Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
vendredi 28 décembre 2012
New York Times expose un immense gaspillage!
Le Nouvelliste
Publié le : 2012-12-26
Roberson Alphonse roberson_alphonse@yahoo.com
Presque trois ans après le séisme du 12 janvier 2010, les langues se délient. Des témoignages et des documents permettent au New York Times de revenir sur l'un des plus révoltants gaspillages de l'aide internationale après une catastrophe naturelle.
Sans forcer sur les traits, le New York Times (NYT) a publié un long article de la journaliste Deborah Sontag sur les ratées de gestion postséisme caractérisée par le gaspillage des milliards de dollars dépensés. Presque tout est allé de travers, a commenté Michèle Duvivier Pierre-Louis, ex-Premier ministre d'Haïti. Elle tance. "Il faut établir les responsabilités pour tout cet argent", a insisté Pierre-Louis, encore en quête des traces visibles de la reconstruction, trois ans après le séisme dévastateur du 12 janvier 2010.
La priorité a été donnée aux opérations d'urgence. Celles-ci ont permis de sauver des vies, a indiqué le quotidien new-yorkais, prompt en revanche à souligner que peu d'intérêt a été accordé au "durable". Le New York Times fournit l'exemple suivant : 215 millions de dollars ont été alloués à la construction de maisons permanentes contre 1 milliard 200 millions dilapidés dans la construction de camps, d'abris provisoires et dans des allocations d'argent à des sinistrés désireux de trouver des maisons à louer.
La construction de logements est difficile. Sur ce front-là, les donateurs ne se bousculent pas, a confié Josef Leitman, du Fonds pour la reconstruction d'Haïti; or, dans ce pays, 357 785 personnes languissent encore sous des tentes dans 497 camps. Quoique Bill Clinton, envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU, ait pris l'engagement de veiller à ce que l'on reconstruise mieux, le fameux "build back better", appelant, comme sa femme Hilary Clinton, secrétaire d'Etat américain, à des invetissements sur le long terme, rien n'a changé. Les choses se sont faites comme d'habitude à cause de la dimension de cette catastrophe, de la faiblesse du gouvernement haïtien, d'une CIRH aujourd'hui non fonctionnelle et du business de l'humanitaire, selon le New York Times.
L'action de nombreuses organisations humanitaires a laissé un goût âcre à la bouche de certains. "Nous l'avons appelé le second séisme", a raillé Jean-Yves Jason, ex-maire de Port-au-Prince. Des donateurs ont fourni 2.2 milliards de dollars pour l'aide humanitaire. Le ministère de la Défense des Etats-Unis en a obtenu presque 1/5 pour effectuer des opérations d'urgence ayant mobilisé 22 000 hommes de troupes. Le gouvernement haïtien a eu moins de 1% de cette enveloppe, a indiqué le New York Times.
En revanche, 15 % de l'aide au relèvement est passée par des canaux gouvernementaux, a poursuivi le journal, citant l'actuel ambassadeur des Etats-Unis en Haïti, Pamela A. White. Ce pourcentage indique que les donateurs financent des secteurs jugés prioritaires identifiés par le gouvernement haïtien, a-t-elle indiqué, ajoutant que c'est une manière de démontrer que le leadership est vraiment haïtien.
Cependant, presque tous les contrats ont été octroyés à des agences internationales, des ONG, des contractants privés qui ont engagé, à leur tour, des sous-traitants. A chaque étape, des frais d'administration de 7 à 10 % sont prélevés, a révélé le New York Times, citant une étude du Centre pour le développement global. « Tout l'argent est allé dans le paiement des salaires, la location d'appartements onéreux et de véhicules pour des étrangers alors que la situation du pays se dégradait; c'est révoltant", a fulminé Michèle Duvivier Pierre-Louis.
C'est un sentiment que partagent d'autres Haïtiens. "Les étrangers font tout cinq fois plus cher", a expliqué le docteur Réginald Boulos, un magnat des affaires, qui a dépensé 780 000 dollars en donnant 400 dollars par famille afin de récupérer une propriété où il avait accueilli des sinistrés après le tremblement de terre du 12 janvier 2010. « 6% de ce montant a couvert les frais administratifs», a-t-il confié au NYT.
OXFAM, l'une des ONG réputées les plus transparentes, a dépensé 96 millions de dollars ces deux dernières années. Le tiers de cet argent a été utilisé dans le management et la logistique. Médecins sans frontières a dépensé 58 % de ses 135 millions de dollars en 2010 pour son staff et le transport, a révélé l'article de Deborah Sontag du NYT, sans préciser de quelle antenne du MSF il s'agit.
Clinton, quelque peu écorché à l'heure du bilan
Dans ce papier, Bill Clinton est quelque peu écorché. "Comme un outil, la commission était bonne en aidant Bill Clinton à attirer l'attention sur Haïti. Comme outil pour coordonner effectivement l'assistance et gérer la reconstruction, la commission a été un échec", a confié le docteur Réginald Boulos, membre de la CIRH, coprésidée par Bill Clinton et l'ex-Premier ministre Jean-Max Bellerive.
Alexandre V. Abrantes, envoyé spécial de la Banque mondiale en Haïti, a pris la défense de la CIRH. Cette commision a permis un certain niveau de coordination avec tout le monde autour de la même table. " Je pense que des gens ont eu des attentes déraisonnables en espérant qu'elle allait être une agence chargée d'implémenter", a expliqué Abrantes au NYT.
Après que tant de temps et d'argent eurent été investis pour créer cette commission, les gens ont pensé au fait qu'elle prendrait en charge le processus de reconstruction en donnant des résultats . Mais, à la fin, beaucoup estiment qu'il doit y avoir un peu plus que des réunions d'une pseudo-institution, selon un officiel des Nations unies en off. "C'était comme un jeu la façade d'un projet de reconstruction", a indiqué Priscilla Phelps, une consultante américaine qui a travaillé dans la section logement de la CIRH.
"Nous n'avons jamais joué un rôle proactif en décidant de ce dont le pays avait besoin pour se remettre sur pied et demandant, aux donateurs de financer ces priorités au lieu de financer les leurs", a expliqué Priscilia Phelps. " La façon dont l'argent de la reconstruction a été dépensé était totalement chaotique et la CIRH emblématique de cela", selon elle.
Le New York Times, qui est revenu sur les débuts difficiles de la CIRH, a indiqué que cette commission a avalisé 75 projets pour un montant de 3 milliards de dollars. Ce montant ne signifie pas grand-chose car il inclut des projets pour lesquels il n'y a pas assez d'argent. « Un gap de financement de 1 milliard de dollars existe », a toutefois révélé un officiel international au New York Times.
Le NYT est aussi revenu sur les critiques de la partie haïtienne lors de la réunion de Santo Domingo, en décembre 2010. Les représentants haïtiens avaient dénoncé l'absence de transparence et l'opacité du secrétariat dirigé à l'époque par l'ex-conseiller économique du président René Préval , Gabriel Verret.
Jean-Marie Bourjolly, un Haïtiano-Canadien, professeur de business, membre de cette commission, a indiqué n'avoir pas eu de réponses à des e-mails envoyés au secrétariat de la CIRH. "Après la rencontre, M.Clinton s'est approché de Bourjolly, a mis la main sur l'une de ses épaules et a dit: "vous m'avez embarassé", a écrit le New York Times. "C'était vraiment dur (tough)", a relevé Jean-Marie Bourjolly, pour qui le travail de la CIRH "est une pure perte".
Avec Martelly, il y a une autre approche. De l'argent a pu être trouvé pour financer la location de maisons pour un an en faveur des sinistrés. Certains estiment que c'est une façon de contourner le problème, selon le NYT.࡚
Le NYT a souligné que des donateurs conservent leurs fonds. Ils sont passés au stade de reconstruction. "Les donateurs ont clairement expliqué que la crise humanitaire est terminée. Ils se focalisent sur le développement", a déclaré Nigel Fisher , coordonnateur des actions humanitaires des Nations unies en Haïti. "Mais, a-t-il souligné, cette dichotomie est fausse. Bien sûr, le pays a besoin de solutions à long terme. En attendant, nous avons besoin de ressources pour gérer les problèmes que nous avons ", a ajouté Fisher à un moment où les projections soulignent que 200 000 personnes vivront encore dans des camps d'ici au quatrième anniversaire du séisme du 12 janvier 2010.
Le NYT, dans ce papier de Déborah Sontag, est revenu sur un ensemble de projets de logements pour lesquels beaucoup d'argent a été dépensé. Ce papier n'a pas fait non plus l'économie de revenir sur certains choix d'investissement sous le label "reconstruction" dans des régions non affectées par le tremblement de terre, dont la construction du parc industriel de Caracol. Le quotidien new-yorkais a aussi rappelé le clientïlisme. Des entreprises du Beltway comme Chemonics international ayant de fortes connections avec les lobbyistes de Washington. L'article du NYT intervient à un moment où certaines entités, dont la Croix-Rouge américaine, n'auraient pas dépensé la totalité des dons obtenus en faveur d'Haïti. Un pays au nom duquel beaucoup d'argent a été collecté, dit-on.
Roberson Alphonse roberson_alphonse@yahoo.com
Haïti-2012 : Pente raide
Par Gotson Pierre
P-au-P., 28 déc. 2012 [AlterPresse] --- L’ouragan « Sandy » a été le pire d’une saison cyclonique qui, en 2012, a fait près d’une centaine de morts en Haïti, dont le gouvernement compte beaucoup sur les investissements étrangers pour dynamiser l’économie du pays, qui se trouve au bord de la crise alimentaire.
L’ouragan, qui a touché Haïti à la fin du mois d’octobre, a aggravé une situation qui ne s’est pas véritablement améliorée plus de 2 ans après le terrible séisme du 12 janvier 2010, tandis que la crise socio-politique tend à s’aiguiser davantage.
Selon des chiffres officiels, plus de 18.000 maisons ont été inondées, endommagées ou détruites et 24 écoles ont été affectées durant le passage de Sandy, sans parler d’infrastructures comme des ponts détruits ou devenus inutilisables.
Entretemps, dans des camps de fortune, 390.000 sinistrés du tremblement de terre continuent de vivre sous des tentes crasseuses et fragiles, exposés à toutes formes de risques environnementaux et sociaux.
Plus d’un mois après la catastrophe, des zones entières étaient encore isolées, particulièrement dans le département de la Grand-anse (extrême sud-ouest), selon les témoignages de plusieurs parlementaires. Ces derniers ont aussi informé d’une situation alimentaire d’urgence frappant une population, dont 80% vivent en dessous du seuil de pauvreté.
De fait, les plantations situées dans 4 départements (Ouest, Sud-est, Sud, Nippes et Grand Anse) ont été en grande partie ravagées.
La malnutrition guette 1/5 de la population
Sans fournir des données précises sur l’étendue exacte des dommages au niveau de l’agriculture, le Conseil National de la Sécurité Alimentaire (CNSA) a estimé à 2 millions le nombre de personnes qui pourraient souffrir de malnutrition à cause du passage de Sandy.
Au cours des dernières semaines de l’année, les prix de quelques produits alimentaires de base ont presque doublé, comme celui du pois qui est passé à 1,80 USD la livre.
La tendance à la hausse a été observée depuis la fin de l’été, et plusieurs mouvements de protestation ainsi que des grèves ont eu lieu, entre autres, contre l’augmentation des prix des produits de première nécessité.
Bien que le gouvernement ait annoncé un budget de 6 millions de dollars pour faire face aux urgences de Sandy, des organisations sociales comme celles réunies au sein de la Plate-forme de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA) ont estimé que l’investissement dans l’agriculture paysanne est « la meilleure solution » pour répondre à des priorités nationales.
Choléra : de pic en pic
Etant donné qu’un malheur ne vient jamais seul, Sandy a été accompagné d’une relance de l’épidémie de choléra dans les régions inondées. Des dizaines de nouveaux cas ont été enregistrés.
Depuis 2010, plus de 630.000 personnes ont été contaminées et plus de 7.800 d’entre elles sont décédées de cette maladie dont l’éradication prendra du temps.
La recrudescence de l’épidémie a réanimé les revendications de secteurs sociaux qui réclament de l’ONU le dédommagement des victimes. Plusieurs études ont démontré les responsabilités de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haïti (MINUSTAH) dans le déclenchement de l’épidémie dans l’Est du pays en octobre 2010.
A ce sujet, le Collectif de Mobilisation pour le Dédommagement des Victimes du Choléra (KOMODEVIK) a fortement critiqué le gouvernement, après que le chancelier haïtien Pierre Richard Casimir a déclaré le 19 octobre devant la commission Santé de la Chambre des Députés, qu’« il n’y a aucune preuve » démontrant que la force onusienne est à l’origine de cette épidémie dans le pays.
La rue se fâche pendant que le pouvoir clame ses « succès »
Généralement, on a observé un début de mobilisation sociale et politique contre la gestion de l’administration du président Michel Martelly, bien que le gouvernement se soit félicité, en substance, de mettre les bases pour des avancées du point de vue économique et institutionnel.
Le parc industriel controversé de Caracol (Nord-est), inauguré le 22 octobre en présence de la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton, est considéré comme la carte de visite de l’administration en place.
Les officiels n’ont pas cessé de souligner la dimension et le caractère d’avant-garde de cette zone industrielle, qui serait l’une des plus grandes et des plus modernes de la Caraïbe. Mais, selon les spécialistes, l’impact environnemental de ce parc industriel pourrait dépasser de loin le niveau de revenus qu’il pourrait générer au plan national.
A propos des institutions, le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) a été officiellement établi en juillet après la confirmation en juin par le chef de l’État des amendements constitutionnels, suspendus depuis mai 2011.
Désaccord entre les trois pouvoirs
Mais l’année entière a été marquée par des désaccords entre les pouvoirs exécutifs et législatifs et des critiques sur les irrégularités dans l’établissement du Conseil Électoral Permanent (CEP), tandis que des élections législatives partielles et locales sont en retard d’une année.
L’organe, qui doit avoir 9 membres, dont 3 représentants de chacun des trois pouvoir (exécutif, législatif et judiciaire), ne compte pas de délégués du Parlement. Ce dernier ne parvient pas à réunir le quorum nécessaire pour désigner ses représentants, à cause de l’absence de 10 sénateurs (sur 30) dont le mandat est arrivé à terme.
Des négociations entre l’exécutif et le législatif ont abouti le 24 décembre à la signature d’un accord qui prévoit la création d’une entité nommée Collège Transitoire du Conseil Électoral Permanent, qui sera chargée de réaliser les prochaines élections.
On craint que cet accord, paraphé par des parlementaires et un conseiller du président, Gregory Mayard Paul, ne pose plus de problèmes qu’il n’en résout, laissant presqu’intact la situation et n’engageant pas le pouvoir judiciaire à travers le CSPJ.
Tendances inquiétantes
Entretemps, à travers tout le territoire, les maires ont été remplacés par « des agents de l’exécutif », nommés par le gouvernement, ce qui a suscité la réprobation d’organismes civils nationaux et internationaux.
Ils ont aussi critiqué la recrudescence de l’insécurité avec des cas de séquestration à Port-au-Prince et dans des villes de province. Le plus médiatisé d’entre eux a surement été celui de Coralie et Nicolas Moscoso, en octobre, qui a conduit à l’arrestation de l’homme d’affaires Clifford Brandt, membre d’une des plus riches familles du pays.
Cette affaire a fait resurgir, dans les milieux de défense des droits humains, des questionnements autour de « grandes faiblesses » qui handicapent la justice et la police, perçues comme dépendantes et politisées.
Durant toute l’année, des cas ont suscité des interrogations et même des critiques des organisations de droits humains, en commençant par la décision judiciaire prononcée en janvier sur l’affaire de l’ex dictateur Jean-Claude Duvalier.
La justice haïtienne a déclaré prescrites les accusations de crime contre l’humanité formulées contre l’ancien tyran. Mais un comité de victimes a fait appel de l’ordonnance de clôture du juge d’instruction Carvez Jean. [gp apr 28/12/2012 2 :00]
http://www.alterpresse.org/spip.php?article13879
Haïti. Des campus numériques pour les étudiants
Éducation vendredi 28 décembre 2012
Dans le pays qui ne s'est toujours pas remis du tremblement de terre de 2010, Internet est une réponse aux besoins immenses de l'enseignement supérieur.
Port-au-Prince. De notre envoyé spécial
Quand la faculté d'agronomie de Damien a repris, en mai 2010, quatre mois après le tremblement de terre (1), c'est sous des cabanes aux toits de chaume que les étudiants suivaient leurs cours. « Les deux tiers des bâtiments avaient été détruits », se souvient Jean Blaise, le doyen.
Aujourd'hui, Damien commence à retrouver un visage normal. Des locaux à structure légère et plutôt de plain-pied ont remplacé le béton à étages. La bibliothèque est en cours de reconstruction. Et ce lundi de décembre, une étape supplémentaire a été franchie avec l'inauguration d'un campus numérique, mis à la disposition des 450 étudiants. L'Agence des universités francophones (AUF) en a installé dix-sept dans le pays, dont cinq dédiés à la médecine.
Un réseau de 787 universités
Chaque salle informatique, équipée d'ordinateurs avec accès à l'internet haut débit, coûte 80 000 €. « Seulement 10 % des étudiants possèdent leur propre PC. On doit aller dans des cybercafés, c'est cher. Et puis ici, il n'y a pas de coupures d'électricité », se félicite Nazaire, 23 ans.
Ce campus numérique du programme Pendha (Plan d'enseignement numérique à distance en Haïti) permet aussi d'accéder aux ressources documentaires des 787 universités francophones qui constituent le réseau de l'AUF.
Soit par Internet, via des bases de données qui aiguillent les recherches. Soit en se connectant sur le « disque miroir » stockant cette gigantesque masse d'informations.
Testée avec succès depuis une vingtaine d'années, notamment en Afrique, la formule du campus numérique semble bien adaptée « pour relancer le système universitaire d'Haïti, dont le séisme a révélé les faiblesses », commente Bernard Cerquiglini, recteur de l'AUF.
Avec moins de 60 000 étudiants pour un pays de 10 millions d'habitants, l'université a longtemps été le parent pauvre de l'éducation, les maigres moyens allant plutôt à l'instruction élémentaire.
Evasion de matière grise
Les jeunes issus de familles aisées ou aidés par la diaspora partent étudier à l'étranger : chez les voisins de la République dominicaine, en France, au Canada, à Cuba pour la médecine. Faute de structures et d'enseignants, c'est dans ces pays que s'effectuent les masters et les doctorats. Avec ce problème énorme : 85 % des diplômés du supérieur restent à l'étranger.
Les salaires sont très bas en Haïti : 600 € par mois pour un prof de fac ou un médecin. Comment rebâtir un pays dans ces conditions ?
C'est contre cette évasion de la matière grise que les campus numériques de l'AUF entendent également lutter. Grâce d'abord aux visioconférences, même si rien ne vaut la présence d'un professeur. Formule économique qui permet de suivre des cours à distance. Donc de rester au pays.
C'est ce qu'a fait Wista. Deux ans de téléformation à l'université de Cergy-Pontoise. Master 2 en poche, elle vient de décrocher un emploi à Port-au-Prince. Et ne songe pas à s'expatrier.
Marc MAHUZIER.
(1) Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 a provoqué la mort de 200 000 personnes. Deux millions de Haïtiens s'étaient retrouvés sans abri.
http://www.ouest-france.fr/actu/international_detail_-Haiti.-Des-campus-numeriques-pour-les-etudiants_3637-2148229_actu.Htm
http://videos.ouest-france.fr/video/a84cde1334bs.html
Un manque à gagner pour les universités haïtiennes
Le Nouvelliste
Publié le : 2012-12-26
Valéry DAUDIER vdaudier@lenouvelliste.com
Alors que certains d'entre eux sont souvent victimes, entre autres, de discrimination, de violations de leurs droits, les étudiants haïtiens en République dominicaine représentent un apport financier important pour les universités dominicaines et le reste de l'économie de ce pays se partageant l'île avec Haïti. Un manque à gagner, par contre, pour les universités haïtiennes incapables d'absorber le nombre de jeunes qui veulent entreprendre des études supérieures.
Nous sommes à « Reparto Imperial », beau quartier résidentiel de la deuxième ville dominicaine: Santiago. A l'angle d'une rue qui conduit à l’une des entrées du vaste campus principal de l'Université catholique pontificale « Madre et Maestra » (PUCMM), souvent appelée « Pucamayma », des ouvriers haïtiens s’activent à finaliser la construction d’un immeuble. L’immobilier est une activité très rentable dans ce pays, surtout dans un tel quartier habité par des gens plus ou moins aisés et des étudiants étrangers, dont des Haïtiens issus de la classe moyenne. Ces derniers sont pour la plupart originaires du Grand Nord d’Haïti, à environ deux heures de route de Santiago, mais à plus de cinq heures de Port-au-Prince où sont concentrées les différentes entités de l’Université d’Etat d’Haïti qui ne peut accueillir qu’environ 20 000 étudiants.
Après avoir passé quelques mois d’études dans un centre universitaire privé à Port-au-Prince, Stanley Brutus, natif de Port-de-Paix (Nord-Ouest d’Haïti), s’est rendu en Argentine pour poursuivre ses études. Il ne s’y est pas adapté et a donc décidé de s’installer à Santiago pour étudier le génie industriel à Pucamayma. « Je n’ai pas aimé le mode de vie à Port-au-Prince. J’avais peur que des bâtiments ne s'effondrent sur moi », confie le jeune étudiant sur le campus de « Pucamayma » qui accueille pas moins de 800 étudiants haïtiens (inscrits et réguliers). L’UTESA (Université technologique de Santiago), moins prestigieuse que Pucamayma, fondée en 1962 par l'Eglise catholique dominicaine, en compte plus de 3 000.
Fils de pasteur et d’une infirmière, Stanley vit dans un appartement qu’il paie 13 000 pesos dominicains (environ 330 dollars américains) par mois, et chaque crédit pour ses études coûte 50 dollars américains après avoir payé les 13 000 pesos pour les frais d’inscription par session. Le jeune étudiant reçoit 600 dollars américains par voie de transfert de ses parents pour assurer ses études sur l’autre partie de l’île. « C’est vrai que je paierais beaucoup moins en Haïti, mais les conditions d’accueil dans les universités privées à Port-au-Prince ne sont pas réunies. Je suis satisfait ici. Et apprendre une langue étrangère, c’est déjà beaucoup », soutient-il.
Un sentiment de satisfaction partagé par Jean Victor, étudiant en médecine, et Roudy Jose, étudiant en génie civil à la même université. « En Haïti, les prix ne sont pas en conformité avec les services offerts. Nous préférons payer plus pour être confortables. Jusqu’à maintenant, nous sommes satisfaits des services offerts. »
« On peut terminer ses études supérieures en Haïti et ne pas trouver après un endroit où réaliser un stage. Il y a plus d’ouverture ici », ajoutent-ils.
« L’Etat haïtien ne nous défend pas »
Dix minutes après la conversation avec les gars, deux jeunes filles, dont l’une porte des tresses à l’africaine, arrivent d’un coin du vaste campus boisé de Pucamayma. Elles sont Haïtiennes et sont également originaires de Port-de-Paix. Elles vivent à Santiago depuis 2007. Etudiante en 4e année de médecine, Stéphanie Alexandre a participé au concours d’admission à l’Université d’Etat d’Haïti et à un centre universitaire privé à Port-au-Prince, mais elle n’a pas réussi. « J’ai été obligée de m’inscrire ici, parce que mon rêve était de devenir médecin », confie la jeune fille, souriante, l’air timide.
Son amie Anne Ducasse, également en 4e année de médecine, est plus bavarde. Catégorique. « L’Etat haïtien ne nous défend pas ici. Il ne nous encadre pas. C’est une injustice faite aux étudiants haïtiens d'exiger qu'ils payent 800 pesos pour renouveler leur visa tous les trois mois », critique-t-elle, soulignant que d’autres étudiants étrangers ne se retrouvent pas dans cette situation, du fait qu’ils viennent étudier en République dominicaine munis de leur visa d’étudiants.
Toutefois, à l’instar d’autres étudiants haïtiens rencontrés, Anne et Stéphanie qui paient 7 000 pesos par mois pour leur logement - qu’elles partagent ensemble dans un quartier plus modeste -, sont également satisfaites de leurs études. « Nous ne regrettons pas l’argent dépensé. C’est vrai que nous serions plus à l’aise dans notre pays, mais, malheureusement, les structures d’accueil font défaut », font remarquer les natives de Port-de-Paix.
Sandra ne digère pas non plus cette question de renouvellement de visa tous les trois mois. Originaire de Jacmel (Sud-Est), cette étudiante en psychologie habite dans un appartement à trois minutes de marche du campus. Elle devait aller en France pour ses études supérieures, mais le tremblement de terre dévastateur du 12 janvier 2010 a compliqué le processus. Elle paie 15 500 pesos (environ 400 dollars américains) par mois pour son appartement et ses études coûtent en moyenne 1 700 dollars américains par session. « Je reçois en moyenne 600 dollars par mois de mes parents qui vivent en Haïti », confie Sandra, dont la mère est enseignante et le père un cadre de l’Electricité d’Haïti (ED’H).
A Santo Domingo, les étudiants haïtiens sont nombreux. Ils sont en grande majorité accueillis à l’Université autonome de Santo Domingo (UASD), fondée en 1538, considérée comme la plus ancienne université d’Amérique. Impossible de sortir des statistiques claires et fiables sur le nombre d’étudiants haïtiens fréquentant ce vaste campus qui répond aux critères modernes d’une université. Car il faut distinguer les étudiants régulièrement inscrits pour l’année universitaire en cours, ceux qui ratent plusieurs sessions et vivent entre les deux pays, ceux qui ont le statut d’étudiants avec visa mais qui ne fréquentent plus aucune université.
A l’instar de ceux qui habitent dans la province de Santiago, leurs parents sont commerçants ou travaillent pour la plupart dans l’administration publique et/ou privée en Haïti. La mère de Luckenson Chéry, orphelin de père depuis 2006, est commerçante. Ses produits sont partis en fumée lors de l’incendie du marché de Tabarre, en février dernier. « Après le sinistre, j’ai dû faire face à de sérieuses difficultés économiques, mais tout se passe bien finalement. Je suis béni, je vis ici avec la grâce de Dieu », déclare Luckenson, qui étudie la médecine à la UASD.
Il paie 30 000 pesos par semestre dans ce centre universitaire public. Les étudiants dominicains paient 20 pesos par crédit, tandis que les étrangers doivent débourser 30 dollars américains pour un crédit. « En Haïti, l’université reste un luxe, à moins que l’on décide de fréquenter des centres universitaires non qualifiés », indique le jeune étudiant, originaire de Carrefour, à Port-au-Prince. Il a travaillé comme interprète pour un organisme international, après le séisme dévastateur du 12 janvier 2010.
Morose Jean, 47 ans, fait partie également de ces parents qui transfèrent de l’argent en République dominicaine pour leurs enfants. Cet entrepreneur envoie en moyenne 600 dollars américains (environ 25 000 gourdes) à son fils aîné, 21 ans, qui étudie le génie civil depuis deux ans en terre voisine.
« Après le tremblement de terre, je n’avais pas d’autre choix que de l’envoyer à l’étranger. Etant donné que je ne pouvais pas lui offrir les moyens d’aller étudier aux Etats-Unis, au Canada ou en Europe, j’avais décidé qu’il aille en République dominicaine pour étudier le génie civil qui est sa passion dès l'adolescence », explique Morose Jean, qui dirige avec son épouse un magasin à Port-au-Prince.
Manque à gagner pour les universités haïtiennes
Selon le professeur Nesmy Manigat qui enseigne en République dominicaine, entre 6 000 et 10 000 Haïtiens étudient dans l’autre partie de l’île. Alors que 10 000 représentent presque la moitié de la capacité d'accueil de l'Université d’Etat d’Haïti.
En termes de flux financier, en faisant l’hypothèse conservatrice d'un budget annuel moyen de 4 000 dollars américains (scolarité, frais de séjour, hébergement, restauration, transport, loisir), on déduit, souligne le professeur, le manque à gagner important pour les universités haïtiennes et le reste de l’économie nationale.
« On peut donc raisonnablement estimer ces montants investis en République dominicaine par les familles haïtiennes à plus 30 millions de dollars annuellement, sans compter la contribution des étudiants finissants dans des programmes spécialisés dont des stages médicaux », avance M. Manigat, qui partage sa vie entre les deux parties de l’île.
« Il convient toutefois de relativiser ce manque à gagner, car la formation d'un capital humain dans une culture et une langue étrangères peut être un plus pour la compétitivité d'un pays quand il est bien réinvesti. Evidemment, c'est loin d’être le cas pour Haïti », ajoute Nesmy Manigat, originaire de Ouanamithe, ville frontalière.
Selon un recensement réalisé par le ministère dominicain de l’Education supérieure, de la Science et de la Technologie au cours de la période 2010-2011, les Haïtiens représentent le plus grand nombre d’étudiants étrangers régulièrement inscrits, soit 5 053, ce qui fait un taux de 58,73%. Et le flux migratoire des étudiants haïtiens ne cesse de s’accroître !
Valéry DAUDIER vdaudier@lenouvelliste.com
Ce reportage a été réalisé avec le support financier de l'Union européenne par l'intermédiaire de la chaire UNESCO en communication, démocratie et gouvernance basée à PUCMM, en République dominicaine.
http://lenouvelliste.com/article4.php?newsid=111939
Publié le : 2012-12-26
Valéry DAUDIER vdaudier@lenouvelliste.com
Alors que certains d'entre eux sont souvent victimes, entre autres, de discrimination, de violations de leurs droits, les étudiants haïtiens en République dominicaine représentent un apport financier important pour les universités dominicaines et le reste de l'économie de ce pays se partageant l'île avec Haïti. Un manque à gagner, par contre, pour les universités haïtiennes incapables d'absorber le nombre de jeunes qui veulent entreprendre des études supérieures.
Nous sommes à « Reparto Imperial », beau quartier résidentiel de la deuxième ville dominicaine: Santiago. A l'angle d'une rue qui conduit à l’une des entrées du vaste campus principal de l'Université catholique pontificale « Madre et Maestra » (PUCMM), souvent appelée « Pucamayma », des ouvriers haïtiens s’activent à finaliser la construction d’un immeuble. L’immobilier est une activité très rentable dans ce pays, surtout dans un tel quartier habité par des gens plus ou moins aisés et des étudiants étrangers, dont des Haïtiens issus de la classe moyenne. Ces derniers sont pour la plupart originaires du Grand Nord d’Haïti, à environ deux heures de route de Santiago, mais à plus de cinq heures de Port-au-Prince où sont concentrées les différentes entités de l’Université d’Etat d’Haïti qui ne peut accueillir qu’environ 20 000 étudiants.
Après avoir passé quelques mois d’études dans un centre universitaire privé à Port-au-Prince, Stanley Brutus, natif de Port-de-Paix (Nord-Ouest d’Haïti), s’est rendu en Argentine pour poursuivre ses études. Il ne s’y est pas adapté et a donc décidé de s’installer à Santiago pour étudier le génie industriel à Pucamayma. « Je n’ai pas aimé le mode de vie à Port-au-Prince. J’avais peur que des bâtiments ne s'effondrent sur moi », confie le jeune étudiant sur le campus de « Pucamayma » qui accueille pas moins de 800 étudiants haïtiens (inscrits et réguliers). L’UTESA (Université technologique de Santiago), moins prestigieuse que Pucamayma, fondée en 1962 par l'Eglise catholique dominicaine, en compte plus de 3 000.
Fils de pasteur et d’une infirmière, Stanley vit dans un appartement qu’il paie 13 000 pesos dominicains (environ 330 dollars américains) par mois, et chaque crédit pour ses études coûte 50 dollars américains après avoir payé les 13 000 pesos pour les frais d’inscription par session. Le jeune étudiant reçoit 600 dollars américains par voie de transfert de ses parents pour assurer ses études sur l’autre partie de l’île. « C’est vrai que je paierais beaucoup moins en Haïti, mais les conditions d’accueil dans les universités privées à Port-au-Prince ne sont pas réunies. Je suis satisfait ici. Et apprendre une langue étrangère, c’est déjà beaucoup », soutient-il.
Un sentiment de satisfaction partagé par Jean Victor, étudiant en médecine, et Roudy Jose, étudiant en génie civil à la même université. « En Haïti, les prix ne sont pas en conformité avec les services offerts. Nous préférons payer plus pour être confortables. Jusqu’à maintenant, nous sommes satisfaits des services offerts. »
« On peut terminer ses études supérieures en Haïti et ne pas trouver après un endroit où réaliser un stage. Il y a plus d’ouverture ici », ajoutent-ils.
« L’Etat haïtien ne nous défend pas »
Dix minutes après la conversation avec les gars, deux jeunes filles, dont l’une porte des tresses à l’africaine, arrivent d’un coin du vaste campus boisé de Pucamayma. Elles sont Haïtiennes et sont également originaires de Port-de-Paix. Elles vivent à Santiago depuis 2007. Etudiante en 4e année de médecine, Stéphanie Alexandre a participé au concours d’admission à l’Université d’Etat d’Haïti et à un centre universitaire privé à Port-au-Prince, mais elle n’a pas réussi. « J’ai été obligée de m’inscrire ici, parce que mon rêve était de devenir médecin », confie la jeune fille, souriante, l’air timide.
Son amie Anne Ducasse, également en 4e année de médecine, est plus bavarde. Catégorique. « L’Etat haïtien ne nous défend pas ici. Il ne nous encadre pas. C’est une injustice faite aux étudiants haïtiens d'exiger qu'ils payent 800 pesos pour renouveler leur visa tous les trois mois », critique-t-elle, soulignant que d’autres étudiants étrangers ne se retrouvent pas dans cette situation, du fait qu’ils viennent étudier en République dominicaine munis de leur visa d’étudiants.
Toutefois, à l’instar d’autres étudiants haïtiens rencontrés, Anne et Stéphanie qui paient 7 000 pesos par mois pour leur logement - qu’elles partagent ensemble dans un quartier plus modeste -, sont également satisfaites de leurs études. « Nous ne regrettons pas l’argent dépensé. C’est vrai que nous serions plus à l’aise dans notre pays, mais, malheureusement, les structures d’accueil font défaut », font remarquer les natives de Port-de-Paix.
Sandra ne digère pas non plus cette question de renouvellement de visa tous les trois mois. Originaire de Jacmel (Sud-Est), cette étudiante en psychologie habite dans un appartement à trois minutes de marche du campus. Elle devait aller en France pour ses études supérieures, mais le tremblement de terre dévastateur du 12 janvier 2010 a compliqué le processus. Elle paie 15 500 pesos (environ 400 dollars américains) par mois pour son appartement et ses études coûtent en moyenne 1 700 dollars américains par session. « Je reçois en moyenne 600 dollars par mois de mes parents qui vivent en Haïti », confie Sandra, dont la mère est enseignante et le père un cadre de l’Electricité d’Haïti (ED’H).
A Santo Domingo, les étudiants haïtiens sont nombreux. Ils sont en grande majorité accueillis à l’Université autonome de Santo Domingo (UASD), fondée en 1538, considérée comme la plus ancienne université d’Amérique. Impossible de sortir des statistiques claires et fiables sur le nombre d’étudiants haïtiens fréquentant ce vaste campus qui répond aux critères modernes d’une université. Car il faut distinguer les étudiants régulièrement inscrits pour l’année universitaire en cours, ceux qui ratent plusieurs sessions et vivent entre les deux pays, ceux qui ont le statut d’étudiants avec visa mais qui ne fréquentent plus aucune université.
A l’instar de ceux qui habitent dans la province de Santiago, leurs parents sont commerçants ou travaillent pour la plupart dans l’administration publique et/ou privée en Haïti. La mère de Luckenson Chéry, orphelin de père depuis 2006, est commerçante. Ses produits sont partis en fumée lors de l’incendie du marché de Tabarre, en février dernier. « Après le sinistre, j’ai dû faire face à de sérieuses difficultés économiques, mais tout se passe bien finalement. Je suis béni, je vis ici avec la grâce de Dieu », déclare Luckenson, qui étudie la médecine à la UASD.
Il paie 30 000 pesos par semestre dans ce centre universitaire public. Les étudiants dominicains paient 20 pesos par crédit, tandis que les étrangers doivent débourser 30 dollars américains pour un crédit. « En Haïti, l’université reste un luxe, à moins que l’on décide de fréquenter des centres universitaires non qualifiés », indique le jeune étudiant, originaire de Carrefour, à Port-au-Prince. Il a travaillé comme interprète pour un organisme international, après le séisme dévastateur du 12 janvier 2010.
Morose Jean, 47 ans, fait partie également de ces parents qui transfèrent de l’argent en République dominicaine pour leurs enfants. Cet entrepreneur envoie en moyenne 600 dollars américains (environ 25 000 gourdes) à son fils aîné, 21 ans, qui étudie le génie civil depuis deux ans en terre voisine.
« Après le tremblement de terre, je n’avais pas d’autre choix que de l’envoyer à l’étranger. Etant donné que je ne pouvais pas lui offrir les moyens d’aller étudier aux Etats-Unis, au Canada ou en Europe, j’avais décidé qu’il aille en République dominicaine pour étudier le génie civil qui est sa passion dès l'adolescence », explique Morose Jean, qui dirige avec son épouse un magasin à Port-au-Prince.
Manque à gagner pour les universités haïtiennes
Selon le professeur Nesmy Manigat qui enseigne en République dominicaine, entre 6 000 et 10 000 Haïtiens étudient dans l’autre partie de l’île. Alors que 10 000 représentent presque la moitié de la capacité d'accueil de l'Université d’Etat d’Haïti.
En termes de flux financier, en faisant l’hypothèse conservatrice d'un budget annuel moyen de 4 000 dollars américains (scolarité, frais de séjour, hébergement, restauration, transport, loisir), on déduit, souligne le professeur, le manque à gagner important pour les universités haïtiennes et le reste de l’économie nationale.
« On peut donc raisonnablement estimer ces montants investis en République dominicaine par les familles haïtiennes à plus 30 millions de dollars annuellement, sans compter la contribution des étudiants finissants dans des programmes spécialisés dont des stages médicaux », avance M. Manigat, qui partage sa vie entre les deux parties de l’île.
« Il convient toutefois de relativiser ce manque à gagner, car la formation d'un capital humain dans une culture et une langue étrangères peut être un plus pour la compétitivité d'un pays quand il est bien réinvesti. Evidemment, c'est loin d’être le cas pour Haïti », ajoute Nesmy Manigat, originaire de Ouanamithe, ville frontalière.
Selon un recensement réalisé par le ministère dominicain de l’Education supérieure, de la Science et de la Technologie au cours de la période 2010-2011, les Haïtiens représentent le plus grand nombre d’étudiants étrangers régulièrement inscrits, soit 5 053, ce qui fait un taux de 58,73%. Et le flux migratoire des étudiants haïtiens ne cesse de s’accroître !
Valéry DAUDIER vdaudier@lenouvelliste.com
Ce reportage a été réalisé avec le support financier de l'Union européenne par l'intermédiaire de la chaire UNESCO en communication, démocratie et gouvernance basée à PUCMM, en République dominicaine.
http://lenouvelliste.com/article4.php?newsid=111939
Festival Café de Baptiste : 28 et 29 décembre 2012
Le Nouvelliste
Publié le : 2012-12-26
John Smith Sanon smithsanon@gmail.com Twitter: @smithsanon
L'Association nouvelle image d'Haïti (ANIH) organise les 28 et 29 décembre 2012 la quatrième édition du Festival Café de Baptiste, un évènement annuel créé autour du café de Baptiste, afin de motiver tout un chacun à s'investir et à redonner importance à cette production multidimensionnelle.
Le café est la matrice de ce festival qui promet d’être riche en activités. Dégustation du café par le grand public, visite et concours afin d’élire et de récompenser les propriétaires des dix meilleures caféieres ( plantation de café), distribution et mise en terre de 2 000 plantules, sorties touristiques, concerts, spectacle de danse, tournoi de football et consultation médicale sont au menu de la programmation de ces deux jours de fête. L’objectif de ce festival café est «de propulser la productivité de cette denrée, créer des emplois et dynamiser le secteur microéconomique», selon les initiateurs.
« A une échelle plus large, le café va contribuer à redresser l’économie nationale. C’est d’ailleurs l’un des secteurs à fort potentiel qui peut jouer un rôle crucial dans le processus de reconstruction économique du pays », estime Etienne Jean, président de l’ANIH.
« C’est bien plus qu’un simple festival ; cette activité aura des impacts majeurs pour la région de Baptiste, le département du Centre et le pays tout entier », indique le numéro un de l’ANIH, soulignant que la production du café contribue également à la protection de l'environnement.
Le responsable met aussi l’accent sur l’aspect touristique de l’évènement. « C’est une chance offerte à des milliers de gens de découvrir cette région que certains qualifient de "petit coin de paradis perdu", affirme-t-il. Donc, faire braquer les projecteurs sur ce coin merveilleux du pays par le festival café peut donner un coup de pouce au tourisme local. »
Rappelons que la troisième édition du festival café, organisée en octobre 2011, a eu un succès considérable. « L’engouement des médias, la motivation de la population locale, la présence des membres de la diaspora de Baptiste qui n'avaient pas fréquenté cette localité depuis des lustres sont autant de facteurs qui ont contribué à sa réussite », précise M. Etienne, satisfait des retombées économiques.
Le Festival Café est organisé en partenariat avec l’Association des fervents samaritains (AFSAM), le Groupe d’appui aux parents d’élèves (GAPEL,), l’Union des coopératives caféières de Baptiste (UCOCAB) et la Plateforme des associations franco-haïtiennes (PAFHA). Les organisateurs demeurent convaincus que la population de Baptiste reste motivée et mobilisée pour accueillir cette 4e édition. Ils invitent tout un chacun à contribuer à la réussite de cette édition.
Baptiste est une ville frontalière située à 19 km de Belladère, dans le département du Centre. Cette région offre un climat agréable pendant toutes les saisons. Sa population est estimée à environ 30 000 habitants, et sa principale richesse est le café. Selon des spécialistes, Baptiste a une capacité de production dans ce secteur évaluée à plusieurs milliards de gourdes, alors qu’elle n’est même pas à 1/10 de sa capacité de production.
John Smith Sanon smithsanon@gmail.com Twitter: @smithsanon
http://lenouvelliste.com/article4.php?newsid=112011
Publié le : 2012-12-26
John Smith Sanon smithsanon@gmail.com Twitter: @smithsanon
L'Association nouvelle image d'Haïti (ANIH) organise les 28 et 29 décembre 2012 la quatrième édition du Festival Café de Baptiste, un évènement annuel créé autour du café de Baptiste, afin de motiver tout un chacun à s'investir et à redonner importance à cette production multidimensionnelle.
Le café est la matrice de ce festival qui promet d’être riche en activités. Dégustation du café par le grand public, visite et concours afin d’élire et de récompenser les propriétaires des dix meilleures caféieres ( plantation de café), distribution et mise en terre de 2 000 plantules, sorties touristiques, concerts, spectacle de danse, tournoi de football et consultation médicale sont au menu de la programmation de ces deux jours de fête. L’objectif de ce festival café est «de propulser la productivité de cette denrée, créer des emplois et dynamiser le secteur microéconomique», selon les initiateurs.
« A une échelle plus large, le café va contribuer à redresser l’économie nationale. C’est d’ailleurs l’un des secteurs à fort potentiel qui peut jouer un rôle crucial dans le processus de reconstruction économique du pays », estime Etienne Jean, président de l’ANIH.
« C’est bien plus qu’un simple festival ; cette activité aura des impacts majeurs pour la région de Baptiste, le département du Centre et le pays tout entier », indique le numéro un de l’ANIH, soulignant que la production du café contribue également à la protection de l'environnement.
Le responsable met aussi l’accent sur l’aspect touristique de l’évènement. « C’est une chance offerte à des milliers de gens de découvrir cette région que certains qualifient de "petit coin de paradis perdu", affirme-t-il. Donc, faire braquer les projecteurs sur ce coin merveilleux du pays par le festival café peut donner un coup de pouce au tourisme local. »
Rappelons que la troisième édition du festival café, organisée en octobre 2011, a eu un succès considérable. « L’engouement des médias, la motivation de la population locale, la présence des membres de la diaspora de Baptiste qui n'avaient pas fréquenté cette localité depuis des lustres sont autant de facteurs qui ont contribué à sa réussite », précise M. Etienne, satisfait des retombées économiques.
Le Festival Café est organisé en partenariat avec l’Association des fervents samaritains (AFSAM), le Groupe d’appui aux parents d’élèves (GAPEL,), l’Union des coopératives caféières de Baptiste (UCOCAB) et la Plateforme des associations franco-haïtiennes (PAFHA). Les organisateurs demeurent convaincus que la population de Baptiste reste motivée et mobilisée pour accueillir cette 4e édition. Ils invitent tout un chacun à contribuer à la réussite de cette édition.
Baptiste est une ville frontalière située à 19 km de Belladère, dans le département du Centre. Cette région offre un climat agréable pendant toutes les saisons. Sa population est estimée à environ 30 000 habitants, et sa principale richesse est le café. Selon des spécialistes, Baptiste a une capacité de production dans ce secteur évaluée à plusieurs milliards de gourdes, alors qu’elle n’est même pas à 1/10 de sa capacité de production.
John Smith Sanon smithsanon@gmail.com Twitter: @smithsanon
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Le diable, dans les détails
Le Nouvelliste
Publié le : 2012-12-26
Quentin Girard Libération Slate.fr
Alors que le monde célèbre la naissance du Christ - exception faite des croyances non chrétiennes et les Témoins de Jéhovah -, certains se questionnent sur l'existence ou l'inexistence du diable. Un questionnement qui a toute sa place dans ce siècle du concret, de la matérialisation (ndlr).
Le Malin existe-t-il? Oui, évidemment. 71% des Américains y croient, et en France on a cru le temps d’un week-end qu’on se défenestrait pour lui...
Le fait divers est peu commun. Dans la nuit de vendredi à samedi, douze personnes se sont défenestrées du deuxième étage d’un immeuble des Yvelines. Bilan: de multiples blessures et la mort tragique d’un bébé de 4 mois. La cause laisse perplexe. La première explication avancée au matin du drame laissait entendre que les membres de la famille, après une cérémonie vaudoue, une fois endormis, auraient été réveillés par l’un d’entre eux et auraient cru que c’était le diable. De peur, ils se seraient jetés par la fenêtre. Depuis, cette thèse semble largement abandonnée par les enquêteurs, et la thèse satanique pourrait rapidement faire long feu.
Croirait-on toujours au diable au XXIe siècle? En 2004, 71% des Américains croyaient en l’existence du diable, un chiffre en hausse. Quelques jours après le tremblement de terre dramatique de janvier 2010 en Haïti, certains prédicateurs ont expliqué que c’était une sentence divine. Comme Christopher Hitchens l’expliquait sur Slate.fr, le télévangéliste Pat Robertson a ainsi «déclaré sur sa chaîne de télé CBN (Christian Broadcasting Network) que lors de leur révolte contre l'impérialisme français, il y a deux siècles, les Haïtiens avaient fait un pacte avec le diable». Hitchens s’insurge évidemment contre cette supposition et rappelle que les rites vaudous, syncrétisme du polythéisme africain et de la religion catholique, ne sont pas sataniques. Toutefois, naturellement, certains esprits peuvent être malfaisants. Papa Legba, le gardien des clefs et de la frontière entre le monde des humains et celui du surnaturel peut devenir malfaisant la nuit, lorsqu’il se manifeste dans le rite Petro sous l’entité de Kalfu.
En fait, ces croyances ne sont pas si surprenantes. Après tout, cela fait déjà plusieurs siècles que la question du diable nous obsède. Tout le monde le connaît, même les plus incultes en religion. Et on ne compte plus les livres, chansons, films ou peintures qui y font référence. Le diable est un élément culturel incontournable. Sans lui, le Heavy metal n’existerait pas et on n’aurait pas eu droit à Black Sabbath.
Pas besoin d’être chrétien pour avoir peur du diable
La majorité des religions précédant le christianisme ont déjà dans leurs panthéons polythéistes des dieux incarnant le mal: Huwawa chez les Mésopotamiens; Ahriman et ses sept démons majeurs chez Zarathoustra, où le mal est aussi puissant que le bien; Anubis et Seth pour les Egyptiens. Chez les Grecs, Pan, fils d’Hermès, dieu de la nature, possède comme le diable chrétien des cornes, des sabots, le bouc et les pattes velues.
Mais c'est évidemment la dimension chrétienne du diable qui nous touche aujourd’hui. Le diable est une des créatures de Dieu, un de ses anges, qui a refusé l’entrée dans la lumière, et qui s’est voulu être son égal, ce qu’il n’est pas. Selon les interprétations, il peut être matérialisé ou pas. En tout cas, dans la Bible, il est cité nommément 47 fois. Dans le chapitre 4 de l’Evangile selon Saint Mathieu, par exemple, Jésus est conduit dans le désert «pour être tenté par le diable»:
«Le diable, de nouveau, l’emmena sur une montagne très élevée, et lui montrant tous les royaumes du monde, avec leur gloire, il lui dit : “Je vous donnerai tout cela, si, tombant à mes pieds, vous vous prosternez devant moi.” Alors Jésus lui dit: “Retire-toi, Satan; car il est écrit: Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu ne serviras que lui seul.”»
Le diable existe-t-il?
Le site suisse Bonne nouvelle a posé la question «Le diable existe-t-il», à trois théologiens de confessions différentes. Pour l’Abbé Claude Ducarroz, prévôt de la cathédrale de Fribourg, «si j'ouvre la Bible, il me semble que c'est assez évident. Il y a du diable quelque part. Une chose est sûre, dans les Evangiles, le Christ affronte un adversaire, Satan, qui met des bâtons dans les roues de sa mission». Auschwitz étant pour lui la symbole de l'existence du mal. Jean-Jacques Meylan, formateur d'adultes à la Fédération romande des Eglises évangéliques, estime lui que «le diable existe, c'est une évidence». Si on le retrouve dans les pulsions malfaisantes des hommes ou dans les groupes d’humains –«regardez l’histoire de l’humanité»– il faut également accorder parfois «au diable une existence personnalisée», explique Jean-Jacques Meylan, faisant référence à «des cas de possession majeure et d'envoûtement» tout en assurant qu’il faut rester «prudent» en ce qui concerne l'exorcisme. Enfin pour François Vouga, professeur de théologie, «le diable est bien réel en nous. Le situer à l'extérieur revient à ne pas voir nos propres compromissions. Il faut donc prêcher le diable, pour ne pas succomber à la tentation».
L’âge d’or du diable
Le diable peut donc prendre plusieurs formes et les interprétations de ses apparitions sont multiples. L’âge d’or de celui-ci, et ce qui lui donne sans doute encore aujourd’hui si mauvaise réputation, est le Moyen Age. Obscurantisme et inquisition mirent le diable à toutes les sauces, et si l’on avait des pratiques déviantes, c’est que l’on était forcément possédé par le Malin. L’époque fait encore fantasmer aujourd’hui et les thèmes de Dieu, de l’inquisition et du diable sont régulièrement repris au cinéma, en livre ou en BD.
Mais l’influence du Malin dépasse le Moyen Age. Au XIXe siècle, Victor Hugo s’en moquait sur un ton voltairien dans Les Travailleurs de la mer. Il explique qu’en Normandie et dans les îles de Jersey et de Guernesey, de nombreuses maisons sont «visitées». C’est-à-dire qu’elles ont été abandonnées et qu’elles sont donc maintenant occupées par une présence, le Malin évidemment. Les personnes reprenant une maison anciennement visitée comme Gilliatt, l’un des héros du roman, sont donc forcément louches. Le narrateur note ainsi la très forte présence du diable partout en Europe:
«Les populations campagnardes et maritimes ne sont pas tranquilles à l’endroit du diable. Celles de la Manche, archipel anglais et littoral français, ont sur lui des notions très précises. Le diable a des envoyés par toute la terre. Il est certain que Belphégor est ambassadeur de l’enfer en France, Hutgin en Italie, Bélial en Turquie, Thamuz en Espagne, Martinet en Suisse, et Mammon en Angleterre. Satan est un empereur comme un autre. Satan est César.»
Et de conter les différentes précautions que doivent prendre les pécheurs pour éviter les illusions du diable. On dit même qu’il aimait à se glisser dans le lit des femmes, une fois les maris partis, d’où des grossesses parfois non désirées, et cette blague:
Le confesseur dit: «Pour s’assurer si vous avez affaire au diable ou à votre mari, tâtez le front, si vous trouvez des cornes, vous serez sûre...» «De quoi?», demanda la femme.
Aujourd’hui, sur Internet, où l’intelligence collective a remplacé le bon sens populaire, les forums sont innombrables où l’on débat de l’existence du diable, pour arriver globalement toujours à la conclusion qu’il existe. Et trouver un exorciste, un sorcier et un chaman pour vous en débarrasser, ou juste pour demander un devis, ce n’est pas bien compliqué. Quels sont donc alors les meilleurs moyens pour être exorcisé est une question que nous nous poserons dans un prochain article.
Quentin Girard Libération Slate.fr
http://lenouvelliste.com/article4.php?newsid=112013
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