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jeudi 19 juillet 2007

Centenaire de naissance de Jacques RoumainJacques Roumain et les relations haïtiano-dominicaines

Soumis à AlterPresse le 17 juillet 2007
Par le Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés (Garr)
Réflexions à l’UEH sur Jacques Roumain et les relations haïtiano-dominicaines
17 juillet 2007
Dans le cadre des activités commémoratives du centenaire de l’écrivain haïtien Jacques Roumain, l’Université d’Etat d’Haïti(Ueh) a organisé, le 14 juillet 2007, un panel autour des relations haïtiano-dominicaines, objet de préoccupations, déjà en 1937, chez l’auteur du célèbre roman paysan, Gouverneurs de la Rosée.
Ce panel, tenu à l’auditorium de l’Institut National d’Administration, de Gestion et des Hautes Etudes Internationales (Inaghei), a réuni le doyen de la Faculté d’Ethnologie, Yves Dorestal, l’ex-ambassadeur d’Haïti en République Dominicaine, Guy Alexandre, et la coordonnatrice du Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés (Garr), Colette Lespinasse qui, avant son exposé, a invité l’assistance à observer une minute de recueillement, en mémoire d’un autre poète, Jacques Roche, assassiné le 14 juillet 2005.
D’entrée de jeu, le doyen de la Faculté d’Ethnologie a campé le personnage de Roumain : un théoricien marxiste original, un internationaliste qui prônait un mouvement socialiste mondial.
Pénétré de cette vision, il a développé des relations avec les partis communistes de la région et encouragé une alliance des masses opprimées en vue de combattre tous les fascismes locaux. Roumain était également sensible à l’idée du projet de création, sur des bases socialistes, d’une Union des Grandes Antilles incluant entre autres, Haïti, la République Dominicaine et Cuba.
Selon le professeur Dorestal, Jacques Roumain nous a offert « une leçon de vigilance théorique et politique », car, tout en dénonçant le massacre de 1937, il avait évité le piège de l’anti-dominicanisme.
A travers un article titré "La tragédie haïtienne" publié, en novembre 1937, dans la revue française "Regards", l’écrivain avait accusé Rafael Leonidas Trujillo d’avoir commis un génocide, ce qui lui a valu des poursuites judiciaires et même une condamnation pour outrages à un chef d’Etat étranger.
Mais l’auteur avait critiqué également l’attitude complice du président haïtien d’alors, Sténio Vincent.
De l’avis de Roumain, les peuples haïtien et dominicain sont deux grandes victimes de la surexploitation et de l’oppression des classes dominantes des deux pays.
« La question haïtiano-dominicaine est trop sérieuse pour être laissée aux deux gouvernements », prévient le professeur Dorestal, qui invite plutôt à déconstruire l’anti-haïtianisme et éviter la voie dangereuse de l’anti-dominicanisme.
En ce sens, il estime que Roumain a innové en théorisant sur le concept de racisme périphérique pour expliquer l’anti-haïtianisme qu’on retrouve en République Dominicaine.
S’appuyant sur la vision de Roumain, l’ambassadeur Guy Alexandre s’est évertué à identifier différents moments de manifestations de cet anti-haïtianisme, qui empoisonne jusqu’à date les rapports entre les deux peuples et dont s’accommodent les deux oligarchies de l’île.
Il cite, entre autres, la période de création de l’Etat dominicain en rupture avec l’Etat haïtien, celle de Trujillo - qui a mis en place un anti-haitianisme d’Etat - et la période actuelle, caractérisée par une remontée du nationalisme anti-haïtien dont les événements de Hatillo Palma (2005) sont une tragique illustration.
Malgré le poids réel des stéréotypes et préjugés, il y a, tout de même, un ensemble de témoignages qui attestent que « le peuple dominicain, dans sa grande majorité, n’a pas fonctionné nécessairement selon des comportements anti-haïtiens », assure Guy Alexandre.
De son côté, la coordonnatrice du GARR, Colette Lespinasse, invitée à se prononcer sur la réalité et les perspectives de la migration haïtienne en République Dominicaine, a proposé un parallèle entre le contexte actuel de cette migration et celui qui a prévalu à l’époque de Roumain.
« La présence actuelle de milliers de travailleurs haïtiens en territoire dominicain n’est pas le fruit d’un hasard, mais le résultat d’une politique économique enclenchée dans un contexte géo-politique très particulier, caractérisé par l’occupation de plusieurs pays de la région en vue de l’expansion du capitalisme. A cette fin, les Américains avaient décidé d’occuper simultanément les deux pays (1915 pour Haïti et 1916 pour la RD) et d’intensifier sur l’île la production sucrière en installant les usines du côté dominicain et en puisant la main d’œuvre en Haïti ».
Ce qui a ouvert la voie à des flux migratoires vers la République Dominicaine, qui persistent encore de nos jours, déplore la coordonnatrice du GARR.
Comme à l’époque de Jacques Roumain, l’Haïti d’aujourd’hui connaît une occupation étrangère, les migrants haïtiens sont trafiqués vers divers secteurs de l’économie dominicaine et on insiste sur le retour en force de la culture de la canne en vue de la fabrication de l’éthanol, comme bio-carburant, a fait remarquer Lespinasse.
Une autre similitude relevée fut la poursuite judiciaire contre Roumain qui avait dénoncé le massacre de plus de 10,000 haïtiens, orchestré en 1937 par le dictateur Rafael Leonidas Trujillo.
En 2007, souligne Colette Lespinasse, des représentants du gouvernement et du Parlement dominicains, à travers notes officielles et résolutions, accusent de diffamation les auteurs d’une exposition en France de photos et de documentaires décrivant la réalité inhumaine des coupeurs de canne haïtiens dans les bateyes sucriers et ont annoncé des poursuites judiciaires à leur encontre.
La coordonnatrice du GARR s’est interrogée au passage sur le sens de la récente "célébration" du centenaire de Jacques Roumain en République Dominicaine", sous l’égide des présidents René Préval et Léonel Fernandez.
Dans quel esprit s’est donc effectuée cette célébration ?, se demande-t-elle, ajoutant que, tout comme à l’époque de Jacques Roumain, les dirigeants haïtiens et dominicains ont toujours conclu des alliances dans le sens de leurs intérêts, et rarement au bénéfice des deux populations.
En guise de conclusion, elle a souligné la nécessité pour les populations des deux pays, dans leurs composantes marginalisées et surexploitées, de construire une autre alliance en vue de l’émergence de meilleurs rapports sur l’île ». (Fin de texte GARR-17/7/07
).
http://www.alterpresse.org/spip.php?article6207

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