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mercredi 15 septembre 2010

Le beau gaspillage de Onaville

L'une des clôtures de ce vaste domaine
où poussent, à travers un fouillis 
de pierres,  des herbes folles.

(Photo: Francis Concite)

Alors que plus d'un million de portauprinciens sont sans abri, seulement sept familles vivent à Onaville qui n'est pas une ville, mais un village de 92 maisons en béton uniformes, monochromes, alignées au flanc du Morne à Cabris, dans la commune de Thomazeau. Ces logements sociaux désespérément vides ne présentent aucun signe de vie ni d'atteintes causés par le séisme. Beau gaspillage de l'Office national d'assurance vieillesse (ONA) !
Onaville avec ses logements sociaux
monochromes,  uniformes, peints en jaune
tranche sur le vert des collines trappues
de Zorangers. (Photo: Francis Concite)
Haïti: Onaville, ambitieux projet de l'Office national d'assurance vieillesse (ONA), inauguré en 2003 sous la présidence de Jean-Bertrand Aristide, est un village fantôme. Adossé au flanc du Morne à Cabris, au Nord'Ouest de Port-au-Prince dans la commune de Thomazeau, le village alignant 92 maisons sur une superficie de onze hectares ne respire pas la vie. Pas un bruit, pas un cri d'enfant ne sort des fenêtres de ces pâtés de maisons uniformes et monochromes à l'architecture de béton. Ces demeures peints en jaune qui tranchent sur le vert des collines trapues de Zoranger inquiètent.
« Hé o ! hé o ! Personne ! Il y a quelqu'un ! Pa gen moun ! » Accompagné d'un photographe, nous frappons avec un caillou à toutes les barrières cadenassées donnant accès au village entouré d'une clôture en grillage métallique, sur laquelle se répandent des plantes grimpantes. Seul l'écho de nos voix nous parvient. Pas une âme qui vive dans ces bâtisses perdues dans ces immensités de plaines où les montagnes au loin paraissent bleutées.
La route bordée de pylônes électrique
qui mène vers Onaville

(Photo: Francis Concite)
La clôture rouillée, abîmée qui entoure ce vaste domaine n'empêche pas au regard de se promener dans ce lieu désert où poussent, à travers un fouillis de pierres, des herbes folles.
Nous contournons Onaville jusqu'au flanc d'une colline passablement érodée, découvrant des allées caillouteuses qui longent les maisons. Soudain, une tête émerge à travers une fenêtre. Une jeune fille nous conseille de voir les agents de sécurité pour entrer dans le périmètre.
Encore une fois, nous reprenons la grande route cahoteuse ; aucun agent de sécurité n'est visible. Au moins, il y a une âme qui habite dans ces structures de béton. Pendant longtemps, nous avons contourné la propriété, nous n'avons pas vu d'autres âmes. La jeune fille qui nous a parlé, ne serait-elle pas un fantôme ?
Résignés, on se décide à reprendre le chemin du retour. En face d'Onaville, à l'autre bord de la grand-route, s'étend un site d'hébergement, le seul espace où la vie est animée. Des enfants sautent à la corde, des rires de sans-abri sous leur tente, une fumée monte dans l'air. La vie trace ses frontières à la lisière d'un village mort.

Au pied du village de l'Ona pousse
des tentes de sans-abris où la vie s'anime
(Photo: Francis Concite)
 Les premiers habitants du village
Au moment où nous quittons Onaville, une jeep arrive. Elle se dirige vers une barrière du village fantôme, nous l'abordons. « Nous habitons Onaville. Nous sommes les premiers habitants de ce village », dit la femme. Etes-vous les seuls habitants de ce village ? les yeux fixés sur sa main, elle compte comme un enfant qui apprend à faire un exercice de calcul. « Cinq, six, nous sommes sept familles à demeurer dans ce village qui compte quatre-vingt douze maisons », précise la femme, plus communicative que son mari.
La route en terre battue à deux voies
(Photo: Francis Concite)
La raison pour laquelle Onaville a échoué, explique-t-elle, découle du fait que ce projet est resté inachevé. « Nous sommes comme perdus dans cet espace à perte de vue. Nous n'avons rien. Nous sommes sans eau, sans électricité et la route est difficile. Quand on nous avait alléché avec le projet de l'Onaville, on nous avait promis monts et merveilles : place publique, terrain de jeu, église, école, centre de santé etc. », dit-elle.
Comme tous les habitants d'Onaville, ce couple rentre dans le village pour dormir. « Tout ce que nous avons à faire, nous le faisons en ville. C'est ainsi », se résigne ce couple de professionnel établi depuis l'année 2003, à l'époque où le président Aristide avait inauguré ces logements.
« Nous sommes des assurés de l'Ona. Nous avons vingt ans pour payer notre logement », confie l'homme au volant de sa jeep.
Claude Bernard Sérant
serantclaudebernard@yahoo.fr
http://lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=83585&PubDate=2010-09-14

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