Les gouvernements se succèdent et le problème de gestion du Morne l'Hôpital reste entier. L'environnement du Morne se détériore de jour en jour, ce qui constitue un danger pour les habitants de Port-au-Prince.
Hilaire 57 ans, le crâne dégarni, de petite taille et d'un teint noir foncé habite avec sa famille les mornes du Canapé-Vert. Sa maison est construite sur sa petite parcelle de terrain achetée en 1997. Il rejette d'un revers de main la possibilité de voir sa demeure démolir un jour par des instances étatiques. « Je n'ai pas squatté la maison, je l'ai construite à la sueur de mon front. J'ai des documents prouvant que j'ai acquis ce lopin de terre en bonne et due forme », a-t-il déclaré.
A l'instar des milliers de familles qui résident dans hauteurs du Canapé-Vert, Hilaire vit quotidiennement sous la menace de glissements de terrain et d'autres désastres écologiques. Pourtant, il ne croit une seconde à l'éventualité de telles catastrophes. « J'habite le quartier depuis 10 ans, j'ai connu plusieurs saisons pluvieuses et même des cyclones, le Bon Dieu nous a toujours protégé. Je ne crois pas qu'une catastrophe naturelle va se produire », a-t-il affirmé, l'air confiant.
Canapé-Vert n'est pas un cas isolé. Les constructions anarchiques sont également visibles dans les piémonts du Morne l'Hôpital notamment à Jalousie, Désermite, Decayette, Grand- Ravine, la zone Canapé-Vert/ Bourdon, communément appelée "Morne Garnier, St Laurent, Haut Turgeau. Cette urbanisation désordonnée entraîne une accélération du processus de déboisement qui constitue une véritable épée de Damoclès suspendue sur la tête des habitants de la capitale.
Outre l'urbanisation effrénée, le constat fait, jeudi, au Morne l'Hôpital permet de saisir d'autres aspects du problème : l'exploitation des carrières de sable et l'expansion de la culture vivrière. Des arbres ont été progressivement éliminés au profit de cultures céréalières. La pratique de l'élevage des espèces bovines et des cabris est aussi observée. Elle empêche les faibles tentatives de reboisement.
Ces pratiques vont à l'encontre des prescrits du décret du 30 octobre 1986 qui interdit, sur toute l'étendue de la zone spéciale des 2000 hectares du Morne, la culture sarclée et l'élevage.
Par ailleurs, l'incapacité du sol à absorber l'eau provoque à la moindre averse des avalanches dans l'aire métropolitaine. De plus, des latrines construites près des bassins de captage qui desservent la capitale constituent un véritable danger pour les Port-au-Princiens qui consomment cette eau.
« Si les constructions anarchiques ne sont pas stoppées, les sources qui alimentent Port-au-Prince représentant 75% de l'eau que consomment les habitants de la capitale seront toutes polluées », a déclaré l'agronome Gérard Nozine, coordonnateur adjoint de l'Organisme de surveillance et d'aménagement du Morne l'Hôpital (OSAMH).
Quelles solutions pour le morne l'Hôpital ?
Selon le coordonnateur principal de l'OSAMH, Michel Montus, l'intégration de la population du Morne l'Hôpital est une condition sine qua non afin d'arriver à des résultats tangibles. « Les gens doivent être sensibilisés. Ils sont les premiers concernés par la dégradation du Morne l'Hôpital. », a-t-il indiqué.
M. Montus croit qu'un engagement soutenu des autorités étatiques est impératif pour freiner toute nouvelle construction dans la zone. « La solution aux problèmes du Morne requiert l'intervention soutenue des instances concernées notamment le MICT, le ministère des Travaux publics Transports et communications, le ministère de l'Environnement et certaines mairies dont Port-au-Prince, Pétion Ville et Carrefour. »
Il a estimé, sur la base des études sur les potentialités de la zone, qu'il faudrait penser à raser les maisons. « Cela peut aider à résoudre le problème de la bidonvillisation d'une grande partie du Morne l'Hôpital », poursuit-il.
Le coordonnateur de l'OSAMH a souligné qu'il faut établir un plan de reboisement et entreprendre des travaux de rétention du sol à l'instar de ce qui a été fait à Dos Fourmis, dans les ravines de St Rome, de Fond -Diable et de Bois Cochon.
Possibilité d'enlever le budget de l'OSAMH
L'OSAMH a été récemment sous les feux des projecteurs. Les députés Steven Benoît et Clédor Myril, membres de la commission finance à la Chambre basse ont proposé de désaffecter le budget de l'OSAMH et de répartir les comptes à d'autres ministères. Une proposition que déplore le coordonnateur principal de cette institution Michel Montus.
M. Montus a précisé que l'organisme qu'il dirige est toujours en proie à un problème de moyens. « Depuis sa création, l'Organisme de surveillance et d'aménagement du Morne de l'Hôpital (OSAMH) n'a jamais eu un budget d'investissement pour entreprendre les tâches qui lui sont assignées. Depuis 2 ans, on n'a rien reçu même pour mettre en terre une plantule », a-t-il confié.
Créé en octobre 1988, l'Organisme de surveillance et d'aménagement du Morne l'Hôpital (OSAMH) a pour mission de protéger le versant nord du morne soit la partie allant du morne Calvaire à Diquini (2000 hectares de terre). Logé dans les locaux du MICT dans deux pièces de 4m2 chacune, l'OSAMH a un budget de fonctionnement de 2.4 millions de gourdes. Une trentaine de cadres et d'employés constituent son personnel dont 11 agents d'aménagement et 6 de surveillance sont déployés sur le terrain.
Le décret du 30 octobre 1988 rapportant la loi du 17 novembre 1978.
Dans le cadre de ce décret, il est interdit sur toute l'étendue de la zone spéciale des 2000 hectares du morne l'Hôpital de:
1- pratiquer l'élevage des bovins et caprins;
2- entreprendre une quelconque coupe de bois ou de fascines;
3- entreprendre une quelconque culture sarclée annuelle (petit mil, maïs, manioc, patate, etc.);
4- pratiquer le brûlis à quelque fin que ce soit;
5- écorcher, mutiler, faire le dessouchage, débrancher, pratiquer l'abattage et l'incision des arbres, détruire les taillis;
6- prélever les matériaux de toutes sortes (sable, pierres, etc.);
7- faire fonctionner les fours à chaux et à charbon.
Alain Gaillard
gtilain@yahoo.fr
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire