Le spectacle désolant qu'offre la rivière Bois-de-chêne en menaçant presque toutes les maisonnettes de village de Dieu (Photo: François Louis)
Etienne Saintval, le géniteur de 38 enfants: « ...Après la pluie, le soleil revient pour les autres mais il fait toujours mauvais temps pour nous. » (Photo: François Louis)3
En fait, il a beaucoup de raison de se montrer déçu : le maigre revenu que lui ont rapporté ses trois jours de travail a été épuisé. Il a peur d'accumuler des dettes dans les boutiques de la zone en vue de nourrir sa nombreuse famille. Heureusement, il vit dans une communauté où les voisins ont bon coeur. « Nous n'avons plus rien à la maison depuis samedi, dit-il. N'était la solidarité de nos voisins qui partagent avec nous leur maigre nourriture, la situation serait bien pire encore.»
Il n'est pas le seul à maudire le ciel qui, depuis quelques jours, déverse des torrents d'eau sur les vieilles tôles qui recouvrent son humble demeure. Les habitants des centaines de maisonnettes, vétustes et délabrées, qui longent la rivière Bois-de-chêne se plaignent eux aussi. Ils maudissent surtout le gouvernement qui, selon eux, ne fait rien pour les aider. Bon nombre d'entre eux n'ont pas fermé l'oeil depuis le début des intempéries de peur que les eaux ne les surprennent en plein milieu de la nuit. Les riverains pestent aussi contre certains habitants qui, voulant récupérer pierres et alluvions charriés par la rivière en crue, grugent littéralement
Vue partielle des masures qui sont légion dans la zone (Photo: François Louis)2
les berges au risque de les inonder tous. Depuis des dizaines d'années, Etienne Saintval, un octogénaire bien en chair, habite également une maisonnette située à quelques mètres du canal de Bois-de-chêne. Après les dernières pluies, il vit, comme tant d'autres, la peur constante d'être frappé par les eaux en furie. Il n'y va pas par quatre chemins pour raconter sa misère. « Nous ne vivons pas ici, soupire M. Saintval, géniteur de 38 enfants - dont 6 sont déjà passés de vie à trépas - de 10 femmes différentes. Après la pluie, le soleil revient pour les autres, mais il fait toujours mauvais temps pour nous. »
« Nous n'avons rien en termes d'infrastructures. D'ailleurs, nous ne pouvons même pas bien respirer à cause de l'odeur pestilentielle dégagée par les fosses septiques ainsi que tous ces déchets qui nous entourent. On nous oublie ici », déplore M. Saintval, évoluant dans un environnement tellement dégradé au point de devenir pratiquement invivable.
Sans emploi depuis quarante ans, M. Saintval tente aujourd'hui de gagner sa vie - mais quelle vie - comme accoucheur. « J'ai suivi des séances d'entraînement comme matrone à Jacmel et j'ai obtenu mon diplôme en décembre 2003 », explique-t-il avant d'entrer dans sa maison et d'en ressortir, une copie du précieux diplôme à la main.
Manifestement en colère, il n'est pas le seul à tirer à boulets rouges sur les autorités du pays. « Les responsables n'entendent rien faire en vue de corriger la situation qui s'aggrave de jour en jour, dit-il, debout en face du menaçant canal de Bois-de-chêne aux abords duquel les piles d'immondices s'amoncellent. Ils préfèrent que les choses restent inchangées afin qu'ils puissent continuer à faire leur beurre au détriment des sans-abri. »
Victor Jean Junior http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=50391&PubDate=2007-10-31
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