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jeudi 23 août 2007

Des immigrés haïtiens face à l'école française

Vient de paraître, aux Editions L'Harmattan, « Les enfants des migrants haïtiens à l'école ». Il y montre qu'en France les enfants haïtiens sont en majorité en situation d'échec scolaire.
Engager une réflexion sur la situation des enfants des travailleurs immigrés haïtiens face à l'école française a permis à F. Adrien Luzincourt de comprendre que cette communauté existe bel et bien dans ce pays et essaie à tout prix de s'intégrer.
Et comme on le sait, tout enfant qui se trouve sur le sol français a le droit et le devoir d'être scolarisé quelle que soit sa nationalité. En outre, l'école depuis sa création a toujours été considérée comme l'une des institutions -clés de l'intégration française, intégration jugée nécessaire à l'unité nationale.
Cela ne va pas sans heurts, car la plupart des élèves étrangers arrivés en France, parfois après l'âge d'entrée à l'école, accumulent rapidement un retard sur l'âge théorique.Ainsi se sont imposés des courants de pensée visant à modifier les fondements de l'école afin de prendre en compte la diversité culturelle de ses publics. Courants qui s'appuient sur une appréciation sommaire de l'échec scolaire des enfants étrangers qui considèrent leur « étrangeté » comme cause de cet échec et débouchent sur deux thèses idéologiquement antagonistes. L'une dénonçant l'inadaptation de l'école aux spécificités des enfants qu'elle scolarise et préconisant des mesures particulières à leur intention, l'autre attribuant à leur présence le dysfonctionnement de l'institution et incitant à leur exclusion.
D'un autre côté, nier l'école serait une contre-vérité. Cependant affirmer qu'elle est en corrélation avec l'appartenance ethnique est tout aussi erroné. Comment expliquer l'échec massif des enfants du milieu populaire et comment y remédier ? Pourquoi parmi ces enfants il y en a qui réussissent ?Pour mieux comprendre ce problème, M. Luzincourt analyse deux concepts : celui de reproduction et celui de handicap socioculturel. Selon le chercheur, les problématiques de la reproduction et du handicap socioculturel ont mis à mal trois questions fondamentales: celle de la singularité, celle du sens, celle du savoir.Au cours de sa recherche, plusieurs points ont été abordés tels que le problème de la langue, les conditions de vie des familles, la scolarisation des enfants. Pour beaucoup de familles à plus de 60%, la langue constitue une barrière, un handicap, car pour ceux qui viennent dans le cadre de regroupement familial, ils ont du mal à s'intégrer véritablement à l'école. Le problème de l'accompagnement scolaire a été abordé. M. Luzincourt dit constater une satisfaction des parents. Les enfants qui étaient en échec, grâce au soutien, arrivent à réussir à l'école. Bon nombre d'enfants haïtiens se sont livrés à eux-mêmes et ces maisons de quartier sont une sorte de « refuge » pour certains parents qui ne disposent pas un temps nécessaire pour s'occuper de leurs enfants.L'appartenance à une catégorie sociale n'est pas souvent la cause de l'échec scolaire. Toutefois, une corrélation aussi forte, aussi permanente conduit à considérer l'échec scolaire dans son rapport à la société, aux classes sociales à ne plus enfermer ce phénomène ni dans la seule école ni bien entendu dans des manques strictement individuels. Cette corrélation est mise en évidence encore aujourd'hui dans les études statistiques annuelles réalisées par la direction de l'évaluation et de la prospective du ministère de l'Education nationale.
Dans sa recherche, il s'aperçoit que le niveau d'études atteint par la mère est en corrélation avec l'échec scolaire. L'étude révèle que contrairement à Haïti, ce sont les filles qui réussissent le mieux à l'école. Elles sont en majorité du côté des enfants qui sont nés en France.L'échec scolaire n'est pas une fatalité. On ne peut pas comprendre l'échec scolaire de ces enfants si on ne tient pas compte de ce qui se passe réellement à l'école. C'est ce que F. Adrien Luzincourt a essayé de faire en s'intéressant aux trois acteurs en présence à savoir : l'enfant, la famille, l'institution scolaire.Selon cette étude, 75% des enfants qui viennent dans le cadre de regroupement familial ont redoublé le CP. Parallèlement, les enfants nés en France connaissent un meilleur sort. Ils sont au nombre de 25% à redoubler le CP.Comprendre le problème de l'échec scolaire, c'est d'abord analyser sa logique propre, sa genèse spécifique. Cela implique que l'on étudie l'échec ou la difficulté scolaire, non pas comme absence de réussite, mais comme expérience, événement, une série d'événements dans une histoire personnelle qui doit être posée dans son contenu propre. En gros, les enfants haïtiens manquent un certain nombre d'atouts pour réussir à l'école. Mais il faut les comprendre à partir de ce qu'ils sont et non à partir de ce qui leur manque.Les élèves en difficulté donnent sens à tout ce qui fait sens pour eux. Ils veulent aussi qu'on les comprenne et leur donne les moyens pour réussir.Pour parer à l'échec scolaire, beaucoup de parents haïtiens recourent à l'école privée. Là encore, c'est un parcours du combattant. Il y a vu des jeunes qui attendent deux, voire trois ans pour enfin trouver une place dans une école privée. Parmi les interviewés, il n' y a que 2% qui fréquentent l'enseignement privé.Les enseignants font face à de multiples problèmes divergents dans une salle de classe. Déjà, les élèves sont divergents de par leur culture. Dans ce cas, il faut trouver des techniques appropriées pour chaque élève. Et ce n'est pas sans raison que les jeunes font savoir à Luzincourt qu'ils travaillent bien à l'école quand les « profs » expliquent bien. Il faut trouver les moyens efficaces pour que les élèves apprennent: changer de méthode de travail, faire acquérir d'autres connaissances, ne pas rester figé sur une méthode, améliorer le sens de savoir-faire, être attentif à la progression de chacun.Sans nul doute, les enfants des travailleurs immigrés haïtiens sont en situation d'échec scolaire en France. Son souci était de comprendre pourquoi il y a autant d'enfants qui ne réussissent pas à l'école. En même temps, l'histoire singulière de certains d'entre eux. Parmi ces jeunes, il y en a qui veulent bien s'en sortir et ils demandent de l'aide. Ils ne sont pas tous responsables de leur sort. Il s'agit là encore de traiter l'élève de famille populaire non comme un objet passif, mais comme un acteur dans sa propre histoire. Malgré toutes ces difficultés, il y en a qui réussissent à l'école. Et que le stéréotype immigrés = échec scolaire a beau constituer une fausse évidence. F. Adrien Luzincourt a aussi posé le problème de la violence à l'école, de l'orientation et tout ce que les familles se posent comme problèmes, car leur souci, c'est de voir leurs enfants réussir. Certains parents haïtiens ont un mauvais souvenir de l'école, car eux-mêmes, ils étaient en situation d'échec scolaire. Ils continuent à dire que l'école sert à exclure et non à intégrer dans cette société.


(1) LUZINCOURT (F. Adrien), Les enfants des migrants haïtiens à l'école, L'Harmattan, Paris, 2007, 244 pages.

F. Adrien Luzincourt est arrivé en France en 1994 après une licence de service social à la faculté des Sciences humaines. Il a travaillé comme bénévole au sein d'une association du nom de Comité d'action pour la protection et la promotion des enfants haïtiens (CAPPEH) où il côtoyait les familles haïtiennes en aidant leurs enfants.Né à Liancourt (Haïti), Dr en Sociologie à Paris V (Sorbonne), il a publié de nombreux articles sur la situation sociale et politique en Haïti et les conditions de vie des Haïtiens en France. Il a été professeur d'histoire d'Haïti et de langues vivantes aux différents collèges en Haïti et travailleur social à l'Entreprise publique de Promotion et de logements sociaux (EPPLS) de 1990 à 1994. Il est responsable de projets de développement dans le Bas Artibonite pour l'organisation Solidarité mondiale contre la faim. Il est actuellement directeur de l'Institut de technologie de Liancourt (ITEL).
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=46968

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