Publié le dimanche 13 janvier 2013 à 14:03 par Marc MAHUZIER
Comment arrive-t-on à faire des études quand on est fils de paysan en Haïti, un des pays les plus pauvres au monde ? Réponse à l'université régionale des Gonaïves, dans le département de l'Artibonite. Avec ses 1500 étudiants et un manque effarant de moyens, elle concentre toutes les difficultés de l'enseignement supérieur public dans un pays qui n'arrive pas à se remettre du tremblement de terre de janvier 2010.
Chemise blanche et cravate foncée, Stanley, 23 ans, est élégant comme pour un mariage. La journée est importante. Sa petite université régionale des Gonaïves reçoit des visiteurs de marque : une délégation d'universitaires français et haïtiens venus inaugurer le tout nouveau « campus numérique ». Une salle équipée d'ordinateurs avec accès gratuit à Internet. On a préparé des discours, installé une sono qui se montrera capricieuse. Et prévu un buffet de boissons fraîches sur lequel tout le monde se jettera, car la chaleur est écrasante.
« Pratiquement personne n'a d'ordinateur personnel »
Ce « campus numérique » installé par l'Agence des universités francophones, c'est la bonne nouvelle du trimestre pour ces étudiants, tous fils de paysans d'une région parmi les plus pauvres du pays. « Pratiquement personne n'a d'ordinateur personnel. Quand on veut aller sur Internet, il faut payer vingt-cinq gourdes (0,50 €) de l'heure dans un cybercafé. C'est cher ! », explique le jeune homme.
Avec ses 1 500 étudiants qui suivent des formations en comptabilité, gestion, soins infirmiers ou sciences de l'éducation, l'université des Gonaïves concentre tous les problèmes de l'enseignement supérieur public haïtien. Elle a été créée en 2006, dans les bâtiments d'un hôpital désaffecté. Le nouveau « campus numérique », par exemple, a trouvé refuge dans l'ancien bloc opératoire. L'installation dans de nouveaux locaux était prévue. Mais une inondation, en 2008, a stoppé le chantier. Depuis, le provisoire dure et nul n'ose prédire quand il prendra fin.
En octobre, les étudiants ont fait grève et défilé avec des pancartes. « Depuis la sortie de la première promotion, en 2011, aucun de nous n'a reçu son diplôme », explique Nadège Jean. La jeune femme a passé une licence en comptabilité. Elle voulait poursuivre vers un master, sans doute à l'étranger, car c'est souvent la seule solution. Elle a dû renoncer.
Le recteur, Roldano Auguste, parle de « crise purement administrative ». Mais l'affaire est autrement plus grave. Son prédécesseur à la tête de l'université avait dénoncé la corruption de son adjoint, le secrétaire général. Il a reçu des menaces de mort et s'est enfui. De là, la « crise purement administrative » dont parle Roldano Auguste, qui a hérité d'une situation des plus délicates.
« On n'a rien »
Corruption ? À Port-au-Prince, Sauvenel, étudiant en droit, confirme que sans l'appui d'un « parrain », on ne peut ni s'incrire à l'université publique ni ensuite trouver un travail. Reste la solution de l'université privée. Beaucoup sont d'un niveau crasse, avec des enseignants possèdant tout juste le bac. Quelques unes sont excellentes, comme Lumière, Notre Dame ou, surtout, Quisqueya. Mais la qualité a un prix : 1 300 € l'inscription annuelle. Une fortune pour 99 % de la population. « Seule une minorité d'Haïtiens peut faire des études », regrette Stanley.
Accéder à une instruction supérieure reste un privilège dont ne profitent que 60 000 jeunes. Les facultés de médecine, par exemple, ne produisent que 400 médecins par an. Dont la moitié file exercer à l'étranger, aux États-Unis surtout. La fuite des cerveaux est le problème numéro 1 : 85 % des diplômés exercent hors du pays. Mais comment les en blâmer quand on sait qu'un médecin gagne 600 € par mois ?
« On étudie dans des conditions exécrables »
On visite les locaux des Gonaïves et on est effaré par l'indigence des moyens. Les salles de cours sont d'une simplicité monacale. Pas de restaurant universitaire ni de résidence pour loger ces garçons et filles. Certains font 25 km à vélo le matin et autant le soir pour assister aux cours. Les autres se logent comme ils peuvent.
Stanley dort par terre chez un copain qui ne le fait pas payer. « De toutes façons, je ne pourrais pas. » Il se nourrit de sandwiches, d'un plat chaud quand il peut. Et reconnaît avoir souvent faim. « Parfois, des étudiants tombent dans les pommes en cours », confirme cet universitaire français en poste à Port-au-Prince. « On étudie dans des conditions exécrables », résume Ernso, grand gaillard au verbe éloquent.
Et ce n'est pas là une exception réservée à la province. Léandre, qui étudie le droit à la capitale, témoigne du même dénuement. « On n'a rien, même pas une bibliothèque digne de ce nom. On est obligés d'acheter les manuels. Comme cela coûte cher, on se cotise à plusieurs et on recopie. »
Le gouvernement, qui annonce avoir fait de l'éducation une priorité, a promis des bourses de 60 € par mois. Mais beaucoup d'étudiants sont opposés au pouvoir et pas décidés à accepter. « Ce qu'on veut, c'est une véritable politique de l'enseignement supérieur », dit Léandre. Revendication légitime, mais qui semble pour le moment, hors de portée.
http://www.jactiv.ouest-france.fr/actualites/monde/difficile-condition-detudiant-haiti-13475
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
lundi 14 janvier 2013
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