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vendredi 15 février 2008

La télé, un poison lent

A Port-au-Prince, des stations de télévision diffusent à n'importe quelle heure des films et autres programmes exaltant le sexe et la violence. Souvent, des enfants restés scotchés devant leur petit écran « encaissent » et développent des comportements inquiétants.
Les yeux rivés sur le téléviseur installé dans le salon, Stéphanie et Giselle zappent. Bouillonnantes de curiosité, les gamines qui font encore pipi dans leurs couches « ingurgitent », comme tous les samedis matin et autres jours fériés, des clips raps montrant des femmes presque nues se déhancher et des films d'action exaltant la mort du bandit, du mauvais gars. Le tout saupoudré de scènes érotiques. Rien de plus « normal » dans le quotidien de ces enfants confinées à la maison soit par manque de loisir, soit pour cause d'insécurité, raconte un ami de la famille, jusqu'à ce que le père, scandalisé, tombe sur ses fillettes en train de s'embrasser intimement. Sommées de s'expliquer, les petites, avec innocence, répondent qu'elles font comme les gens à la télé. Cette histoire n'est pas unique. Au contraire.
« La télévision, source de mauvaise conduite chez le enfants, peut provoquer toutes sortes de déformations de la personnalité, confie le Dr Jeanne Phillipe. Outre la confusion sexuelle, certains deviennent violents », ajoute la psychologue qui appelle à une réflexion et des actions face à la dérive consistant à exposer les enfants à des programmes auxquels ils n'auraient jamais dû avoir accès.

« La nation doit avoir un regard inquisiteur sur la télévision », appelle-t-elle, invitant, d'un autre côté, à la production d'émissions de divertissement qui mettent en relief les aspects positifs de la culture locale. « Ce n'est pas facile de produire, c'est difficile et coûteux, surtout pour les enfants, mais il faut le faire », explique le Dr Jeanne Philippe qui a travaillé pendant des années à la Télévision nationale d'Haïti (TNH). Selon un spécialiste en communication requérant l'anonymat, l'Etat, la société doivent se donner les moyens pour freiner la dérive audiovisuelle en Haïti. Dans les pays où l'on connaît l'influence de la télévision sur la culture, les comportements, les esprits et les conséquences de ces dérives, on monte des institutions. « En France, par exemple, le Conseil supérieur de l'audiovisuel est très strict sur les programmes, leur nature, leur contenu, leur tranche horaire et leur public. En aucun cas, on ne saurait présenter à des enfants à peine sevrés du sein maternel des scènes érotiques un samedi matin », indique-t-il.Croyant qu'il est temps de lancer le débat sur l'urgence de définir notre politique communicationnelle afin de choisir un système s'inspirant du modèle français ou américain..., l'expert en communication rejoint le Dr Jeanne Philippe qui invite à la création ou au renforcement des structures de production audiovisuelle véhiculant les mérites et les aspects positifs de la culture haïtienne. C'est, estime-t-il, l'un des moyens de limiter « l'envahissement culturel ». S'agissant des films, surtout de longs métrages produits par Hollywood, des pays comme la France repoussent difficilement l'acculturation, l'hégémonie culturelle des Américains.
Les décideurs des médias américains sont généralement des libéraux qui aiment bousculer ce qu'ils appellent le « statu quo culturel ». C'est pourquoi, avance-t-il, qu'ils ne voient pas de mal à exalter l'homosexualité, l'adultère. La machine à rêver d'Hollywood s'est transformée en poison en vendant le sexe et la violence comme divertissement, dit-il, en se défendant d'avoir un jugement moraliste par rapport à cette industrie qui impose des modèles au monde. Jusqu'ici, l'unique chaîne de télévision qui censure les scènes érotiques d'un film ne le fait pas lorsqu'il y a une exécution ou une décapitation, fait-il remarquer en insistant sur rôle que doivent jouer les parents afin de protéger les enfants.
Vecteur de divertissement et d'information, la télévision peut aussi être un poison lent quand son fonctionnement n'est pas règlementé. Ce ne sont pas les parents des gamines qui se bécotent qui diront le contraire.
Roberson Alphonse

robersonalphonse@yahoo.fr
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=54225&PubDate=2008-02-14

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