SI M PA RELE : Par l’écrivain Lyonel Trouillot
jeudi 15 avril 2010, Radio Kiskeya
Un gouvernement qui reste muet durant les heures et les jours qui suivent le séisme du 12 janvier, prend son temps pour déclarer l’état d’urgence. Un ministre de l’éducation nationale qui déclare ouvertes les écoles sans un vrai plan, ce qui fait que celles qui peuvent sont plus ou moins ouvertes, que les parents qui en ont les moyens envoient leurs enfants à l’école, que les autres écoles sont peut-être condamnées à la disparition. Un(e) ministre de la Communication qu’on voit plus souvent en photo à côté des grands de ce monde qu’on ne l’entend communiquer sur les actions du gouvernement. Une équipe gouvernementale plus encline à fricoter avec les technocrates de seconde zone, petits mercenaires de la coopération internationale, qu’à prendre l’avis des différents secteurs de la vie haïtienne et à réunir des compétences haïtiennes autour d’un projet clair, novateur et rassembleur. Des experts haïtiens se plaignent d’avoir été appelés, parfois écoutés, mais d’avoir au fond plus fait fonction de figurants pour effet médiatique qu’autre chose. Le gouvernement n’inspire pas confiance, indépendamment des qualités individuelles de ses membres (il n’y a pas d’hommes sans qualité).
C’est en n’inspirant pas confiance et en donnant l’impression de s’en moquer éperdument qu’il réclame l’état d’urgence. Il est normal que le sentiment général soit que cette demande ne corresponde pas à une intention de gérer l’urgence de façon célère et efficace dans les intérêts de la nation mais plutôt à l’urgence de gérer l’aide comme il l’entend, sans avoir à rendre compte à des instances nationales. Quant aux parlementaires qui se sont empressés de répondre oui à la demande ou d’obéir à la commande, ils sont admirables de candeur ou d’autre chose : voilà un vote par lequel une institution se déclare virtuellement inutile pour motif d’urgence. On aura sans doute besoin de la sanction parlementaire quand les choses iront bien, quand dans les communes et les départements qui les payent pour les représenter jouiront de tout ce qui leur manque aujourd’hui.
On peut avoir des arguments pour l’état d’urgence, on peut avoir des arguments pour. Le problème avec les défenseurs de l’état d’urgence, c’est que le pouvoir pour lequel ils réclament ce cadeau politico-administratif pour motif d’urgence de faire n’a donné aucune preuve de son savoir-faire, ni d’un vouloir-faire.
Il donne en plus l’impression d’être obéissant par laxisme ou par conviction. On sent que la souveraineté est grignotée au quotidien, que le gouvernement, s’il n’a pas bonne note auprès de la « communauté internationale » sur le plan des performances et de l’efficacité (c’est un secret de polichinelle), il est très bien noté en matière de discipline. On ne demande pas toujours à un élève d’être brillant, il suffit quelquefois qu’il soit obéissant.
Je reconnais au président Préval une qualité qui commande le respect. Il a toujours reconnu la nécessité des élections comme expression démocratique des contradictions politiques et promis de s’en tenir aux termes de son mandat. S’il rompt avec cela, les choses vont aller mal. Rien de ce que fait le gouvernement, rien de ce qui se fait actuellement en Haïti dans la gestion de l’après séisme ne contribue (et on voit mal pourquoi cela changerait brusquement) à créer la confiance et à réconcilier la société et le gouvernement. La seule véritable urgence sur laquelle on attend le président Préval, c’est la survie du processus démocratique. Passer l’écharpe à l’heure prévue par la Constitution ou à l’issue d’un processus au plus proche (délai et procédure) des prescrits constitutionnels. Un beau départ, et l’on pourra dire ce qu’on voudra, sur les politiques qu’il a menées, chacun restant libre d’apprécier la gestion des choses au cours de son mandat, mais tout le monde dira : il fut (au moins) un démocrate.
LYONEL TROUILLOT
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