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lundi 22 mars 2010

DES MAISONS DELAISSEES PAR DES SANS ABRIS

Louise Leduc La Presse

Les maisons, en rangée, sont coquettes. Elles sont neuves. Et vides.
À Nueva Choluteca, au Honduras, après l'ouragan Mitch, en 1998, tout un quartier a été reconstruit de toutes pièces. Vite, il fallait donner un toit à ces sans-abri qui se rueraient tous pour obtenir une maison neuve, non? Erreur. Les gens n'ont pas voulu de ces maisons. «Difficile de prendre l'autobus pour aller travailler quand il n'y a pas de route!» lance Gonzalo Lizarralde, professeur à l'École d'architecture de l'Université de Montréal, photo à l'appui.
De tremblements de terre en cyclones, en Turquie, au Salvador, au Pérou et dans combien d'autres pays dévastés, M. Lizarralde a trop vu de ces quartiers être construits à la va-vite. Trop de maisons mal faites - «souvent plus dangereuses que les tremblements de terre eux-mêmes!» - plantées au milieu de nulle part pour la simple et bonne raison que les terrains, en périphérie, sont moins chers. Le problème, c'est que la femme monoparentale n'a que faire d'une maison dans une lointaine banlieue si la grand-mère ou la soeur habite à l'autre bout de la ville et qu'on ne peut plus facilement aller déposer les enfants avant de partir au travail.
Cas unique que ces maisons vides au Honduras? Loin de là. M. Lizarralde montre une autre photo de maisons toutes neuves, en Colombie, sans porte ni fenêtres. «Les gens sont intelligents: ils ont pris ce qu'il y avait de bon dans la maison et sont allés ailleurs!»
Puis une autre photo. Celle d'un quartier de Colombie, près d'Armenia. Sur la photo, on voit une femme balayer. Sa maison? Non. La rue. «On voit bien que les gens ont ce quartier à coeur. Parce qu'il est bien situé, parce que les maisons sont bien faites, parce qu'il y a de l'emploi pas loin.»
Une travailleuse humanitaire qui demande l'anonymat a été à même de constater les bons coups et les moins bons coups de la reconstruction. Au chapitre des moins bons coups: la construction de trop de maisons à 2000$ qui finissent par coûter 5000$ ou 6000$ parce qu'il faut nécessairement travailler avec tel ou tel entrepreneur privé.
Pierre Minn, qui fait son doctorat sur l'aide humanitaire à l'Université McGill, note aussi qu'il aimerait bien savoir «combien d'argent, sur tous les dons, restera vraiment en Haïti et combien de ces sommes retournent sous une forme ou une autre au Canada ou aux États-Unis».
Qui construit les maisons? Des étrangers, qui ont souvent le réflexe de faire venir leurs employés de chez eux, et d'importer les matériaux.
Même dans les petites choses, on pense souvent bien faire, et pourtant, on a si tôt fait de déstabiliser un marché, note M. Minn. Beaucoup de vêtements usagés sont envoyés à Haïti, par exemple. Une fausse bonne idée, à entendre M. Minn. «Ça fait en sorte qu'à part les uniformes d'école, les tailleurs n'ont pas d'ouvrage.»
Les agriculteurs sont tout aussi artificiellement au chômage. «Depuis des années, le riz américain se vend pour presque rien comparativement au riz haïtien. Résultat: au marché, les gens achètent du riz venu d'ailleurs, ce qui n'aide pas les agriculteurs locaux.»
http://www.cyberpresse.ca/international/amerique-latine/seisme-en-haiti/201003/21/01-4262849-des-maisons-delaissees-par-des-sans-abri.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_lire_aussi_4262845_article_POS2

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