ETUDIANTE…21 ANS…HAITIENNE…TUEE POUR 475 DOLLARS…
Des criminels il y en a partout. Des crimes, les uns plus horribles que les autres font la une des journaux du monde entier. Il ne semble pas exister une société qui soit complètement immunisée contre la méchanceté, la délinquance, et d’autres maux caractéristiques de nos sociétés actuelles.
Fort heureusement, on n’y pense pas tous les jours. Quand nos enfants sortent le soir et ne rentrent pas ou ne donnent pas signe de vie parce que justement ils se croient majeurs et vaccinés, nous nous inquiétons à moitié sans réaliser que le malheur puisse s’arrêter à notre porte.
Le problème prend carrément une toute autre ampleur en fonction de notre proximité avec la victime. Nos réactions suivent la même logique : de la haine pure et simple en passant par la consternation et d’autres sentiments intermédiaires.
Justement ces derniers temps, j’avais renoué des contacts avec une très bonne amie que j’avais perdue de vue pendant plus de 20 ans. Il s’agit de l’ingénieure Carmen Jacqueline Paniagua que j’avais croisée sur les cours du Campus universitaire de l’Université Autonome de Saint Domingue. Après un parcours de combattant, carrément inimaginable, elle s’apprête à abandonner les Etats-Unis pour retourner chez elle en République Dominicaine.
Elle me disait justement ce qui l’effrayait surtout c’était la délinquance qui sévit dans ce pays très achalandé par les touristes avec peu de moyens financiers. Tous les nationaux sont unanimes à reconnaître l’insécurité qui menace tous les citoyens tandis que les touristes continuent à arriver en flux massif et continue. Les médias jouent leurs rôles comme on dit.
Depuis 48 heures les haïtiens ou les proches d’Haïti vivent avec consternation la disparition d’une jeune étudiante de 21 ans, assassiné de l’autre côté de la frontière pour entre autre lui soutiré 18.000 pesos dominicains. Plutôt 475 dollars !
Un fait divers sans doute. Un fait divers de trop. Une nouvelle page de l’histoire de ce pays qui s’écrit de tragédie en tragédie. Un fait divers qui devrait rassembler toute la famille haïtienne pour réfléchir sérieux et efficacement sur les vrais problèmes du pays pour essayer d’en trouver de vraies solutions.
Mais hélas la vertu que n’a pas eu les inondations de 2008 avec ses plus de 3.000 morts, la vertu que n’aura pas eu le tremblement de terre de 2010 avec son cortège de centaines de milliers de morts, la disparition de ROODLINE LYNDOR ne l’aura surement pas.
Elle n’avait que 21 ans. Elle avait traversé la frontière pour se mettre en lieu sur pour se former. Sans doute caressait-elle l’anxieux espoir de revenir servir son pays ! Elle finit violée par deux malandrins de la pire espèce dont l’un faisait partie d’une institution militaire.
Les criminels n’ont pas de patrie. Comme le crime ne connaît pas de race. Cependant, dans un pays comme la République Dominicaine ou le mot « haïtien » est assimilé à la pire des injures, il m’est souvent arrivé de me demander si un criminel sévissant contre un compatriote ne s’octroie pas une sorte de fausse clémence en se disant qu’avant tout il ne s’agit que d’un haïtien.
J’ai encore en mémoire cette scène de décapitation filmée dans une rue avec des gens qui applaudissaient et qui filmaient cette scène horrible.
La vie de chaque haïtien ressemble à un chemin de croix infini. Nous naissons déjà sans épaules et nous devons traverser les sentiers de cette existence colportant un énorme fardeau : HAITI.
ROOLDINE LYNDOR a cru faire tout ce qu’il fallait. Sa famille et ses proches en étaient convaincus. Aujourd’hui, la mode, la nécessité et la force des choses veulent bien qu’après les études classiques les jeunes haïtiens peu fortunés traversent la frontière poursuivre leurs études universitaires en République Dominicaine.
En 1980, quand j’ai annoncé aux directeurs du Centre d’Etudes Secondaires mon intention d’aller faire des études de médecine là-bas, j’avais reçu en pleine gueule leur réponse comme un coup de tonnerre. Que diable vas-tu faire dans ce pays de coupeurs de canne ? Ils ignoraient que les coupeurs de canne étaient des haïtiens. Ils avaient continué en me disant qu’ils me voyaient bien dans une grande université américaine ou européenne mais pas en République Dominicaine.
Trente ans plus tard, il y a plus d’étudiants universitaires haïtiens en République Dominicaine que d’étudiants universitaires haïtiens en Haïti. Nous vivions mal notre démocratie. Elle ne permet pas de progrès !
Le sort de ROODLINE LYNDOR peut être subi par plus de 20.000 jeunes compatriotes. Allons-nous enfin nous arrêter une minute pour revoir les étapes de ce chemin de croix et de nous poser les bonnes questions ?
Qui doit tirer la sonnette d’alarme ? La Minustah ? l’OEA qui a tranché pendant les élections ? Le Club de Madrid ? La société civile haïtienne ? Le président édenté Michel Martelly ? Le parlement tout-puissant ? Les amis d’Haïti ? Les ONGs ?
ROOLDINE LYNDOR je te plains et je te pleure. Comme toute la nation haïtienne. Tu n’as pas à t’affubler de torts. Tu as fait ce qu’il fallait. Personne ne t’a aidée. Ainsi va la vie. Ainsi meurent petit à petit Haïti et son espoir !