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samedi 7 juillet 2007

(Ville de ...)Bainet, un enfant abandonné

En un quart de siècle, Bainet n'a pas évolué et si la ville garde encore de son charme, elle a perdu sa magie. Abandonnée, oubliée même par ses enfants, elle se bat pour donner l'impression d'exister encore, en dépit de tout... En dépit de l'état déplorable de l'église St Pierre et St Paul, d'une carence en électricité, de l'absence d'un décent réseau d'eau potable. Bainet manque de tout et, pourtant, elle refuse de mourir.

Située dans le département du Sud-Est, la ville de Bainet couvre une superficie de 288.38 km². Elle est une des plus anciennes villes d'Haïti. Selon ses habitants, les Bainétiens, la ville est plus que tricentenaire et occupe une bonne partie du littoral. Après la ville de Jacmel, chef-lieu du département du Sud-Est, Bainet possède le plus grand nombre de sections communales. Trois de ces dernières sont baignées par la mer. Le relief de la commune est dominé par les mornes et le climat est considéré comme normal puisque deux de ses 8 sections (Haut Grandou et Bras de la Croix) sont reconnues fraîches.Selon certaines informations fournie par feu le père Parisot, ancien curé de la ville, le nom de Bainet viendrait de la beauté et de la netteté de sa baie et serait une déformation de l'expression « baie nette »,d'où le nom de Bainet.

Les problèmes de Bainet sont multiples et pluridimensionnels. On les regarde sous un angle et l'on croit avoir tout compris. Il suffit pourtant de changer de point de vue pour réaliser qu'on n'avait rien compris, ou plutôt que tous les problèmes sont si étroitement liés qu'il suffit d'aborder l'un d'eux pour qu'un autre se présente. Ainsi de suite.Sur le plan éducationnel, en dépit des données fournies par l'Institut haïtien de statistique et d'informatique (IHSI),données qui peuvent paraître rassurantes, la commune n'est pas bien lôtie (encore un euphemisme !).

Un lycée (Julien Raymond) et plusieurs collèges dispensent le pain de l'instruction à une jeunesse assoiffée de culture et de savoir. Mais l'absence de professeurs fait énormément de défaut et les contractuels engagés sur place ne répondent pas à l'attente de la population, ce qui est le cas presque partout. Vu le petit nombre de normaliens qu'on arrive, péniblement, à former annuellement, cela n'a rien d'étonnant. Encore heureux qu'il y ait encore des écoles.

L'école Saint-Gérard, dirigée par la Congrégation des Soeurs du Christ Roi, est, semble-t-il, la meilleure de la commune. Elle se limite à la 6e A.F. Après 60 ans de présence dans la commune, les Bainétiens ont bénéficié d'un siège du Baccalauréat. La population espère du MENFP une classe de philosophie mais ses appréhensions sont grandes quand on sait dans quelles conditions les candidats du Bac I ont été préparés.Le lycée Julien Raymond ne dispose pas de local propre. Il est hébergé à l'école nationale de Bainet qui fonctionne le matin laissant l'après-midi aux élèves de la 7e A.F. à la Rhéto qui occupent les lieux. Le directeur, Prophète Batichon, pour des raisons politiques, croit-on savoir (on ne sait jamais), a été transféré à Jacmel. L'intérim est exercé par le censeur qui cumule deux fonctions. Un beau merdier, comme d'habitude. A croire que, chez nous, l'éducation n'est une priorité que sur le papier.L'absence d'école professionnelle est patente. Le clergé paroissial fait fonctionner une école d'informatique pourvue de 8 ordinateurs. Là encore, se pose le problème de l'électricité. Il faudrait peut-être penser à fabriquer des ordinateurs fonctionnant au propane. Ce serait une contribution haïtienne honorable au progrès de l'humanité.

Autrefois, les Bainétiens envoyaient leurs enfants au Brevet élémentaire. Avec la présence du lycée, le brevet a été éliminé.
Les jeunes de Bainet sont livrés à eux-mêmes. L'absence de bibliothèque pèse lourdement sur l'évolution de cette frange sociale. A part quelques jeunes qui fréquentent l'école d'informatique mise sur pied par le clergé paroissial, les jeunes ignorent totalement tout de ce que sont les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC). Livrés à eux-mêmes, une certaine propension à la délinquance est observée chez eux. La situation économique désastreuse aidant à faire dégénérer la situation.La ville de Bainet laisse l'impression d'une commune abandonnée. Rares sont les constructions modernes. Les anciennes demeures subissent l'effet du temps et témoignent d'un passé riche. L'architecture grandiose de certaines bâtisses raconte un passé beaucoup plus glorieux.

Les Bainétiens éparpillés un peu partout semblent ne plus intéresser à leur patelin. Ce qui hier faisait la richesse de ce coin de terre, café, sisal, coton, s'est envolé avec le déboisement. A Bainet, le tourisme, on connait pas. Pourtant, il y a tout ce qu'il faudrait pour justifier un développement touristique réel dans cette région du Sud-Est. Des plages magnifiques bordent des eaux turquoises qui n'ont rien de commun avec les eaux souillées de la baie de Port-au-Prince. La limpidité des eaux ne saurait qu'attirer les amateurs de plongée vers un milieu sous-marin plus ou moins bien conservé en dépit de certains dommages imputables au manque de formation des pêcheurs et, surtout, à la non-gestion de l'Etat.Confrontée, elle aussi, à un sérieux problème de déboisement, la commune a pu tenir le coup jusqu'à présent grâce au travail réalisé, dans les années 80, par le révérend père Parisot qui s'était impliqué corps et âme dans le reboisement et l'information environnementale. Ce travail a laissé des traces dans les consciences et les Bainetiens, bien que déboisant à la vitesse « grand V », font un peu moins de dégâts que leurs compatriotes dans d'autres régions. Ce qui ne veut pas dire que la situation n'est pas alarmante.

Dans certaines zones comme Orangers (8ème section communale), le déboisement se fait de manière accélérée, car le bois est à la base de pratiquement toute l'économie de la localité qui repose sur la fabrication de meubles (chaises, dodines), de planches pour la construction, de charbon.Compte tenu du déboisement et de l'exploitation anarchique du sable de mer, une partie de la ville, la Grand-rue est appelé à disparaître. A chaque pluie ou en période cyclonique, les Bainétiens habitant la Grand-rue sont obligés de fuir la menace des vagues ou des eaux venant des hauteurs pour ne pas laisser leur peau.Pour entrer dans la ville, il faut traverser la rivière « Ti Pèn » qui, si elle est en colère, ferme les portes de la ville. Une situation à laquelle un tout petit pont aurait pu apporter des solutions. Ce qui montre encore une fois que les beaux discours et les belles promesses que nous entendons depuis des décennies n'étaient que de vains mots. Soyons optimistes et espérons que nos décideurs actuels auront une autre vision, moins personnelle, du progrès et du développement.Il est inconcevable que dans l'une des zones encore viables, bien qu'en danger, de la république, il n'y ait aucune représentation valable de certaines institutions étatiques comme le ministère de l'Environnement ou un autre de ces bureaux pleins d'experts concernés par les problèmes écologiques. A croire que toutes les solutions se trouvent dans les tiroirs de nos experts et qu'elle ne sont applicables qu'à Port-au-Prince puisque personne ne juge nécessaire de venir travailler sur le terrain.

Bainet est un coin magnifique qui mériterait vraiment que l'on s'en occuppe. Bainet voudrait bien recommencer à rêver... si ceux qui ont grandi en son sein et qui sont ailleurs veulent prendre le temps d'apporter leur contribution, aussi petite soit-elle, à cette commune qui les a vu naitre et qui les a nourris. En attendant que l'Etat dise son mot.
Fred Mc GuffiePatrice-Manuel Lerebours
patricemanuel@yahoo.comhttp://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=45906&PubDate=2007-07-06

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