Google

jeudi 9 août 2007

Jean-Rabel: l'hospitalité comme enseigne

On entre à Jean-Rabel comme on entre dans n'importe quelle autre ville du pays. Il n'y a aucune enseigne pour indiquer quoi que ce soit. On sait simplement que l'on est arrivé et, si l'on a encore des doutes, il suffit de demander. Comme partout ailleurs chez nous, les gens sont accueillants et les étrangers sont en général reçus comme des princes et traités comme tels.
Si l'on arrive par la route qui traverse Mare Rouge, il peut être carrément impossible d'accéder à la ville de Jean-Rabel car s'il pleut, la rivière peut tout simplement couper la route et, vu l'absence de pont, il n'y a qu'à prendre son mal en patience et attendre que les eaux se calment.
Au premier abord, la ville n'a rien d'attrayant avec ses rues en mauvais état coupées, par endroit, par des rigoles remplies de déchets en plastique. Des rues où des véhicules passent en soulevant des nuages de poussière. Vieille de 264 ans, la ville de Jean-Rabel, qui pourtant est commune depuis 1947, n'est pas drainée, ce qui ne facilite pas l'entretien du réseau routier et, du train où vont les choses, si l'on ne met pas rapidement la main à la pâte, bonjour les dégâts, car les risques d'inondation sont particulièrement élevés.

Le reboisement des bassins versants est une obligation tout aussi pressante.
Jean-Rabel est pourtant une ville qui grouille d'activités. C'est, dans le Bas-Nord-Ouest l'agglomération la plus vivante. Les rues sont pleines de monde et les activités commerciales vont bon train.

Sa position géographique ainsi que sa proximité par rapport à la ville de Port-de-Paix, le chef-lieu de l'arrondissement, en font un centre vital des activités du Bas-Nord-Ouest. De nombreuses organisations non gouvernementales qui travaillent un peu partout dans le département, dans différents domaines, y ont élu domicile. Malgré son air négligé, les choses ne vont pas si mal que ça pour Jean-Rabel, même si la municipalité ne sait par où commencer pour faire face aux nombreux problèmes de la ville.

Santé
Jean-Rabel dispose d'un hôpital, un vrai qui, en dépit de certains problèmes comme le manque d'équipement, est le principal centre hospitalier de la région. Les cas les plus complexes sont référés à Port-de -Paix. Il n'y a qu'une ambulance qui est censé desservir toute la commune. Quand on connaît l'état des routes, on imagine facilement qu'il ne doit pas être exploité de façon optimale. Il existe plusieurs dispensaires répartis dans plusieurs sections communales. Cependant, les 5e, 6e, 7e sections en sont dépourvues.
L'hôpital se retrouve malheureusement dans une situation assez critique en période pluvieuse. Les risques d'inondation sont très élevés, d'autant plus que le bâtiment se retrouve pratiquement dans le lit de la rivière. En plusieurs occasions, il a été nécessaire d'évacuer les malades. Une situation pour le moins, inquiétante et qui demande une réponse urgente quand on sait que ce centre dessert, outre les 135000 âmes de la commune, celles de communes avoisinantes, comme Baie de Henne.
Education
La ville est assez bien fournie, question éducation. Il y a de nombreuses écoles qui fonctionnent dans des conditions plus ou moins admissibles, avec un niveau assez intéressant et un taux de réussite convenable. Pourtant, certains problèmes cruciaux se posent au niveau de l'enseignement public. Il n'y a que 13 professeurs présents pour le seul lycée de toute la commune, ce qui est loin d'être suffisant pour assurer un enseignement valable aux écoliers du secondaire.
Certaines sections comme Lacoma, Guinaudée n'ont carrément pas d'école. Pour d'autres, la situation se présente autrement. Les écoles sont là, vides, faute de professeurs, et les enfants doivent parcourir de longues distances pour avoir accès au pain de l'instruction, un pain qu'ils ne peuvent pas bien digérer, fatigués et affamés qu'ils sont avant même d'arriver en classe
Energie
Il n'y a pas de problème d'électricité à Jean-Rabel. Il n'y pas d'électricité tout court. De plus, pratiquement tout le réseau est à refaire. Pourtant, il y a quelques temps, l'électricité existait dans la ville. Les génératrices sont encore là pour le prouver. De l'avis du maire principal, Isaac Civil, le vrai problème est de trouver les ressources nécessaires pour remettre le réseau sur pied et résoudre les problèmes d'alimentation en carburant. Les rues pourraient pourtant bénéficier d'un minimum d'éclairage si l'on y installait des lampadaires fonctionnant à l'énergie solaire, une option fiable et viable.
Economie et environnement
La ville continue à survivre malgré la destruction de sa principale ressource, l'agriculture, réduite à un état embryonnaire à cause du déboisement et de la déforestation intensive de toute la région en général, et des bassins versants en particulier. D'un autre côté, les conséquences de la destruction d'une bonne partie des canaux d'irrigation se font sérieusement sentir, de même que la destruction d'un aqueduc qui passait non loin de l'hôpital et qui arrosait environ une cinquantaine d'hectares cultivables.Le commerce du charbon et la production de chaux sont les principales causes du déboisement.
Sécurité
Une quinzaine de policiers sont affectés au Commissariat de la commune où ils travaillent dans des conditions vraiment difficiles rien qu'avec une seule moto en dépit de la dimension du territoire qu'ils doivent couvrir.
La MINUSTAH, très présente et très active dans la région, a développé des rapports assez étroits avec la population.
Services d'Etat
Les services d'Etat sont mal logés. Le tribunal est dans un état plus que pitoyable et seule l'attente d'un nouveau bâtiment par la MINUSTAH donne le courage de patienter devant le délabrement total de la masure où officient nos honorables juges.
Le bureau de la représentation de la Direction Générale des Impôts (DGI) n'est pas mieux logé, et le pauvre et unique employé qui y travaille en tant que percepteur doit grimper un escalier abrupt et suspect pour remplir ses devoirs. Et si, par malheur, il tombe malade, il n'y a personne pour le suppléer.

A Jean-Rabel, il y a vraiment beaucoup à faire mais l'espoir est là. En prenant les mesures qui s'imposent avec une vision de développement à long terme, dans une dizaine d'années, les résultats pourraient dépasser les espérances, tenant compte du potentiel réel de la région.

Patrice-Manuel Lerebours



Aucun commentaire: