P-au-P, 09 avril 2010 [AlterPresse] --- La solidarité sociale, entre citoyennes et citoyens, en dehors de toute articulation avec les institutions de l’Etat, quasi-inopérantes, reste la note dominante de la situation globale en Haïti, environ trois mois après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, , relève l’agence en ligne AlterPresse.
Dans les camps de personnes déplacées et de sans abris, ayant perdu proches et biens en une minute, la population tente de s’adapter et d’imaginer de nouvelles formes d’existence, malgré l’absence d’exercices de simulation institutionnelle, sur les changements de comportements à adopter, en cas d’une nouvelle catastrophe.
Des étalages, informels, de marchandises et de produits de première nécessité, sont installés à l’intérieur des camps, dans des espaces déjà très réduits, mais qui accueillent de nombreuses personnes et des familles dépourvues de logements depuis le 12 janvier.
Les personnes déplacées et autres sans abris entreprennent également de mer des activités de petit commerce, génératrices de revenus, pour subvenir aux besoins de leur famille.
Dans certains cas, ces personnes (particulièrement les femmes) ont été bénéficiaires de subventions (en espèces) d’organisations non gouvernementales (Ong), lesquelles s’efforcent d’encourager des formes de vivre ensemble par différentes actions de thérapie collective, d’animation socioculturelle et éducative au profit des enfants ainsi que des opérations d’assainissement pour prévenir la propagation de maladies.
A date, aucune épidémie n’a été déclarée dans les camps, malgré le caractère précaire des logements établis pêle-mêle et dans des conditions inappropriées.
Le courage et la détermination des personnes déplacées sont salués par différents organismes internationaux, conscients des tentatives de reprise en main et de survie faites par la population, qui manifeste une volonté de se relever et un dépassement incroyables dans l’adversité.
Les répliques, légères, qui continuent, de temps à autre, vont se poursuivre, parfois avec intensité, suivant les prévisions du bureau haïtien des mines et de l’énergie (Bme).
Début avril 2010, le renouvellement de répliques a provoqué une certaine panique parmi les rescapés dans différents quartiers de Port-au-Prince, présentant la forme d’une cuvette de maisons construites pêle-mêle sans respect des normes parasismiques.
Les spécialistes du Bme appellent la population à observer de la prudence face aux possibilités d’activation, à des moments encore difficiles à prévoir, des failles qui traversent Haïti.
Cependant, aucune forme concrète de sensibilisation sur les risques d’activation des failles, qui traversent la république d’Haïti, n’est faite, excepté quelques spots radiophoniques diffusés à l’initiative de l’association nationale des médias haïtiens (Anmh) et de l’association des médias indépendants d’Haïti (Amih).
Une apparence de normalisation des activités est constatée dans la zone métropolitaine de la capitale Port-au-Prince, la plus frappée dans le tremblement de terre.
Divers services et organisations d’accompagnement mettent en ½uvre des stratégies de reprise effective de leurs activités.
Une partie de l’aire de l’aéroport international de Port-au-Prince, également affecté dans le tremblement de terre du 12 janvier, est utilisée par plusieurs agences de l’organisation des Nations Unies (Onu), y compris de la mission des Nations Unies de stabilisation en Haïti (Minustah), dans des structures rapidement édifiées avec des caractéristiques parasismiques, et par le gouvernement haïtien.
Pourtant, réalité oblige, de nombreuses rues sont fermées à la circulation, non seulement par les victimes du séisme – involontairement forcées à occuper des espaces ouverts et potentiellement sécuritaires, en lieu et place de logements ou d’habitats détruits ou fissurés – mais aussi et surtout (depuis quelques semaines) par des monticules de gravats et autres débris des décombres.
Le processus de déblaiement est surtout assuré par des ouvriers qui, quelquefois, se blessent ou perdent leur vie au moment des travaux.
Un nombre important de camions de la compagnie nationale des équipements (Cne), qui étaient chargés d’enlever les débris après le tremblement de terre, a été transféré dans différentes villes de province, en vue de préparer la prochaine saison cyclonique 2010, selon les autorités gouvernementales.
Il en résulte de longs et terribles bouchons, renforcés, en certains endroits, par la fermeture provisoire de certaines artères en raison de distribution alimentaire, sous surveillance de la Minustah, du contingent militaire étasunien, déployé dans le pays après le tremblement de terre, et d’unités de la police nationale d’Haïti (Pnh).
3 mois depuis le séisme, la non implication de la population nationale et des structures organisées du pays, encore exclues, dans le plan soumis aux bailleurs de fonds le 31 mars, reste une préoccupation majeure, d’autant que le gouvernement cherche à obtenir du parlement une autorisation de « pleins pouvoirs » par un vote d’une loi d’urgence sur 18 mois, au-delà de la fin du mandat de René Garcia Préval comme président le 7 février 2011.
Un processus de forfaiture semble être entamé au parlement, avec le vote, intervenu le jeudi 8 avril 2010 à la chambre des députés, d’un projet de loi d’urgence, qui accorderait à l’Exécutif les « pleins pouvoirs » sur 18 mois (avril 2010-octobre 2011), sans aucune possibilité de contrôle du Parlement.
Même si une précédente loi a été votée en 2008 au lendemain du désastre causé par le passage de 4 cyclones, la constitution haïtienne ne prévoit pas d’État d’urgence.
La loi d’urgence de 2008 a permis de dépenser 197 millions de dollars « sans explication claire jusqu’à présent », tandis que, depuis le 12 janvier, 163 millions de dollars ont été déboursés par le gouvernement, « sans aucune trace ».
Entre-temps, La plupart des établissements scolaires, publics et privés, n’ont pas pu reprendre les activités académiques le lundi 5 avril 2010, dans le département géographique de l’Ouest, contrairement à ce qu’avait annoncé le gouvernement, environ 3 mois après le tremblement de terre du 12 janvier.
Beaucoup de sites, concernés par cette reprise annoncée par le ministère de l’éducation nationale et de la formation professionnelle, ne sont pas encore fonctionnels. Les aménagements continuent d’avoir cours.
De nombreux points restent encore en suspens : un nombre important d’élèves, encore traumatisés ou ayant perdu leurs parents, ou encore dépourvus de moyens avec des parents totalement sinistrés, se trouvent dans l’embarras pour retourner à l’école.
Il y a aussi la réalité de nombreux professeurs et autres enseignants qui ne savent point dans quelles conditions les cours vont être repris.
Encore une fois, une grande catégorie d’élèves risquent à nouveau d’être exclus de la nouvelle rentrée académique, apparemment forcée et non articulée avec les conditions objectives de milliers de personnes déplacées et de sans abris, faisant face, entre autres, à des difficultés d’approvisionnement et des pénuries diverses.
Les activités scolaires, qui pourraient connaître une certaine évolution dans l’Ouest à partir du lundi 12 avril, devraient être dominées par des sessions d’appui psycho-social afin de faciliter la réadaptation des enfants traumatisés par la catastrophe du 12 janvier, indique un communiqué.
Au moins 500 lieux devaient être préparés pour recevoir les élèves et de nouveaux programmes et calendriers sont prévus pour la période d’avril à août 2010.
Environ 3000 tentes et structures provisoires de réception, des matériels pédagogiques et des fournitures scolaires ont été remis à des institutions scolaires.
Cependant, les tentes seront inadaptées avec les pluies qui arrivent et avec la chaleur en milieu de journée.
Plusieurs syndicats d’enseignants critiquent la décision de reprendre les activités scolaires dans les zones touchées par le séisme, sans que la majorité des écoles détruites ne soient encore déblayées. Dénonçant la formule de réouverture « inadaptée » privilégiée par le Menfp, ils suggèrent plutôt l’installation de hangars.
Les autorités estiment à 2 milliards de dollars américains les fonds nécessaires a la relance du secteur éducatif fortement affecté par le tremblement de terre.
Seulement 20 % des 5000 écoles primaires et secondaires seraient demeurés « intactes » et des dizaines de milliers d’élèves, d’enseignants et membres du personnel éducatif ont péri dans la catastrophe du 12 janvier 2010. [rc apr 09/04/2010 0:00]
Ronald Colbert [AlterPresse - Haiti]
http://www.alterpresse.org/spip.php?article9424