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jeudi 17 mai 2007

La République Dominicaine pratique-t-elle l’esclavage envers les coupeurs de canne en provenance d’Haïti ?

Mercredi 16 mai 2007

Paris, 16 mai 07 [AlterPresse] --- Cette question brûlante a été au centre des débats qui ont eu lieu ce mercredi 16 mai 2007 au colloque « Sang, Sucre et Sueur », tenu à l’Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Paris par l’association « Collectif 2004 Images », dans le cadre de l’exposition « Esclaves au Paradis », a constaté l’agence en ligne AlterPresse.
Des chercheurs, des professeurs d’université, des anthropologues, ont, dans la matinée, produit des réflexions autour des relations entre le mode de consommation au Nord, la production du sucre et l’esclavage en Amérique et dans les Caraïbes, et ont tenté de faire des comparaisons entre la réalité actuelle des coupeurs de canne à sucre haïtiens en République Dominicaine et l’esclavage.
D’autres personnes, venues directement des deux pays de l’île, ou ayant travaillé dans les bateyes, ont, dans l’après-midi, présenté des témoignages sur ce qu’elles ont vu et vécu.
Les thèmes soulevés ont donné lieu à des débats passionnés, des remises en question, et des réaffirmations, particulièrement dans l’après-midi après les témoignages des Pères Christopher Hartley et Pierre Ruquoy, deux prêtres expulsés de la République Dominicaine sous la pression des propriétaires des usines sucrières pour avoir osé parler de cette réalité.
Visiblement, des dominicains et franco-dominicains, qui participaient à la séance, s’étaient concertés pour contester. Certains étaient menés par des représentants des VICINI, propriétaires de l’une des usines pointées du doigt dans l’exposition « Esclaves au paradis » et dans les témoignages des deux prêtres.
Dans leurs déclarations, les contestataires ont soigneusement évité d’aborder le point de la responsabilité des usines qui font des profits faramineux, sans se soucier du bien-être de leurs travailleurs, et ont préféré parler de l’image de la République Dominicaine qui risque de souffrir des conséquences de ces activités tenues dans une grande capitale de l’Europe.
De vifs débats parmi l’assistance
Au fort des échanges, modérés par l’écrivain français Christophe Wargny [sur la photo au milieu de quelques organisateurs et participants], les partisans des VICINI ont présenté deux haïtiens coupeurs de canne qu’ils ont fait venir des bateyes jusqu’en France pour porter un démenti contre les affirmations du Père Hartley autour de la découverte d’un cimetière clandestin dans les champs de canne de la paroisse de San Jose de los Llanos (Est de la République Dominicaine) où il travaillait.
Finalement, ces haïtiens ont dû admettre que le cimetière en question avait bel et bien existé, mais qu’il était aujourd’hui désaffecté.
Tout en reconnaissant l’existence de certains problèmes et d’une surexploitation de la main d’œuvre haitienne dans les usines sucrières dominicaines, Neal Santa Maria, un jeune anthropologue dominicain, qui vit à Paris, met en garde contre tout amalgame assimilant haïtiens en République Dominicaine à esclaves et Dominicains à esclavagistes.
Selon lui, il y a une nette différence entre l’esclavage du 18e siècle et les conditions de vie actuelles des travailleurs haïtiens dans les bateyes qui sont soumis. Santa Maria propose l’adoption d’une approche plus large pour comprendre le phénomène qui s’est produit dans plusieurs pays producteurs de la région.
« Il n’y a pas de cadre légal instituant l’esclavage en République dominicaine et aucune décision formelle ne fait du bracero (coupeur de canne) la propriété privée des usines ».
Cependant, admet-il, il existe un grand écart entre les textes de lois et la réalité.
L’esclavage fait partie d’une stratégie mise en place par les classes dominantes de l’époque pour assurer l’expansion du capitalisme, rappelle, pour sa part, le professeur Camille Chalmers de la PAPDA, intervenant autour du thème « Economie et Esclavage ; des bateyes aux zones franches ».
Essayant de remonter dans l’histoire de la région et dénonçant les conditions de vie déplorables des coupeurs de canne à sucre, Chalmers invite les haïtiens et dominicains à sortir de cette logique de compétition, qui les met face à face à l’intérieur d’une course vers la misère, et à rechercher de nouvelles formes de collaboration pour une réorientation de leur insertion dans les Caraïbes.
De son côté, Colette Lespinasse du Groupe d’Appui aux Rapatriés et aux Réfugiés (GARR) évoque la responsabilité des deux Etats dans cette tragédie des coupeurs de canne à sucre et leurs obligations d’y trouver une solution.
« Certains disent que les coupeurs de canne à sucre haïtiens en République Dominicaine ne vivent pas une condition d’esclaves, d’autres parlent d’engagisme, d’autres de surexploitation. Quel que soit le terme choisi, nous devons admettre qu’il y a un problème, qu’il y a un malaise et c’est le devoir de tout un chacun, haïtien, dominicain, citoyen et citoyenne du monde qui adhère à des principes de justice, qui veulent la démocratie et qui souhaite la paix sur l’île, d’y travailler pour la changer », déclare-t-elle.
Tout en saluant le travail de la photographe Céline Anaya Gauthier, de Aministie internationale et de plusieurs autres institutions qui ont produit cette année des informations pertinentes sur le même sujet, Lespinasse convie les autorités des deux pays à accueillir ces genres d’événements comme une opportunité pour changer les réalités.
Profitant pour informer l’assistance des efforts de groupes d’haïtiens et de dominicains en vue de faire respecter les droits des immigrants haïtiens, la coordonnatrice du Garr a présenté aux participantes et participants un ensemble de propositions émanant des organisations des deux pays à l’intention des autorités pour résoudre certains problèmes.
Pour les deux jours qui suivent ce colloque, plusieurs films traitant du même sujet seront projetés et seront suivis de débats.
L’un d’entre eux fait l’objet d’une protestation virulente de la part des Vicini qui ont préparé un contre film qu’ils font passer en boucle sur Internet en guise de démenti.
A côté du colloque « Sang, Sucre et Sueur » et de l’exposition, tenus à Paris, d’autres activités sont également organisées dans plusieurs villes de France autour du même sujet. [cl rc apr 16/05/2007 18 :37]

Source Alter Presse sur http://www.alterpress.org

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