En campagne à Lascahobas, dans le Plateau central, Mirlande H. Manigat invite ses électeurs à voter en masse en vue de déjouer les complots ourdis contre elle sur son chemin vers la présidence. Métaphorique, elle appelle aussi « les hommes à se serrer la ceinture et les femmes à enfiler des sous-vêtements en fer ». Récit. Haïti: 18 novembre 2010. Jour J-10 avant la présidentielle et les législatives. Le soleil est au zénith mais il fait encore frais. Sans alizé. Sans mistral. Sur le pont jeté sur la rivière Lescahob, à l'entrée de la ville, un supporter de Mirlande H. Manigat ratisse large : « Une grande dame visite Lascahobas aujourd'hui », lance-t-il sur un air de campagne. « On sait. On sait », répond volontaire une femme dans la vingtaine, le visage rond, les cheveux gominés, les pieds dans le courant dont les échos rythment le quotidien de ce bourg du Bas Plateau central où la morphologie des habitants témoigne d'un riche brassage ethnique entre les Amérindiens, les Espagnols et les Africains des derniers centenaires. « Je finis ma lessive et j'y vais », promet-elle avant de se laisser entraîner par la conversation avec d'autres femmes au bord de la rivière, véritable liant dans les communautés rurales.
Comme une traînée de poudre, la nouvelle continue de se répandre et des percussionnistes ambulants guidés par un jeune homme longiligne portant un t-shirt à l'effigie de la candidate du RDNP, sillonnent les quartiers populeux dans les environs du marché. « Oui au changement, non à la continuité du choléra », scandent-ils en se rendant au meeting. Le temps file. Au coeur de la ville, sur la Place de l'église dominée par le buste de feu « Père Block » et par des photos d'autres candidats, tout est fin prêt. Le son, les banderoles, les militants et les curieux dont une majorité de jeunes des deux sexes. « Elle arrive! Elle arrive!» , crie soudain un motard un peu après 14 heures.
Turban crème autour de la tête, chemise gris cendre à rayures dorées quelque peu délavée, le visage fatigué mais illuminé par un large sourire, Mirlande H. Manigat, accompagnée des sénateurs Youri Latortue, Evalière Beauplan, de Me Reynold Georges... se fraie un passage vers l'estrade. Maternelle, le contact un peu plus facile qu'avant avec le commun des mortels, Mirlande H. Manigat, dévorée par des yeux admiratifs montre des signes de tendresse à l'égard d'une demi-douzaine d'enfants. La posture de la grand-mère...
« Laissez les enfants venir à moi », lâche-elle tandis que « Maître Boltaire », candidat à la députation sous la bannière du RDNP, harangue la foule avec un mélange de dénonciation de la médiocrité et d'étalage des différentes revendications des lascahobassiens : électricité, « décentralisation de l'université... ». « Nous sommes pour le changement, contre la continuité », lance-t-il sous les vivats, en invitant les électeurs à voter pour lui. « Un homme capable de les représenter valablement, de défendre leurs intérêts au Parlement », clame M. Boltaire, suivi au micro par Evalière Beauplan, Reynold Georges et Youri Latortue dont les messages, critiques à l'égard de la gestion du pouvoir et de la continuité made in Préval, mettent l'emphase sur Mirlande Manigat, une « femme capable », « la chance qui passe », selon eux.
Le bras droit en l'air, Mme Manigat, entraînée par la mélodie de sa chanson de campagne danse et s'introduit. Elle casse le tempo. Professoral, elle explique, au terme d'une conversation avec un jeune en classe terminale quelque peu empêtré et hué qui confie qu'il souhaite étudier l'agronomie en vue de valoriser la production de ses parents agriculteurs, « que le pays a besoin d'agronomes. C'est la science. Nous devons coupler cette science avec l'expérience du paysan agriculteur».
« Le pays a besoin d'être modernisé », lance la candidate qui promet qu'elle fera appel aux gens les plus capables aux postes de responsabilités. « Je ne gouvernerai pas le pays toute seul. Je serai entourée des meilleurs dans tous les domaines afin de résoudre les problèmes », poursuit-elle, sans électriser la foule inerte, visiblement assoiffée de slogans, de formules électorales lapidaires. Flop ?
« Je sais comment diriger un pays avec honnêteté, sérieux et efficacité. Je suis préparée pour », garantit l'épouse de l'ex-président Leslie Manigat, qui promet aussi de lutter contre l'injustice sociale. « Je ne promets pas la lune en cinq ans, mais je vous promets de l'action », enchaîne la candidate, détentrice d'un doctorat en sciences politiques de la Sorbonne, qui annonce une croisade contre la corruption, la haine, le chômage.
Plus vigoureuse, plus persuasive, elle appelle les électeurs à voter massivement. « J'ai besoin d'un vote massif pour éviter les problèmes avec les méchants qui ourdissent des complots afin de voler le vote du peuple ». Plus incisive, plus combative, Mirlande Manigat qui souligne qu'elle ne tombera pas malade, qu'elle n'a pas de problèmes aux pieds comme on le prétend, invite ses supporteurs à lutter pour faire respecter leur volonté. « Les hommes doivent se serrer la ceinture et les femmes prêtes à enfiler des sous-vêtements en fer », lance-t-elle sous les applaudissements, avant de remercier son public et se frayer difficilement un passage vers un véhicule tout-terrain en direction de Mirebalais. Et laisser dans le coeur de ses partisans un enthousiasme non contenu."C'est l'ère des femmes, car les hommes ont échoué", plaisante Mirna, une Lascahobassiene qui "attend le jour du vote avec impatience"...
Roberson Alphonse
ralphonse@lenouvelliste.com
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
samedi 20 novembre 2010
Manigat : « Soyez prêts à vous battre pour votre vote ! »
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