Seringues, compresses de gaze, pochettes et fils de perfusion, pansements, gants, médicaments périmés… le milieu médical produit quotidiennement des tonnes de déchets. Vecteurs d’infections, ces déchets devraient être gérés minutieusement. Et pourtant, ce n’est pas toujours le cas
Les déchets médicaux renvoient aux déchets issus des activités de soin prodiguées dans les structures médicalisées comme les hôpitaux, les laboratoires et les pharmacies.
Selon William Pape, responsable du Centre GHESKIO, « les déchets médicaux, puisqu’ils sont constitués de matériels ayant eu contact avec des sécrétions humaines — sang, crachat, sueur, urine et matières fécales — sont parfois très toxiques et aptes à transmettre des maladies d’une personne à une autre ».
William Pape confie que les déchets médicaux ne peuvent pas être traités comme les autres déchets. Le centre qu’il dirige utilise un incinérateur pour s’en débarrasser.
Comme cela se fait au Centre GHESKIO, William Pape pense qu’« il serait préférable que chaque hôpital d’importance ait son propre incinérateur ». Mais, ce n’est pas le cas vu le coût de l’appareil estimé à environ 150 000 dollars US.
En ce sens, la directrice de promotion de la santé et de protection de l’environnement, au ministère de la Santé publique (MSPP), Joceline Pierre Louis ne confirme l’existence que d’une quarantaine d’incinérateurs dans le système de santé en Haïti. On compte pourtant pas moins de 1048 établissements sanitaires dans le pays, selon un rapport du MSPP sorti en 2015.
Il s’agit cependant d’un problème majeur. Parfois, des instruments et objets épuisés ou rejetés par le monde médical ou pharmaceutique sont réintégrés sur le marché, ce qui pose un risque énorme pour la santé publique et l’environnement.
La réalité dans les hôpitaux
Face à cette réalité, certains hôpitaux utilisent des moyens traditionnels pour détruire leurs déchets qui présentent un risque infectieux. À Léogâne par exemple, Tony Bistiné qui dirige le centre hospitalier de Darbonne se charge lui-même de brûler à l’air libre les déchets médicaux. Sinon, ils finiraient dans la nature.
À l’hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH), le plus grand centre hospitalier du pays, la gestion des déchets médicaux laisse aussi à désirer. Autrefois, selon le chef du syndicat des employés de l’HUEH Joseph Lebien, l’hôpital avait son propre incinérateur. Mais, depuis les récents travaux de reconstruction, cet appareil a été déplacé, sans que personne ne sache par où il est passé.
Les responsables de ce centre hospitalier sont revenus sur la décision de brûler à l’air libre les déchets médicaux produits jour après jour. Ils ont résolu de les stocker, avec d’autres déchets provenant de l’hôpital, dans un espace sommairement aménagé dans un coin de l’ancien hôpital militaire, à la rue Saint-honoré. Selon Joseph, « à l’intérieur de l’espace, les déchets médicaux sont gardés dans une boîte afin d’éviter tout contact avec les autres déchets ».
Cependant, pour débarrasser l’espace de ces déchets médicaux et autres, les responsables de l’HUEH, ne disposant ni d’incinérateur, ni de camion-benne, comptent sur les employés de la mairie de Port-au-Prince, en charge de collecter les ordures à la rue St-Honoré. « L’hôpital verse mensuellement une somme à ces éboueurs pour nettoyer l’espace de stockage des déchets », dévoile Joseph Lebien.
Une fois embarqués, l’HUEH n’a aucun contrôle sur le devenir de ces déchets. L’hôpital ne peut se fier qu’à la bonne foi de ces employés municipaux pour les éliminer de la meilleure façon possible.
La DPM/MT néglige sa mission
À l’enceinte de l’ancien hôpital militaire, pas moins de cinq conteneurs remplis de médicaments périmés sont abandonnés sous une végétation sauvage. Aux dires de Joseph Lebien, les responsables de l’hôpital ne savent quoi en faire. Ils ne disposent pas de matériels capables de les détruire.
Ce mal s’étend aussi aux différentes agences de produits pharmaceutiques et pharmacies qui pullulent dans le pays.
Selon le « Manuel de procédures » du MSPP il est fait obligation aux agences et aux pharmacies de posséder un terrain privé, dans une zone reculée afin d’y détruire les produits périmés.
Selon ce même document, les responsables d’agences de produits pharmaceutiques ou de pharmacies ayant des médicaments expirés doivent informer la direction de la pharmacie, du médicament et de la médecine traditionnelle (DPM/MT) du MSPP de cette situation.
En réponse, les autorités de la DPM/MT se rendront sur les lieux, accompagnées d’un juge de paix qui doit effectuer le constat des médicaments périmés. Une fois le constat établi, le MSPP, le juge de paix et les responsables de l’agence ou de la pharmacie en question se transporteront sur le terrain de l’institution pour détruire ces médicaments.
Pourtant, loin de ces principes, Pierre Rony, (nom d’emprunt) explique avoir buté sur le mutisme de cette direction au MSPP. Ce responsable d’une agence de produits pharmaceutiques, œuvrant depuis 5 ans dans la capitale, explique avoir eu au mois de mars 2019, un stock de marchandises périmées dans son dépôt. Suivant les principes, il a mis la DPM/MT au courant de la situation. Cinq mois se sont écoulés et le MSPP n’a pas fait signe de vie, jusqu’à ce que ce particulier qui devait changer de local ait décidé de détruire tout seul ces produits devenus dangereux pour la vie.
Le commerçant dit avoir agi selon sa propre volonté, puisque, « d’autres avares, devant ce boulevard du MSPP, en auraient profité pour écouler ces produits expirés sur le marché informel ou les jeter quelque part sans se donner la peine de les détruire ».
La loi créant le SNGRS jetée dans la benne à ordures
Le 23 février 2017, l’Assemblée des sénateurs a voté en faveur d’une proposition de loi du député de Delmas Gary Bodeau, visant à transformer le Service métropolitain de Collecte de Résidus solides (SMCRS) en Service national de Gestion des Résidus solides (SNGRS).
Cette loi donne au SNGRS la mission de collecter, mais aussi de gérer les déchets solides, c’est-à-dire, transformer les déchets, les détruire s’il s’agit de déchets médicaux et de les « condamner » s’il s’agit de déchets de « haute toxicité ».
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En son article 2.2, cet instrument légal fait injonction aux autorités haïtiennes de doter le SNGRS d’une unité spécialisée en gestion des déchets spéciaux, notamment les déchets médicaux et les déchets d’une haute toxicité.
Certes, cette loi est en vigueur, mais à part un changement de nom, rien n’est fait pour permettre à l’institution de répondre à sa mission : toujours les mêmes camions-poubelles, toujours les mêmes polos déchiquetés portés par des vieillards en âge de retraite, toujours les mêmes pelles et les mêmes râteaux pour nettoyer une ville qui croupit sous des tonnes de fatras.
Le SNGRS dans l’impossibilité
Pour gérer efficacement les déchets médicaux, le SNGRS devrait être équipé de matériels spéciaux et de professionnels aptes à les manier. Aujourd’hui, le directeur du service Eude Lajoie confie que le SNGRS n’est pas encore doté de ces matériels. Il confie que « depuis la création du SNGRS en 2017, le pays peine à se doter d’une loi de finances ». Ce manquement empêche le SNGRS d’avoir « un budget compatible à sa mission et le contraint à se contenter du montant qui était alloué au SMCRS ».
Eude Lajoie annonce que le SNGRS a déjà élaboré et déposé une proposition de budget à son ministère de tutelle. Tout en se gardant de révéler le montant de cette proposition, le directeur général estime qu’une fois adopté, ce nouveau budget permettra à l’institution de répondre pleinement à sa mission.
Il envisage aussi, selon les prescrits de la loi créant le SNGRS, de facturer les institutions sollicitant les services du SNGRS. Ce, « pour que le SNGRS puisse générer ses propres fonds ».
Source: https://ayibopost.com/le-scandale-des-dechets-medicaux-en-haiti/?fbclid=IwAR3n8ka55qPMgNHMVMOVyNi9s1xFYpIxDZUzW0-aZqauZkJ4PJ4BFLEyDKc
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