Par
OLIVIER PASTRÉ Professeur, université de Paris-Saint-Denis,
MARIE-FRANÇOISE MATOUK Présidente de l'Association pour les arts du monde
Le 12 janvier, cela fera deux ans qu’un terrible tremblement de terre a secoué Haïti faisant plus de 200 000 morts (dix fois plus que Fukushima) et laissant derrière lui plus d’un million et demi de sans-abri, dont 500 000 sont toujours dans des camps de toiles, les autres ayant surpeuplé un peu plus les bidonvilles de la cité Soleil ou de Carrefour.
On peut imaginer les conséquences du cyclone Thomas, qui a suivi, sur une population à l’habitat plus précaire que jamais. La communauté internationale avait évidemment été traumatisée dans l’instant et avait réagi dès le début, en avril 2010, en décidant de débloquer 9 milliards de dollars (6,6 milliards d’euros).
Une aide insuffisante mais néanmoins substantielle. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Hors les dons des ONG, 1 milliard peut-être a été débloqué. Et encore ! Une bonne partie est déjà retournée vers les pays donataires, afin de payer les «études» préalables que mènent sur place, avec force 4x4 et chauffeurs, des centaines d’experts euroaméricains.
Haïti non seulement n’a pas pansé ses plaies, mais s’enfonce inexorablement dans le chaos. Et ce, dans l’indifférence désormais générale. Un séisme chasse l’autre. Fukushima a remplacé Port-au-Prince.
Le drame actuel d’Haïti pose le problème du secours éventuellement apporté aux pays les plus pauvres, qui sont ceux le plus souvent frappés par les catastrophes naturelles. Le cercle vicieux qui s’enclenche dans ces pays a un double ressort. D’abord, la pauvreté elle-même, secondée par l’ignorance, maintient un taux de fécondité bien trop élevé. Un taux de sida comparable aux plus pauvres pays africains ! Une agriculture exsangue, incapable de nourrir une population dépendante des importations. Une électricité aléatoire, le seul barrage de l’île étant embourbé faute de maintenance.
Une école publique aux abonnés absents. Une déforestation qui transforme tout orage en cyclone. S’ajoute à cela, deuxième ressort, une corruption endémique qui assèche très vite tout flux de capitaux extérieurs. C’est la seule circonstance atténuante dont bénéficient les pays riches. Pourquoi débloquer les 8 milliards promis si c’est pour les déverser dans les sables mouvants du népotisme local ?
Mais ce qu’il y a de plus grave dans un pays comme Haïti, c’est que certaines ONG s’y installent durablement pour pallier l’incurie de l’Etat et deviennent elles-mêmes gangrenées ; un petit nombre d’entre elles, à tendance religieuse, sont autant là par souci prosélyte que pour aider, répandant l’idée que le séisme a puni Haïti de ses péchés.
Le malheur, d’autre part, ne fait qu’ajouter au malheur. De ce point de vue, le Japon de Fukushima a peu de chances - et c’est tant mieux - de connaître, dans les mois qui viennent, une épidémie de choléra qui a déjà fait plus de 6 000 morts en Haïti.
Au milieu de ce chaos tectonique, social et économique, ce pays qui n’a pas su devenir une nation politique reste une brillante nation culturelle par ses peintres, ses sculpteurs et ses écrivains. Une association comme l’Apam finance d’ailleurs, depuis vingt-quatre ans et sans subventions, quatre écoles en vendant en France de la peinture haïtienne. Mais l’action de l’Apam n’est évidemment qu’une goutte d’eau !
La France a, à l’égard d’Haïti, une responsabilité de premier plan, forgée par quatre siècles d’histoire et une langue commune.
Elle se doit de réagir. Haïti dispose aujourd’hui d’un gouvernement à peu près digne de ce nom, contrairement aux décennies précédentes. En ce lendemain de Noël, sachons utiliser notre énergie pour mobiliser à nouveau la communauté internationale en faveur d’Haïti, en mettant bien évidemment à cette aide une conditionnalité stricte de transparence et de contrôle.
«Produire français» est devenu, depuis quelques mois, un concept à la mode. Pourquoi ne pas inventer aujourd’hui celui d’«aider français» ?
http://www.liberation.fr/monde/01012382535-haiti-l-ignoble-indifference
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
jeudi 12 janvier 2012
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