Publié le 2021-03-28 | Le Nouvelliste
Ce dimanche, ils étaient plusieurs milliers de manifestants à défiler dans les rues de Port-au-Prince. Les manifestants, à l’appel de plusieurs organisations de la société civile et du secteur protestant, ont exigé le respect de la Constitution du 29 mars 1987 qui fête le 34ème anniversaire de sa première version, ce lundi.
Les manifestants ont dénoncé le projet du président Jovenel Moïse qui a convoqué un référendum pour changer de tout en tout la Constitution.
Des affiches qui invitent la population à prendre part à cette consultation populaire ont été arrachées et incendiées par certains manifestants.
« Nous n’avons pas un problème de constitution dans le pays. Ce référendum est une stratégie utilisée par le PHTK pour se renouveler et se maintenir au pouvoir.
C’est une perte de temps. Le peuple s’opposera et doit s’opposer à ce projet macabre. Nous avons d’autres problèmes qui sont plus urgents tels que le chômage, l’insécurité, la vie chère. On doit savoir choisir les priorités », s’insurge Wilhem, un jeune trentenaire rencontré au carrefour de l’aéroport.
Hormis le respect de la Constitution, la marche du dimanche a été l’occasion pour les participants de dénoncer les velléités dictatoriales de Jovenel Moïse. Le pasteur Gérald Bataille, l’un des initiateurs, s’est dit alarmé de la situation du pays. « La patrie est en danger. Nous sommes sous le joug de la dictature, des persécutions et de l’insécurité. Nous sommes dirigés par un gouvernement illégal. Le mandat de ce président est arrivé à terme depuis le 7 février. C’est pour cela que nous sommes dans les rues. Pour crier notre détresse et notre colère », a fait savoir le révérend.
Gérald Bataille a aussi demandé à la communauté internationale de laisser une chance aux Haïtiens pour qu’ils puissent diriger leur pays. Pour ce berger, aucun des problèmes que confronte le pays ne peut être résolu avec Jovenel Moïse au pouvoir.
« Le dialogue est le point de départ de toutes les solutions. Mais aucun dialogue n’est possible avec ce monsieur (Jovenel Moïse) », estime-t-il.
Viviane Fleurimé, une quadragénaire rencontrée sur la route principale de Delmas, n’a pas caché son exaspération devant la situation que vit le pays. Elle a dénoncé la gestion « calamiteuse » de l’administration Moïse. « La situation s’est dégradée avec Jovenel Moïse au pouvoir. Les écoles ne peuvent plus fonctionner comme avant. Nous ne sommes plus libres de circuler librement. Mes fils sont obligés de retourner en province à cause de l’insécurité. Moi je ne peux plus mener mes activités au marché de la Croix-des-Bossales à cause des balles », s’est-elle plaint.
Bible entre-ouverte, Viviane Fleurimé a souligné qu’elle profitait pour lire des psaumes tout en participant à la manifestation. « Je lis des psaumes de combat. Je suis en train de lire le psaumes 91. Jovenel Moïse n’est pas au dessus de Dieu. La voix du peuple c’est la voix de Dieu. Si le peuple lui demande de partir, il ne doit pas faire la sourde oreille », estime-t-elle.
Des leaders et représentants de partis politiques ont été également remarqués sur le parcours. L’ancien candidat à la présidence Jean Charles Moïse a demandé aux Haïtiens de défendre la Constitution de 1987. « Cette constitution a 34 ans. On ne peut pas permettre à un dictateur de la changer. Nous sommes contre ce référendum. Nous demandons par conséquent au peuple de se mobiliser contre ce projet dictatorial, contre ce dictateur et contre les étrangers qui tiennent le pays en otage », a-t-il appelé.
De son côté, Schultz Simpssie Cazir, secrétaire général du parti MTV, s’est insurgé de la situation du pays. « Ma présence dans les rues aujourd'hui est pour dénoncer et protester énergiquement contre l'insécurité, la persécution et l'intimidation politique, la corruption, l'impunité et contre les multiples cas de violation de la constitution par un pouvoir illégitime qui agit en toute illégalité.
Marcher pacifiquement aujourd'hui pour moi exprime mon rejet du plan dictatorial de Jovenel Moise de nous imposer une constitution à travers un référendum inconstitutionnel, sans un large consensus avec les forces vives du pays », a-t-il fait savoir.
Pour Cazir, Haïti peut profiter de cette crise pour prendre désormais un nouveau départ. « C'est une épreuve pour nos élites qui sont appelées à se montrer à la hauteur de cette tranche d'histoire et faire preuve d'éthique de responsabilité.
A cette phase, Jovenel Moïse doit comprendre qu'il ne pourra réussir à organiser ni le référendum ni les élections. L'opposition a déjà aussi fait montre de ses faiblesses. Pour le bien du pays, les deux antagonistes doivent trouver une issue à la crise. Cette solution ne peut venir que d'une négociation entre le pouvoir et l'opposition qui permettra de définir le mécanisme d'implémentation de l'article 134.2 et la mise en place d'un gouvernement inclusif après le départ de Jovenel Moïse », estime le secrétaire général du MTV.
Comme d’habitude, les manifestants se sont rassemblés au Champ de Mars et au Carrefour de l’aéroport.
Ensuite, ils ont convergé vers la route principale de Delmas. Ils ont rejoint Bourdon en bifurquant par Delmas 60. Certains manifestants ont dénoncé l’influence des États-Unis sur l’échiquier politique en Haïti et ont clamé leur amour pour la Russie et la Chine.
D’autres ont imprimé des photos de parlementaires américains comme Andy Levin, Gregory Meek, Stacy Abrams, Alexandria Ocasio-Cortez, et les ont remerciés pour leur engagement en faveur de la cause d’Haïti.
La manifestation s’est terminée au Champ-de-Mars sans grands incidents, sinon des heurts entre certains manifestants et des agents de l’ordre. Des barricades de pneus enflammés ont été remarquées dans les secteurs arpentés par les manifestants.
Auteur : Jean Daniel Sénat
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