Le détenu Rony Tchyn exhibant son ordonnance de non lieu alors qu'il est encore gardé en détention à la prison civile de la Grande-Rivière du Nord située environ 25 km du Cap-Haïtien. (Photo: Samuel Baucicaut)
Il s'appelle Rony Tchyn. Chauffeur d'autobus de profession avant son arrestation, il assurait quotidiennement le trajet Port-au-Prince/Cap-Haïtien. Depuis environ un an, il est incarcéré à la prison civile de la Grande-Rivière du Nord et clame son innocence. A son avis, il serait victime d'un règlement de compte personnel et espère que l'écho de sa voix retiendra l'attention de qui de droit pour obtenir son élargissement.Exhibant un ordre de libération émanant de l'autorité compétente, le détenu Rony Tchyn, incarcéré à la prison civile de la Grande-Rivière du Nord, a poussé un ouf de soulagement en voyant arriver sur la cour de ce centre de détention une délégation de journalistes haïtiens venus de Port-au-Prince. Rony Tchyn est chauffeur d'autobus. Il pilotait un autobus du nom de « PanAm du Cap » assurant le trajet Port-au-Prince/Cap-Haïtien/Port-au-Prince. Il dit avoir été arrêté sur « ordre » d'un policier qui devait se rendre à la capitale à bord de l'autobus qu'il pilotait. Selon Rony Tchyn, ce policier dont l'identité n'a pas été révélée devait rentrer à Port-au-Prince à bord de son autobus accompagné d'une autre personne. A cette période, les autobus assurant le trajet Cap-Haïtien/Port-au-Prince n'étaient autorisés à démarrer qu'à partir de minuit. Et le passager voulant voyager vers Port-au-Prince devait retirer son ticket quelques heures à l'avance et être présent à la gare routière à l'heure convenue. Sinon, il risque de perdre son argent en cas de retard ou d'absence.
Au dire du détenu Rony Tchyn, le policier et sa compagne ne s'étaient pas présentés à la gare à l'heure indiquée sur leur ticket mais à 5 heures du matin. « A 5 heures, la plupart des autobus sont déjà arrivés à Port-au-Prince où sont dans les parages de la capitale », affirme le malheureux chauffeur tenant son ordre de libération comme une relique sur sa poitrine. « Je vis actuellement une situation anormale. Il s'agit de la pire des injustices. J'ai été arrêté sans motif. Je suis détenteur d'une ordonnance de non-ieu (NDLR : ordonnance émanant du juge d'instruction renvoyant le prévenu hors des liens de la détention). Mais, sans qu'aucune (autre) charge soit retenue contre moi, je suis encore maintenu ici dans ce trou », dit-il l'air désabusé. Rony Tchyn est persuadé qu'il y a une main cachée derrière son incarcération. Avec ses compagnons de cellule, Rony doit partager quotidiennement la chaleur, la soif, l'humidité..., la privation, la promiscuité..., l'odeur fétide des lieux, bref, la prison à l'haïtienne. L'histoire de Rony Tchyn est aussi celle de nombreux autres détenus incarcérés dans les prisons du pays. Détenteur d'un ordre de libération émis par un juge d'instruction affecté au tribunal de Première instance de la Grande-Rivière du Nord, Rony n'arrive pas à croire qu'il est encore en prison. Cependant, jusqu'à lundi dernier, il était encore en détention. Après nous avoir parlé, une sorte de lueur d'espoir éclairait le visage du détenu. « Même si je ne suis pas encore libéré, je suis sûr que les autorités concernées vont pouvoir entendre ma voix », a-t-il murmuré avant d'ajouter: « Je suis également citoyen chinois. Je voudrais que la représentation chinoise à Port-au-Prince le sache. »Comme Rony Tchyn, de nombreux autres détenus incarcérés dans ce centre de détention voulaient présenter leur situation, assurés que la presse peut contribuer à faire entendre leur voix. Dans sa cellule comme dans les autres, le tableau est très peu reluisant et n'est pas différent. L'espace était construit pour héberger moins d'une trentaine de détenus. Pourtant, lors de notre passage, ils étaient plus de soixante-dix (dont quatre femmes et quatre mineurs) répartis dans cinq cellules. Les hommes étant plus nombreux, ils sont tantôt vingt, tantôt vingt-cinq à être incarcérés dans des cellules de cinq (5) mètres carrés environ.
Samuel BAUCICAUT
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