient pas s’il y avait le lac Azueï. Une beauté curieuse. Les premiers jeux de l’amitié étaient un grand succès en dépit d’une faible participation.La 4ème édition de la Foire binationale qui se prépare pour le 24 novembre au mois de décembre à Belladères touchera tout le Plateau central et quatre provinces dominicaines. Les maires, les intellectuels des deux pays vont se côtoyer. Faut pas considérer seulement les intellectuels de la capitale. Il faut démocratiser ces initiatives.
LM : Et le problème migratoire est un point sensible ?
JSR : Les deux gouvernements doivent discuter franchement. Il y aura toujours des rapatriements tant que le problème migratoire n’est pas résolu. La migration n’est pas un mal. Les États-Unis se sont construits grâce aux immigrants. Aujourd’hui, plus d’un million de migrants haïtiens et plus d’un million de migrants dominicains sont recensés là-bas. Les migrants haïtiens en République dominicaine apportent beaucoup (300-400 millions de dollars par an) à l’économie haïtienne. L’État dominicain, conscient de cette situation, a consacré 27 % de son budget aux travailleurs (population haïtienne vivant en république voisine).Environ 90 % des Haïtiens travaillent dans tous les secteurs en République dominicaine. L’apport de ces travailleurs à l’économie dominicaine est considérable. Il faut cependant identifier chaque citoyen haïtien qui rentre en République dominicaine, établir une carte de séjour. Si les deux États restent à l’écart des solutions, ce problème persistera. Cependant, l’immigration haïtienne a beaucoup changé, il faut expliquer au peuple haïtien que ce n’est pas l’immigration des années 60,70, voire même 80 qui était destinée aux bateyes.
LM : Le sommet contre la drogue aura lieu prochainement en République dominicaine. Les préparatifs sont au point ?
JSR : Il y a une délégation – le ministre de la Justice en fait partie– qui part dans les prochains jours pour une réunion préparatoire du sommet contre la drogue (initié par le président René Préval). On (les deux pays) est envahi par la drogue. Mais, nous ne sommes pas responsables ni en tant que producteur ni en tant que consommateur. Nous ne sommes pas des producteurs de drogue, ni de grands consommateurs. Nonobstant, nos enfants, nos populations payent les conséquences. Et nos États n’ont pas de ressources pour combattre ce fléau. Il faut établir une politique commune là-dessus. Les deux États sont très affectés.
LM : Comment sont les relations entre l’ambassade et le ministère de l’Environnement ?
JSR : Je crois qu’il y a de très bonnes relations entre les deux peuples. Nous avons de très bonnes relations avec M. Germain, le ministre de l’Environnement et avec tous les autres ministres. J’essaie de stimuler les ministres haïtiens pour qu’ils aillent en République dominicaine et vice-versa. C’est un effort permanent que je fais. Je m’arrange afin que le président Leonel Fernandez soit en contact de plus en plus étroit avec le président Préval. Mon rôle est de contribuer à l’amélioration des rapports entre les deux pays, des facteurs d’unité dans l’action concrète pour résoudre les problèmes. Je suis pour l’élimination des facteurs discordants.
LM : Que préconisez-vous ?
JSR : Je prône la construction d’une route écotouristique au niveau de la frontière. On y remarquera le parc de Bahoruco, la forêt des pins, Duverge, etc. Il faut construire des villages modèles où les services de base (l’accès à l’éducation, la santé, la production agricole, l’élevage de bétail…), sont offerts dans le but de regrouper les populations qui sont isolées. C’est ainsi que l’on construit la patrie. En fait, ce qui sépare les êtres humains, c’est l’indigence. Il faut éliminer la pauvreté, le trafic illégal de marchandises, celui des travailleurs et des armes. Si on met de l’ordre dans nos relations, on verra combien d’Haïtiens vont en République dominicaine, combien y resteront et combien retourneront en Haïti. On verra, en outre, combien de marchandises circulent d’un côté à l’autre car il y a 64 postes frontaliers et personne n’en parle. Pourquoi ? Je ne sais pas et je n’accepterai jamais que l’on cache des choses aux deux peuples.
LM : Votre impression du peuple haïtien ?
JSR : J’ai une immense admiration pour le peuple dominicain et je ressens la même chose pour le peuple haïtien, sa culture, ses intellectuels, ses poètes, ses romanciers... C’est un peuple valeureux ; La manière dont les Haïtiens et les Haïtiennes travaillent avec dévouement, voir les femmes haïtiennes qui se réveillent à 4 heures du matin pour envoyer leurs enfants à l’école. Elles ne veulent pas que leurs progénitures vivent dans les mêmes conditions qu’elles ont vécues. Les travailleurs haïtiens sont vraiment responsables.Quand on parle des écrivains haïtiens, on décrit l’âme et la culture de tout un peuple. Quand on voit un tableau naïf haïtien, c’est vraiment la richesse culturelle concentrée. C’est un peuple qui veut le bonheur. Il faut que les artistes dominicains viennent en Haïti. D’ailleurs, ce 2 mars, le festival de l’île aura lieu en République dominicaine. On prépare un festival de la musique qui aura lieu cette année à Jacmel. J’établis les contacts pour que les artistes dominicains puissent y participer. On a la foire écotouristique binationale qui se tiendra du 22 mars au 1er avril. L’État et le peuple haïtien sont invités. Le ministère haïtien de la Culture et l’ambassade dominicaine en Haïti sont en train de discuter sur une éventuelle rencontre entre intellectuels et artistes haïtiano-dominicains au Cap-Haïtien au cours de cette année. Le ministre du Tourisme a proposé qu’elle se réalise à la Citadelle Laferrière.Les ministres de la Culture des deux pays ont de très bons rapports. Ils vont signer prochainement un important accord de travail. Ce vendredi, le ministre de l’Éducation se rendra en République dominicaine pour rencontrer le ministre dominicain de l’Éducation supérieure, science et technologie.
LM : La presse dominicaine vulgarise-t-elle les actions entreprises pour l’amélioration des relations entre les deux peuples ?
JSR : La presse dominicaine vulgarise plus que la presse haïtienne les progrès qui se réalisent dans les deux pays. Je fais appel, avec beau- coup de respect, à la presse des deux pays pour mettre en évidence tout ce travail collectif qui se fait. J’ai remarqué qu’elle monte le ton particulièrement quand il y a crise. Donnons peu d’importance aux choses qui peuvent affecter négativement les relations entre les deux pays. Il faut changer l’image, montrer au monde que Haïti et la République dominicaine peuvent travailler ensemble tout en respectant leur indépendance, leur identité respective. Des entrepreneurs dominicains sont en train de venir en Haïti. J’ai déjà fait trois rencontres avec environ une cinquantaine d’entre- preneurs haïtiens à l’ambassade. Cela se fait conjointement avec la ministre du Commerce et de l’Industrie, Maguy Durcé qui est une femme très dynamique. On a fait aussi des voyages pour voir comment marche le plan de compensation sociale à Ouanaminthe. C’est un projet d’entrepreneurs dominicains qui vise l’amélioration des conditions de vie des travailleurs au niveau de la zone franche.
On a également des entreprises dominicaines qui participent dans la construction des routes. Nous voudrions que ces compagnies qui ont beaucoup d’expériences en République dominicaine, viennent de plus en plus et soient jumelées avec les entreprises haïtiennes. Le ministre des Travaux publics, Frantz Verella, a précisé que des 300 millions de dollars qu’on peut investir dans la construction du réseau routier de la République d’Haïti, les compagnies haïtiennes sont en mesure de s’en approprier 80 millions. Ensemble, on peut absorber ces 300 millions si on procède au jumelage des compagnies de l’île. Je n’adhère pas à l’idée qu’une entreprise dominicaine vienne ici et fasse seule un travail. Il faut que ce soit avec une entreprise haïtienne, laquelle acquerra l’expérience pour qu’après Haïti devienne de plus en plus indépendante à tous les niveaux.
LM : Parlez-nous un peu de votre expérience dans la mise en œuvre des accords entre les deux pays et la perception du peuple dominicain?
JSR : Vous savez, les églises catholiques des deux pays ont de très bons rapports. D’ailleurs, les conférences épiscopales font des rencontres régulières. Chaque fois que l’Église catholique dominicaine sort un document relatif au rapport haïtiano-dominicain, elle le fait avec beaucoup de maturité, d’équilibre. L’Église catholique dominicaine a fait des avancées extraordinaires. Elle se prépare pour le progrès de notre pays en comprenant que le monde change. Je crois que le peuple et l’État dominicains ont apprécié les derniers changements qui ont lieu et ont salué la réalisation d’élections démocratiques en Haïti. Et la presse dominicaine assure le suivi en venant faire des reportages, des interviews avec le chef de l’État haïtien qui a un incontestable charisme. Mais, vous savez que le président Fernandez a amélioré son français. Je m’imagine que c’est parce qu’il savait qu’il allait avoir beaucoup plus de rapports avec le président Préval.
vendredi 2 mars 2007
Source Journal Le Matin sur http://www.lematinhaiti.com
Pronto la version en castellano disponible en http://haitirectoverso.blogspot.com
LECINEMA HAITIEN RECOMPENSE EN AFRIQUE
Le cinéaste haïtien Arnold Antonin décroche deux Prix au FESPACO 2007, au Burkina Faso
Le président a-t-il le Sida ? obtient notamment le Prix du meilleur long métrage de la diaspora africaine au plus grand festival de cinéma d’Afrique
dimanche 4 mars 2007,
Radio Kiskeya
Le film haïtien "Le président a-t-il le Sida ?" du réalisateur Arnold Antonin a raflé deux Prix lors de la 20e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) qui s’est achevé samedi soir dans la capitale du Burkina Faso, a annoncé le site officiel de la plus grande manifestation cinématographique du continent noir.
Dans la catégorie intitulée Compétition long métrage de la diaspora africaine, le cinéaste haïtien a remporté le Prix Paul Robeson qui comporte une bourse de 2.000.000 de francs CFA et un trophée monument. Le Prix lui a été remis par le ministre togolais de la culture, Gabriel M. Dosseh-Anyron.
Arnold Antonin est également le lauréat du Prix spécial du comité national burkinabè de lutte contre le Sida et les IST, d’une valeur de 2.000.000 de francs CFA plus un trophée. Une récompense pour l’actualité et le caractère dramatique du sujet.
Le président a-t-il le Sida ?, dont les premiers rôles masculin et féminin sont interprétés respectivement par l’acteur haïtien évoluant à Hollywood, Jimmy Jean-Louis et la jeune Gessica Généus, est sorti en salle à Port-au-Prince en 2006. Il jette un regard inquisiteur sur la culture dominante des villes haïtiennes à travers l’histoire d’un macho, superstar du Compas, la musique populaire, qui a contracté le virus du Sida en multipliant les conquêtes féminines.
Interrogé dans le cadre de l’émission Cinéma d’aujourd’hui/cinéma sans frontières de Radio France Internationale (RFI), peu avant l’attribution des Prix, Arnold Antonin avait regretté avoir parcouru sur deux jours des milliers de kilomètres pour une seule projection de son œuvre dans le cadre du festival. Il avait aussi modestement reconnu que le cinéma haïtien en est encore à ses débuts.
"Je suis content mais, je ne suis pas trop fier. Car, ce que nous faisons en Haïti est encore dérisoire par rapport aux films que réalisent les africains", a déclaré le cinéaste qui en a profité pour faire un diagnostic de l’évolution des pratiques et de l’environnement cinématographiques du pays. Il a mis en garde contre des dangers qui menacent l’avenir du 7e art, l’insécurité sociopolitique qui pousse le public à déserter les salles, le piratage sauvage qui ne laisse aucune place à l’exercice des droits d’auteur dans le processus d’exploitation commerciale des films, la projection sans autorisation des films par les télévisions locales et la médiocrité qui caractérise beaucoup de productions cinématographiques.
A contrario, M. Antonin a mis en relief deux facteurs pouvant contribuer à l’émergence d’un cinéma haïtien, l’enthousiasme des cinéphiles et le talent naturel d’une masse critique d’acteurs amateurs.
Membre récemment du jury du FESPACO, le créateur haïtien relève dans les films sélectionnés cette année des progrès notables sur le plan technique et artistique tout en exprimant de sérieuses réserves sur le champ thématique exploré.
Dans la catégorie Films du monde, Cousines, un long métrage d’un autre cinéaste haïtien, Richard Sénécal, était également en compétition au Fespaco 2007 qui avait été lancé le 24 février sous la présidence d’honneur du célèbre saxophoniste camerounais Manu Dibango.
Vers le Sud, un film du français Laurent Cantet qui dépeint l’univers du tourisme sexuel et l’insouciance des années 70 en Haïti se trouvait dans la même catégorie que Cousines. Le casting réunissait la célèbre comédienne britannique Charlotte Rampling, l’américaine Karen Young et un jeune acteur haïtien, Ménothy César, dont le talent a déjà été salué à la Mostra de Venise.
Enfin, un rappel qui n’est pas de trop. Le plus connu des cinéastes haïtiens, Raoul Peck, avait déjà reçu une distinction il y a quelques années à Ouagadougou pour "Lumumba ou la mort du prophète", un film documentaire qui retraçait la fulgurante carrière politique et le destin tragique de Patrice Lumumba, le père de l’indépendance du Congo-Kinshasa, assassiné en 1961, sept mois seulement après la naissance de la nation. spp/RK
Il est de bon ton de constater que le cinéma haïtien avance à grands pas malgré le contexte délicat que subit la société haïtienne qui a du modifier complètement ses habitudes. A défaut d’être noctambules émérites les après midi de cinéma représentent sans nul doute un exutoire sain pour ne pas se cloîtrer uniquement derrières les exigences incontournables du boulot et de l’école.
Depuis Anita de Rassoul Labuchin mettant en scène Chantal Guérin - qui vit actuellement en France présidente d’une association assurant la promotion de l’art haïtien et que ni demande qu’à reprendre du service au moment de ce boom du cinéma couleur locale, - jusqu’à la consécration de Monsieur Arnold Antonin avec « Le Président a-t-il le SIDA ? » bien de cinéastes ont essayé de produire pour un public qui devait au fil du temps s’accrocher à l’imagination locale quand le diminution de la fréquentation des salles de cinéma, insécurité oblige , rendait non rentable la projection des grandes productions hollywoodiennes.
Dans ce contexte, l’interminable, l’inusable REX THEATRE, a offert dans les années 90 ses salles aux films Haïtiens produits et réalisés par Monsieur DELERME. Il fallait constater le succès de ces films qui projetaient avec une ingénuité et candeur les scènes de la vie courante. Les dialogues sortaient tout droit du parler quotidien haïtien.
Il fallait s’attendre à une vraie professionnalisation du cinéma haïtien avec l’expérience, la formation et l’apprentissage. Les œuvres de Monsieur RAOUL PECK font le bonheur des cinéphiles dans des festivals à terme. Une de ses productions est attendue et sera diffuser sur les chaînes du service public en France.
Avec un acteur avec la présence et le talent d’un Jimmy Jean Louis il y a de quoi titiller le sommet avec le travail et l’implication de tous les secteurs concernés.
Bravo Monsieur ANTONIN on voudrait seulement que ce film ait la diffusion qu’elle mérite.
Avec le musicien Bélo, qui va bientôt parcourir tout le continent africain comme exposant de la musique haïtienne et la participation notoire et victorieuse du cinéaste ANTONIN, Haïti, à l’instar de l’enfant prodigue manifeste son intention de reprendre droit de cité dans le cœur des africains.
Le président a-t-il le Sida ? obtient notamment le Prix du meilleur long métrage de la diaspora africaine au plus grand festival de cinéma d’Afrique
dimanche 4 mars 2007,
Radio Kiskeya
Le film haïtien "Le président a-t-il le Sida ?" du réalisateur Arnold Antonin a raflé deux Prix lors de la 20e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) qui s’est achevé samedi soir dans la capitale du Burkina Faso, a annoncé le site officiel de la plus grande manifestation cinématographique du continent noir.
Dans la catégorie intitulée Compétition long métrage de la diaspora africaine, le cinéaste haïtien a remporté le Prix Paul Robeson qui comporte une bourse de 2.000.000 de francs CFA et un trophée monument. Le Prix lui a été remis par le ministre togolais de la culture, Gabriel M. Dosseh-Anyron.
Arnold Antonin est également le lauréat du Prix spécial du comité national burkinabè de lutte contre le Sida et les IST, d’une valeur de 2.000.000 de francs CFA plus un trophée. Une récompense pour l’actualité et le caractère dramatique du sujet.
Le président a-t-il le Sida ?, dont les premiers rôles masculin et féminin sont interprétés respectivement par l’acteur haïtien évoluant à Hollywood, Jimmy Jean-Louis et la jeune Gessica Généus, est sorti en salle à Port-au-Prince en 2006. Il jette un regard inquisiteur sur la culture dominante des villes haïtiennes à travers l’histoire d’un macho, superstar du Compas, la musique populaire, qui a contracté le virus du Sida en multipliant les conquêtes féminines.
Interrogé dans le cadre de l’émission Cinéma d’aujourd’hui/cinéma sans frontières de Radio France Internationale (RFI), peu avant l’attribution des Prix, Arnold Antonin avait regretté avoir parcouru sur deux jours des milliers de kilomètres pour une seule projection de son œuvre dans le cadre du festival. Il avait aussi modestement reconnu que le cinéma haïtien en est encore à ses débuts.
"Je suis content mais, je ne suis pas trop fier. Car, ce que nous faisons en Haïti est encore dérisoire par rapport aux films que réalisent les africains", a déclaré le cinéaste qui en a profité pour faire un diagnostic de l’évolution des pratiques et de l’environnement cinématographiques du pays. Il a mis en garde contre des dangers qui menacent l’avenir du 7e art, l’insécurité sociopolitique qui pousse le public à déserter les salles, le piratage sauvage qui ne laisse aucune place à l’exercice des droits d’auteur dans le processus d’exploitation commerciale des films, la projection sans autorisation des films par les télévisions locales et la médiocrité qui caractérise beaucoup de productions cinématographiques.
A contrario, M. Antonin a mis en relief deux facteurs pouvant contribuer à l’émergence d’un cinéma haïtien, l’enthousiasme des cinéphiles et le talent naturel d’une masse critique d’acteurs amateurs.
Membre récemment du jury du FESPACO, le créateur haïtien relève dans les films sélectionnés cette année des progrès notables sur le plan technique et artistique tout en exprimant de sérieuses réserves sur le champ thématique exploré.
Dans la catégorie Films du monde, Cousines, un long métrage d’un autre cinéaste haïtien, Richard Sénécal, était également en compétition au Fespaco 2007 qui avait été lancé le 24 février sous la présidence d’honneur du célèbre saxophoniste camerounais Manu Dibango.
Vers le Sud, un film du français Laurent Cantet qui dépeint l’univers du tourisme sexuel et l’insouciance des années 70 en Haïti se trouvait dans la même catégorie que Cousines. Le casting réunissait la célèbre comédienne britannique Charlotte Rampling, l’américaine Karen Young et un jeune acteur haïtien, Ménothy César, dont le talent a déjà été salué à la Mostra de Venise.
Enfin, un rappel qui n’est pas de trop. Le plus connu des cinéastes haïtiens, Raoul Peck, avait déjà reçu une distinction il y a quelques années à Ouagadougou pour "Lumumba ou la mort du prophète", un film documentaire qui retraçait la fulgurante carrière politique et le destin tragique de Patrice Lumumba, le père de l’indépendance du Congo-Kinshasa, assassiné en 1961, sept mois seulement après la naissance de la nation. spp/RK
Il est de bon ton de constater que le cinéma haïtien avance à grands pas malgré le contexte délicat que subit la société haïtienne qui a du modifier complètement ses habitudes. A défaut d’être noctambules émérites les après midi de cinéma représentent sans nul doute un exutoire sain pour ne pas se cloîtrer uniquement derrières les exigences incontournables du boulot et de l’école.
Depuis Anita de Rassoul Labuchin mettant en scène Chantal Guérin - qui vit actuellement en France présidente d’une association assurant la promotion de l’art haïtien et que ni demande qu’à reprendre du service au moment de ce boom du cinéma couleur locale, - jusqu’à la consécration de Monsieur Arnold Antonin avec « Le Président a-t-il le SIDA ? » bien de cinéastes ont essayé de produire pour un public qui devait au fil du temps s’accrocher à l’imagination locale quand le diminution de la fréquentation des salles de cinéma, insécurité oblige , rendait non rentable la projection des grandes productions hollywoodiennes.
Dans ce contexte, l’interminable, l’inusable REX THEATRE, a offert dans les années 90 ses salles aux films Haïtiens produits et réalisés par Monsieur DELERME. Il fallait constater le succès de ces films qui projetaient avec une ingénuité et candeur les scènes de la vie courante. Les dialogues sortaient tout droit du parler quotidien haïtien.
Il fallait s’attendre à une vraie professionnalisation du cinéma haïtien avec l’expérience, la formation et l’apprentissage. Les œuvres de Monsieur RAOUL PECK font le bonheur des cinéphiles dans des festivals à terme. Une de ses productions est attendue et sera diffuser sur les chaînes du service public en France.
Avec un acteur avec la présence et le talent d’un Jimmy Jean Louis il y a de quoi titiller le sommet avec le travail et l’implication de tous les secteurs concernés.
Bravo Monsieur ANTONIN on voudrait seulement que ce film ait la diffusion qu’elle mérite.
Avec le musicien Bélo, qui va bientôt parcourir tout le continent africain comme exposant de la musique haïtienne et la participation notoire et victorieuse du cinéaste ANTONIN, Haïti, à l’instar de l’enfant prodigue manifeste son intention de reprendre droit de cité dans le cœur des africains.
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