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Durant les trois jours gras du carnaval de Port-au-Prince, du dimanche 3 au mardi 5 février, environ 300 groupes déguisés ont défilé tandis que 39 reines et 21 rois trônaient sur 16 chars allégoriques. Une vingtaine de chars sonores et une quinzaine de bandes à pieds – retenues par voie de concours – ont gratifié les carnavaliers d’une animation à tout casser. L’engouement et la foule des participants n’ont pas trahi les pronostics officiels selon lesquels, approximativement, un million de fêtards devraient prendre part, cette année, aux festivités. C’est dans un débordement d’enthousiasmes, de déhanchements et de dérisions des préjugés de classes et tabous sociaux que s’est déroulée cette fête autour du thème « Yon Ayiti vèt s’on Ayiti banda » choisi pour sensibiliser les fêtards aux problèmes de déboisement et de la dégradation de l’environnement. Dans la même perspective, la mairie de Portau-Prince a retenu le sous-thème « Rale mennen vini pou yon Ayiti vèt ». Le carnaval s’est révélé, cette fois encore, la plus grande fête populaire du pays.
On ne savait quoi danser !
Partis du stade Sylvio Cator, la majorité des groupes arboraient des déguisements divers, représentant, entre autres, des communautés indiennes et différentes tribus africaines. Le secteur vaudou, à plusieurs niveaux, était très fortement représenté. Des handicapés se déplaçant à l’aide de béquilles ou de chaises roulantes ont été remarqués.
Les paysans et paysannes, les « madan-sara » étaient présents. Quelques-uns portaient des accoutrements qui symbolisent la faune et la flore locales. Des esclaves aux corps enduits de mélasse et avec des anneaux en papier mâché autour du cou, des chaînes aux poignets et aux chevilles, des « bœufs », des «charles-oscar », des «jambesde-bois» et des « Mandan-débourés », des scouts et des jongleurs ont également déambulé à travers les rues. Plusieurs groupes de patineurs, de motards et de cyclistes, des artisans constructeurs de tap-tap et de bus de transport en commun ont honoré le défilé. Il convient aussi de mentionner une certaine présence de l’art naïf haïtien. Des jeunes de la « Fosref » ont marché en scandant des slogans relatifs à la santé reproductive et à la sexualité responsable.
Certaines corporations de femmes ont figuré sur la liste, à travers des bandes à pied. On retient « Fanm Vaudou la » et « Eksperyans rara fanm» issue de l’Atelier « Toto B ». Les féministes de « Fanm pap tann » en ont profité pour faire passer des messages contre la stigmatisation et les violences faites aux femmes.
L’imaginaire collectif était très fortement mis en valeur. Le public avait l’opportunité d’apprécier des mises en scènes et des chorégraphies inspirées du folklore local. Les mannequins et danseurs de « Milocan » de Viviane Gauthier, répartis en maints sous-groupes à l’intérieur d’un périmètre, constituaient la cerise sur le gâteau. Vêtus de costumes bien confectionnés, ils exécutaient des tours prouvant leur talent de vrais danseurs. Ils se détachaient du lot d’autant plus qu’ils ont aussi fait preuve d’une bonne gestion de l’espace tandis que des cordes de pite jointes bout à bout les séparaient très nettement du public.
Néanmoins, une grande cacophonie a régné dans l’aire du Champ de Mars. Pris entre les feux croisés des décibels des discs jockey –Djs–, les groupes déguisés n’ont pas toujours su sur quels pieds danser. Les bandes à pied non plus. Les artistes eux-mêmes en ont fait le constat. Si Michel Martely parle de non sens en ce qui concerne la distance qui sépare les chars sonores, de son côté Manzè, chanteuse du groupe Boukman Eksperyans, crie : « Quelle cacophonie, mes amis ! ». Une grande confusion, occasionnée par un « hurry up » –un empressement–, a caractérisé le défilé, le deuxième jour. Cela n’a pas empêché les commentateurs d’exprimer leur profonde admiration, y compris pour les reines superbement et légèrement vêtues, pour les chorégraphies dans lesquelles les jeunes femmes mettaient leur corps en valeur.
Décoration et animation
« Ah, tous les chars sont beaux cette année », déclare une jeune femme d’une vingtaine d’années, On a effectivement observé un grand effort de décoration tant au niveau des chars allégoriques que des chars sonores.
Diverses tendances musicales ont garanti une animation de tonnerre tout au cours des trois jours gras. Pour le compas, sur l’ensemble des trois jours, « Carimi », « Krezi » et « T-vice » ont excellé. Victimes de défectuosité logistique depuis le premier jour, « Djakout mizik », sorti in extremis le deuxième jour gras et « Kreyòl la» se sont pourtant bien tirés d’affaire les 2e et 3e jours. Quant à « Sweet Micky », certains se contentent de dire tout simplement « Michel Martely » a une fois de plus démontré qu’il a encore du métier. Si ce n’était « Ram », la tendance racine aurait largement passé à côté alors que « Barikad Crew » a su faire de son mieux, côté rap/hip-hop.
C’est un boulevard Jean-Jacques Dessalines et une avenue de
Cette année, des yeux étrangers étaient rivés sur Haïti. Seize chaînes de télévision, nationales et internationales, ont retransmis le carnaval de Port-au-Prince en direct.
vendredi 8 février 2008
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