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mercredi 31 octobre 2007

Maryse Narcisse et Delano Morel seraient encore en captivité, 72 heures après leur enlèvement

Les ravisseurs de la haut responsable Lavalas et de son chauffeur exigeraient une rançon de 300.000 dollars ; condamnation dans certains milieux politiques
mardi 30 octobre 2007,
Radio Kiskeya
Le Dr Maryse Narcisse, dirigeante de Fanmi Lavalas et son chauffeur, Delano Morel n’étaient toujours pas libérés mardi soir à Port-au-Prince, trois jours après leur enlèvement par des individus armés samedi dernier à Delmas 83 (banlieue est), selon des sources proches du parti de Jean-Bertrand Aristide.
Les ravisseurs, qui s’étaient manifestés dès le lendemain du rapt, réclameraient la somme astronomique de 300.000 dollars américains en échange de la remise en liberté des deux otages.
Plusieurs voix se sont élevées contre le double rapt qui vient rappeler le sort d’un autre responsable Lavalas, Lovinsky Pierre-Antoine, mystérieusement porté disparu depuis le 12 août dernier, peu après un séjour en Afrique du Sud où il s’était entretenu avec Aristide. Deux représentants du parti au Parlement, le Sénateur Rudy Hérivaux et le Député Saurel François se sont déclarés profondément consternés et ont appelé le gouvernement et les forces de sécurité à se mobiliser en vue de mettre fin à cette prise d’otages. Le premier se demande "si cet acte s’inscrit dans le cadre de l’insécurité générale ou revêt un caractère politique" tandis que le second affirme que "ce kidnapping a tout l’air d’un nouveau cyclone qui s’abat sur Fanmi Lavalas après la disparition de Lovinsky Pierre-Antoine".
Pour sa part, le Sénateur Lespwa (Espoir), Kelly Bastien, soutient que "jusqu’à preuve du contraire l’enlèvement du Dr Narcisse est politiquement motivée". Se disant peiné et préoccupé par la persistance du kidnapping, le parlementaire exhorte les autorités à faire preuve d’imagination dans la lutte contre le banditisme.
Le porte-parole de la Police Nationale, Frantz Lerebours, a assuré que les forces de l’ordre étaient mobilisées, mais qu’elles ne disposaient d’aucune piste particulière pour retrouver ces deux personnes qui ont été emmenées vers une destination inconnue.
Des dirigeants Lavalas ont affirmé que Madame Narcisse, porte-parole officielle d’Aristide depuis sa chute en 2004, revenait d’une réunion politique lorsqu’elle a été interceptée devant sa résidence par des individus qui étaient en embuscade dans le quartier. La veille, elle avait pris une part active à une rencontre houleuse de Fanmi Lavalas au siège de la Fondation Aristide à Tabarre (banlieue nord de la capitale). En présence de deux invités d’honneur, Turneb Delpé et Gérard Blot, respectivement leaders des partis PNDPH et Tèt Ansanm, les "cadres" et les représentants de la "base" étaient ouvertement à couteaux tirés alors que le rassemblement était en principe destiné à redynamiser une formation politique en perte de vitesse et à réclamer le retour immédiat de Jean-Bertrand Aristide, exilé en Afrique du Sud. Annette Auguste "Sò Ann" avait un temps monopolisé les débats et était même parvenue à empêcher le Sénateur de l’Ouest, Rudy Hérivaux, de s’exprimer devant l’assemblée au nom de l’Etat-Major Lavalas.
Ancienne directrice générale du ministère de la santé publique et fonctionnaire de la Présidence au cours du premier mandat de René Préval (1996-2001), le Dr Maryse Narcisse se situe parmi les plus farouches partisans d’Aristide dont elle se réclame depuis plusieurs années. Elle a publiquement reconnu qu’elle rendait visite régulièrement à son leader dans sa résidence de Pretoria. spp/Radio Kiskeya
http://www.radiokiskeya.com/spip.php?article4347
Dizon pa-m
Sa fè lontan ke ayisyen pa tande pale de zafè lavalas la. Lè Aristid pa pale ak diskou malouk ke ayisyen toujou entèprete tankou pinga ou tankou anons fè nwa ki gen pou tonbe sou ayiti pep la preske bliye pati a ak tout lidè li yo.
Sa fè plis ke you mwa ke Lovinsky kidnape e ke yo poko janm jwenn li. Jounen jodi-a gen anpil chans pou dirijan politik lavalas la pa jan reparèt anko paske nan anal kidnaping yo nou pa janm tande kote you moun ke yo te kidnape tounen apre plis ke trant jou anba men bandi.
Kou nou ye ya yo pran you lot manm enfliyan pati lavalas la anko. Li fasil pou yo di ke se aksyon politik sa ye. Li dotan pi fasil paske pandan anpil tan tout moun te toujou ap fè amalga-m ant kidnapè kap fè zak briganday ak moun ki di ke se militan lavalas ke yo ye. Nan epok saa kad lavalas yo, te byen kontan tire pwofi de amalga-m saa paske se te you fason pou pati lavalas la pat pèdi pye e te ka rete sou teren an.
Nou pap janm aplodi ni bat bravo pou zafè kidnaping lan men se pa etonan ke si te gen gwo bandi ki te enplike nan zafè kidnape moun nou ke konprann ke bandi sa yo ta kapab rapwochè sektè ki sanse gen lajan. E pa gen moun ki pa ta ka kon prann ke sektè politik sa yo gen ladan yo moun kap brase lajan de pi lontan.
Nou kontan sepandan wè ke bagay yo pa de tou repo nan mitan fanmi lavalas la. Gen anpil chire pit nan mitan neg yo. E nap mande lè pral gen listwa eleksyon kijan bagay yo ap pase.
Prezan Mouche Turneb Delpe tankou envité donè nan you rasanbleman lavalas pa etone nou nonplis. Se pa jodi-a ke mouche saa ki prezidan ak ansyen kandida pati PNDH la ap klewoné you lide de konferans nasyonal kote li mande pou tout ansyen prezidan yo tounen nan peyi ya vini nan brase lide. Nou pa wè kisa moun sa yo ke se swa Aristid, janklod divalye , anri nanfi, wiliam regala e latriye ka pote anplis pou rezoud pwoblè-m ki andedan sosyete nou an. Moun sa yo se yo ki reskonsab nan dènyè ane ki sot pase la yo tout mizè pèp ayisyen an ak peyi ya.
Neg sa yo poko janm montre anyen ki ta ka di ke yo regrèt mal ke yo fè peyi ya. Si yo tounen se goumen yap vini goumen pou pouvwaa anko.
Sa ki rive seke anpil lidè politik konprann jodi-a ke moun ki gen diskou ki ale nan sans zafè retou aristid gen anpil chans pou yo jwen anpil moun ale vote pou yo. Sa vle di ke sanble Ke mouche Turneb Delpe se zye dou lap fè a sektè lavalas la!

Le Centre commercial froid comme le temps

Au lendemain du passage du cyclone Noël, Port-au-Prince paraissait vidée de ses habitants. Commerce, écoles et administrations publiques fonctionnaient au ralenti.
Vue de la grand-rue, une des principales artères du centre-ville de Port-au-Prince
Mardi 30 octobre, 1 h PM. La rue du Magasin de l'Etat, où règne habituellement une grande activité, est presque vide. Les portes des magasins longeant l'artère, devenue encore plus impraticable suite au passage du cyclone Noël, sont fermées. Eparpillés ça et là au bord des trottoirs, quelques marchands de produits comestibles essaient d'écouler leurs produits contre vents et marées.
Parmi ces rares petits marchands, Jeanne, résidente du quartier de Bel-Air, est assise devant son petit négoce et attend son premier client de la journée. « Je n'ai rien à donner à mes 4 enfants, déplore-t-elle. Je suis ici depuis plus de 4 heures et je n'ai rien pu vendre.»Le gros commerce au centre-ville n'est pas le seul secteur à être paralysé au lendemain du passage du cyclone. La grande majorité des écoles de la capitale sont demeurées fermées. Certains écoliers qui avaient malgré tout pris le chemin de l'école ont dû faire demi tour. Les rares établissements scolaires ayant encore leurs portes ouvertes ont renvoyé les élèves plus tôt que d'ordinaire.« Nous n'étions pas nombreux dans ma salle de classe. Les responsables nous ont dit qu'en raison du cyclone demain sera férié », dit Joseph, un écolier d'une dizaine d'année.

Vue de la grand-rue, une des principales artères du centre-ville de Port-au-Prince

Les activités étaient au ralenti dans les administrations publiques. A la Direction générale des impôts (DGI), presque tous les services étaient paralysés. Les portes de cette administration ont été fermées très tôt.

Au niveau du secteur bancaire, la situation a été un peu différente. Les succursales des banques ont fonctionné comme d'habitude. Une diminution des clients fréquentant ces institutions a néanmoins été remarquée.
Le constat est identique dans le transport en commun. Les tap-tap étaient rares en début de matinée. Mais leur nombre allait croissant en milieu de journée.Selon le météorologue Ronald Semelfort la tempête tropicale Noël a balayé lundi la côte sud d'Haïti à une vitesse de 9 km/h. Elle a aussi frappé les côtes du Sud, de la Grand Anse, des Nippes, de l'Ouest, du Centre, de l'Artibonite, du Nord-Est, du Nord et du Nord-Ouest.
Alain Gaillardgtilain@yahoo.fr
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=50354&PubDate=2007-10-30

Noël laisse son lot de victimes

Philius Pierre, 35 ans, a laissé sa peau, lundi soir, dans les eaux en crue de Rivière Blanche à Ganthier. Une femme qui l'accompagnait est portée disparue. Les victimes de la tempête tropicale Noël se comptent par dizaines, par centaines et même par milliers dans le département de l'Ouest. Bilan : 8 morts, dont quatre à Pétion-Ville, 2 à Grand-Goâve et 1 à Cité Soleil, trois blessés, des dizaines de maisons détruites et endommagées.
Les habitants de Croix-des-Missions aux abois
(Photo: François Louis)

La périphérie nord de la zone métropolitaine a connu de mauvais moments suite aux pluies qui se sont abattues sur le pays au cours de la nuit du 29 au 30 octobre. Les habitants de Duvivier, de Croix-des-Missions, de Tabarre et de Croix-des-Bouquets se sont réveillés dans la douleur après avoir vu tous leurs biens emportés par les eaux.

Ganthier n'a pu échapper non plus à la fureur de la rivière Blanche qui a laissé son lit au détriment de la route internationale de Malpasse. Un homme et une femme ont péri dans cette rivière en crue après avoir tenté de la traverser. Le corps de Philius Pierre, 35 ans, a été retrouvé aux environs de 6 heures ce matin à Babako, une localité située à une dizaine de kilomètres de l'autoroute. Celui d'une femme qui l'accompagnait reste introuvable.

Cette maison construite au bord de l'autoroute à Ganthier n'a pas été épargnée par les eaux
(Photo: François Louis)
Laissant son lit en s'étendant sur la route à la hauteur de Tombe Bleue, la rivière Blanche emporte tout sur son passage, même les champs des agriculteurs, laissant dans le plus grand désarroi les autorités communales. « En attendant l'aide des autorités centrales, nous distribuons des céréales aux habitants des quatre quartiers les plus touchés de Ganthier afin de les tenir en vie, déclare Jean Délès Leximé, maire adjoint de la commune de Ganthier. Mais la situation est plus que grave. » Un tracteur dominicain - de la compagnie Implementos & Maquinarias - déblaie la route en vue de frayer la voie aux véhicules bloqués dans les eaux.
L'ignorance des uns et l'irresponsabilité des autres
Despizo, Bois Léger, Bois Gorman et Babako demeurent les localités les plus touchées tant les pertes sont énormes, dit le maire adjoint qui estime à 3 388 dollars l'aide alimentaire disponible.


Un camion de transport bloqué sur la route internationale de Malpasse à hauteur de Ganthier
(Photo: François Louis)

« Heureusement que nos familles ne paient pas de leur vie les frais des catastrophes », lâche Beauvais Laguerre, dont la maison et les animaux ont été emportés par les eaux de la rivière Grise. Habitant d'un quartier de Tabarre 27 dénommé « Dèyè mi », cet homme de 45 ans, comme ses voisins, croit rêver.
Racontant ses déboires d'assister impuissant à la destruction de sa maisonnette de trois pièces et à la perte de ses cochons et de ses volailles, M. Laguerre laisse croire en sa force de lutter pour assurer la survie de ses onze fils et petits-fils vivant avec lui.
« Nos maisonnettes n'étaient pas du tout construites dans le lit de la rivière », répliquent des habitants de « Dèyè mi » aux commentaires d'un curieux qui estime le contraire. « Il y avait un monticule de terre qui nous séparait de la rivière », se défendent-ils à l'unanimité, tout en désignant plus bas d'autres maisons menacées par les eaux. « Pensez-vous qu'il y avait des maisons plus sécurisées que celles-ci », demandent les riverains.
Cette route conduisant à Thomazeau en passant par Ganthier est complètement envahie par la rivière Blanche
(Photo: François Louis)


La rivière Grise laisse sur tout son cours des victimes. Et sa force délétère continue d'effrayer les nombreux habitants ayant construit leurs maisons dans son voisinage. Ces derniers n'arrêtent pas de fuir leurs demeures. « On a peur de la force menaçante des eaux », laissent entendre des femmes fuyant avec des enfants sur les bras. A Croix-des-Missions, la même scène est observée. Le marché est complètement inondé, des maisonnettes et des têtes de bétail ont été emportées. Les autorités policières ont été obligées de bloquer la circulation automobile sur le pont après y avoir constaté des fissures. « On interdit aux véhicules de passer sur le pont afin d'éviter le pire », a avancé l'un des policiers remarqués dans les parages.
Les quartiers de Barrière Fer, de Terre Noire et de Duvivier ont également été inondés par la rivière Grise, laissant aux abois des milliers de riverains qui ne savent à quel saint se vouer.
A Duvivier, la quasi-totalité des maisonnettes ont leurs pieds dans l'eau
(Photo: François Louis)

Les dégâts matériels causés par la tempête Noël sont aussi considérables. A Petite Rivière de l'Artibonite ainsi qu'au Wharf de Jérémie à Port-au-Prince, plusieurs maisonnettes ont été emportées par les eaux. A Léogane, une partie de la ville a été inondée. Du côté de Tabarre, plusieurs personnes vivant en dessous du pont de cette zone ont vu leurs maisons inondées, ont révélé les habitants de la zone
En Plaine, à Carrefour Marin, le pont qui traverse la Rivière Grise a été interdit à toute circulation, voitures comme piétons.
A Cité Soleil, cent personnes ont été déplacées afin d'éviter qu'elles ne subissent de plein fouet les outrages de Noël.
Le cabotage dans les eaux territoriales haïtiennes est interdit jusqu'à nouvel ordre.
« C'est une grande épreuve que nous sommes en train de traverser pour le moment, reconnaît le ministre de l'Intérieur et des Collectivités territoriales Paul Antoine Bien-Aimé, qui intervenait à un point de presse mardi soir au local dudit ministère. Le gouvernement assurera la prise en charge des personnes sinistrées. »« Des pluies intenses continueront de s'abattre sur le pays jusqu'à jeudi, prévoit le météorologue Roland Semelfort. Ces pluies peuvent provoquer des inondations en dépit du fait que la tempête tropicale s'éloigne totalement des côtes d'Haïti. »

Lima Soirélus
Victor Jean, Junior
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=50357&PubDate=2007-10-30

Autour de Jacques Roumain : Louis Borno et les nationalistes

Par Michel Acacia

L'énumération des emprisonnements par Petit et Roumain -pour respecter l'ordre de la signature - est-elle surfaite ? Non ! Elle est même sensiblement inférieure au nombre réel d'arrestations, quand on prend en compte les journalistes écroués plusieurs fois. Durant les trois premières années du premier mandat du président Borno, pas moins de 22 journalistes auront été incarcérés. C'est le journal La Poste qui nous l'apprend dans un numéro de novembre 1925.Trois ans plus tard, comme pour faire contrepoids, Le Petit Impartial publie une liste de citoyens, particulièrement liés au maintien du gouvernement de Louis Borno et de l'occupation. Cette liste parait un mois et demi après l'arrestation, le 13 décembre 1928, de Roumain, Petit et Guérin. Elle est là pour signifier que, si la lutte tourne autour d'idéaux politiques, cette lutte est incorporée par des êtres qui se partagent et se divisent ces idéaux.

L'on comprend dans ces conditions que le bouillant Jacques Roumain n'ait pu échapper à la prison. Quand il rejoint Petit au Petit Impartial, celui-ci aura déjà purgé plus de seize mois de détention en trois tours de prison. Elie Guérin, lui aussi, était un habitué « de la grande pension de famille de la rue du Centre », pour reprendre une satire de Jacques Roumain. Cet engagement de Roumain, après la collaboration aux périodiques La Trouée et La Revue Indigène, n'est pas issue d'une décision prise à la légère. Avec Petit, puis Guérin qui viendra se joindre à eux deux, Roumain avait de qui tenir. Le ton acerbe de Le Petit Impartial correspond au tempérament de l'homme.

Pourquoi Roumain fut-il emprisonné ? La question ainsi posée risque d'être d'une naïveté déroutante. Roumain, Petit et Guérin furent arrêtés conjointement sous le même chef d'accusation, celui d'outrage à la personne du chef de l'Etat. Selon l'acte d'accusation, c'est la qualification de « traître » attribuée au président Borno qui signifie l'outrage. Les articles incriminés, qui ne portent aucune signature, sont datés du 13 décembre 1928, du jour même de leur arrestation. Petit avait été écroué avant la parution de ce numéro du journal : « Il était moins que six heures quand le juge F. Deverson accompagné du capitaine Shaker vinrent procéder à l'arrestation de notre directeur [Georges Petit]. Quelques minutes après la nouvelle parvint à notre gérant [Jacques Roumain] qui immédiatement prit une voiture et se rendit au Bureau de la gendarmerie d'où lui aussi fut fait prisonnier. Par ailleurs nous savons que notre vaillant collaborateur, M. Elie Guérin, doit être aussi arrêté ». Ces arrestations virent sans surprise pour les victimes : « Nous étions encore sous presse quand un ami qui est dans le secret des Sous dieux vint bride abattue nous annoncer que le traître Borno, ou, pour employer le terme de l'honorable sénateur King, la marionnette, va faire procéder à notre arrestation, sous prétexte d'injure adressée à sa trop chétive personne...Peu nous chaut que l'on nous jette en prison, que l'on nous assassine...M. Borno, de concert avec l'occupant et le clergé français, veut quand même réduire à néant la race haïtienne... ». Le Petit Impartial insiste que la véritable raison de leur arrestation loge dans leur campagne de promotion « d'un clergé haïtien ». Suite à l'arrestation de Roumain, Petit et Guérin, une foule immense vînt leur manifester sa sympathie. Le Petit Impartial en prend acte. Il y eut, en même temps que la leur, d'autres arrestations. Ce qui autorise le journal à signaler qu'ils « ont été les premiers à voir le juge d'instruction après quinze jours de détention préventive ».
Le jugement eut lieu le 22 avril 1929. Les prisonniers eurent pour avocats Yrech Chatelain, David Jeannot, André Laraque et Perceval Thoby. Le principal avocat, Yrech Chatelain, en guise de plaidoirie, fît le procès de l'occupation. Guérin, hospitalisé, n'a pu prendre part au procès. De toute manière, ce procès était perdu d'avance. Les accusés ne pouvaient se dérober à la responsabilité d'avoir qualifié Borno de traître. Les accusés furent condamnés à un an d'emprisonnement et à mille dollars d'amende, en l'absence d'Elie Guérin.
On peut juger de la ferveur du courant nationaliste et de l'imposante personnalité des prisonniers à partir du dispositif de sécurité mis en place par le général Evans lors du procès. Ce dispositif de sécurité comprend 10 officiers, 7 sous-officiers, 41 soldats, 10 gardes, 11 détectives, en plus d' « une compagnie mobile tenue en réserve à la caserne Dartiguenave ». C'était pour donner le change à une foule dont on ne pouvait pas anticiper le nombre. Et voilà que, durant le procès, Roumain s'agite. Il administre à l'officier américain Belton « trois coups de poing et le saisit à la taille...Tous deux tombèrent sur le parquet...Belton s'étant remis sur ses pieds, Roumain fonça à nouveau sur lui...Le chef des détectives, Bonté, tira son gourdin et l'en frappa deux fois sur la tête...Pendant ce temps, Bonté tenait à distance la foule qui voulait se ruer sur lui... » N'est-ce pas Le Nouvelliste qui disait de ces arrestations qu'elles constituent « une maladresse et une grande faute » ?
Dans des lettres adressées au général Evans, les prisonniers se plaignent des mauvais traitements à eux infligés. Et même, dans l'une de ces lettres, ils parlent de discrimination raciale, Renaud et Brandt, deux prévenus de droit commun de race blanche, étant mieux traités qu'eux.Quelles sont les conditions de détention auxquelles ils font référence ? Quand, en novembre 1923, Antoine Pierre-Paul, Georges Petit, Joseph Jolibois et Elie Guérin sont détenus au Pénitencier national, c'est à Georges Sylvain, leur avocat, qu'il revînt d'écrire au juge d'instruction Emmanuel Beauvoir pour faire part des doléances de ces prisonniers qui « ne peuvent recevoir ni papier, ni plume, ni encre... ». Un an plus tard, durant ce même mois de novembre, voilà ce qu'écrit La Poste sur les conditions de détention : « Aujourd'hui, dans les prisons de la Gendarmerie, le prévenu ne peut ni lire, ni écrire, ni recevoir. Aux heures de visite réglementaires, les condamnés, les fous et les prévenus, pêle-mêle, ne peuvent causer avec un parent qu'à une distance de trois mètres, à travers une toile métallique, à haute voix et en présence des gendarmes ». Il arrive que des prisonniers ne puissent recevoir leurs parents. En 1928-1929, Roumain et Petit auront « remarqué de tous petits enfants de 7 à 9 ans vêtus de la casaque du forçat ». On sait cependant qu'à l'occasion, ils trouvent à écrire des lettres où ils réclament une amélioration de leurs conditions de détention. Auraient-ils réussi à tromper la vigilance du geôlier ?

Roumain connaîtra la prison dans la prison, c'est-à-dire le cachot. Le voilà qui explique ce que c'est à des membres de la rédaction de L'Action : « Le cachot, explique t-il, est une chose infecte. Figurez-vous une tombe de 1 m. ¾ de long...On ne m'a même pas donné une natte pour me coucher...comme nourriture, trois fois par jour, du pain et de l'eau. Je refusais, comme vous supposez bien ».Nommons la réaction de Roumain. C'est une grève de la faim, à la manière de celle que s'est imposée, neuf jours durant, Louis-Edouard Pouget et qui le détermina à emprunter le chemin de l'exil en avril 1926.La presse nationaliste veille à ce que des prisonniers ne bénéficient pas de traitements de faveur. Tout au moins est-elle prête à divulguer toute information qui irait en ce sens. Roumain se défend de cette accusation portée contre lui par le journal L'Haïtien : « Lorsque je recevais la visite de mes parents, j'ignorais que mon droit de le faire ne me venait pas du juge d'instruction. Dès que j'ai appris que c'était grâce à une démarche de M. E. Chauvet, directeur du Nouvelliste (démarche entreprise de son plein gré et sans que personne ne l'en ait prié) qu'il m'était permis de m'entretenir avec ma famille, je fis savoir à l'officier de service qu'à l'avenir je refusais de recevoir les miens ».La lutte est collective. Sauf à la déserter, il y a une exigence de solidarité.
Les historiens disent des nationalistes qu'ils sont des martyrs. Le ton, pour en parler, varie de la glorification au mépris. Voyons, avec des perspectives radicalement différentes, l'appréciation de deux historiens.
D'abord, celle de Jean Price-Mars qui publie en 1929, c'est-à-dire en pleine occupation :« Et puis-je citer l'un après l'autre tous ces preux qui affrontent la prison, sacrifient leur repos, immolent leurs ressources, pour défendre les idées dont ils se sont constitués les intraitables protagonistes comme ces martyrs qui, autrefois, allaient gaiement au bûcher en proclamant la sainteté de leur idéal et la noblesse de leur foi ?« Y eut-il jamais dans ce pays, excepté à la belle période de l'Epopée révolutionnaire, un plus grand épanouissement de crânerie tel qu'en montrent un Jolibois fils, un Elie Guérin, un Jacques Roumain, un Georges J. Petit ? »
Il ne faudrait pas par ailleurs passer sous silence l'action autrement militante de Charlemagne Péralte et de Benoit Battraville.

François Blancpain, publiant en 1998, prend le contre-pied de l'appréciation de Price-Mars. Il écrit :« On se demande si cet acharnement à provoquer les emprisonnements relevait de la folie, de l'idéalisme ou d'une sorte de penchant mystique pour la condition de martyr ».Cette qualification de « martyr » ne fait pas peur aux nationalistes, qui se l'attribuent eux-mêmes. Le Petit Impartial titre : « LE MARTYR DES JOURNALISTES HAITIENS ». Il est clair cependant que la distance par rapport aux pratiques que recouvre cette qualification peut varier de zéro à 100%. Tout dépend de la représentation que l'on se fait de l'un ou l'autre mode d'existence de la nation haïtienne. Dans une lutte de libération nationale, le radicalisme opère comme un miroir à travers et contre lequel se projettent les différents agents sociaux. Y voir de la folie, c'est faire abstraction des motivations psychologiques travaillées par la mémoire historique. L'on comprend dès lors que, bien que disposant de la force répressive et jouissant de privilèges de toutes sortes, les collaborateurs ont toujours mauvaise conscience.

Pour Jacques Roumain et les nationalistes de l'époque, la question se pose dans les termes d'une alternative entre une occupation musclée et intéressée et la jouissance de l'autonomie politique.
Fin
Ce texte constitue une version abrégée d'un chapitre d'un livre en préparation sur Jacques Roumain.
Michel Acacia

http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=50304&PubDate=2007-10-30