Après la publication par Le Nouvelliste en mars 2007 de l'article : « Montegrande, un village d'aveugles », la localité située près de Papaye (Hinche) a reçu de multiples visiteurs. Pourtant, sa situation ne s'est guère améliorée. La population patauge toujours dans la misère.
Le centre de santé, la seule institution publique de Montegrande (Photo: Jean Pharès Jérôme)
Vivre dans la localité sèche et aride de Montegrande s'apparente à une punition. Les vieillards et enfants majoritaires dans la zone sont privés de tout. On se souvient de l'article qui traitait des pénibles conditions de vie des aveugles de la zone et qui avait provoqué des remous à travers le pays. Certaines institutions et des particuliers avaient apporté leur soutien aux habitants de Montegrande. Une quinzaine de personnes ayant des problèmes visuels avaient été envoyées à la capitale pour recevoir les soins que nécessitait leur cas.
Certains ont pu recouvrer la vue. D'autres non, parce qu'ils ont vécu trop longtemps avec la maladie. Aucune action concrète n'a cependant été posée au profit de la population de Montegrande qui vit en 2008 comme au siècle dernier. Bon nombre d'enfants ne vont toujours pas à l'école. L'institution scolaire gérée par l'association des aveugles a failli à sa mission. Ses portes sont restées cadenassées, faute d'argent pour payer les enseignants. Des particuliers essayent de combler le vide. Ils ont créé une école communautaire accueillant seulement une centaine d'élèves. Fonctionnant dans une bicoque, cette institution peut à n'importe quel moment cesser ses activités puisque les pauvres parents qui tirent le diable par la queue n'ont pas payé jusqu'ici la modique somme qui leur est réclamée.
Un centre de santé, l'unique institution construite par l'Etat haïtien dans la zone, n'existe que de nom. La seule infirmière en poste n'arrive pas, à elle seule, à prodiguer des soins à tous les malades recensés à Montegrande.
Toute indisponibilité de cette infirmière, au dévouement exceptionnel, entraîne automatiquement la fermeture du centre. «Il arrive des fois que des patients font le va-et-vient ici pendant une semaine sans que personne ne les prenne en charge », précise un vieillard chenu, rappelant que le centre de santé fonctionnait à ses débuts avec trois infirmières. Les activités économiques sont pratiquement au point mort à Montegrande. L'agriculture et l'élevage qui devraient permettre au gens de subsister, ne sont au fait qu'une perte d'argent et d'énergie. « L'année dernière, j'ai investi environ 5000 gourdes en plantules et en semences pour mon lopin de terre et en retour, je n'ai récolté que deux sacs de maïs, quelques marmites de pois, et des bananes chétives », se désole Joseph Délince, père de quatre enfants.
Pour survivre, la population se tourne vers la production du charbon de bois. Cette activité jugée plus rentable que l'agriculture et l'élevage donne aujourd'hui à Montegrande l'allure d'un désert. N'ayant plus d'arbres pour faire du charbon, les gens se ruent vers les rares manguiers dissimulés au milieu des herbes sauvages.
L'école communautaire de Montegrande (Photo: Jean Pharès Jérôme)
Pas étonnant que certaines personnes, à la faveur de la nuit, coupent les arbres sur la propriété d'autrui pour alimenter l'industrie du charbon, principale ennemie de ce hameau sec et enclavé. « Je sais qu'il est mauvais de couper les manguiers, mais je n'ai pas d'alternative », déclare un jeune homme d'une trentaine d'années. Embarrassé, il a ajouté : « nous ne les déracinons pas complètement dans l'espoir qu'ils recommenceront à donner des fruits. »
Jean Pharès Jérôme
pjerome@lenouvelliste.com
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=54212&PubDate=2008-02-15
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